Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision

[1] Le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») refuse la permission d’en appeler.

Contexte

[2] La présente demande est soumise en application du paragraphe 56(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (« la Loi »). La demanderesse demande la permission d’interjeter appel de la décision rendue par la division générale le 21 août 2013, qui rejetait de façon sommaire son appel d’une décision de lui refuser des paiements de prestations de la Sécurité de la vieillesse (« SV ») rétroactifs à 1998.

[3] Le membre de la division générale a rejeté de façon sommaire l’appel de l’appelante parce qu’elle a conclu que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[4] Le membre de la division générale a conclu que l’article 8 de la Loi sur la Sécurité de la vieillesse, qui prévoit qu’à compter du moment où commence le paiement d’une pension de la SV, la période de rétroactivité maximale est d’un an. Le membre a tenu pour avéré que l’appelante avait atteint l’âge de 65 ans en1998, mais qu’elle n’avait présenté une demande de prestations de la SV que le 23 février 2011. La demande a été approuvée, le versement de la pension commençant en mars 2010, soit 11 mois avant la date à laquelle la demande de prestations de la SV a été reçue. Par conséquent, le membre de la division générale a rejeté l’appel de façon sommaire.

[5] La demanderesse soutient que le paiement devrait commencer un mois après son 65e anniversaire, c’est-à-dire en mai 1998 et non en mars 2010.

Motifs de la demande

[6] Le représentant de la demanderesse a présenté en son nom deux motifs qui, selon lui, constituent le fondement de la demande :

[Traduction]

  1. a) Selon l’alinéa 58(1)c) de la Loi, la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
  2. b) Durant la période à l’égard de laquelle est présentée la demande (en 1998), la demanderesse était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande.

Questions en litige

[7] a) Le Tribunal doit déterminer si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

  1.  b) Le Tribunal doit également déterminer si la division générale a commis une erreur de droit en omettant de considérer si durant la période à l’égard de laquelle est présentée la demande, la demanderesse était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande.

Droit applicable

Processus d’appel

[8] La disposition législative applicable figure à l’article 56 de la Loi. Le paragraphe 56(1) prévoit que la capacité d’interjeter à la division générale appel dépend de l’octroi de la permission à cette fin. Ainsi, selon paragraphe 56(1) : « Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. »

[9] Une exception à l’obligation d’obtenir la permission figure au paragraphe 56(2) lorsque l’appel est interjeté contre le rejet sommaire de la division générale : « Toutefois, il n’est pas nécessaire d’obtenir une permission dans le cas d’un appel interjeté au titre du paragraphe 53(3) ». (Rejet sommaire)

[10] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Dispositions pertinentes de la Loi sur la sécurité de la vieillesse

[11] La demanderesse se fonde sur le troisième des moyens d’appel énoncés à l’article 58. Elle se fonde également sur l’article 28.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse :

28.1   Incapacité (1) Dans le cas où il est convaincu, sur preuve présentée par une personne ou quiconque de sa part, qu’à la date à laquelle une demande de prestation a été faite, la personne n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation, le ministre peut réputer la demande faite au cours du mois précédant le premier mois au cours duquel le versement de la prestation en question aurait pu commencer ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon le ministre, la dernière période pertinente d’incapacité de la personne a commencé.

[12] Le paragraphe 28.1(4) prévoit que le présent article « ne s’applique qu’aux personnes devenues incapables le 1er janvier 1995 ou après cette date ».

Observations

[13] Le représentant de la demanderesse soutient qu’elle souffre [traduction] « d’incapacité » depuis 1998, l’année où elle a atteint l’âge de 65 ans. Il a fait observer que, depuis 1998, la demanderesse [traduction] « n’a pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation ». Comme preuve de l’incapacité de la demanderesse, le représentant soutient que la demanderesse :

[Traduction]

  1. a) ne disposait pas des ressources de cette pension (la pension de la SV) et ne savait pas comment faire pour la demander;
  2. b) est peu scolarisée et a une connaissance limitée de l’anglais et ne connaissait pas non plus la pension de la SV et comment la demander;
  3. c) a été mal renseignée sur la pension de la SV et s’est fiée sur ces renseignements erronés, à son détriment, car elle n’avait pas les compétences et les ressources nécessaires pour remettre en question les conseils erronés.

[14] L’intimé n’a présenté aucune observation écrite.

Analyse

  1. a) La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[15] Hormis cette simple affirmation, la demanderesse et son représentant n’ont fourni aucun élément de preuve susceptible d’établir que la division générale avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et qu’il y a avait donc eu une erreur. Par conséquent, le Tribunal juge que ce moyen d’appel n’a pas été établi.

  1. b) La demanderesse n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation de la SV avant le 23 février 2011.

[16] Il s’agit d’une question mixte de fait et de droit, c’est-à-dire si la demanderesse répond à la définition de l’incapacité et, dans l’affirmative, si et dans quelle mesure elle a droit à un paiement rétroactif additionnel de prestations de la SV. Cette question n’a pas été soumise directement à la division générale, bien que les éléments de preuve sur lesquels se fonde la demanderesse se trouvaient en fait dans les documents présentés à la division générale. Au demeurant, la seule question qui a été soumise à la division générale semble avoir été la question de la confiance préjudiciable de la demanderesse à l’égard des conseils erronés fournis par le personnel de Service Canada et des agents consulaires canadiens.

Conseils erronés

[17] La demanderesse a soulevé la question des conseils erronés devant la division générale, qui l’a examinée et l’a rejetée. Le Tribunal estime que la décision de la division générale relativement à la question des conseils erronés répond à la norme du caractère raisonnable énoncée dans Dunsmuir. Les motifs de la division générale permettent au Tribunal de comprendre pourquoi le membre de la division générale a pris sa décision et de déterminer si ses conclusions appartenaient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190); Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708).

Incapacité

[18] En ce qui a trait à la question de la capacité de la demanderesse de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations de la SV, le Tribunal note que dans Canada (Procureur général) c. Poon, 2009 CF 654, le juge Beaudry, s’exprimant au nom de la Cour, a fourni les indications suivantes sur l’interprétation et l’application de l’article 28.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.  Le juge Beaudry a expliqué l’interprétation à donner à l’expression « n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention », ainsi :

[29] Les termes utilisés au paragraphe 28.1(2) de la Loi consistent à se demander non pas si l’intéressé n’a pas été capable de faire une demande, mais plutôt s’il n’est pas capable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. De plus, l’incapacité doit être continue (paragraphe 28.1(3) de la Loi; Goodacre c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2000 LNCCAP 19, appel CP07661, le 21 juin 2000 (C.A.P.)). Les rapports médicaux et les activités exercées par la défenderesse durant la période d’incapacité alléguée sont cruciaux pour conclure à une incapacité.

[19] Au paragraphe 30 de la décision, le juge Beaudry a ensuite énoncé les considérations qui devraient s’appliquer lorsque l’article 28.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse est interprété, notant que :

[30] Lorsqu’on interprète l’article 28.1 de la Loi, il faut se demander non pas si l’intéressé est capable de composer avec les conséquences d’une demande, mais plutôt s’il était capable de former l’intention de faire ou non une demande (Morrison c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1997 LNCPEN 49, appel CP04182, le 4 mai 1997 (C.A.P.)).

[20] Le juge Beaudry a également indiqué que la capacité de la défenderesse de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations de la SV était une question de droit et de fait assujettie à la norme de la décision raisonnable. (Paragraphe 25)

[21] En l’espèce, le représentant de la demanderesse a indiqué que la demanderesse est frappée d’une incapacité en raison de sa faible scolarité et de sa maîtrise limitée de l’anglais, ainsi que de son manque d’argent et de connaissance de la SV. La jurisprudence antérieure du tribunal de révision n’étaye pas sa position. Les tribunaux de révision ont toujours considéré le volet médical comme étant le fondement de l’incapacité selon l’article 28.1. Par conséquent dans C-70042 c. MDRH (22 octobre 2002) TR, le tribunal de révision a indiqué que qui suit :

[Traduction]
Le seuil de capacité devrait être établi à un faible niveau. Il ne s’agit pas d’une question d’intention générale par opposition à une question d’intention spécifique. L’ignorance de la loi et le manque de connaissance sur les prestations disponibles ou le droit de faire une demande ne constituent pas une incapacité de former une intention. La capacité d’effectuer les activités de la vie quotidienne est considérée comme étant une preuve de la capacité de former et d’exprimer une intention. De plus, dans V-35107 c. MDRH (30 juillet 1998) (TR), le tribunal de révision a déterminé qu’une personne ne peut être considérée comme étant incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande du seul fait qu’elle ne connaissait pas la loi. Indépendamment des problèmes de santé mentale, y compris d’un manque de jugement, d’une intelligence limitée et d’une faible scolarité, la preuve doit établir qu’il existe un problème mental ou physique suffisamment grave pour causer l’incapacité au sens de la loi.

[22] À cet égard, les décisions de ces tribunaux de révision font toujours autorité et bien qu’elles ne lient pas le présent Tribunal, elles ont une valeur persuasive. Toutefois, le Tribunal se fonde davantage sur la jurisprudence établie au titre du paragraphe 60(9)  du Régime de pensions du Canada que sur les décisions de ces tribunaux de révision.

[23] Il a été fait valoir dans Poon que le libellé du paragraphe 28.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse est identique à celui du paragraphe 60(9) du Régime de pensions du Canada et que, par analogie, le critère juridique pour les deux dispositions législatives devrait être identique. Le paragraphe 60(9) dit ceci :

60(9) Le ministre peut réputer une demande de prestation avoir été faite le mois qui précède le premier mois au cours duquel une prestation aurait pu commencer à être payable ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon lui, la dernière période pertinente d’incapacité du demandeur a commencé, s’il est convaincu, sur preuve présentée par le demandeur :

  1. a) que le demandeur n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant la date à laquelle celle-ci a réellement été faite;
  2. b) que la période d’incapacité du demandeur a cessé avant cette date;
  3. c) que la demande a été faite, selon le cas :
    1. (i) au cours de la période — égale au nombre de jours de la période d’incapacité mais ne pouvant dépasser douze mois — débutant à la date où la période d’incapacité du demandeur a cessé,
    2. (ii) si la période décrite au sous-alinéa (i) est inférieure à trente jours, au cours du mois qui suit celui au cours duquel la période d’incapacité du demandeur a cessé.

[24] De toute évidence, il y a des différences entre les deux dispositions législatives. Premièrement, l’article 28.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse ne prévoit pas une situation où la demande est faite par la personne elle-même, tandis que le paragraphe 60(9) du Régime de pensions du Canada prévoit une situation où la demande est faite par la personne ou par une autre personne en son nom. Deuxièmement, le paragraphe 60(9) du Régime de pensions du Canada traite d’une situation où l’invalidité a cessé, tandis que l’article 28.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse n’en traite pas. Ces différences mises à part, les deux dispositions s’articulent autour de la même question de capacité « de former ou d’exprimer l’intention » de faire une demande de prestations au titre des lois applicables. C’est ce point et la discussion à ce sujet qui sont pertinents.

[25] En ce qui a trait à la nature du paragraphe 60(9) du Régime de pensions du Canada, la Cour d’appel fédérale dans in Canada (Procureur général) c. Danielson, 2008 CAF 78 a décrit l’article comme étant « précis et ciblé en ce sens qu’il n’exige pas de prendre en compte la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestations d’invalidité, mais seulement et tout simplement la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande ». Par conséquent, les activités de la personne en cause entre la date prétendue de début de l’invalidité et la date de la demande peuvent être pertinentes pour nous éclairer sur son incapacité permanente de former ou d’exprimer l’intention requise, et devraient donc être examinées.

[26] En disant cela, la Cour d’appel fédérale faisait écho à la position de la Commission d’appel des pensions dans Morrison c. MDRH (1997), CP 4182 (CAP). La CAP y indiquait que [traduction] « les dispositions des paragraphes 60(8) à 60(11) du Régime de pensions du Canada sont précis et circonscrits plutôt que généraux ou flexibles. La question de savoir si l’appelante était capable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande est une question qui est définie précisément, bien qu’il soit difficile d’y répondre. Pour ce faire, il peut être nécessaire d’obtenir un avis médical spécialisé touchant particulièrement la période entre la date prétendue de début de l’invalidité et la date de l’éventuelle demande de prestations d’invalidité, et surtout les activités pertinentes de la personne en cause entre la date prétendue de début de l’invalidité et la date de la demande, ce qui nous informe sur la capacité de cette personne pendant la période en question de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande ».

[27] La demanderesse et son représentant n’ont présenté aucun avis médical permettant d’établir si la demanderesse était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations de la SV en 1998, et ce, jusqu’au 23 février 2011. Ils n’ont pas fourni non plus d’éléments de preuve des activités de la demanderesse entre la période pertinente qui auraient pu nous éclairer sur sa capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations de la SV. Toutefois, dans sa lettre datée du 12 janvier 2012, la demanderesse indique que, déjà en 1986, son époux et elle avaient demandé de l’information à un consulat du Canada sur la façon de présenter une demande de pension de la SV. En 1986, la demanderesse était âgée de 53 ans. Le Tribunal estime que ces actions démentent la présente allégation selon laquelle, en 1998, la demanderesse était [traduction] « incapable de connaître la pension de la Sécurité de la vieillesse lorsqu’elle a eu 65 ans ».

[28] En outre, le Tribunal est d’avis que le fait de communiquer avec un consulat du Canada en 1986 pour s’informer sur l’admissibilité indique qu’en 1986, la demanderesse avait formé l’intention requise de faire une demande de pension de la SV. Le Tribunal estime que ses actions minent l’allégation de la demanderesse voulant qu’elle ait été incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de pension de la SV en 1998.

[29] Le Tribunal estime également que l’absence de documents médicaux ayant trait à la période entre la date prétendue de début de l’invalidité et la date de l’éventuelle demande de prestations d’invalidité, comme il est clairement prévu par la jurisprudence, mine l’allégation d’incapacité de la demanderesse. Sur le fondement de ce qui précède, le Tribunal juge que la demanderesse n’a pas réussi à établir une cause défendable.

[30] À la lumière de l’analyse qui précède, le Tribunal est convaincu que le membre de la division générale n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle a pris la décision de rejeter de façon sommaire l’appel de l’appelante.

Conclusion

[31] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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