Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision

[1] La permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale est refusée.

Introduction

[2] Le demandeur a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti. L’intimé a jugé que le demandeur n’avait pas droit à la pleine pension de la Sécurité de la vieillesse et a refusé sa demande de Supplément de revenu garanti, initialement et après réexamen. L’appelant a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision.  Conformément à la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, l’affaire a été renvoyée à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale le 1er avril 2013.

[3] La division générale a fixé une audience par téléconférence.  Le demandeur s’est opposé à ce mode d’audience et a insisté pour que l’audience ait lieu en personne. La division générale a ultérieurement décidé que l’audience aurait lieu par vidéoconférence.

[4] Le 25 novembre 2014, le demandeur a déposé devant la division d’appel une demande de permission d’en appeler  d’une décision de la division générale portant sur le mode d’audience. Il soutenait avoir le droit d’être entendu en personne.  Il a également déclaré qu’une audience en personne était nécessaire en raison de sa perte d’audition et des restrictions relatives à son bras et à sa main dominants, ainsi que pour démontrer la nécessité qu’il s’adresse à la justice aux États-Unis d’Amérique et a demandé la permission de produire à l’audience des documents s’y rapportant.  L’appelant a appuyé ses prétentions sur un document préparé par la BC Coalition of Peoples with Disabilities, de même sur de la jurisprudence.

[5] L’intimé n’a pas produit de document au sujet de cette demande.

Analyse

[6] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social régit le fonctionnement du Tribunal. L’article 55 de cette Loipermet de porter en appel les décisions de la division générale à la division d’appel.  De plus, l’article 58 énumère les seuls moyens d’appel que peut examiner la division d’appel et prévoit que la division d’appel doit rejeter la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès (ces articles de la Loisont reproduits en annexe de la présente décision).

[7] Pour recevoir la permission d’en appeler, le demandeur doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 A.C.F. 4, Fancy c. c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[8] Par conséquent, je dois décider si le demandeur a soulevé un moyen d’appel prévu par l’article 58 de la Loiayant une chance raisonnable de succès en appel.

[9] Le demandeur a prétendu avoir le droit d’être entendu en personne.  Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoit (article 21) que l’audience peut être tenue par écrit, téléconférence, vidéoconférence ou tout autre moyen de télécommunication, ou en personne. De plus, l’article 28 du Règlementprévoit qu’après que tous les documents ont été déposés à la division générale (ou que le délai pour le faire a expiré), la section de la sécurité du revenu doit soit rendre sa décision en se fondant sur les documents et observations déposés, soit, si elle estime qu’elle doit entendre davantage les parties, leur faire parvenir un avis d’audience (voir l’annexe). À la simple lecture de cette disposition, il est évident que personne n’a droit à une audience en personne. Pour ce motif, cet argument ne soulève pas un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès en appel.

[10] Le demandeur appuie ses prétentions sur une publication de la BC Coalition of Peoples with Disabilities.  Ce document ne lie pas le Tribunal.  De plus, il s’agit d’un document conçu pour aider à présenter des demandes de prestations d’invalidité.  Il ne contient aucun renseignement que le demandeur n’a pas lui-même produit au soutien de sa demande. Sa présentation n’est pas un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès en appel.

[11] Le demandeur a également cité l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Singh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration ([1986] 1 RCS 177) au soutien de sa prétention relative au droit à une audience en personne.  Bien qu’il s’agisse d’une décision rendue dans le contexte de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, je suis d’avis que les motifs sont convaincants.  Dans cette affaire, la Cour a conclu que, dans le domaine des décisions quasi-judiciaires, il y a une obligation d’agir équitablement envers les parties. Cela signifie que les parties doivent savoir ce qu’elles doivent prouver et avoir la possibilité d’exposer leur cause.  Cela ne signifie pas, toutefois, que les parties ont dans chaque cas le droit à une audience en personne.  Cet arrêt n’aide pas les prétentions du demandeur.

[12] La Cour suprême du Canada a également traité de l’équité procédurale dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817. Cet arrêt énonce clairement qu’une décision qui touche les droits, privilèges ou biens suffit pour entraîner l’obligation d’équité. La notion d’équité procédurale est toutefois variable et son contenu est tributaire du contexte de chaque cas. La décision énumère ensuite un certain nombre de facteurs dont il faut tenir compte pour décider de la nature de l’obligation d’équité qui s’applique dans un cas particulier, notamment, la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir, la nature du régime législatif et les termes de la loi régissant l’organisme, l’importance de la décision pour la personne visée, les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision et les choix de procédure que l’organisme fait lui-même, particulièrement quand la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures.

[13] Lorsque j’applique ces facteurs à la situation en l’espèce, j’en viens aux conclusions suivantes. Premièrement, il est évident que la décision de la division générale sur le fond de l’appel qui lui est soumis à une incidence sur les privilèges du demandeur.  Une décision sur le mode d’audience détermine ces privilèges et, par extension, se répercute sur eux.

[14] Ensuite, la décision en question en l’espèce est de nature procédurale.  Le mode d’audience ne modifie pas le fait que le demandeur a la possibilité de présenter sa position et de répondre à la position de l’intimé.

[15] Je reconnais que les points en litige sont importants pour le demandeur.

[16] J’accorde une grande importance à la nature du régime législatif qui régit le Tribunal de la sécurité sociale.  Il s’agit d’un nouveau tribunal qui vise le règlement des différends de la manière la plus expéditive et économique possible. À cette fin, le Parlement a adopté une loi qui accorde au Tribunal la discrétion pour fixer le mode d’audience, que ce soit en personne, par vidéoconférence ou par écrit, etc. La discrétion de décider du mode d’audience de chaque cause ne doit pas être restreinte indûment.

[17] Plusieurs décisions judiciaires ont traité de la notion des attentes légitimes.  Il découle clairement de ces décisions que cette notion se rapporte aux attentes sur la procédure, et non sur le fonds.  Autrement dit, la partie à une demande devant le Tribunal de la sécurité sociale (TSS) peut s’attendre à certaines garanties procédurales, mais non à une issue précise de sa cause (voir Baker, susmentionnée). Récemment, la Cour fédérale a traité de la question des attentes légitimes dans le contexte d’un appel devant la division d’appel du TSS, dans Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100.  Dans cette affaire, la demanderesse cherchait à obtenir le contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel du TSS. Elle avait interjeté appel à la Commission d’appel des pensions, qui n’avait pas entendu la cause avant la fin de son mandat.  La cause a été transférée à la division d’appel du TSS. Le TSS a entendu l’affaire sur le fondement de la loi antérieure à l’entrée en fonction du TSS, en raison des attentes légitimes de la demanderesse lorsqu’elle avait interjeté appel. Dans sa décision, la Cour fédérale a statué que la théorie des attentes légitimes se limite aux règles d’équité procédurale.  Elle a conclu que le TSS avait erré et que la loi en vigueur lors de l’audience aurait dû être appliquée au lieu de la loi qui était en vigueur lors de la demande à la Commission d’appel des pensions.  Les attentes légitimes des parties ont été limitées aux questions de procédures et n’ont pas été appliquées aux moyens d’appel.

[18] De même, en l’espèce, je suis d’avis que les attentes légitimes du demandeur ne s’étendent pas de manière à inclure le droit à une audience en personne.  Ni la Loiqui régit le TSS, ni le Règlement ne le prévoient.  De plus, le demandeur a interjeté son appel à la division d’appel du TSS et non à la Commission d’appel des pensions, qui tenait uniquement des audiences en personne.

[19] Finalement, je dois examiner les choix de procédure faits par le TSS. Le Règlementprévoit que le membre du Tribunal doit déterminer le mode d’audience,  sans donner de directive sur la manière dont la décision doit être prise.  Il s’agit d’une décision discrétionnaire.  Il convient donc de faire preuve de déférence quant à la décision du membre dans chaque cas.  En l’espèce, le membre a décidé initialement que l’audience aurait lieu par téléconférence. Après l’opposition du demandeur, cette décision a été réexaminée et, pour satisfaire le demandeur, le membre responsable de la question a décidé de tenir l’audience par vidéoconférence.

[20] Bien que le demandeur ait continué à s’opposer à ce mode d’audience, je ne suis pas convaincue par ses arguments.  Il n’a mentionné aucune erreur de droit ou de fait que le membre aurait commise en rendant sa décision.  Il a soutenu qu’il ne pourrait présenter pleinement sa position, ce qui pourrait être contraire à la justice naturelle.  Toutefois, ses arguments à cet égard portent sur la nécessité d’être vu par le membre du Tribunal et sur les limites physiques qui rendraient difficile l’audition de la téléconférence.  L’utilisation de la vidéoconférence règle adéquatement ces difficultés.  Le demandeur a également prétendu disposer d’arguments et de documents au soutien de sa position qu’il serait préférable de présenter à l’audience.  Il n’a pas expliqué pourquoi les documents ne pourraient pas être présentés avant l’audience.  Il se pose également la question de savoir si la présentation de documents à l’audience porterait préjudice à l’intimé.  Le Règlementprévoit un calendrier de divulgation de documents qui fait en sorte que les documents présentés à l’audience ne sont pas admis en preuve.  Par conséquent, les arguments présentés par le demandeur ne soulèvent pas un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès en appel.

[21] Finalement, je note que la Cour d’appel fédérale a décidé, dans Szczecka . Ministre de l’Emploi et de l’Immigration du Canada [1993] F.C.J. No. 934 qu’on ne devrait pas réviser des décisions interlocutoires, sauf dans des circonstances spéciales. Cela permet d’éviter de renverser des décisions, ce qui donne lieu à des délais et à des frais et nuit à la bonne administration de la justice.  Dans CHC Global Operations, A Division of CHC Helicopters International Inc. c. Global Helicopter Pilots Association 2008 CAF 344. la Cour d’appel fédérale a clairement déclaré que la justice est mieux servie si l’on permet au tribunal de première instance de terminer son travail, ce qui permet à cette cour de juger les appels dont elle est saisie en sachant que toutes les questions en litige peuvent être examinées au cours d’une même audience à partir d’un dossier complet. (Voir également Canada (Agence des services frontaliers) c.  C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61).  Ces motifs lient le présent Tribunal.  Pour ces motifs, je suis également d’avis que la présente demande de permission d’en appeler d’une décision interlocutoire de la division générale est prématurée.  Elle devrait être présentée après l’audience au fond, de façon à permettre d’apporter une solution à la demande qui soit la plus rapide, efficace et économique possible.

[22] Pour ces motifs, la demande est rejetée et la permission d’en appeler est refusée.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

55. Toute décision de la division générale peut être portée en appel devant la division d’appel par toute personne qui fait l’objet de la décision et toute autre personne visée par règlement.

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale

2. Le présent règlement est interprété de façon à permettre d’apporter une solution à l’appel ou à la demande qui soit juste et la plus expéditive et économique possible…

21. Si le Tribunal fait parvenir un avis d’audience en vertu du présent règlement, le Tribunal peut tenir l’audience selon l’un ou plusieurs des modes suivants :

  1. a) au moyen de questions et réponses écrites;
  2. b) par téléconférence, vidéoconférence ou tout autre moyen de télécommunication;
  3. c) par comparution en personne des parties.

28. Une fois que toutes les parties ont déposé l’avis selon lequel elles n’ont pas de documents ou d’observations à déposer ou à l’expiration de la période applicable prévue à l’article 27, selon le premier de ces événements à survenir, la section de la sécurité du revenu doit sans délai :

  1. a) soit rendre sa décision en se fondant sur les documents et observations déposés;
  2. b) soit, si elle estime qu’elle doit entendre davantage les parties, leur faire parvenir un avis d’audience.
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