Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Introduction

[1] Le demandeur veut porter en appel la décision rendue par la division générale le 7 novembre 2014. La division générale a déterminé que le demandeur n’était pas admissible à une pension de la sécurité de la vieillesse (SV) parce qu’elle a conclu qu’il n’avait pas établi une résidence canadienne suffisante, telle que définie à l’alinéa 21(1)a) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse, au cours de la période applicable.

[2] Le demandeur a rempli une Demande de permission d’en appeler devant la division d’appel le 5 mars 2015. Il demande la permission aux motifs que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; elle a commis diverses erreurs de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; et elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire. Pour que la demande soit accueillie, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Contexte et historique de l’instance

[3] Il est nécessaire d’examiner le contexte factuel de l’affaire en raison de la nature et de la longueur des observations du demandeur.

[4] Le demandeur a présenté une demande de prestations de la sécurité de la vieillesse le 18 mai 2010 (document GT1-, pages 12 à 15). L’intimé a refusé la demande initiale le 4 octobre 2010 (document GT1, page 10) et au moment du réexamen le 21 octobre 2011 (document GT1, pages 3 et 4), parce que le demandeur n’avait pas établi 20 ans de résidence canadienne après l’âge de 18 ans. Aux environs de novembre 2011, le demandeur a interjeté appel de la décision de réexamen auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR). L’appel a été placé en suspens jusqu’au 27 février 2012, lorsque le demandeur a décidé qu’il ne voulait plus faire appel en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

[5] Le 1er avril 2013, l’appel a été transféré au Tribunal de la sécurité sociale du Canada. En octobre 2013, l’intimé a transmis au Tribunal de la sécurité sociale un avis indiquant qu’il était prêt à procéder. L’appel a été assigné à un membre de la division générale en juillet 2014.

[6] Le 9 juillet 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a écrit aux partie pour les aviser que le membre de la division générale avait l’intention de procéder à une audience par téléconférence, pour les raisons suivantes : [traduction] « la complexité de la (des) question(s) portée(s) en appel; le fait qu’il pourrait y avoir des incohérences dans la preuve plus faciles à examiner dans le cadre d’un certain type d’audience; le rapport coût-efficacité et la rapidité du mode d’audience choisi; et l’obligation prévue dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale de procéder de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent ». Le Tribunal de la sécurité sociale a fait savoir aux parties qu’elles avaient jusqu’au 24 août 2014 pour déposer des documents ou observations supplémentaires (période de dépôt), et qu’elles auraient jusqu’au 23 septembre 2014 pour répondre aux documents additionnels qui pourraient avoir été déposés pendant cette période. La lettre indiquait aussi que le membre de la division générale pourrait ne pas tenir compte des documents qui ne seraient pas déposés dans les délais impartis au moment de rendre sa décision. Si des documents étaient déposés tardivement, mais avant que la décision soit communiquée, le membre de la division générale pourrait en tenir compte à sa discrétion (document GT0 du dossier d’audience).

[7] La lettre du 9 juillet 2014 fournissait aussi les détails de l’audience. La lettre soulignait certaines instructions. Les parties devaient se joindre à la téléconférence au moins dix minutes avant le début de l’audience. Quinze minutes après le début de l’audience, les parties ne pourraient plus se brancher et accéder à la téléconférence. On avait fourni aux parties un numéro de téléphone sans frais. Le Tribunal de la sécurité sociale invitait les parties à le contacter dans les deux jours suivant la réception de l’avis d’audience dans l’éventualité où l’une des parties ne serait pas en mesure de participer à l’audience par téléconférence, ou si une partie avait des besoins particuliers devant être accommodés. Le Tribunal de la sécurité sociale demandait aussi à être avisé si une partie devait être accompagnée par un témoin, ou si les services d’un interprète étaient requis. Enfin, le Tribunal de la sécurité sociale faisait savoir qu’une partie pouvait demander un ajournement de l’audience à condition qu’il y ait des raisons le justifiant. Le Tribunal de la sécurité sociale indiquait aussi que toute demande subséquente d’ajournement ne serait accordée qu’en situation exceptionnelle.

[8] La lettre du 9 juillet 2014 a été remise et la signification été complétée au demandeur le 24 juillet 2014.

[9] Le demandeur s’est adressé au Tribunal par téléphone et a demandé un changement de mode d’audience. Le Tribunal de la sécurité sociale a répondu par écrit au demandeur le 5 août 2014, faisant savoir qu’il fallait une demande par écrit et des observations justifiant la demande de changement de mode d’audience, au plus tard le 18 août 2014 (document GT03 du dossier d’audience).

[10] Le demandeur a répondu par courriel le 17 août 2014. Il a demandé une audience en personne à Toronto et a demandé à la présidente du Tribunal de la sécurité sociale que toute dépense liée au déplacement et aux frais de séjour à Toronto lui soit remboursée, afin qu’il puisse assister à l’audience en personne à Toronto. Il indiquait qu’il avait des raisons particulières : premièrement, il était sans le sous et n’avait pas un crédit suffisant pour payer lui-même les frais de déplacement et de séjour, et deuxièmement, il n’avait pas encore réussi à obtenir les dossiers et à s’assurer de la participation de témoins, et il avait l’impression que le déplacement de Las Vegas à Toronto lui permettrait d’accéder facilement aux documents et à s’assurer la coopération de témoins (documents GT04, GT10 et GT13 du dossier d’audience).

[11] Le 27 août 2014, l’intimé a recommandé que l’appel se déroule par écrit sur la foi du dossier actuel (document GT06 du dossier d’audience). À la même date, le demandeur a écrit par courriel au Tribunal de la sécurité sociale. Une partie de la correspondance était adressée à l’intimé. Le demandeur voulait obtenir une liste de tous les documents qu’il avait déposés jusqu’à présent, ainsi que ceux [traduction] « contraires à [ses] prétentions ». Il demandait aussi à l’intimé de lui communiquer les dates pour lesquelles il acceptait qu’il avait résidé au Canada et de lui indiquer quelle partie de ces années satisfaisait aux exigences de la sécurité de la vieillesse (documents GT07 et GT09 du dossier d’audience).

[12] Le 3 septembre 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a écrit aux parties, en réponse à la demande du demandeur en vue de faire changer le mode d’audience. Le membre a décidé de procéder par téléconférence, pour les motifs indiqués dans l’avis d’audience daté du 9 juillet 2014, et parce que le demandeur n’aurait pas à engager de frais pour assister à une audience en personne au Canada. La lettre a été remise et signifiée au demandeur le 10 septembre 2014 (document GT08-A du dossier d’audience).

[13] Le 18 septembre 2014, le demandeur a écrit à l’intimé pour lui demander sa position concernant sa demande de prestations de la sécurité de la vieillesse, afin de cerner les questions en litige et d’arriver à un certain consensus. Il demandait aussi à l’intimé de lui fournir un exemplaire du [traduction] « dossier actuel », car il indiquait qu’il ne l’avait pas. En fait, le Tribunal de la sécurité sociale avait déjà fourni un exemplaire du « dossier actuel », c.-à-d. le dossier de l’audience dont serait saisie la division générale, avec l’avis d’audience (document GT09 du dossier d’audience).

[14] Le 20 septembre 2014, le demandeur a déposé des documents additionnels par courriel. Il demandait à nouveau que l’intimé lui indique combien d’années de résidence canadienne il considérait comme acquises et quels documents il avait reçus (document GT10 du dossier d’audience).

[15] Le 23 septembre 2014, l’intimé a déposé une réponse à la lettre du demandeur du 27 août 2014. L’intimé faisait savoir que le demandeur [traduction] « n’a[vait] pas fourni de documents lorsqu’il est entré au Canada ou en est sorti. En conséquence, l’intimé n’est pas en mesure de déterminer de période de résidence au Canada » (document GT11 du dossier d’audience).

[16] Le 29 septembre 2014, le demandeur a fourni par courriel d’autres documents au Tribunal de la sécurité sociale. Le premier document était une déclaration signée par G. B., confirmant que le demandeur avait habité à sa résidence de Scarborough, en Ontario jusqu’en janvier 2002 et ensuite à Revelstoke, en Colombie-Britannique, jusqu’en septembre 2002. Le deuxième document était une lettre récente d’un avocat établi à Tottenham, en Ontario, dans laquelle il détaillait ses tractations fréquentes avec le demandeur. Le demandeur indiquait aussi dans sa lettre que des dossiers additionnels suivraient et qu’ils démontreraient qu’il était un résident canadien jusqu’au moins en août 2006. Il indiquait qu’il serait prêt à se présenter au « procès » une fois qu’il aurait reçu ces éléments de preuve additionnels (document GT13 du dossier d’audience).

[17] Le demandeur a envoyé deux courriels subséquents au Tribunal de la sécurité sociale le 29 septembre 2014, avec des dossiers additionnels appuyant sa demande de prestations de la sécurité de la vieillesse. Ils incluaient diverses coupures de journal; une lettre datée de novembre 2012 de l’Agence du revenu du Canada l’informant qu’elle le considérait comme un résident canadien aux fins de l’impôt sur le revenu pour les années 1978, 1979, 1980, 1981, 1984, 1985, 1986 et 2000; une lettre de l’école secondaire OD/Park confirmant qu’il y était étudiant de septembre 1961 à mai 1964 et qu’il résidait à Orillia, en Ontario; divers documents de la cour, y compris un affidavit de signification pour août 1995 et une attestation de signification à une adresse correspondant à une boîte postale en juin 1999; des passeports canadiens et un certificat de naissance (documents GT12 et GT14 du dossier d’audience).

[18] Le 2 octobre 2014, le demandeur a envoyé un courrier électronique au Tribunal de la sécurité sociale, indiquant qu’il ne connaissait pas la position de l’intimé ou [traduction] « même les règles du jeu auquel nous jouons » (document GT17 du dossier d’audience).

[19] Le 3 octobre 2014, le demandeur a déposé une lettre de l’un de ses anciens employés, à l’appui de sa demande (document GT15 du dossier d’audience).

[20] Le 7 octobre 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a répondu à la correspondance du demandeur du 2 octobre 2014, dans laquelle il avait indiqué qu’il ne connaissait pas la position de l’intimé. Un gestionnaire du Tribunal de la sécurité sociale a indiqué au demandeur que l’intimé avait comme position qu’il n’avait pas établi 20 ans de résidence au Canada pour lui permettre d’exporter la pension de la SV à l’étranger. Le gestionnaire faisait aussi savoir que le membre de la division générale mènerait une discussion préliminaire afin de s’assurer de préciser la question soumise en appel, si nécessaire, [traduction] « en début d’audience le 22 octobre 2014 ». Le gestionnaire indiquait aussi que pour obtenir davantage d’information concernant le processus d’appel, les règles et règlements, le demandeur pouvait se rendre sur le site Web du Tribunal de la sécurité sociale, où étaient affichés ses règles et règlements (document GT16 du dossier d’audience).

[21] Le demandeur a immédiatement répondu à la lettre du gestionnaire par courriel le 7 octobre 2014. Le demandeur demandait à la division générale de préciser les questions en litige avant la tenue de l’audience. Il demandait ce qu’il devait prouver et quelles règles de preuve s’appliqueraient. Le demandeur demandait aussi au Tribunal de la sécurité sociale de faire divulguer à l’intimé ses arguments et tout document qu’il avait l’intention de produire à l’audience (document GT17 du dossier d’audience).

[22] Le 9 octobre 2014, le Tribunal de la sécurité sociale écrivait aux parties pour leur faire savoir que le membre de la division générale tiendrait une conférence préparatoire [traduction] « avant de débuter l’audience tel qu’indiqué dans l’avis d’audience daté du 9 juillet 2014 », et que, au cours de cette conférence préparatoire, on réglerait les questions soulevées dans les courriels envoyés par le demandeur les 2 et 7 octobre 2014. Le membre de la division générale insistait sur le fait qu’il ne convoquerait pas une conférence préparatoire à une autre date et heure. Le membre de la division générale a rappelé aux parties que le délai de dépôt indiqué dans l’avis d’audience était dépassé. Le membre de la division générale a aussi invité les parties à témoigner oralement et à faire des observations orales à l’audience (document GT18 du dossier d’audience).

[23] Le 20 octobre 2014, le demandeur a demandé que, plutôt qu’une audience orale, l’appel soit entendu par messagerie instantanée, car cela serait plus fiable que sur son appareil sans fil; parce que [traduction] « l’atmosphère de salle des machines » d’une audience en personne ou d’une téléconférence lui [traduction] « embrouillerait les idées »; parce qu’il prévoyait que l’intimé « déjouerait le système » et « tenterait des trucs »; et que cela permettrait une plus grande clarté et éliminerait la nécessité d’avoir des retranscriptions. Il ne prévoyait pas de frais ou de préjudice pour les parties (document GT23 du dossier d’audience).

[24] Le demandeur a aussi écrit une lettre distincte au Tribunal de la sécurité sociale à la même date, indiquant qu’il avait épuisé ses efforts pour obtenir une confirmation de sa résidence auprès du greffe de la cour à Morden, au Manitoba. Il joignait une copie de son courriel exposant sa demande au bureau du greffe (document GT23 du dossier d’audience).

[25] Le 21 octobre 2014, le demandeur a envoyé trois courriels distincts au Tribunal de la sécurité sociale. Certains des courriels reproduisaient des pièces de correspondance précédentes du demandeur. Dans le premier courriel, le demandeur indiquait au Tribunal de la sécurité sociale qu’il avait été incapable d’obtenir de Mme M. (sa conjointe de 1969 à 1986) et Mme T. qu’elles acceptent de témoigner à propos de sa résidence. Il joignait une copie de la première page de l’avis d’audience qu’il avait fait parvenir à Mme M. (document GT26 du dossier d’audience).

[26] Dans son deuxième courriel du 21 octobre 2014, le demandeur souhaitait à nouveau que l’audience se déroule par messagerie instantanée. Il laissait entendre que puisque des audiences sous forme de messagerie instantanée ou par un moyen similaire étaient probablement offertes aux personnes ayant des problèmes auditifs, on devrait aussi le lui offrir (document GT25 du dossier d’audience).

[27] Le demandeur joignait à son troisième courriel une lettre au Tribunal de la sécurité sociale, dans laquelle il sollicitait une déclaration préalable à l’audience que toute preuve soumise après le 24 août 2014 serait déclarée admissible. Il renouvelait sa demande que l’audience se déroule par messagerie instantanée (document GT24 du dossier d’audience).

[28] Le 21 octobre 2014, l’intimé a déposé un Addendum aux observations du Ministre. L’intimé énumérait les documents additionnels qui avaient été soumis par le demandeur. L’intimé a présenté ses observations expliquant pourquoi ces documents additionnels censés représenter une preuve de résidence devraient être rejetés. L’intimé a aussi renvoyé à des dispositions dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse et le Règlement sur la sécurité de la vieillesse. L’intimé a fait observer qu’il y avait un fondement probant insuffisant et contradictoire pour établir la résidence suffisante du demandeur (document GT22 du dossier d’audience).

[29] L’appel devant la division générale a été instruit par téléconférence le 22 octobre 22, 2014 comme prévu. (Le membre de la division générale a mené l’audience par téléconférence à partir de l’Ouest du Canada.) Le membre de la division générale a écrit dans sa décision que [traduction] « aucune des parties n’était présente vingt minutes après l’heure de début prévue dans l’avis d’audience ».

[30] Le 23 octobre 2014, le demandeur a avisé le Tribunal de la sécurité sociale qu’il ne se sentait pas bien et qu’il verrait un spécialiste. Il indiquait qu’il ne participerait pas à [traduction] « l’audience de demain » pour diverses raisons, y compris le fait qu’il n’avait pas encore préparé d’observations en réponse à l’Addendum du 21 octobre 2014 de l’intimé; parce que le membre de la division générale n’avait pas encore rendu de décision sur sa demande que l’audience se tienne par messagerie instantanée; parce que sa réception sans fil est intermittente; et parce qu’il estimait que la position du Ministre sur sa résidence soulevait des questions liées à la Charte (document GT27 du dossier d’audience).

[31] Le 24 octobre 2014, le demandeur a déposé un projet de réponse à l’Addendum de l’intimé du 21 octobre 2014 (documents GT29 et GT30 du dossier d’audience).

[32] Le 24 octobre 2014, le demandeur a écrit au Tribunal de la sécurité sociale indiquant qu’il était maintenant [traduction] « 13h00 et [qu’il n’avait pas encore reçu] d’appel ou d’avis électronique sur cette audience » (document GT31 du dossier d’audience).

[33] Le 25 octobre 2014, le demandeur a écrit par courriel au Tribunal de la sécurité sociale, incluant une liste de personnes qui semble-t-il avaient connaissance de sa résidence au Canada (document GT32 du dossier d’audience).

[34] Le 25 octobre 2014, le demandeur a écrit par courriel au Tribunal de la sécurité sociale, incluant un Addendum à sa réponse à l’Addendum aux observations du Ministre. Il joignait une copie d’une liste de procédures de la Cour fédérale dans lesquelles lui ou ses entreprises étaient parties (document GT33 du dossier d’audience).

[35] Le 31 octobre 2014, le demandeur a écrit au Tribunal de la sécurité sociale pour demander une mise à jour quant au statut de son appel, puisqu’il n’avait pas été contacté par le membre de la division générale le 24 octobre 2014 (document GT34 du dossier d’audience).

[36] Le 4 novembre 2014, le demandeur est revenu sur sa demande du 21 octobre 2014 que l’audience puisse se dérouler par messagerie instantanée ou quelque chose du genre, car il présumait que ce genre d’audience était offert aux gens ayant un problème auditif (document GT35 du dossier d’audience).

[37] Le 7 novembre 2014, le membre de la division générale a rendu sa décision. Celle-ci a été envoyée aux parties le 12 novembre 2014. Le demandeur a continué de correspondre avec le Tribunal de la sécurité sociale. Le 17 novembre 2014, le demandeur a de nouveau demandé une mise à jour sur le statut de l’instance. Il a aussi inclus une lettre datée du 29 septembre 2014 de son ex-conjointe de fait, qui confirmait qu’elle n’était pas disposée à l’aider.

[38] Le 27 novembre 2014, le demandeur écrit à nouveau au Tribunal de la sécurité sociale. Voici ce qu’il écrit :

[Traduction]
[…] cette affaire devait être entendue oralement le 24 octobre 2014, précédée immédiatement d’une conférence préparatoire. Pour une raison ou une autre, peut-être à cause de la fusillade sur la Colline du Parlement ce jour-là, la conférence n’a pas eu lieu. En dépit de plusieurs demandes de mise à jour, je n’ai rien reçu du Tribunal.

[39] Le demandeur voulait que le membre de la division générale arrive à une certaine résolution ou qu’il délimite les questions en litige et, à défaut, qu’il convoque une conférence de règlement avant la tenue de son appel. Il demandait aussi au membre de la division générale de lui fournir ses questions par écrit.

[40] Le 28 novembre 2014, le demandeur écrit à nouveau au Tribunal de la sécurité sociale, indiquant qu’il n’avait pas d’adresse ou de coordonnées. Il demandait au Tribunal de la sécurité sociale de remettre en son nom une lettre adressée à l’intimé. Il fait valoir que les parties devraient tenter de régler toute question en suspens au moyen d’une conférence de règlement.

[41] Le 3 décembre 2014, le Tribunal de la sécurité sociale écrit au demandeur et l’avise qu’une décision a été rendue par le membre de la division générale le 7 novembre 2014 et que la décision est considérée comme finale, [traduction] « le membre du Tribunal [n’ayant] pas le pouvoir de revoir l’appel ». Le Tribunal de la sécurité sociale l’avise alors que son recours consiste à s’adresser à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

[42] Le demandeur dépose sa demande de permission d’en appeler le 5 mars 2015 (document AD1 du dossier d’audience).

[43] Les 27 et 28 avril 2015, le demandeur a avisé le Tribunal de la sécurité sociale qu’il tentait d’obtenir de nouveaux éléments de preuve à l’appui de son appel (document AD1A du dossier d’audience).

[44] Le 11 mai 2015, le demandeur écrit au Tribunal de la sécurité sociale confirmant qu’il maintenait sa demande d’audience en personne. Il fournit des dossiers additionnels (document AD1-B du dossier d’audience).

Observations

[45] Le demandeur a soumis de longues observations, totalisant 112 pages, dont certaines sont dédoublées. Il affirme que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  1. a) refusé sa demande d’une conférence préparatoire, bien à l’avance de l’audition de l’appel devant la division générale. Il indique que la division générale n’a offert sa disponibilité qu’une demi-heure avant l’instruction de l’appel;
  2. b) refusé sa demande d’une audience en personne à Toronto, ou que l’audience soit tenue par des moyens de substitution, comme la messagerie instantanée. Le demandeur explique que s’il y avait eu une audience en personne à Toronto, cela lui aurait permis de se [traduction] « rendre à divers endroit à Toronto pour obtenir des dossiers qu’il n’avait pas été capable de se procurer », il aurait pu éviter les frais considérables et la mauvaise réception de son appareil sans fil; il n’aurait pas été soumis à [traduction] « la pression intense de ‘salles des machines’ des audiences » ou à d’éventuelles « attaques sournoises de l’intimé ». Le demandeur ajoute également que s’il y avait eu une audience en personne, il aurait été en mesure de produire davantage d’éléments de preuve documentaire au cours de l’instance. Le demandeur fait aussi valoir que l’audience en personne est la meilleure façon d’aborder la crédibilité, qui semblait constituer un enjeu pour le membre de la division générale. Il affirme qu’en définitive, le membre de la division générale a tiré des conclusions abusives concernant sa crédibilité;
  3. c) omis de l’aviser de la bonne date de l’audience. Il avait compris que l’audience devait avoir lieu le 24 octobre 2014. Ce n’est que le 4 décembre 2014 qu’il a appris que l’audience avait eu lieu le 22 octobre 2014, plusieurs semaines après le fait;
  4. d) manqué à ses devoirs de fiduciaire envers une partie non représentée de l’aviser [traduction] « de problèmes liés à sa preuve » et de lui offrir une occasion raisonnable de prendre connaissance des arguments avancés contre lui, jusqu’à ce qu’il reçoive la décision. De plus, le demandeur fait valoir que la division générale a négligé de l’aviser des fondements juridiques qu’elle a suivis ou examinés
  5. e) ne lui a pas donné la possibilité de participer à l’instance. Il affirme que toutes les installations fédérales étaient en « confinement » le 22 octobre 2014 et qu’il a été porté à croire que l’audience avait donc été annulée. Deuxièmement, il affirme que les communications téléphoniques avaient été coupées ce qui rendait sa participation à la téléconférence impossible. Le demandeur écrit que la [traduction] « ligne téléphonique a été déconnectée 15 minutes AVANT même que l’audience débute, ce qui rendait [sa] participation à l’audience impossible »;
  6. f) ne l’a pas contacté ou n’a pas contacté son témoin, soit pendant l’instance ou par la suite. (En raison du coût, il avait demandé à la division générale [traduction] « de [lui] faire rejoindre la conférence pour l’audience » c.-à-d. de le contacter plutôt que ce soit lui qui contacte la division générale). Il allègue que le témoin, un avocat en exercice, le connaît personnellement et peut « attester » de sa résidence canadienne;
  7. g) a manqué à son devoir de lui poser des questions;
  8. h) s’est aveuglée volontairement et a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Plus particulièrement, le demandeur fait valoir que la division générale avait conclu qu’il devait avoir pris la citoyenneté américaine après cinq ans de résidence aux É.-U., sans tenir compte du fait que ses parents, tous deux citoyens américains, avaient parrainé sa citoyenneté américaine. Le demandeur soutient qu’en concluant qu’il avait été résident des É.-U. pendant ces cinq ans, la division générale avait conclu que le demandeur ne pouvait avoir été résident du Canada pendant cette période;
  9. i) n’avait pas tenu compte de l’ensemble de la preuve dont elle était saisie;
  10. j) a refusé d’exercer sa compétence et a fait preuve de partialité en faveur de l’intimé, lorsqu’elle a accepté la preuve et les observations de l’intimé la veille de l’appel, sans offrir au demandeur l’occasion de procéder à un contre-interrogatoire sur cette preuve ou de réfuter ces observations. Le demandeur soutient que la division générale aurait soit dû déclarer les observations inadmissibles, soit dû ajourner l’instance pour lui donner l’occasion de réfuter les observations de l’intimé. Le demandeur fait valoir que la division générale était [traduction] « obligée de refuser la preuve de l’intimé et de réprimander sévèrement l’intimé pour sa supercherie »;
  11. k) a utilisé le mauvais fardeau de preuve. Le demandeur affirme que la division générale n’est pas venue à sa décision selon la prépondérance des probabilités, puisqu’elle a rejeté des [traduction] « données irréfutables » y compris des déclarations de revenu; des lettres signées [traduction] « sous peine de parjure et provenant d’un avocat en exercice »; des articles de presse et d’autres documents qui confirmaient qu’il satisfaisait aux exigences de résidence canadienne;
  12. l) n’a pas ajourné l’instance, même si elle était au fait des [traduction] « importants problèmes de santé » du demandeur. Le demandeur fait valoir qu’il avait eu un infarctus, qu’il avait d’autres ennuis de santé et qu’il était suivi par un médecin.

[46] Le demandeur a ensuite abordé un certain nombre de questions concernant sa résidence canadienne et a expliqué comment et pourquoi il en était venu à prendre la citoyenneté américaine.

[47] Le demandeur a aussi établi un affidavit non assermenté à l’appui de sa demande de permission. Il a présenté [traduction] « des éléments de preuve nouveaux » concernant son union de fait à Mme A., à son dossier d’études secondaires, à ses investissements en Ontario et une preuve d’emploi aux É.-U. et une attestation de sécurité sociale.

[48] Le demandeur a en outre demandé que l’audience d’appel ait lieu en personne à Toronto et que des témoins soient cités à comparaître.

[49] Le demandeur a présenté des observations supplémentaires le 27 avril 2015. Il joignait en annexe une réponse de la bibliothèque publique de Toronto concernant des registres téléphoniques historiques. Il indiquait qu’il cherchait de nouveaux éléments de preuve, y compris un historique de permis de conduire d’Ontario, des dossiers d’annuaires téléphoniques et des éléments liés à son permis de conduire.

[50] Le demandeur indiquait dans son courriel du 27 avril 2015 qu’il était en voie de préparer une requête à la Cour fédérale pour obtenir une ordonnance annulant la décision de la division générale, au motif d’un [traduction] « défaut de comparaître par inadvertance », en application de la règle 399 de la Cour fédérale.

[51] Le 12 mai 2015, le demandeur a réitéré sa demande d’une audience en personne. Il fournit une copie de son historique des permis de conduire de l’Ontario.

[52] L’intimé n’a pas déposé d’observations écrites.

Analyse

[53] Pour que la demande de permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : voir Kerth c. Canada (ministre du Développement des ressources humaines), [1999] ACF No 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a déterminé qu’un litige ayant une cause défendable en droit revient à se demander si la partie a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 FCA 41, Fancy c. Canada (Procureur général) 2010 CAF 63.

[54] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi), les seuls moyens d'appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[55] Pour que la permission soit accordée, le demandeur doit me convaincre que ses motifs d'appel correspondent à l'un des moyens précités et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

a) Demande d’une conférence préparatoire

[56] Le demandeur soutient que la division générale a refusé sa demande de conférence préparatoire avant la tenue de l’instruction elle-même de son appel, et a plutôt offert d’être disponible seulement une demi-heure avant l’appel.

[57] L’article 15 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale régit les conférences préparatoires à l’audience. Il est libellé ainsi :

15.(1) De sa propre initiative ou sur dépôt d’une demande par une partie, le Tribunal peut demander aux parties de participer à une conférence préparatoire à l’audience portant sur toute question relative à un appel ou à une demande d’annulation ou de modification d’une décision.

(2) Il tient la conférence par téléconférence, vidéoconférence ou tout autre moyen de télécommunication ou par comparution en personne des parties.

[58] Le demandeur allègue qu’il a demandé à ce que la conférence préparatoire ait lieu avant l’audience du 22 octobre 2014. Il allègue que le refus de tenir une conférence préparatoire à l’audience du 22 octobre 2014 l’a privé d’une occasion de prendre connaissance de l’affaire qu’il doit régler.

[59] Le demandeur n’a pas présenté de demande formelle d’une conférence préparatoire à l’audience. En fait, la conférence préparatoire a été proposée par le membre de la division générale. Le Tribunal de la sécurité sociale a communiqué aux parties le 9 octobre 2014 que le membre de la division générale mènerait une conférence préparatoire à l’audience pour régler les questions soulevées dans les courriels du demandeur du 2 et 7 octobre 2014. Ces questions touchaient la compréhension par le demandeur de la position de l’intimé par rapport à sa demande de prestation de la sécurité de la vieillesse et des règles qui s’appliqueraient au cours de l’audience.

[60] En fait, le Tribunal de la sécurité sociale avait déjà dirigé le demandeur vers son site Web, lequel contient de l’information sur le processus d’audience. Sinon, il n’y avait pas de règles de procédure strictes régissant le déroulement des audiences, ni même de règles strictes concernant la preuve. En général, il revient au membre de la division générale d’établir comment se dérouleront les procédures devant lui ou devant elle. En effet, le paragraphe (1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale demande au Tribunal de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[61] Le demandeur cherchait aussi à connaître la position de l’intimé. Celui-ci n’avait aucune obligation de fournir des observations écrites (même si cela représente un avantage évident pour les parties et pour le membre de la division générale), mais il avait déjà fourni une explication de la décision portée en appel devant le tribunal de révision en juin 2012 (document GT-1, pages GT1-87 à GT1-91 du dossier d’audience) et, en réponse aux dossiers additionnels déposés par le demandeur, avait préparé un Addendum aux observations du Ministre le 21 octobre 2014 (document GT22). Même si l’Addendum aux observations est peut-être arrivé le jour précédant l’audience prévue, il répondait aux dossiers que le demandeur venait de déposer auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[62] La nécessité d’une conférence préparatoire à l’audience pour les raisons indiquées devenait probablement théorique, étant donné l’Addendum aux observations de l’intimé, et les conseils donnés par le Tribunal de la sécurité sociale au demandeur quant à l’endroit où trouver de l’information sur le processus d’audience. En dehors d’une demande le 20 octobre 2014 pour que l’audience ait lieu au moyen de la messagerie instantanée, le demandeur n’a pas soulevé d’autre question laissée en suspens.

[63] Même si la tenue d’une conférence préparatoire à l’audience ne constitue pas un droit au sens de la Loi ou du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, on ne peut pas dire que la division générale a refusé au demandeur une conférence préparatoire. La division générale a offert de tenir une conférence préparatoire pour aborder ou régler certaines des questions en litige entre les parties. Le fait que le demandeur n’a pas participé à la téléconférence préparatoire prévue pour le 22 octobre 2014 ne peut donc être interprété comme un refus de conférence préparatoire à l’audience. S’il avait participé à la conférence préparatoire le 22 octobre 2014 et déterminé que finalement, pour une raison quelconque, il avait besoin de plus de temps pour se préparer pour l’audition de l’appel, il aurait pu demander un ajournement de l’instance à ce moment-là.

[64] Je ne suis pas convaincue que ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

b) Mode d’audience

[65] Le demandeur fait savoir qu’il avait demandé une audience en personne à Toronto et, par la suite, que l’audience se déroule par des moyens de substitution, comme la messagerie instantanée, car cela lui aurait permis d’obtenir des dossiers à Toronto et de s’assurer la coopération de témoins; il y avait des enjeux techniques et financiers liés à l’utilisation de son téléphone sans fil; et autrement, il n’aurait pas droit à une audience équitable, car il pourrait être soumis à une pression intense de « salle des machines » et l’intimé pourrait se livrer à des « attaques sournoises » contre lui.

i. Demande d’audience en personne à Toronto

[66] Le membre de la division générale a examiné la question du mode d’audience et pris sa décision. Ses motifs sont énoncés dans l’avis d’audience du 9 juillet 2014. Dans les semaines après avoir reçu l’avis d’audience, le demandeur a sollicité un changement de mode d’audience et a aussi demandé si on pourrait lui rembourser ses dépenses de voyage. L’intimé a demandé que l’audience se fasse sur la foi du dossier écrit.

[67] Le 3 septembre 2014, le membre de la division générale a écrit aux parties, en réponse à la demande de changement du mode d’audience présentée par le demandeur. Le membre a décidé de procéder par téléconférence, pour les raisons énoncées dans l’avis d’audience daté du 9 juillet 2014. Le membre de la division générale abordait aussi la demande de remboursement des frais de déplacement du demandeur. Puisque l’audience aurait lieu par téléconférence, le demandeur n’aurait pas besoin d’engager des frais pour assister à une audience en personne au Canada.

[68] Le demandeur a par la suite retiré sa demande d’audience en personne, préférant plutôt par messagerie instantanée. J’examinerai tout de même ce moyen d’appel, puisque j’ai déterminé plus loin que la messagerie instantanée n’était pas possible pour l’audience devant la division générale.

[69] L’ordonnance concernant le mode d’audience fait partie des compétences discrétionnaires de la division générale. Il ne fait aucun doute que la division générale est habilitée à prendre ce genre de décisions.

[70] La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé que pour renverser une ordonnance discrétionnaire, l’appelant doit prouver que le décideur a commis une erreur manifeste et dominante : Imperial Manufacturing Group Inc. et Home Depot of Canada Inc. c. Decor Grates Incorporated, 2015 CAF 100; Horseman c. Twinn, Electoral Officer for Horse Lake First Nation, 2015 CAF 122; et Budlakoti c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 139.

[71] Dans l’arrêt Budlakoti, la Cour d’appel fédérale a mentionné Canada c. South Yukon Forest Corporation,2012 CAF 165 (CanLII), 431 N.R. 286, dans lequel le juge d’appel Stratas a défini l’erreur manifeste et dominante comme appelant une norme de contrôle élevée :

Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente, et par erreur « dominante », une erreur qui touche directement à l’issue de l’affaire. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier.

[72] Le demandeur soutient que la décision de lui refuser une audience en personne est truffée d’erreurs. J’appliquerai donc le concept d’erreur manifeste et dominante et ferai quelques observations générales concernant la demande d’audience en personne à Toronto faite par le demandeur.

[73] Les observations du demandeur concernant l’audience en personne ne tiennent pas compte de trois considérations importantes : le fait qu’il a demandé que l’audience ait lieu dans une ville canadienne qui n’est pas la plus proche pour lui; il devrait voyager de Las Vegas à Toronto pour se rendre à une audience en personne; et il s’attendait à ce que le Tribunal de la sécurité sociale lui rembourse ses frais de déplacement et d’hébergement.

[74] Le demandeur soutient que s’il y avait eu une audience en personne à Toronto, il aurait pu se rendre à Toronto pour obtenir des dossiers et s’assurer la coopération de témoins. Même si le demandeur était disposé à passer outre les inconvénients pour lui, il aurait eu à assumer des frais de déplacement et d’hébergement importants. S’il avait été prêt à assumer ces frais, cela aurait pu être pris en considération dans le choix du mode d’audience, mais en l’espèce, le demandeur voulait que le Tribunal de la sécurité sociale assume ces frais. Même si la Loi contient des dispositions permettant au président du Tribunal, si « des raisons spéciales le justifient dans un cas particulier », de rembourser à la partie tenue de se présenter à une audience ses frais de déplacement et de séjour, ce remboursement ne constitue pas un droit et les demandes de remboursement ne sont pas approuvées systématiquement. Le point important à garder en tête, c’est que l’article 63 de la Loi envisage le cas où une partie est tenue de se présenter à une audience, alors que, en l’espèce, cette exigence ne s’est pas matérialisée et que ce n’est que la demande même du demandeur qui aurait occasionné son déplacement à Toronto.

[75] Même si la division générale avait conclu qu’une audience en personne était appropriée, elle l’aurait organisée à l’endroit le plus proche du lieu de résidence actuel du demandeur. Cela aurait nécessairement exclu Toronto comme choix et cela n’aurait pas répondu à la motivation sous-jacente du demandeur d’obtenir des documents et de trouver des témoins.

[76] La division générale doit tenir compte d’un certain nombre de facteurs pour choisir le mode d’audience. Un seul facteur n’est pas déterminant quant à la forme que devrait prendre l’audience.

[77] La Loi et le Règlement donnent certaines indications. L’article 2 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale exige que le règlement soit interprété de façon à permettre d’apporter une solution à l’appel ou à la demande qui soit juste et la plus expéditive et économique possible, alors que le paragraphe 3 du Règlement exige que le Tribunal de la sécurité sociale veille à ce que l’instance se déroule « de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstance, l’équité et la justice naturelle permettent ».

[78] Il va sans dire que l’un des facteurs dont la division générale tient naturellement compte est la résidence actuelle d’un demandeur. Par exemple, lorsqu’une audience en personne est accordée, en général le demandeur habite dans la région où l’audience en personne est prévue, ou près de celle-ci, car c’est plus pratique et moins coûteux pour le demandeur. Il serait donc insensé d’organiser une audience à Halifax, en Nouvelle-Écosse, pour un demandeur qui habite à Victoria, en Colombie-Britannique, puisqu’il devrait assumer sans raison des frais qu’il n’aurait pas à assumer si l’audience avait lieu à Victoria, ou dans les environs.

[79] Dans les cas où une audience par vidéoconférence est accordée, l’un des facteurs dont la division générale tient compte est la disponibilité d’installations de vidéoconférence dans la région où le demandeur réside. Encore une fois, cela tient compte des aspects pratiques et de coût pour le demandeur.

[80] Parmi les autres facteurs dont la division générale pourrait tenir compte dans le choix du mode d’audience, citons notamment : l’information au dossier d’audience; le nombre de parties; le fait que les parties sont représentées; le fait que l’une des parties a besoin d’un interprète; la complexité des questions en litige; le besoin de déplacement et d’hébergement; la disponibilité d’une salle d’audience ou d’installations de vidéoconférence; le fait qu’un mode d’audience en particulier facilite le traitement des incohérences que pourrait contenir la preuve; et le caractère économique et opportun du choix de l’audience. Certains de ces facteurs peuvent avoir plus de poids dans certaines situations, alors que dans d’autres, ils peuvent ne pas être considérés du tout.

[81] Je passerai maintenant aux moyens d’appel spécifiques du demandeur sur cette question en litige :

  1. a) Le demandeur allègue que s’il y avait eu une audience en personne à Toronto, il aurait été capable de se procurer des dossiers et de trouver des témoins. Même si le demandeur faisait face à des contraintes financières, on ne peut pas dire qu’une téléconférence (ou un autre mode d’audience) aurait empêché le demandeur d’obtenir des dossiers ou de tenter de s’assurer la coopération de témoins se trouvant à Toronto.
  2. b) Le demandeur allègue qu’une audience en personne lui permettrait d’éviter le coût considérable et la mauvaise réception de son appareil sans fil. Le demandeur n’était pas limité à utiliser son appareil sans fil. Un numéro sans frais avait été fourni aux parties, donc le demandeur aurait très bien pu utiliser un autre téléphone ou un autre appareil sans fil, sans avoir à engager des frais importants ou avoir une mauvaise réception.
  3. c) Il pourrait éviter « l’intense pression du genre ‘salle des machines’ des audiences » ou d’éventuelles « attaques sournoises de l’intimé ». En général, tous les types d’audiences comportent leur lot de stress. Il s’agit d’une conséquence inévitable des audiences, plus particulièrement pour les parties qui ne sont pas familières avec le processus, mais je ne crois pas qu’une audience en personne aurait allégé ce stress. Je crois plutôt qu’une audience par téléconférence, dans laquelle le demandeur aurait pu choisir son propre lieu à partir duquel faire l’appel conférence, aurait pu alléger une partie de ce stress. En ce qui concerne les « attaques sournoises » de l’intimé, je m’explique mal ce qu’il entend ici. En général, l’intimé rédige ses observations et les communique à toutes les autres parties et au Tribunal de la sécurité sociale avant la tenue de l’audience, même si, en l’espèce, il a transmis un addendum à ses observations un peu plus tard, bien que ce ne fut pas sa faute. Si le demandeur fait allusion à des dossiers, observations ou jurisprudence nouveaux, que l’intimé pourrait soulever au cours de l’audience, il se pourrait que ce soit en réponse à quelque chose qui est soulevé pendant l’instance. En pareil cas, il est possible de demander une courte pause ou un ajournement, pour permettre à l’autre partie de répondre à la preuve, aux observations ou à la jurisprudence qui sont nouveaux.
  4. d) S’il y avait eu une audience en personne, il aurait été capable de produire davantage d’éléments de preuve documentaire pendant l’instance. Cela présuppose que l’intimé ne se serait pas objecté à la production tardive de documents, que le membre de la division générale aurait nécessairement admis ces dossiers en preuve et que, même si ces dossiers étaient admis en preuve, qu’ils auraient eu un poids quelconque. La période de dépôt était terminée depuis longtemps. De toute façon, le demandeur a continué d’essayer de déposer des dossiers auprès du Tribunal de la sécurité sociale après la tenue de l’audience. Rien n’indique que des dossiers déposés peu après la date de l’audience aient eu une force probante quelconque au point d’avoir un effet sur l’issue de l’instance.
  5. e) Une audience en personne aurait été le meilleur moyen pour que la division générale puisse évaluer son comportement et sa crédibilité. C’est peut-être le cas, mais ce ne serait que l’un des facteurs dont le membre de la division générale tiendrait compte et, en effet, l’avis d’audience indique que le membre de la division générale avait ce facteur à l’esprit. Ce facteur seul n’est pas déterminant.

[82] Ces observations n’ouvrent pas la voie à la norme de l’erreur manifeste et dominante. Je ne suis pas convaincue que ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

ii. Demande d’utiliser la messagerie instantanée

[83] L’article 21 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale offre la possibilité à la division générale de tenir l’audience au moyen de questions et réponses écrites, par téléconférence ou autre moyen de télécommunication, ou par comparution en personne des parties. L’audience en personne n’est pas un droit, pas plus que ne le sont les autres modes d’audience, dans les limites de ce que prévoit la loi. La messagerie instantanée ne tombe pas dans l’une des catégories spécifiques ou l’un des modes d’audience par lesquels la division générale peut tenir l’audience, et elle n’est pas non plus spécifiquement envisagée ou prévue dans la loi. Il semble que, mis à part l’option d’une audience au moyen de question et réponses écrites, le législateur ait envisagé une forme quelconque de contact verbal entre le membre de la division générale et les parties pendant le déroulement de l’instance.

c) Notification de la date d’audience

[84] Le demandeur soutient que la division générale (en fait, le Tribunal de la sécurité sociale) ne lui a pas donné un avis suffisamment à l’avance de la date d’audience. Il avait compris que l’audience devait avoir lieu le 24 octobre 2014, et n’a appris que le 4 décembre 2014 que la date d’audience était le 22 octobre 2014.

[85] Il n’est pas clair pourquoi le demandeur en est venu à croire que l’appel serait instruit le 24 octobre 2014, car l’examen du dossier d’audience montre qu’il y a eu des correspondances et des communications avec le demandeur l’avisant de la date d’audience du 22 octobre 2014. Le Tribunal de la sécurité sociale a remis au demandeur un avis d’audience par lettre datée du 9 juillet 2014. Il y a une preuve de signification de l’avis d’audience. La preuve de signification de Postes Canada montre que l’avis d’audience a été remis et signifié au demandeur le 24 juillet 2014.

[86] L’avis d’audience indique clairement la date et l’heure de l’audience par téléconférence. Voici ce qu’on y dit :

[Traduction]
Voir dans le tableau ci-dessous la date et l’heure de l’audience par téléconférence.

Date : 22 octobre 2014
Heure : 10h00 heure du Pacifique
Numéro de la téléconférence : X
Id téléconférence : X
Code de sécurité de téléconférence : X
Durée approximative : 90mins

[87] La lettre indique clairement que l’audience est prévue pour le 22 octobre 2014 à 10h00, heure du Pacifique.

[88] Le Tribunal de la sécurité sociale a écrit au demandeur le 7 octobre 2014 et mentionne l’audience du 22 octobre 2014 (document GT16). La lettre indique :

[Traduction]

  • Comme suite à votre demande d’information par courriel du 2 octobre 2014, veuillez prendre note de ce qui suit :
  1. a) Vous avez interjeté appel de la décision de l’intimée datée du 21 octobre 2011. Dans cette décision, l’intimé a pris pour position que vous n’aviez pas établi 20 ans de résidence au Canada vous permettant d’exporter à l’étranger votre pension de la SV. Avant que débute l’audience le 22 octobre 2014, le membre du Tribunal mènera une discussion préliminaire afin de veiller à préciser les questions faisant l’objet de l’appel, si nécessaire. (Le gras est de moi)

[89] Le demandeur a répondu au Tribunal de la sécurité sociale le 7 octobre 2014. Le texte de la lettre du demandeur inclut la mention par le Tribunal de la sécurité sociale de la date prévue pour l’audience, le 22 octobre 2014 (document GT17).

[90] En dehors de l’échange de correspondance entre le Tribunal de la sécurité sociale et le demandeur le 7 octobre 2014, je n’ai aucun doute que le demandeur avait une copie de l’avis et était pleinement conscient de la date d’audience. Premièrement, il a joint une copie de l’avis d’audience dans une correspondance à une tierce partie (document GT23 du dossier d’audience) et, fait plus révélateur, il a confirmé la date d’audience du 22 octobre 2014 dans sa correspondance avec le Tribunal de la sécurité sociale le 21 octobre 2014 (document GT27 du dossier d’audience). Il écrivait alors qu’il [traduction] « ne pouvait pas et n’allait pas participer à l’audience de demain ». Et, malgré le fait qu’il allègue qu’il ne savait pas que l’audience était le 22 octobre 2014 et qu’il n’aurait donc pu y participer, il a fait savoir dans le cadre de ses observations écrites pour la demande de permission que la ligne téléphonique avait été débranchée 15 minutes avant le début de l’audience. Il ne pouvait être au fait d’un bris de communications ou d’une ligne de téléphone débranchée le jour de l’audience, s’il n’avait pas tenté de participer à l’audience le 22 octobre 2014.

[91] Je me demande comment le demandeur peut postuler qu’il n’était pas au courant que l’audience était prévue le 22 octobre 2014, alors que même dans ses propres communications, il mentionne une date d’audience prévue pour le 22 octobre 2014. Je ne vois nulle part dans les communications entre le demandeur et le Tribunal de la sécurité sociale (ou même l’intimé) que l’audience ait été prévue à une autre date que le 22 octobre 2014, ou qu’elle ait été déplacée au 24 octobre 2014.

[92] Si le demandeur a pour une raison quelconque confondu par erreur le 24 octobre 2014 et le 22 octobre 2014 – quelque part entre son courriel du 21 octobre 2014 et le 22 octobre 2014 – cette erreur ne peut être imputée à la division générale (ou même au Tribunal de la sécurité sociale). Il n’est pas question d’une erreur ou d’une omission commise par la division générale.

[93] Je ne suis pas convaincue que ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

d) Occasion de prendre connaissance du dossier de l’affaire

[94] Le demandeur soutient que la division générale a manqué à ses obligations de fiduciaire envers un appelant non représenté de lui offrir une occasion raisonnable de prendre connaissance des arguments présentés contre lui, jusqu’après avoir reçu la décision. En outre, le demandeur fait valoir que la division générale a omis de l’aviser des textes juridiques qu’elle avait suivis ou dont elle avait tenu compte.

[95] Ce que le demandeur cherche, essentiellement, c’est de connaître les arguments de l’intimé contre lui. On ne peut pas dire que le demandeur n’était pas au courant des arguments ou de la position de l’intimé, puisqu’ils lui avaient été communiqués à au moins quatre, voire cinq, occasions distinctes :

  1. (1) 10 février 2011 – après le refus initial en octobre 2010, lettre de l’intimé au demandeur (GT1-34);
  2. (2) 22 mars 2011 – lettre de l’intimé au demandeur, en réponse à la demande de réexamen du demandeur (GT1-22 à GT1-24);
  3. (3) lettre datée du 21 octobre 2011 avec un résumé de la décision (GT1-03 et GT1-16);
  4. (4) dans l’explication par RHDC de la décision relative à la sécurité de la vieillesse (SV) en appel au tribunal de révision, datée du 5 juin 2012 (GT1-87 à 91); et, enfin
  5. (5) dans l’Addendum aux observations, déposé le 21 octobre 2014 (document GT22 du dossier de l’audience). Il n’est pas clair comment et quand le Tribunal de la sécurité sociale a remis une copie de l’Addendum au demandeur, mais la correspondance du demandeur du 23 octobre 2014 indique qu’il a reçu les observations de l’intimé le 22 octobre 2014 (document GT27).

[96] Même s’il ne fait aucun doute que le demandeur contestait la position de l’intimé, il demeure qu’on la lui a clairement communiquée. En dehors de l’Addendum, le demandeur a eu la position de l’intimé très tôt. Tel qu’indiqué précédemment, étant donné que l’Addendum répondait à des dossiers que le demandeur avait déposés aussi récemment qu’en octobre 2014, il n’était pas déraisonnable pour l’intimé d’avoir déposé l’Addendum si près de la date de l’audience prévue.

[97] Rien n’oblige un décideur ou le membre de la division générale à aviser les parties des sources de droit auxquelles il pourrait se référer et qui pourraient s’avérer convaincantes quant à l’issue finale.

e) Occasion de participer à l’instance

[98] Le demandeur affirme que la division générale ne lui a pas donné l’occasion de participer à l’instance, car il a été porté à croire que l’audience avait été annulée, en raison de la fusillade au Parlement le 22 octobre 2014. Il allègue aussi que les communications téléphoniques ont été interrompues, ce qui l’empêchait de participer à la téléconférence. Il allègue aussi que [traduction] « la ligne téléphonique a été débranchée 15 minutes AVANT même que l’audience débute, ce qui faisait qu’il [lui] était impossible de participer à l’audience ».

[99] Cela semble contredire et invalider les observations du demandeur voulant qu’il ait compris que l’audience avait lieu le 24 octobre 2014 plutôt que le 22 octobre 2014. D’une part, le demandeur dit qu’il n’était pas au courant de l’instance le 22 octobre 2014, alors que d’autre part il dit que les communications téléphoniques ont été interrompues. Tel qu’indiqué ci-dessus, le demandeur ne pouvait pas savoir que les communications étaient interrompues ou que la ligne avait été débranchée le jour de l’audience (si ça avait été vraiment le cas), s’il n’était pas au courant que l’audience avait lieu le 22 octobre 2014.

[100] Si on oublie un instant ses observations précédentes voulant qu’il n’était pas au courant de la date de l’audience, rien ne prouve que la fusillade sur la Colline du Parlement le 22 octobre 2014 ait entrainé une fermeture complète des installations dans l’ensemble du pays ou que cela ait eu une incidence telle sur les télécommunications qu’on puisse accorder une quelconque crédibilité au demandeur lorsqu’il allègue avoir crû que l’audience était annulée.

[101] La décision de la division générale montre que non seulement le membre a attendu pendant une période raisonnable après l’heure à laquelle la conférence préparatoire et l’audience devaient débuter avant de procéder et de déterminer si l’une des parties allait participer, mais il a aussi délibéré sur la question de savoir s’il devrait procéder en l’absence des parties. Le paragraphe 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale permet au Tribunal de la sécurité sociale, si une partie omet de se présenter à l’audience, de procéder en son absence, s’il est convaincu qu’elle a été avisée de la tenue de l’audience.

[102] Je souligne que, malgré les dispositions du paragraphe 12(1) du Règlement, le membre de la division générale s’est aussi demandé si, de sa propre initiative, il pouvait justifier un ajournement. Finalement, le membre de la division générale a conclu que l’explication fournie par le demandeur ne justifiait pas un ajournement de l’instance. La division générale n’avait pas l’obligation ou le devoir d’ordonner unilatéralement un ajournement de l’audience, mais en se demandant si elle devait le faire, de sa propre initiative, elle a démontré qu’elle était allée au-delà de ce qu’on attend d’elle.

[103] Le demandeur n’était pas limité à faire des observations orales. Il s’est effectivement permis de communiquer avec le Tribunal de la sécurité sociale et de déposer des dossiers additionnels bien après la période de dépôt prenant fin le 24 août 2014, telle qu’établie dans l’avis d’audience.

[104] Je n’accorde pas foi aux observations voulant que la division générale n’a pas donné au demandeur la possibilité de participer à l’instance. Le Tribunal de la sécurité sociale l’a avisé de l’audience et le membre de la division générale a attendu une période raisonnable de temps après l’heure à laquelle la conférence préparatoire et l’audience devaient commencer, avant de procéder. Je ne suis pas convaincue que ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

f) Défaut de contacter le demandeur et les témoins

[105] Le demandeur allègue que la division générale a omis de le contacter ou de contacter l’un de ses témoins, soit pendant l’instance, soit par la suite.

[106] L’avis d’audience prévoyait que le demandeur devait [traduction] « composer le numéro de la téléconférence à partir de son propre téléphone ». En dépit de la demande soumise par le demandeur que le membre de la division générale le contacte, il est clair que le membre de la division générale envisageait que le demandeur composerait le numéro et se joindrait à l’audience par téléconférence.

[107] L’avis d’audience prévoyait aussi que : [traduction] « Si vous serez accompagné par un témoin, ou si vous avez besoin des services d’un interprète, veuillez nous aviser sans tarder ».

[108] Rien n’indique dans le dossier de l’audience que le demandeur ait avisé le Tribunal de la sécurité sociale de son intention d’appeler des témoins à l’audience. Même si le demandeur a prévenu le Tribunal de la sécurité sociale qu’il voulait trouver des témoins, il n’y a pas d’indication spécifique qu’il ait eu des témoins qui participeraient à l’audience. Dans son courriel du 17 août 2014, il indiquait qu’il n’avait pas été capable jusque-là de s’assurer de la participation de témoins. Certains des éléments de correspondance qu’il envoie au Tribunal de la sécurité sociale contiennent des déclarations ou des lettres de témoins, mais rien n’indique qu’ils témoigneraient à une audience, pas plus qu’il n’y a eu de demande présentée par l’intimé qu’ils soient convoqués à des fins de contre-interrogatoire. Par exemple, dans le courriel envoyé le 29 septembre 2014, auquel est jointe la déclaration de G. B. et d’un avocat, il n’est pas fait allusion au fait qu’ils viendraient témoigner. De même, il n’était pas indiqué dans le courriel du demandeur du 3 octobre 2014 que son ancien employé devait venir témoigner à l’audience. Enfin, dans l’un de ses courriels du 21 octobre 2014, le demandeur confirmait que ni Mme T. ni Mme M. n’était disposée à témoigner.

[109] Par conséquent, n’étant pas informée de la possibilité qu’il y ait des témoins, on ne peut pas dire que la division générale ait omis de prendre des mesures pour accommoder des témoins. Il n’a pas été suggéré que ce serait la division générale qui contacterait le demandeur ou les éventuels témoins, dans le cadre de l’audience. Ainsi, je ne suis pas convaincue que ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

g) Devoir de poser des questions

[110] Le demandeur soutient que la division générale a manqué à son devoir de lui poser des questions avant ou pendant l’instance. Le demandeur suggère que si la division générale lui avait posé des questions, cela aurait révélé des éléments de preuve qui auraient été dans l’ensemble favorables à sa demande de prestations de la sécurité de la vieillesse.

[111] Ni la Loi ni le Règlement n’impose le devoir à la division générale de poser des questions à une partie ou à ses témoins, mais comme la Cour suprême du Canada l’a fait remarquer dans Brouillard dit Chatel c. La Reine, [1985] 1 RCS 39, même s’il est laissé à la discrétion du décideur d’interroger un témoin, il a le devoir de lui poser des questions afin de clarifier ou éventuellement résoudre les malentendus. Le juge Lamer (son titre alors) citait avec approbation R. v. Darlyn (1946), 88 C.C.C. 269. Il écrit :

Enfin, je cite avec approbation le jugement auquel nous réfère la Couronne intimée dans R. v. Darlyn (1946), 88 C.C.C. 269, où la Cour d’appel de la Colombie-Britannique disait, sous la plume du juge Bird (à la p. 277) :

[Traduction]
La nature et le degré de la participation d’un juge à l’interrogatoire d’un témoin relèvent sans aucun doute de son pouvoir discrétionnaire, pouvoir qu’il doit exercer judiciairement. Selon moi, la fonction du juge consiste à tenir en équilibre la balance de la justice entre le ministère public et l’accusé. Il ne fait pas de doute dans mon esprit qu’un juge a non seulement le droit mais aussi le devoir d’interroger un témoin afin d’élucider une réponse obscure ou pour s’assurer qu’un témoin a bien compris une question, et même de corriger une omission de l’avocat en posant des questions qui, à son avis, auraient dû être posées pour expliquer ou faire ressortir certains points pertinents.

En somme tout le monde est d’accord pour reconnaître au juge le droit et, le cas échéant, le devoir de poser des questions, mais aussi certaines limites à ce droit, et des limites certaines.

[112] Ces deux décisions étaient en contexte de droit criminel, mais deux principes généraux demeurent applicables : le décideur a le pouvoir discrétionnaire d’intervenir et le devoir d’intervenir pour élucider une réponse obscure ou pour résoudre un éventuel malentendu afin d’expliquer certains points pertinents. Le décideur a le devoir d’intervenir non seulement pour demander des précisions ou résoudre un éventuel malentendu, mais aussi dans la mesure où il peut formuler des constatations et tirer des conclusions sur ces constatations.
[113] Si le membre de la division générale avait eu besoin de précisions ou avait eu des renseignements incomplets sur une question, il aurait pu poser des questions aux parties. Dans les faits, il y avait une preuve documentaire exhaustive pour lui permettre de formuler des constatations et ultimement de venir à établir l’admissibilité du demandeur aux prestations de la sécurité de la vieillesse.

[114] Le membre aurait dépassé largement son obligation et il aurait été fortement non conforme et inapproprié que la division générale assume le rôle d’avocat de l’une des parties et procède à un interrogatoire (ou contre-interrogatoire) complet pour confirmer ou infirmer la cause de l’une des parties.

[115] Je ne suis pas convaincue que ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

h) Conclusions de fait erronées

[116] Le demandeur soutient que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Plus particulièrement, le demandeur fait valoir que la division générale a conclu qu’il avait omis d’envisager d’obtenir la citoyenneté américaine en étant parrainé par ses parents. Il affirme que la division générale a plutôt inféré qu’il devait avoir acquis la citoyenneté américaine après cinq ans de résidence aux É.-U.

[117] L’intimé avait fait des observations écrites voulant que, selon un site Web du gouvernement américain, une personne pouvait être admissible à la citoyenneté américaine si elle avait été résidente permanente des É.-U. pendant au moins cinq (5) ans. L’intimé faisait valoir que, puisque le demandeur avait obtenu la citoyenneté américaine en 1992, il devait ne pas avoir été résident ordinaire au Canada depuis 1987 au moins. En réplique, le demandeur soutenait que, contrairement aux observations de l’intimé, il avait été parrainé par sa mère et devait résider à l’extérieur des É.-U. Le demandeur faisait aussi valoir qu’il a obtenu la citoyenneté américaine parce que la double citoyenneté canadienne-américaine favorisait ses intérêts d’affaires.

[118] La division générale connaissait et avait souligné les observations des deux parties concernant la citoyenneté américaine du demandeur, mais elle n’a pas tiré de conclusion particulière quant à la manière dont le demandeur pourrait avoir obtenu la citoyenneté américaine, ni tiré de conclusion particulière liant une éventuelle résidence aux É.-U. avec la citoyenneté américaine. Je souligne en outre que bien qu’il y ait eu des observations indiquant un parrainage des parents, aucune preuve documentaire d’un tel parrainage n’a été soumise à la division générale. Comme la division générale n’a pas tiré de conclusion particulière sur ce point, je ne suis pas convaincue que ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

[119] Le demandeur soutient en outre que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, nommément, que lui et ses témoins [traduction] « mentaient au point où cette preuve n’était pas acceptable » et « mentaient lorsqu’ils prétendaient qu’il résidait au Canada et concernant les périodes spécifiques qu’ils avançaient ». En fait, la division générale n’est jamais allée aussi loin que le laisse entendre le demandeur. La division générale a accordé peu de poids aux affirmations du demandeur concernant son historique de résidence car elle les trouvait [traduction] « incomplètes, incohérentes et inexactes, ce qui jette un doute sur la fiabilité de ses affirmations en général » (au paragraphe 69 de la décision). Au paragraphe 70 de sa décision, la division générale a aussi souligné qu’en décembre 2010, le demandeur avait reconnu que le récit sur sa résidence n’était « pas fiable ».

[120] La division générale a tiré certaines conclusions sur la crédibilité fondées en partie sur des considérations objectives comme les incohérences. C’était tout à fait dans les attributions de la division générale de tirer ces conclusions, en fonction des éléments portés à sa connaissance. Je ne peux voir d’erreur évidente ou spécifique. Même si le demandeur réfute toute incohérence dans la preuve, ce n’est pas à moi, à l’étape de la permission d’en appeler, d’établir si l’évaluation de crédibilité réalisée par la division générale était raisonnable.

[121] Je ne suis pas convaincue que ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

i) Examen de la preuve

[122] Le demandeur fait valoir que la division générale n’a pas pleinement examiné la preuve dont elle était saisie, y compris les éléments suivants :

  • - 3 passeports canadiens couvrant une période de 24 ans;
  • - une lettre d’un conseil scolaire prouvant sa fréquentation scolaire;
  • - une lettre d’un ancien avocat déclarant sa [traduction] « connaissance personnelle de la résidence, de la conjointe canadienne, des activités d’affaires », qui selon lui, couvre une période beaucoup plus longue que celle nécessaire pour établir sa résidence;
  • - une lettre assermentée d’un ancien propriétaire;
  • - une lettre assermentée d’un ancien employé;
  • - des éléments de preuve qu’il avait exploité plusieurs entreprises au Canada;
  • - des demandes de permis de diffusion et des demandes au CRTC, qui portaient toutes des adresses au Canada;
  • - des coupures de presse montrant des tournées de spectacles et des activités commerciales partout au Canada, qui couvrent toutes une période plus longue que celle requise pour établir sa résidence;
  • - des permis de conduire et des certificats d’immatriculation canadiens;
  • - des preuves d’achat de bateau et d’avion au Canada;
  • - la preuve qu’il a enseigné dans un collège canadien;
  • - la preuve qu’il a démarré un centre de conférence et un institut (Hillsburgh lnternational Institute) et aussi qu’il a enseigné à des groupes
  • - le fait qu’il a produit un journal et ensuite financé la publication de ce journal;
  • - le fait qu’il avait démarré et commandité une organisation jeunesse au centre-ville de Toronto;
  • - le fait qu’il avait démarré un corps de tambours et clairons autochtone aux T.N-O. et fait de longues tournées de spectacles partout au Canada.

Le demandeur soutient que cela représentait une preuve irréfutable qu’il avait établi avoir résidé au Canada pendant le nombre d’années exigé.

[123] La preuve dont était saisie la division générale était considérable. Le membre de la division générale a mentionné une bonne partie de cette preuve et, dans l’analyse, il a indiqué quels éléments il avait trouvé particulièrement convaincants et persuasifs.

[124] La Cour d’appel fédérale a aussi statué qu’un décideur n’est pas obligé de faire la liste exhaustive de toute la preuve dont il est saisi, puisqu’il y a une présomption générale qu’il a tenu compte de l’ensemble de la preuve. Dans l’arrêt Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, la Cour d’appel fédérale a statué qu’« un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve ». Le demandeur ne m’a pas indiqué quoi que ce soit dans la décision de la division générale qui me porterait à mettre en doute le fait que cette présomption doit être réfutée ou renversée.

[125] Je ne suis pas convaincue que ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

j) Admissibilité des observations tardives de l’intimé

[126] Le demandeur fait valoir que le membre de la division générale aurait dû déclarer que les observations de l’intimé étaient inadmissibles, car elles ont été déposées en retard, ou le membre aurait dû ajourner l’instance. Je traiterai de la question de l’ajournement de l’audience sous la rubrique « (l) Ajournement de l’instance » ci-après.

[127] Le demandeur soutient qu’en acceptant les observations de l’intimé, cela démontrait un parti pris et lui a causé un préjudice, car il n’a pas eu l’occasion de faire un contre-interrogatoire ou de réfuter les observations.

[128] Ces observations doivent être rejetées pour les raisons suivantes :

  1. a) Les observations de l’intimé déposées le 21 octobre 2014 venaient en réponse à des dossiers qui avaient été déposés par le demandeur après la période de dépôt se terminant le 24 août 2014. Les dossiers déposés après le 24 août 2014 étaient donc eux-mêmes en retard.
  2. b) Les observations de l’intimé constituaient des arguments. Les observations ne contenaient pas d’éléments de preuve et, en conséquence, il n’y avait pas lieu de procéder à un contre-interrogatoire.
  3. c) Le demandeur pouvait remédier à la situation en demandant un ajournement de l’instance, mais cela n’a pas été fait.
  4. d) Subsidiairement, le demandeur pouvait retirer les dossiers qu’il avait déposés tardivement après la période de dépôt, ce qui aurait permis à l’intimé de retirer l’Addendum aux observations.

[129] Je ne suis pas convaincue que ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

k) Fardeau de la preuve

[130] Le demandeur soutient que la division générale a appliqué le mauvais fardeau de preuve. Il allègue que, en arrivant à sa conclusion, elle ne pouvait avoir appliqué le fardeau de preuve de la prépondérance des probabilités. Il allègue qu’il y avait des « données irréfutables » pour établir le nombre suffisant d’années de résidence canadienne, et que si la division générale avait appliqué la prépondérance des probabilités comme fardeau de preuve, elle aurait été portée à conclure qu’il avait assez d’années de résidence canadienne.

[131] Au paragraphe 84 de sa décision, le membre de la division générale a jugé que le demandeur ne s’acquittait pas de son fardeau de preuve par prépondérance des probabilités. Il semble au vu du dossier que la division générale a appliqué le fardeau de la prépondérance des probabilités. Mis à part le fait d’alléguer que la division générale devait avoir utilisé un fardeau de preuve plus strict, il ne m’a pas indiqué quoi que ce soit dans la décision qui puisse soulever un moyen défendable voulant qu’un autre fardeau de preuve ait été utilisé. Essentiellement, par ces observations le demandeur veut que la preuve soit appréciée de nouveau, ce qui ne constitue pas un moyen d’appel approprié au sens du paragraphe 58(1) de la Loi. Je ne suis pas convaincue que ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

l) Ajournement de l’instance

[132] Le droit à un ajournement n’est pas automatique. Il est bien établi que la décision d’accorder ou non un ajournement demeure à la discrétion du décideur. Le décideur doit exercer cette discrétion de manière équitable. En général, tel qu’indiqué précédemment, les tribunaux n’interféreront pas avec l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire de refuser un ajournement, à moins que l’on puisse démontrer que le décideur a commis une erreur manifeste et dominante dans l’exercice de cette discrétion.

[133] Mettant de côté le fait que le demandeur n’a pas présenté de demande officielle d’ajournement de l’instance, que ce soit au Tribunal de la sécurité sociale ou au membre de la division générale à aucun moment avant le début de l’instance le 22 octobre 2014, le demandeur soutient que la division générale aurait dû ajourner l’instance une fois qu’elle a été informée de ses [traduction] « importants problèmes de santé ».

[134] Tel qu’indiqué précédemment, le membre de la division générale s’est demandé, de sa propre initiative, si un ajournement de l’audience était approprié dans les circonstances. Il a conclu, à partir de la preuve dont il était saisi, y compris une note de médecin du 16 octobre 2014, que :

[Traduction]
[…] il n’y [avait] pas de preuve médicale confirmant que le [demandeur] était incapable de se joindre à l’audience le jour où elle était prévue, simplement une indication du [demandeur] lui-même qu’il avait reçu un diagnostic ce jour-là. Depuis le moment de sa visite chez le médecin le 16 octobre 2014, le [demandeur] a prouvé qu’il était tout à fait capable de communiquer avec le Tribunal […]

[135] Si c’était là le fondement d’un ajournement, la décision de le refuser n’ouvre pas la voie à la norme selon laquelle la division générale a commis une erreur manifeste et dominante.

Nouveaux dossiers

[136] Enfin, le demandeur fait valoir qu’il dispose de documents additionnels dont la division générale n’était pas saisie. Il soutient que ces documents appuient sa demande de prestations de la sécurité de la vieillesse.

[137] Des rapports additionnels devraient avoir trait aux moyens d’appel. Le demandeur n’a pas indiqué comment les faits ou dossiers additionnels proposés pourraient correspondre ou répondre à l’un ou l’autre des moyens d’appel énumérés. S’il me demande d’examiner des faits et dossiers additionnels, d’apprécier de nouveau la preuve et de réévaluer la demande en sa faveur, je suis dans l’impossibilité de le faire à ce moment-ci, étant donné les contraintes du paragraphe 58(1) de la Loi. Ni la demande de permission d’en appeler ni l’appel ne permettent de réévaluer ou d’entendre de nouveau la demande afin de déterminer si le demandeur était résident pendant la période requise en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, à moins que l’on ait établi qu’il y avait une erreur pouvant faire l’objet d’une révision.

[138] S’il y a des faits ou des dossiers nouveaux que le demandeur entend déposer en vue de faire annuler ou modifier la décision de la division générale, il doit maintenant se conformer aux exigences énoncées aux articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, et doit aussi présenter une demande d’annulation ou de modification auprès de la même division qui a rendu la décision. Il y a des délais et des exigences strictes à l’article 66 de la Loi pour annuler ou modifier les décisions.

[139] Le paragraphe 66(2) de la Loi exige que la demande d’annulation ou de modification soit présentée au plus tard un an après la date où une partie reçoit communication de la décision, alors que l’alinéa 66(1)b) de la Loi exige que le demandeur démontre que les faits nouveaux sont essentiels et, au moment de l’audience, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. En vertu du paragraphe 66(4) de la Loi, la division d’appel dans le présent cas n’a aucune compétence pour annuler ou modifier une décision en se fondant sur des faits nouveaux, car seule la division qui a rendu la décision a le pouvoir de le faire.

Conclusion

[140] Pour les raisons qui précèdent, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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