Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Le 26 février 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal) a rejeté de façon sommaire l’appel interjeté par l’appelante à l’encontre de la décision selon laquelle l’admissibilité de cette dernière à une pension au titre de la Loi sur la sécurité de la vieillesse commencerait en août 2010. L’appelante porte en appel le rejet sommaire de son appel. En son nom, son avocate fait valoir que la demande de pension de retraite de l’appelante devrait être réputée avoir été reçue le 11 août 2007, ce qui correspond à la date où un employé de Service Canada a indiqué à l’appelante qu’elle n’était pas admissible à une pension de la SV parce qu’elle touchait une pension de survivant de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail.

[3] L’appelante soutient que comme elle s’est fiée à son détriment à l’avis erroné que lui a donné l’employé de Service Canada, elle ne devrait pas avoir à en subir les conséquences. Elle fait valoir que la division générale a négligé d’exercer sa compétence pour modifier la décision du ministre et prendre des mesures correctives afin que l’appelante soit replacée dans la position où elle se serait trouvée aux termes de la Loi sur la Sécurité de la vieillesse si l’employé de Service Canada ne lui avait pas donné d’avis erroné.

Question en litige

[4] La question que doit trancher le Tribunal peut être formulée dans les termes suivants :

  1. a) La division générale a-t-elle la compétence de modifier la décision du Ministre en ce qui concerne la date à partir de laquelle commence le versement de la pension de retraite de l’appelante?
  2. b) Si la division générale a la compétence pour modifier la décision du ministre en ce qui concerne la date à partir de laquelle commence le versement de la pension de retraite de l’appelante, la division générale a-t-elle négligé d’exercer sa compétence dans l’affaire de l’appelante?

Droit applicable

[5] Aux termes du paragraphe 56(1)Footnote 1 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, un demandeur doit obtenir la permission avant de pouvoir interjeter appel devant la division d’appel du Tribunal. Toutefois, lorsque la division générale rejette un appel de façon sommaire, il n’est pas nécessaire d’obtenir une permission. L’appel se retrouve directement devant la division d’appel. C’est le paragraphe 56(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social qui régit ce cas de figure. En voici le libellé :

(2) Toutefois, il n’est pas nécessaire d’obtenir une permission dans le cas d’un appel interjeté au titre du paragraphe 53(3) [rejet sommaire par la division générale].

Observations

[6] L’avocate de l’appelante fait valoir qu’en raison de l’avis erroné sur lequel cette dernière s’est appuyée, elle devrait avoir droit à une plus grande rétroactivité que les 15 mois prévus au paragraphe 8(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. L’avocate soutient que le ministre avait le pouvoir discrétionnaire de modifier la rétroactivité et que la division générale avait la compétence pour modifier la date de début du versement de la pension de la SV de l’appelante. Elle soutient que parce que la demande a été faite le 13 juillet 2011, elle aurait dû être considérée comme étant reçue le 11 août 2007, date où l’appelante a atteint l’âge de 65 ans.

[7] L’avocat de l’intimé réplique que la division générale a énoncé correctement le critère applicable au rejet sommaire aux termes de l’article 53 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, qu’elle a correctement énoncé et appliqué la loi en ce qui concerne la rétroactivité maximale des paiements de la pension de la SV et qu’elle n’a pas commis d’erreur quand elle a appliqué les faits à la loi. De plus, l’avocat de l’intimé soutient que la décision de la division générale était raisonnable et ne renfermait aucune erreur susceptible de contrôle qui permettrait à la division d’appel d’intervenir. Par conséquent, l’appel devrait être rejeté.

[8] En ce qui concerne l’allégation relative à l’information erronée, l’avocat de l’intimé est d’avis qu’il incombe aux demandeurs de demander des prestations dans les délais prescrits. À cet égard, l’avocat de l’intimé s’appuie sur la décision du tribunal de révision dans L-67880 c. MDRH, 7 octobre 2002. De plus, l’avocat de l’intimé soutient qu’il appartenait à l’appelante de prouver son allégation quant à l’avis erroné et que d’après la décision Grosvenor c. Canada 2011 CF 799, la compétence appropriée pour l’appel se trouve du côté de la Cour fédérale et pas de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

[9] L’avocat de l’intimé a également fait valoir que même si le Tribunal peut contrôler une affaire portant sur de l’information erronée, il n’a pas compétence pour apporter un correctif. En effet, dans les décisions Canada c. Vinet-Proulx (2007) CF 99; H-49921 c. MDRH, 6 avril 2000, il a été établi que le tribunal de révision n’avait pas la compétence pour annuler une décision rendue par le ministre en application de l’article 32 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Enfin, l’avocat prétend qu’à la lumière des faits non contestés, qui montrent que l’appelante a présenté une demande de pension de vieillesse en juillet 2011, et du droit applicable, l’appelante a reçu la rétroactivité maximale qu’elle pouvait recevoir.

Analyse

[10] Le litige porte essentiellement sur les dispositions de l’article 8 et de l’article 32 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Ce dernier article traite du pouvoir discrétionnaire que peut exercer le ministre dans les affaires portant sur de l’information erronée. L’article 8 est quant à lui ainsi libellé :

Service de la pension

8. Premier versement– (1)  Le premier versement de la pension se fait au cours du mois qui suit l’agrément de la demande présentée à cette fin; si celle-ci est agréée après le dernier jour du mois de sa réception, l’effet de l’agrément peut être rétroactif au jour — non antérieur à celui de la réception de la demande — fixé par règlement.

(2) Exception - Toutefois, si le demandeur a déjà atteint l’âge de soixante-cinq ans au moment de la réception de la demande, l’effet de l’agrément peut être rétroactif à la date fixée par règlement, celle-ci ne pouvant être antérieure au jour où il atteint cet âge ni précéder de plus d’un an le jour de réception de la demande. Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. 1985, ch. 0-9, alinéa 8(1) et (2) a).

[11] L’article 32 est intitulé « Avis erroné ou erreur administrative » et prévoit ce qui suit :

32. Refus de prestation dû à une erreur du ministère- S’il est convaincu qu’une personne s’est vu refuser tout ou partie d’une prestation à laquelle elle avait droit par suite d’un avis erroné ou d’une erreur administrative survenus dans le cadre de la présente loi, le ministre prend les mesures qu’il juge de nature à replacer l’intéressé dans la situation où il serait s’il n’y avait pas eu faute de l’administration. L.R. 1995. ch. 33, art. 18

La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a déterminé qu’elle n’avait pas la compétence pour modifier la date à laquelle l’appelante commencerait à toucher sa pension de vieillesse?

[12] C’est là le fond de la question en litige que doit trancher la division d’appel. L’avocate de l’appelante soutient qu’en raison des renseignements erronés que cette dernière a reçus, la division générale avait la compétence pour prolonger la période de rétroactivité. L’avocate en demeure convaincue depuis le début de la procédure. L’avocat de l’intimé est quant à lui tout aussi persuadé que le Tribunal n’a pas cette compétence. Il maintient que c’est à la Cour fédérale que l’appelante doit s’adresser. Pour les raisons indiquées ci-dessous, le Tribunal partage l’avis de l’avocat de l’intimé.

[13] L’article 32 accorde au ministre un pouvoir discrétionnaire lui permettant de modifier la période de rétroactivité s’il est convaincu qu’une personne demandant une pension de la Sécurité de la vieillesse a reçu un avis erroné ou qu’une erreur administrative a été commise au détriment de celui-ci. Toutefois, ceci présuppose que l’avis erroné ou l’erreur administrative ont été démontrésFootnote 2. Néanmoins, le Tribunal est convaincu que la division générale, et donc le Tribunal, n’a pas la compétence pour fournir à l’appelante le correctif qu’elle demande.

[14] En vertu de sa loi habilitante, la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social , l’article 54 permet à la division générale d’instruire les appels interjetés à l’encontre des décisions rendues par le ministre. L’article 54 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social est ainsi libellé :

54. Décisions – La division générale peut rejeter l’appel ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision visée par l’appel ou rendre la décision que le ministre ou la Commission aurait dû rendre. (2012, ch. 19, art. 224.)

[15] La division générale se voit également accorder des compétences supplémentaires bien précises pour instruire un appel à l’encontre d’une décision du ministre rendue en application de l’article 27(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse par l’article 28 de cette même loi. Le paragraphe 27(1) traite de la révision de décisions antérieures. Ce paragraphe place la division générale dans la position où se trouvait auparavant le tribunal de révision. L’article 28 est ainsi formulé :

28Appels en matière de prestation – (1) La personne qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application de l’article 27.1, notamment une décision relative au délai supplémentaire, ou, sous réserve des règlements, quiconque pour son compte, peut interjeter appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale, constitué par l’article 44 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (1997, c. 40, art. 101; 2012, c. 19, par. 236(1); 2013, c.40. s. 236 91)(g)(iv).)

[16] La jurisprudence portant sur le paragraphe 27(1) établit le correctif que peut demander un demandeur qui affirme avoir reçu un [traduction] « avis erroné ». Ainsi, le seul correctif dont peut se prévaloir un demandeur mécontent consiste à présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision du Ministre à la Cour fédérale. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c Tucker, 2003 CAF 278.

[17] La jurisprudence portant sur l’article 28 établit clairement qu’un tribunal de révision (en l’occurrence la division générale) peut uniquement exercer la compétence que lui confèrent ses lois habilitantes. Ainsi, dans la décision B-49043 c. MDRH, (6 avril 2000) (TR), il est établi que [traduction] « le fait que le retraité ignore l’existence de l’allocation au survivant au moment du décès de sa conjointe ne confère pas au tribunal de révision le pouvoir d’accorder une période de rétroaction plus longue que la période maximale de 11 mois prévue par la loi ».

[18] De la même façon, de multiples affaires portant sur l’article 32 et sur la compétence du tribunal de révision ont établi qu’un tel tribunal n’a pas le pouvoir d’entendre un appel à l’encontre d’une décision que le ministre a rendue en application de l’article 32 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Par conséquent, la division générale ne dispose pas de ce pouvoir non plus.

[19] La décision Procureur général c. Lise Vinet-Proulx, T ‑200‑06, 2007 CF 99 vient appuyer cette position. Dans une affaire correspondant en tous points à l’appel dont il est ici question, la Cour fédérale a circonscrit la compétence du tribunal à l’égard des décisions rendues par le Ministre en application de l’article 32 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Au paragraphe 12 de cette décision, le juge Martineau s’exprime en ces termes :

[12] Comme on peut le constater, le Tribunal de révision est un tribunal statutaire dont la compétence et les pouvoirs sont délimités notamment par le paragraphe 27.1 (1) et l'article 28 de la Loi, ainsi que par les articles 82 et 84 du RPC. Ainsi, le Tribunal de révision n’a pas de compétence en equity et ne peut, par exemple, ordonner au ministre d’effectuer un versement à titre gracieux (Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines c. Dublin (Succession de), supra). D’autre part, il a déjà été décidé que le tribunal de révision n'a pas compétence pour réformer une décision du ministre prise en vertu de l'article 32 de la Loi; c’est la Cour fédérale qui est l’instance compétente en pareil cas (Pincombe c. Canada (Procureur général), [1995] A.C.F. no 1320 (C.A.F.) (QL); Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Tucker, 2003 CAF 278; CAF 278, [2003] A.C.F. no 998 (QL); Kissoon c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), 2004 CAF 384, [2004] A.C.F. no 1949 (QL); Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Mitchell, 2004 CF 437, [2004] A.C.F. no 578 (C.F.) (QL)).

[20] Le juge Martineau a ensuite discuté de la compétence d’un tribunal de révision d’entendre l’appel à l’encontre de la décision révisée et d’établir une distinction entre cette compétence et celle de modifier la décision discrétionnaire du ministre rendue en application de l’article 32 à l’égard de MmeVinet-Proulx :

[13] La décision révisée du ministre a été rendue en application du paragraphe 27.1 (2) de la Loi. Aussi, le Tribunal de révision avait d’emblée compétence en vertu du paragraphe 28(1) de la Loi pour entendre l’appel portée par Mme Vinet‑Proulx à l’encontre de la décision révisée (Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines c. Dublin (Succession de), supra). En pareil cas, en vertu du paragraphe 82(11) du RPC, le Tribunal de révision a compétence pour confirmer ou modifier la décision révisée du ministre, et il peut, à cet égard, prendre toute mesure que le ministre aurait pu prendre en application du paragraphe 27.1 (2) de la Loi. Or, en vertu du paragraphe 27.1 (2) de la Loi, le ministre peut prendre la mesure suivante : il peut confirmer ou modifier sa décision antérieure soit en agréant le versement de la prestation ou en la liquidant, soit en décidant qu’il n’y a pas lieu de verser la prestation. Rappelons à cet égard que dans la Loi, le terme « prestation » est défini par « pension, supplément ou allocation », qui sont des paiements autorisés en vertu des parties I, II et III respectivement.

[21] La division générale conserve la même compétence à l’égard de l’article 82 du Régime de pensions du Canada, de sorte que l’affirmation du juge Martineau reste tout aussi applicable aujourd’hui qu’elle l’était au moment de l’affaire de Mme Vinet-Proulx. Par conséquent, le Tribunal conclut que même si la division générale pouvait entendre l’appel de l’appelante, elle ne pouvait pas modifier la décision du ministre en sa faveur compte tenu des termes du paragraphe 8(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, qui permet un paiement rétroactif mais qui limite la période de la rétroactivité.Footnote 3

[22] Dans la décision Vinet-Proulx, le juge Martineau traite de cette situation et parvient à la conclusion suivante :

[13] Il s’agit donc de se demander si à l’occasion d’une demande de reconsidération de la décision initiale du ministre, le ministre était autorisé en application du paragraphe 27.1 (2) de la Loi, suite à l’approbation de la demande de prestations reçue le 14 avril 2004, à autoriser le versement rétroactif d’une pension pour une période qui soit antérieure à mai 2003. En l’espèce, le paragraphe 8(2) de la Loi et le paragraphe 5(2) du Règlement sont clairs et ne confèrent aucune discrétion au ministre : l’effet de l’agrément de la demande de prestations ne peut précéder de plus d’un an le jour de réception de la demande en question. Or, en vertu du paragraphe 3(2) du Règlement, la demande de prestations ayant donné lieu à la décision initiale du ministre, a été reçue par le ministère le 14 avril 2004 et a été « réputée présentée » par Mme Vinet-Proulx à cette dernière date. Par conséquent, je conclus que le Tribunal de révision n’avait pas compétence pour octroyer une pension rétroactive à partir du mois de juillet 2002, ce qui est contraire aux prescriptions des dispositions législatives et réglementaires en vertu desquelles la décision initiale et la décision révisée du ministre sont fondées.

[23] Dans le même ordre d’idées, le Tribunal conclut que la division générale n’a pas la compétence pour accorder à l’appelante des prestations de retraite versées de façon rétroactive à partir d’août 2007. Le seul recours dont dispose l’appelante à l’égard de l’avis erroné qu’elle a reçu consiste à faire appel à la Cour fédérale.

Conclusion

[24] L’appel est rejeté.

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