Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] L’appelante a présenté une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) en juin 2011. L’intimé a estimé qu’elle était admissible à une pension et a établi la date d’entrée en vigueur en juillet 2010. L’appelante a demandé à l’intimé de réviser la date d’entrée en vigueur de la pension. Elle a demandé que le paiement de la pension de SV soit rétroactif au mois d’octobre 2008, lorsqu’elle a eu 65 ans. La demande de révision ayant été refusée, l’appelante a interjeté appel de la décision devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision, qui a transféré son dossier au Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal), le 1er avril 2013. Le 21 avril 2015, un membre de la division générale du Tribunal a rejeté de façon sommaire l’appel.

Motifs de l’appel

[3] L’appelante a affirmé que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en raison de son [traduction] « incapacité de prendre en compte la compassion, l’équité ou les circonstances atténuantes et a donc refusé à une citoyenne ses véritables droits en vertu de la Loi, et cette loi ne visait certainement pas à faire cela au simple motif de l’interprétation stricte de la loi ».

[4] Cette observation renvoie clairement à la conclusion suivante de la division générale :

[Traduction]
[16] Le Tribunal comprend que l’appelante a eu 65 ans en 2008; toutefois, il est incapable d’attribuer tout paiement rétroactif antérieurement au versement des paiements. Le Tribunal n’a pas compétence pour rendre des décisions en se fondant sur la compassion, l’équité ou les circonstances atténuantes. Le Tribunal doit appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Canada [Ministre du Développement des ressources humaines] c. Esler, 2004 CF 1567).

Droit applicable

[5] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social ne prévoit que trois moyens d’appel. Ceux-ci sont : une erreur de droit, une erreur de fait ou un manquement à la justice naturelle ou encore un refus de la division générale d’exercer sa compétenceFootnote 1.

[6] L’article 8 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse régit le paiement d’une pension de SV. Voici le libellé de cet article à la rubrique « Service de la pension » : 

  1. 8. Premier paiement de la pension – (1) Le premier versement de la pension se fait au cours du mois qui suit l’agrément de la demande présentée à cette fin; si celle-ci est agréée après le dernier jour du mois de sa réception, l’effet de l’agrément peut être rétroactif au jour – non antérieur à celui de la réception de la demande – fixé par règlement.
  2. (2) Exception –Toutefois, si le demandeur a déjà atteint l’âge de soixante-cinq ans au moment de la demande, l’effet de l’agrément peut être rétroactif à la date fixée par règlement, celle-ci ne pouvant être antérieure au jour où il a atteint cet âge ni précéder de plus d’un an le jour de réception de la demande. Loi sur la sécurité de la vieillesse, R.S.C. 1985, c. 0-9, paragraphe 8(1) et alinéa (2)a).

Questions en litige

[7] Les questions à trancher dans le cadre de cet appel sont les suivantes :

  1. (1) La division générale a-t-elle refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a décidé de rejeter de façon sommaire l’appel de l’appelante?
  2. (2) La décision de la division générale de rejeter de façon sommaire l’appel constitue‑t‑elle un manquement à un principe de justice naturelle ou une autre erreur susceptible de contrôle conformément à l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social?

Observations

[8] Comme en l’espèce, lorsqu’il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision de rejeter de façon sommaire un appel, l’article 36 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité socialeFootnote 2 autorise les parties, dans les 45 jours suivant le dépôt de l’appel, à présenter des observations ou à aviser le Tribunal qu’elles n’ont aucune observation à présenter. L’appelante et l’intimé ont tous deux présenté des observations. Toutefois, seul l’intimé a présenté des observations détaillées. Les observations de l’appelante se limitaient à exprimer sa volonté que tous les faits et toutes les dispositions législatives pertinents soient appliqués à son appel.

Analyse

Norme de contrôle

[9] La principale affaire concernant la norme de contrôle à appliquer en appel est la décision Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick,2008 CSC 9. Dans l’affaire Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a conclu que lorsqu’un tribunal examine une décision relativement à des questions de fait, à des questions mixtes de fait et de droit et à des questions de droit liées à la loi constitutive d’un tribunal, la norme de contrôle à appliquer est celle de la décision raisonnable. Le Tribunal estime que la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle appropriée en l’espèce parce que la décision comporte des questions mixtes de fait et de droit. C’est la position adoptée par l’avocat de l’intimé, et pour la raison qui suit, le Tribunal admet que la norme de la décision raisonnable est la norme appropriée à appliquer à la décision de la division générale.

[10] La question réelle et sous-jacente dont est saisie la division générale consiste à déterminer si l’appelante avait présenté sa demande de prestations de la SV dans un délai permettant des paiements rétroactifs à octobre 2008. De façon subsidiaire, la division générale devait décider, si l’appelante n’avait pas fait sa demande dans le délai requis, si elle avait compétence pour appliquer une période de rétroactivité prolongée. Ces questions concernent des conclusions de fait antérieures au sujet de la demande de pension ainsi que l’application de la loi pertinente. Par conséquent, la question étant une question mixte de fait et de droit, la Tribunal convient que la « norme de la décision raisonnable » est la norme de contrôle qui s’applique.

[11] Le Tribunal estime que le membre de la division générale a énoncé adéquatement la disposition législative applicable concernant le rejet sommaire d’un appel ainsi que celle régissant le premier paiement de la pension de SV, en l’occurrence l’article 53 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et l’article 8 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse; il l’a fait aux paragraphes 4, 6 et 7 de la décision. L’appelante aimerait que le Tribunal ordonne une période de rétroactivité de plus de 12 mois; cependant, l’article 8 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse prévoit précisément que l’effet de l’agrément peut être rétroactif à la date fixée par règlement, « celle-ci ne pouvant être antérieure au jour où il atteint cet âge ni précéder de plus d’un an le jour de réception de la demande » de pension de SV par l’intimé. Dans le cas de l’appelante, la date la plus antérieure applicable est juillet 2010 bien qu’elle ait eu 65 ans en octobre 2008. Dans sa décision, la division générale a ainsi appliqué correctement le droit aux faits de l’espèce.

[12] L’appelante soutient que la division générale aurait dû adopter une approche plus humaine et plus équitable à l’égard de son appel et n’aurait pas dû s’en tenir à la lettre de la loi. L’appelante est d’avis que la division générale aurait dû prendre en compte ce qu’elle considère comme étant des circonstances atténuantes, à savoir qu’elle ne savait pas qu’elle devait présenter une demande de Sécurité de la vieillesse en même temps qu’une demande de pension de vieillesse. Cependant, ce n’est pas une position que peut envisager la division générale ou le Tribunal dans cette affaire. En tant que tribunal créé par voie législative, les pouvoirs du Tribunal d’exercer une compétence de ce genre se limitent à ceux qui lui sont conférés par la loi. En l’espèce, la loi limite expressément la période de rétroactivité à un an, et le Tribunal n’a pas le pouvoir d’aller au-delà de cette période. Cette position a été confirmée clairement dans un certain nombre de décisions de tribunaux de révision, qui traitaient de demandes de pension de SV non présentées dans le délai prévu. Ainsi, dans la décision F‑3773 c. MDRH (8 janvier 1999) (TR), un tribunal de révision a conclu que la modification de novembre 1995 à l’article 8 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, qui restreint la période de rétroactivité à un an [traduction] « s’appliquait à toutes les demandes présentées après l’entrée en vigueur de la modification, même si le demandeur a eu le droit de présenter une demande avant ce moment ».

[13] Le fondement législatif du Tribunal concernant les prestations rétroactives a été amplement traité par la Cour fédérale dans les affaires Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Esler, 2004 CF 1567 et Canada (Procureur général) c. Vinet‑Proulx, 2007 CF 99. Dans les deux cas, la Cour fédérale a apporté la clarification suivante : « Le Tribunal de révision est une pure création de la loi et, par conséquent, il ne jouit d’aucune compétence inhérente en équité qui lui aurait permis d’écarter la disposition législative claire du paragraphe 8(2) de la Loi et d’appliquer le principe d’équité pour accorder des prestations rétroactives au-delà de la limite prévue par la Loi. » La division générale, qui succède au tribunal de révision, a une position similaire. Ainsi la division générale n’avait pas le pouvoir de prendre en compte des préoccupations d’équité, ni d’accorder à l’appelante la période de rétroactivité qu’elle demandait. Il s’ensuit que la division générale n’a pas refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire en décidant de rejeter de façon sommaire l’appel de l’appelante, puisqu’elle ne pouvait pas exercer un pouvoir qu’elle n’avait pas.

Décision de rejeter de façon sommaire l’appel

[14] La question sous cette rubrique consiste à déterminer si, en rejetant de façon sommaire l’appel, la division générale a manqué à un principe de justice naturelle ou a commis une erreur susceptible de contrôle en vertu de l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. Pour les raisons qui suivent, le Tribunal répond à cette question par la négative.

[15] Selon le paragraphe 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. La question consiste à déterminer ce qui représente une chance raisonnable de succès. Dans l’affaire Canada (ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, la Cour d’appel fédérale a assimilé une chance raisonnable de succès au fait d’avoir une cause défendable.

[16] Bien que ce qui représente une cause défendable puisse faire l’objet de débats, je conclus qu’il est approprié que la division générale rejette de façon sommaire l’appel lorsque les faits ne sont pas contestés et que le droit applicable est clair, et que, fondée sur ces faits et ce droit non contestés, une seule décision peut être rendue et que cette décision n’est pas en faveur d’un appelant.

[17] Les faits en l’espèce ne sont pas contestés : l’appelante a eu 65 ans en octobre 2008, elle a présenté une demande de pension de vieillesse du Régime de pensions du Canada, mais n’a pas demandé de pension de la SV. Elle explique qu’elle n’était pas au courant qu’elle devait présenter une demande distincte. L’appelante a fait une demande de pension de la SV en juin 2011, et la pension lui a été accordée de façon rétroactive à compter de juillet 2010. La seule question qui est contestée est la date de début du versement de la pension de SV de l’appelante qu’il convient d’appliquer. L’appelante affirme que cette date devrait être octobre 2008; l’intimé fait valoir que le droit applicable limite la période de rétroactivité à un an à compter de la date de présentation de la demande, et dans le cas de l’appelante, cela est en juillet 2010. J’estime qu’en regard des faits et du droit, la division générale n’avait pas compétence pour rendre une décision autre que celle qu’elle a rendue. Par conséquent, l’appel de l’appelant n’aurait aucune chance raisonnable de succès et pourrait uniquement être rejeté, c’est-à-dire qu’il n’y avait qu’une seule conclusion possible. En conséquence, il était approprié que la division générale rejette de façon sommaire l’appel, en application du paragraphe 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

Conclusion

[18] L’appelante a interjeté appel à l’encontre de la décision de la division générale de rejeter de façon sommaire son appel. À la lumière des faits, de la preuve et du droit présentés à la division générale, la division d’appel estime que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès et que la division générale ne jouit d’aucune compétence en équité lui permettant de prendre en compte des circonstances atténuantes pour déterminer la durée maximale de la période de rétroactivité. Par conséquent, la décision de la division générale est raisonnable et appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ainsi qu’au regard des exigences du Régime de pensions du Canada et du Règlement.

[19] L’appel est rejeté.

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