Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision

[1] La demande de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal) est rejetée.

Introduction

[2] En mars 2005, le demandeur a présenté une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse (SV), qui a été acceptée; on lui a accordé une pension partielle. Plusieurs années plus tard, le demandeur a présenté à l’intimé une demande de révision de la décision concernant sa résidence au Canada et son admissibilité à une pension.

[3] L’intimé a reçu la demande de révision en août 2013 (GD1-10). Il a demandé au demandeur de lui fournir plus d’information. Le demandeur a répondu à l’intimé le 29 janvier 2015. Lorsqu’il a reçu l’information supplémentaire, l’intimé a refusé la demande de révision de sa décision de 2005. L’intimé a refusé la demande non seulement parce qu’elle était en retard, mais aussi parce qu’il a estimé que le demandeur n’avait pas d’explication satisfaisante pour son retard important. L’intimé a avisé le demandeur de sa décision au moyen d’une lettre datée du 10 mars 2015 (GD1A-3). Le demandeur a interjeté appel de la décision de révision devant le Tribunal. Son avis d’appel a été présenté au Tribunal le 19 juin 2015.

[4] Le 10 août 2015, la division générale du Tribunal a rendu sa décision, dans laquelle elle rejetait l’appel. Le demandeur présente une demande pour obtenir la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale (la « demande »).

Motifs de la demande

[5] Le demandeur fait valoir que la décision de la division générale contrevenait à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi). Il a affirmé que la division générale n’avait pas pris en compte les arguments qu’il avait présentés à l’intimé, mais qu’elle s’était concentrée uniquement sur les aspects procéduraux du processus. Il a également affirmé que la division générale n’avait pas analysé les évaluations qui avaient été faites par l’intimé relativement aux critères établis dans la décision Canada c. Gattellaro, 2005 CF 883.

Question en litige

[6] Le Tribunal doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[7] La permission d’interjeter appel d’une décision de la division générale du Tribunal est une étape préliminaire à un appel devant la division d’appelNote de bas de page 1. Pour accorder la permission d’en appeler, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. Les trois moyens sur lesquels un appelant peut fonder un appel sont énoncés à l’article 58 de la LoiNote de bas de page 3.

[8] Dans Tracey c. Canada (Procureur général),2015 CF 1300, la Cour fédérale a abordé la question de la compétence de la division d’appel relativement à une demande de permission d’en appeler. La Cour fédérale a fait remarquer que cette compétence est maintenant régie par la loi et a affirmé ce qui suit :

Par contraste, sous l’ancien régime qui était ancré dans la common law par le biais de la jurisprudence, le critère que doit appliquer la DA TSS lorsqu’elle se prononce sur la question de savoir si l’autorisation d’interjeter un appel doit être accordée ou refusée est maintenant énoncé au paragraphe 58(2) de la LMEDS. L’autorisation d’interjeter un appel est refusée si la DA TSS est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[9] Pour déterminer si l’appel du demandeur a une chance raisonnable de succès, la division d’appel estime qu’il est utile d’établir ce qu’on entend par « chance raisonnable ». Dans VillaniNote de bas de page 4, le juge en chef Isaacs a approuvé l’approche adoptée par la Commission d’appel des pensions (CAP) dans la décision Barlow, dans laquelle la CAP a appliqué la définition du dictionnaire aux mots « régulièrement », « détenir », « véritablement », « rémunératrice » et « occupation » afin de se prononcer sur l’admissibilité de Mme Barlow à une pension d’invalidité du RPC.  La division d’appel adopte une approche similaire pour déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès, étant donné que ce terme n’est pas un terme défini dans le régime législatif. Pour définir le terme « raisonnable », les mots « juste », « sensé » ou « plutôt bon » ou « moyen » sont utilisés (selon la définition de « reasonable » dans le dictionnaire Oxford)Note de bas de page 5. Ironiquement, la version en ligne du dictionnaire Oxford donne l’exemple d’usage suivant : [traduction] « Je ne suis pas convaincu que l’appelant a une chance raisonnable de succès si l’appel est instruit. »

[10] Par conséquent, la division d’appel estime que pour accueillir la demande, elle doit juger que les observations du demandeur sont liées à au moins un des moyens d’appel énumérés; la division d’appel doit aussi être convaincue que le moyen ou les moyens d’appel ont une chance raisonnable, c.-à-d. une chance plutôt bonne ou moyenne, de succès. La division d’appel n’a pas à être convaincue que le succès est certain. Pour les motifs énoncés ci-dessous, la division d’appel n’est pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Analyse

La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées?

[11] Le demandeur fait valoir que la décision de la division générale contrevenait à l’alinéa 58(1)c) de la Loi. Il s’est opposé particulièrement aux paragraphes 20 et 21 de la décision. Il a affirmé que, bien que l’intimé puisse avoir utilisé les critères appropriés issus de l’affaire Gattellaro, ses évaluations et sa conclusion concernant ces critères sont erronées. Voici les paragraphes de la décision de la division générale auxquels il s’oppose particulièrement :

[Traduction]

[21] Le Tribunal estime que l’intimé a évalué la demande de révision en utilisant les critères appropriés. Il est aussi reconnu par l’appelant et noté par l’intimé que plus de sept ans se sont écoulés depuis la communication de la décision initiale et le versement des prestations de SV.

[21] Le Tribunal est convaincu que l’intimé a utilisé judicieusement son pouvoir discrétionnaire et n’a ignoré aucun facteur pertinent, ni n’a agi de façon discriminatoire lorsqu’il a rendu sa décision relativement à la demande de prorogation de délai de l’appelant.

[12] La division d’appel n’est pas convaincue du bien‑fondé de la position du demandeur, ni que la division générale était trop préoccupée par les questions procédurales. La division générale n’avait pas simplement à déterminer si le demandeur avait fourni une explication suffisante pour le retard de la demande de révision. La tâche de la division générale visait plutôt à déterminer si l’intimé avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée. Il semble que le demandeur n’a pas bien compris ce point.

[13] Le pouvoir de l’intimé de réviser une décision est régi par l’article 27.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, laquelle prévoit ce qui suit :

27.1 Demande de révision par le ministre – (1) La personne qui se croit lésée par une décision de refus ou de liquidation de la prestation prise en application de la présente loi peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification par écrit de la décision, ou dans le délai plus long que le ministre peut accorder avant ou après l’expiration du délai de quatre-vingt-dix jours, demander au ministre, selon les modalités réglementaires, de réviser sa décision.

[14]  Se croyant lésé par la décision du ministre relativement à sa demande de révision, le demandeur avait le droit d’interjeter appel de la décision de refus devant le Tribunal.

28 Appels en matière de prestations – (1) La personne qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application de l’article 27.1, notamment une décision relative au délai supplémentaire, ou, sous réserve des règlements, quiconque pour son compte, peut interjeter appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale, constitué par l’article 44 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[15] Même si l’article 28 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse accorde à un appelant le droit d’interjeter appel devant le Tribunal, le fait que l’appel concerne l’exercice par le ministre d’un pouvoir discrétionnaire signifie que dans le cadre de l’examen mené par la division générale, celle-ci doit avant tout se pencher sur la manière dont ce pouvoir a été exercé. Cette position est appuyée par la décision Canada (Procureur général) c. Purcell [1996], 1 CF 644, sur laquelle s’est fondée la division générale, et la décision Lee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration),2006 CF 158 (CanLII) – 2006-02-16. Dans ces deux affaires, la Cour fédérale a énoncé clairement que le décideur doit agir de bonne foi dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Selon le juge Shore, dans l’affaire Lee,« on peut uniquement faire valoir comme motifs de contrôle judiciaire de décisions subjectives que le décideur a agi de mauvaise foi, qu’il a commis une erreur de droit ou qu’il a pris en compte des facteurs non pertinents ».

[16] Par conséquent, la division générale pouvait modifier la décision de révision uniquement si elle concluait que l’intimé avait agi de « mauvaise foi » dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui était accordé, conformément à l’article 27.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, afin de proroger le délai de présentation d’une demande de révision au-delà du délai prévu de 90 jours.

[17] Le fait que la demande de révision a été présentée plus de sept ans après la décision initiale relative à l’admissibilité du demandeur n’est pas contesté. À moins que le délai soit prorogé par le ministre, la loi accorde au demandeur un délai de 90 jours pour demander au ministre de réviser la décision. La demande du demandeur a été présentée bien au-delà de la période de 90 jours. L’intimé a demandé d’autres renseignements au demandeur afin d’évaluer si le délai devait être prorogé. L’intimé a reçu une réponse du demandeur le 29 janvier 2015. Il a évalué le contenu de la réponse par rapport aux critères établis dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883. L’intimé s’est également penché sur la question de savoir si la prorogation du délai entraînerait une injustice envers une partie. L’intimé a conclu qu’aucune injustice ne serait commise si la prorogation était accordée (GD1A5-6). Le demandeur n’est pas satisfait de la manière dont l’intimé a évalué les renseignements supplémentaires.

[18] La division générale a conclu que l’intimé avait fait preuve de « bonne foi »; en d’autres mots, il n’avait pas agi de « mauvaise foi » ou dans un but ou pour un motif incorrect, n’avait pas pris en compte un facteur non pertinent, ni ignoré un facteur pertinent, ni n’avait agi de manière discriminatoire. La division d’appel est d’accord.

[19] En l’espèce, le demandeur affirme qu’il ne s’est rendu compte que relativement récemment qu’il pouvait demander d’établir sa résidence au Canada durant les années en cause grâce à d’autres documents. Il a fourni ses diplômes universitaires et des documents relatifs à ses cotisations au RPC pour qu’ils soient utilisés à cette fin. Selon lui, la division générale n’a pas pris en compte ces arguments. Dans la décision Panopoulos c. Canada (Procureur général), 2010 CF 877, un délai de neuf (9) mois a été jugé comme étant trop long. Étant donné la situation du demandeur ainsi que le fait qu’il est un professionnel ayant fait de longues études, la division d’appel n’est pas convaincue non plus que, même s’il avait été établi que l’intimé avait agi de « mauvaise foi », le demandeur a expliqué de façon satisfaisante toute la période de sept ans pendant laquelle il ne savait pas qu’il pouvait demander de faire établir sa résidence par d’autres moyens.

Conclusion

[20] Pour que cette demande soit accueillie, il aurait fallu que le demandeur établisse un moyen d’appel qui a une chance raisonnable de succès. Le demandeur a fait valoir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Dans cette affaire, la division générale devait avant tout examiner comment l’intimé avait exercé son pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de proroger le délai de présentation d’une demande de révision. C’est ce qu’a fait la division générale, en décidant en fin de compte que l’intimé avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judicieuse. La division générale n’a pas poursuivi l’examen plus loin. La division d’appel estime que la division générale n’a commis aucune erreur. La division d’appel n’est donc pas convaincue que l’appel du demandeur a une chance raisonnable de succès.

[21] La demande est rejetée.

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