Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision

[1] La permission d’interjeter appel devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est refusée.

Introduction

[2] La demanderesse demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal), rendue le 19 août 2015 (demande). Dans sa décision, la division générale a rejeté l’appel de l’appelante pour la révision d’une décision qui jugeait qu’elle ne satisfaisait pas au critère pour recevoir une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV). La question consistait à déterminer si la demanderesse avait le nombre suffisant d’années de résidence au Canada pour rencontrer les exigences de l’alinéa 3(2)b) de la SV. La demanderesse devait prouver qu’elle avait résidé au Canada du 11 mai 1970 au 6 septembre 1972, et du 1er septembre 1984 au 1er septembre 1986, (périodes en litige).

[3] La division générale a conclu qu’elle ne s’était pas chargée de le faire.

Motifs de la demande

[4] La demanderesse a soutenu que la division générale a commis une erreur en fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Elle a aussi fait valoir que la division générale a manqué à la justice naturelle en refusant d’admettre qu’elle résidait au Canada pendant les périodes en litige. Elle a soutenu que la division générale a commis des erreurs de droit en appliquant les dispositions législatives applicables.

Question en litige

[5] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[6] Comme il est prévu au paragraphe 56(1) de la Loi sur le ministère de lEmploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal constitue une étape préliminaire d’un appel devant la division d’appel.Note de bas de page 1 Il n’y a que trois moyens sur lesquels un appelant peut interjeter un appel. Ces moyens, stipulés à l’article 58 de la Loi sur le MEDS, sont soit un manquement à la justice naturelle ou des erreurs de compétence, soit des erreurs de droit ou soit des erreurs de fait.Note de bas de page 2

[7] La demande de permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal est une étape préliminaire au dépôt d’un appel devant la division d’appel.Note de bas de page 3 Dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, la Cour fédérale a noté que le présent régime législatif prévoit au paragraphe 58(2) le critère à être appliqué par la division d’appel pour décider d’une demande de permission d’en appeler. « La demande de permission d’en appeler est refusée si la DA-TSS est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. » La question à trancher par la division d’appel dans le contexte du présent régime législatif est la suivante : qu’est-ce qui constitue une chance raisonnable de succès?

[8] Nonobstant cette question complexe, le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS présente les seuls moyens d’appel possible pour qu’un appelant puisse interjeter appel, notamment que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, qu’elle a commis une erreur de droit ou une erreur de fait.Note de bas de page 4

[9] Au terme de décisions antérieures, la division d’appel a établi que pour accorder la permission d’en appeler, la division d’appel doit d’abord conclure que, si une audience était tenue, au moins l’un des motifs de la demande correspond à l’un des moyens d’appel, et qu’il existe une chance raisonnable que l’appel fondé sur ce moyen soit accueilli. Dans l’affaire Tracey, la Cour fédérale n’a pas évalué comment la division d’appel se trouve convaincue qu’un appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a laissé la décision entre les mains de la division d’appel. Il est indiqué au paragraphe 22 de la décision que la division d’appel possède l’expertise pour en décider.

[10] Dans l’affaire Bossé c. Canada (Procureur général) 2015 CF 1142, la Cour fédérale a semblé accepter que [traduction] « évident et manifeste » constitue le critère à appliquer pour déterminer s’il y a ou non chance raisonnable de succès.Note de bas de page 5 Pour sa part, la division d’appel considère utile de souscrire au sens simple et courant du terme « chance raisonnable » et d’adopter la même approche que la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248.

[11] Dans VillaniNote de bas de page 6, le juge en chef Isaacs a approuvé l’approche adoptée par la Commission d’appel des pensions (CAP) dans la décision Barlow, dans laquelle la CAP a appliqué la définition du dictionnaire aux mots [traduction] « régulièrement », « détenir », « véritablement », « rémunératrice » et « occupation » afin de se prononcer sur l’admissibilité de Mme Barlow à une pension d’invalidité du RPC. La division d’appel adopte une méthode similaire pour déterminer si l’appel aurait ou n’aurait pas une chance raisonnable de succès. Le dictionnaire OxfordNote de bas de page 7 définit de façon variable le terme [traduction] « raisonnable » comme étant « juste, sensé, assez bon ou moyen ». Ironiquement, la version en ligne du dictionnaire Oxford donne l’exemple d’usage suivant [traduction] : « Je ne suis pas convaincu que l’appelant a une chance raisonnable de succès si l’appel est instruit. »

[12] Dans les arrêts Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41 et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’une chance raisonnable de succès signifie qu’une cause est défendable. Par conséquent, la division d’appel estime que, pour accueillir la demande, elle doit être convaincue que l’appel a une chance plutôt bonne ou moyenne de succès ou que le demandeur ait soulevé un motif défendable. La division d’appel n’a pas à être convaincue que le succès est certain.

Analyse

[13] La demande repose sur une violation de l’article 58, aux alinéas 58(1)a), b) et c) de la Loi sur le MEDS. La demanderesse a fait valoir dans ses observations ce qu’elle considère comme étant des erreurs de droit et de fait commises par la division générale en rejetant son appel. Elle a aussi présenté ce qu’elle considère comme manquement à la justice naturelle de la part de la division générale. La division d’appel n’est pas convaincue de la position de la demanderesse.

La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle?

[14] La demanderesse a porté cette accusation en raison de ce qu’elle voit comme étant un traitement préférentiel que l’on a accordé à son mari. Elle s’est opposée à la conclusion de la division générale dans laquelle on mentionnait que la demanderesse accompagnait simplement son mari au Canada pendant les périodes en litige. Dans ses observations, la demanderesse indique qu’elle et son mari ont été traités différemment malgré l’équivalence des circonstances entourant les périodes en litige.

[15] La division d’appel n’est pas convaincue que ces observations peuvent correctement être établies ou que le traitement discriminatoire peut être imputé au Tribunal. Premièrement, ce n’est pas le Tribunal qui a déterminé les droits à la pension du mari de la demanderesse. Donc, l’on peut difficilement accuser le Tribunal d’avoir agi de façon discriminatoire envers elle. D’ailleurs, le Tribunal n’est pas en possession de tous les faits entourant la demande du mari de la demanderesse, puisque la demande n’a pas été faite au Tribunal. En ces circonstances, la division d’appel conclut que l’évaluation subjective d’un traitement préférentiel ne suffit pas pour constituer un moyen d’appel.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit, précisément lors de l’application du critère pour la résidence?

[16] La demanderesse a affirmé que la division générale avait mal appliqué le critère juridique pour la résidence ou avait appliqué le mauvais critère juridique dans la détermination de ses liens avec le Canada pendant les périodes en litige. La demanderesse a également invoqué que la division générale avait injustement mis l’emphase sur le fait qu’elle avait des liens familiaux et de la propriété au Bangladesh pendant les périodes en litige. Elle s’est aussi opposée à la conclusion de la division générale où l’on indiquait que sa vie avait été [traduction] « largement guidée par la carrière et l’éducation de son époux. » De plus, elle indique que, pendant ces années, elle avait des liens bien plus grands avec le Canada qu’avec le Bangladesh, comme le démontraient ses nombreuses ressources, son emploi et son mode de vie au Canada pendant ce temps. La demanderesse a soutenu que la division générale a mis l’emphase de manière inappropriée sur ses liens familiaux et de propriété au Bangladesh.

[17] Selon l’observation de la demanderesse pour les périodes en litige, elle répondait au critère de résidence, et la division générale se devait de tenir compte de ce fait. De même, la demanderesse soutient que la division générale aurait dû reconnaître qu’elle était résidente du Canada pendant les périodes en litige en raison du fait qu’en 1971-1972, elle est entrée et restée au Canada en tant qu’épouse d’un universitaire du Commonwealth, et en 1984-1986 en tant qu’épouse d’un professeur invité. La demanderesse a fait valoir que ces circonstances faisaient automatiquement en sorte qu’elle devrait être considérée comme résidente du Canada pendant ces périodes.

[18] Après avoir énuméré certains facteurs utilisés pour établir si une personne est résidente du Canada et examiné les circonstances de la demanderesse, la division générale a conclu qu’elle ne répondait pas au critère de résidence. La division générale a conclu que la demanderesse était visiteuse parce qu’elle était venue au Canada avec un visa de visiteur, qu’elle est retournée au Bangladesh avec son mari une fois ses études terminées, et cela même si elle travaillait au Canada et qu’elle [traduction] « vivait comme tout citoyen canadien ». La division générale en est venue à une conclusion similaire pour la période de septembre 1984 à septembre 1986. Selon la division générale, les actes de la demanderesse indiquaient une absence d’intention de résider au Canada.

[19] La division d’appel considère qu’il n’y a pas d’erreur dans ces conclusions puisque le critère de résidence n’est pas gravé dans le marbre et qu’il dépend des circonstances du cas. Singer c. Canada (Procureur général), 2010 CF 607, affirmée 2011 CAF 178. Déterminer si les circonstances de la demanderesse pendant les périodes en litige pouvaient entraîner la conclusion qu’elle était résidente du Canada pendant ce temps constituait clairement la tâche de la division générale. Ce n’est pas la tâche de la division d’appel d’évaluer à nouveau la preuve. La permission d’en appeler ne peut donc pas être accordée sur ce fondement.

La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées?

[20] La plupart des observations de la demanderesse soumises sous cet intitulé ont aussi été faites sous d’autres intitulés d’appel sur lesquels elle s’est basée. La division d’appel juge que ses observations à cet égard sont insuffisantes pour constituer un moyen d’appel. La demanderesse a plaidé que la division générale avait mal interprété ses réponses à un questionnaire où on lui posait des questions sur son désir d’immigrer au Canada pendant les périodes en litige. La demanderesse a eu l’occasion d’écarter toute mauvaise interprétation lors de l’audience. Elle n’a pas démontré en quoi la division générale a commis une erreur en ce qui concerne la compréhension de ses réponses.

[21] De même. La division d’appel juge que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que la demanderesse ne répondait pas au critère pour la résidence d’après le simple fait qu’elle est entrée et restée au Canada en tant qu’épouse d’un universitaire du Commonwealth ou d’un professeur invité pendant les périodes en litige, et avec un visa de visiteur. Après tout, il s’agit de ce qu’il fallait établir au moment de l’audience. Il ne semble pas que la demanderesse ait soumis d’élément de preuve objectif appuyant sa position. Donc, son observation comme quoi le statut d’épouse d’un universitaire du Commonwealth ou d’un professeur invité lui donne automatiquement le statut de résidente du Canada n’est rien de plus qu’une déclaration de l’opinion de la demanderesse.

Conclusion

[22] À la tenue de l’audience, il a été demandé à la demanderesse de démontrer qu’elle avait suffisamment résidé au Canada pendant les périodes en litige. La division générale a conclu qu’elle ne s’est pas chargée de le faire, et la division d’appel ne peut trouver quelconque erreur potentielle dans cette conclusion.

[23] La demande est refusée.

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