Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Comparutions

Appelante : E. F.

Représentant de l’appelante : C. S. (gendre de l’appelante)

Introduction

[1] L’appelante a commencé à toucher une pension au titre de la sécurité de la vieillesse (SV) et un supplément de revenu garanti (SRG) au mois de février 1991. En 2013, l’intimé a entrepris une enquête sur sa résidence au Canada et, au terme de l’enquête, il a conclu que l’appelante a cessé de résider au Canada au mois de mars 2009. En désaccord avec cette décision, l’appelante a demandé à l’intimé de réexaminer celle-ci. L’intimé a donc réexaminé sa décision et décidé de la maintenir. L’appelante a interjeté appel de la décision en réexamen au Tribunal de la Sécurité sociale (TSS ou Tribunal).

[2] Le présent appel a été instruit en personne pour les motifs suivants :

  1. L’appelante est atteinte d’une déficience auditive, de sorte qu’il aurait été difficile pour elle de participer à une conférence téléphonique.
  2. Les questions en litige n’étaient pas complexes.
  3. Il y avait des lacunes dans l’information figurant au dossier ou des précisions étaient nécessaires.
  4. La forme d’audience respecte l’exigence énoncée dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale de procéder de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] Le supplément de revenu garanti (SRG) est une prestation mensuelle qui est versée au particulier qui touche la pension de la SV et qui ne gagne aucun autre revenu ou encore qui gagne un faible revenu. Le SRG est suspendu six mois après le mois au cours duquel le particulier quitte le Canada ou cesse de résider au Canada, le cas échéant (alinéas 11(7)c) et d) de la Loi sur la Sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV)).

[4] Le paragraphe 21(1) du Règlement sur la Sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) établit une distinction entre les concepts de résidence au Canada et de présence au Canada. L’alinéa 21(1)a) prescrit qu’une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada, tandis que l’alinéa 21(1)b) prescrit qu’une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.

[5] Le paragraphe 23(1) du Règlement sur la SV permet à l’intimé, avant ou après l’agrément d’une demande, d’exiger que le demandeur permette l’accès à des renseignements ou des éléments de preuve additionnels concernant l’admissibilité du demandeur à une prestation. Le paragraphe 23(2) du Règlement sur la SV permet au ministre de faire enquête en tout temps sur l’admissibilité d’une personne à une prestation. Aux termes du paragraphe 26(1) du Règlement sur la SV, le ministre doit suspendre le versement d’une prestation lorsqu’il lui semble que le prestataire n’est pas admissible au versement de la prestation.

Question en litige

[6] Le Tribunal doit déterminer si l’appelante a cessé de résider au Canada au mois de mars 2009 ou après cette date.

Preuve

[7] L’appelante est née le 26 janvier 1926. Elle a commencé à toucher la pension de la SV et le SRG au mois de février 1991.

[8] En 2013, l’intimé a lancé une enquête sur la résidence de l’appelante au Canada. Si l’on se reporte aux observations de l’intimé datées du 16 décembre 2015, l’enquête sur la résidence de l’appelante a été le résultat de la découverte de renseignements par suite de l’enquête de l’intimé sur la résidence de l’un des membres de la famille de l’appelante. Au cours de cette enquête (l’enquête sur la résidence de l’un des membres de la famille de l’appelante), un enquêteur du ministère s’est rendu à la propriété dont l’appelante est propriétaire et remarqué que la maison ne paraissait pas être occupée. L’enquêteur a constaté que la ligne téléphonique était débranchée et que l’unique porte de la maison était bloquée par des broussailles et des arbustes. À son retour au bureau, l’enquêteur a découvert que la propriété appartenait à l’appelante, qui avait déclaré qu’elle avait sa résidence principale à cette adresse – X, X Road, X (Nouveau-Brunswick).

[9] Dans le cadre de l’enquête, l’intimé a fait parvenir à l’appelante un questionnaire qu’il lui a demandé de remplir, ce qu’elle a fait le 27 juillet 2013. Dans ce questionnaire, elle a déclaré que son adresse résidentielle actuelle était le X, X Road, X (Nouveau-Brunswick). En réponse à la question de savoir si elle s’était absentée du Canada au cours de l’année précédente, l’appelante a coché la case « non ». B. B. a été témoin de la signature du questionnaire par l’appelante.

[10] Le 10 octobre 2013, l’enquêteur de l’intimé s’est rendu chez B. B. et a consigné sa déclaration en tant que témoin. Il est difficile de lire l’écriture manuscrite de l’enquêteur, mais la portion que le Tribunal est en mesure de lire paraît indiquer que Mme B. B. a déclaré ce qui suit : (1) cela fait entre 10 et 12 ans à peu près, peut-être même jusqu’à 20 ans, qu’elle connaît l’appelante; (2) elle campe avec l’appelante à X, près du lac X; (3) l’appelante vit dans une maison rouge, à X; (4) son fils, C. F., est propriétaire de la maison voisine, mais il habite à X; (5) l’appelante a l’esprit assez vif, et elle s’est fait installer un stimulateur cardiaque l’année dernière; (6) l’appelante est encore à la maison sise au X, X Road, ainsi qu’il est indiqué dans le questionnaire.

[11] Le 14 janvier 2014, l’appelante a rempli un autre questionnaire que l’intimé lui a envoyé. Elle a répondu dans les termes suivants aux questions qui lui ont été posées : (1) l’adresse et le numéro de téléphone de sa résidence principale sont le X, X Road, X (Nouveau-Brunswick), X X, (X) X-X; (2) elle a résidé à son adresse principale pendant 70 ans; (3) elle ne maintient aucune autre maison; (4) elle a chaque année, entre 2000 et 2011, produit une déclaration de revenus au Canada; (5) elle a un véhicule immatriculé dans la province du Nouveau-Brunswick et sa plaque d’immatriculation porte le numéro XXXX; (6) le véhicule est assuré par l’intermédiaire de Harry S. Martin Ltd; (7) elle est titulaire d’un permis de conduire, délivré par la province du Nouveau-Brunswick. Son permis a été délivré le 4 janvier 2011 et devait expirer le 26 janvier 2015; (8) l’unique adresse à laquelle elle a résidé entre 2000 et 2012 est le X, X Road, X (Nouveau-Brunswick); (9) elle consulte une professionnelle de la santé à St. Stephen (Nouveau-Brunswick); elle s’appelle Jolanta Lalik; (10) l’appelante n’est membre d’aucun club de service, syndicat ou organisme social au Canada; et (11) l’appelante n’a pas d’assurance-voyage pour soins de santé. En réponse à la question de savoir si elle bénéficiait ou avait bénéficié d’une assurance-médicale auprès d’une autorité fédérale, provinciale ou étatique au Canada ou aux É.-U., l’appelante a écrit « N.-B. ». Enfin, en réponse à la demande de fournir les dates de toute entrée au Canada ou de tout départ du pays entre le mois de janvier 2000 et le mois d’avril 2012, l’appelante a écrit « Non ».

[12] A été versée en preuve une facture d’électricité datée du 11 juin 2012, pour la résidence sise au X, X Road, X (N.-B). La facture couvre la période du 8 mai au 5 juin 2012, au cours de laquelle ont été consommés 26 kWh. La portion de la facture qui dresse l’historique de la facturation indique que, d’après le relevé du compteur fait le 7 mai 2012, 24 kWh ont été consommés et, d’après le relevé du compteur fait le 7 juin 2011, 28 kWh ont été consommés (GD3-46 et GD3-47).

[13] Le 16 janvier 2014, la Banque de la Nouvelle-Écosse a remis à l’intimé des relevés bancaires se rapportant à un compte détenu conjointement par l’appelante et C. F. Les relevés couvrent la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2013 et font état de retraits réguliers de sommes d’argent, mais de très peu de transactions par Interac (GD3-81 à GD3-140).

[14] L’ASFC a remis à l’intimé ses registres des entrées de l’appelante au Canada, d’après lesquels l’appelante est entrée au Canada la première fois le 6 mars 2009. Il semble que l’intimé ait fait au moins deux demandes afin d’obtenir les renseignements sur les déplacements de l’appelante, chaque demande couvrant des périodes différentes. Une lettre de l’ASFC, datée du 22 janvier 2014, renvoie à la demande de l’intimé visant à obtenir des renseignements sur les déplacements de l’appelante entre le 1er novembre 2013 et le 22 janvier 2014 (GD3-40); toutefois, il n’y a dans la preuve aucune lettre similaire de l’ASFC couvrant la période antérieure au 1er novembre 2013. En conséquence, il est impossible pour le Tribunal de confirmer la date à compter de laquelle l’ASFC a entrepris ses recherches. Dans ses observations écrites, l’intimé indique que l’ASFC a effectué des recherches dans ses registres à compter du 1er janvier 2000, mais qu’elle n’a relevé aucune entrée au Canada jusqu’au 6 mars 2009 (GD7-5). Les dates des entrées de l’appelante au Canada ainsi que les points d’entrée qui y correspondent, tels qu’ils ont été signalés par l’ASFC, sont reproduits à l’Annexe « A », jointe aux présentes.

[15] Le 28 février 2014, l’intimé a écrit à l’appelante et l’a informée qu’un examen de son dossier avait indiqué qu’elle n’était plus une résidente du Canada. Plus particulièrement, l’intimé a indiqué qu’il ne pouvait établir la résidence de l’appelante au Canada après le mois de mars 2009. Par suite de cette conclusion, l’intimé a informé l’appelante qu’elle n’était pas admissible au SRG au mois d’octobre 2009 (soit six mois après le mois au cours duquel elle a cessé de résider au Canada). L’intimé a déclaré en outre qu’il avait versé en trop au compte du SRG de l’appelante la somme de 25 620,06 $ pour la période allant du mois d’octobre 2009 au mois de janvier 2014 et que, pour recouvrer cette somme d’argent, il se proposait de déduire la somme de 235 $ par mois de la pension de la SV de l’appelante (GD3-38 à GD3-39).

[16] Le 17 mars 2014, l’appelante a écrit à l’intimé et a indiqué qu’elle était en désaccord avec sa décision datée du 28 février 2014. Elle a demandé un réexamen compte tenu des renseignements supplémentaires qui seraient fournis dans un avenir rapproché par l’intermédiaire du bureau de son député. Elle a indiqué qu’elle a toujours été une résidente du Canada et qu’elle pouvait le prouver au moyen de renseignements bancaires, de relevés de services publics, de comptes de taxes foncières, de déclarations de revenus, et de lettres de son médecin de famille et de la maîtresse de poste (GD3-35).

[17] D’après le timbre apposé sur la lettre de l’appelante datée du 17 mars 2014, l’intimé a reçu celle-ci le 19 mars 2014. Le lendemain, soit le 20 mars 2014, l’intimé a fait parvenir à l’appelante une lettre-décision informant cette dernière qu’il avait réexaminé sa décision initiale et avait décidé de la maintenir parce que les renseignements figurant au dossier de l’appelante, dont ses renseignements bancaires, ses factures de services publics, des photographies de la propriété sise au X, X Road, et un registre de l’ASFC, indiquaient que l’appelante maintient la propriété située au X, X Road, mais qu’elle n’y réside pas (GD3-36 et GD3-37).

[18] L’appelante a interjeté appel de la décision en réexamen de l’intimé au TSS, et son avis d’appel a été reçu le 13 juin 2014. Dans son avis d’appel, l’appelante a fait valoir ce qui suit : (1) elle est une résidente du Nouveau-Brunswick depuis plus de 65 ans; (2) elle a une maison, située du X, X Road, X (N.-B.), qu’elle maintient et considère comme étant son « chez soi », mais elle n’y a pas vécu physiquement de façon continue depuis de nombreuses années, essentiellement depuis que son mari est décédé en juin 1995; (3) elle a acheté un camp au X, X Lane, X (N.-B.) (dans la même région que ses frères et sœurs) et a commencé à passer de moins en moins de temps à la maison située sur X Road après le décès de son mari, car elle vivait à l’année à son camp; (4) elle ne retourne à la propriété du X, X Road que de temps en temps et, au cours de l’année passée, elle n’est peut-être allée sur l’île qu’une demi-douzaine de fois au plus; (5) lorsqu’elle se rend au X, X Road, elle doit généralement passer par l’état du Maine, car c’est la seule manière de se rendre à X (Île X) pendant les mois au cours desquels le traversier ne fonctionne pas; (6) le traversier ne fonctionne que du mois de mai au mois de septembre; (7) en outre, elle entre dans l’état du Maine une fois par mois, mais ses voyages sont de courte durée et elle n’y va que pour faire du magasinage; (8) le personnel du poste frontalier de St. Stephen sera en mesure de confirmer qu’elle revient le jour même où elle traverse la frontière; (9) elle n’a jamais habité ou travaillé dans un pays autre que le Canada; (10) elle n’a utilisé l’adresse du X, route X, X (N.-B.) que pour recevoir ses relevés/factures de Irving pour le propane qu’elle achète pour faire la cuisine et pour avoir de la lumière au camp, et, occasionnellement, pour faire suivre son courrier à partir de X, car cela lui épargne un déplacement de trois heures aller-retour sur l’île en passant par l’état du Maine; et (11) le X, route X, représente une très courte distance à partir de son camp, de sorte qu’elle peut obtenir son courrier sans problème.

[19] L’appelante a joint à son avis d’appel plusieurs documents, dont les suivants :

  • Un compte de taxes foncières de 2014 pour le camp et le lot du X, X Lane. Le compte est adressé à l’appelante et à C. F., au X, X Road, X (N.-B.) (GD1-16).
  • Un compte de taxes foncières de 2014 pour la maison et un lot au X, X Road. Le compte est adressé à l’appelante et à C. F. et E. F. (GD1-17).
  • Une lettre adressée « À qui de droit » par S. L. et datée du 7 mai 2014. Dans cette lettre, Monsieur S.  L. dit avoir siégé pendant 25 ans à l’assemblée législative du Nouveau-Brunswick en tant que représentant de la circonscription de X. Au cours de cette période, il a été ministre des Transports et des Communications pendant 12 ans. Monsieur S.  L. affirme qu’il connaît l’appelante depuis plus de 25 ans et qu’il peut confirmer que cette dernière habite au X X Lane, X (N.-B.) depuis 18 ans. Il a expliqué que sa résidence personnelle est située approximativement à huit km de la résidence du X X Lane et qu’il passe par le chalet de l’appelante au moins une fois par semaine. Il a dit également qu’il lui est arrivé à l’occasion de rendre visite à l’appelante (GD1-18).
  • Une lettre adressée « À qui de droit » par K. C., datée du 14 mai 2014, indiquant qu’elle a résidé toute sa vie sur l’Île X, qu’elle est une employée de Postes Canada et qu’elle est la maîtresse de poste du bureau de poste de X depuis 14 ans. Mme K. C. affirme qu’elle connaît l’appelante depuis toujours, qu’elle est son amie et qu’elle a des contacts réguliers avec elle. Elle est certaine que l’appelante réside au Nouveau-Brunswick à temps plein. Elle a expliqué que l’appelante a deux propriétés, à savoir le X, X Road, X, et le X, X Lane, X. L’appelante considère la propriété de X comme étant son chez soi et la propriété de X, comme étant son camp. Au cours des récentes années, elle a passé plus de temps au camp qu’à la maison. Mme K. C. a dit également qu’elle et l’appelante sont des voisines à X et elle a dit de l’appelante qu’elle est une femme merveilleuse, car elle est « dans la quatre vingtaine, vit seule, transporte son eau et son bois … elle est indépendante et elle a travaillé très fort pour gagner tout ce qu’elle a » [TRADUCTION]. Elle a dit que, comme de nombreux résidents du comté de X, l’appelante se rend aux É.-U. pour la journée, mais elle ne vit pas là-bas. Elle vit seule au Nouveau-Brunswick (GD1-20).
  • Une lettre adressée « À qui de droit » par C. M., député, X- X, datée du 15 mai 2014, indiquant qu’il connaît l’appelante depuis 35 ans et que, pendant cette période, l’appelante n’a jamais habité ailleurs qu’au Nouveau-Brunswick. Il a dit que la maison de cette dernière est située au X, X Road, X (N.-B.), et qu’elle a aussi un camp au X, X Lane, X (N.-B.), où elle a essentiellement résidé toute l’année depuis le décès de son mari en 1995. Monsieur  C. M. a déclaré également que l’appelante vient peut-être sur l’île moins d’une douzaine de fois par année maintenant, et il croit que le voyage est au-dessus de ses forces. Lorsqu’elle fait le voyage, elle passe par l’état du Maine pendant les mois d’hiver ou elle prend le traversier pendant les mois d’été (GD1-19).
  • Une lettre, datée du 5 juin 2014, de la section des permis de conduire de la province du Nouveau-Brunswick, indiquant que, d’après leurs registres, l’adresse de l’appelante du 5 janvier 2007 à aujourd’hui est le X, X Road, X (N.-B.) (GD1-21).
  • Une copie du permis de conduire de l’appelante du Nouveau-Brunswick, délivré le 4 janvier 2011, indiquant que son adresse est le X, X Road, X (N.-B.) (GD1-23).
  • Une lettre, datée du 11 juin 2014, d’Harry S. Martin Ltd, indiquant que la compagnie a assuré l’appelante depuis au moins 1997, au X, X Road, X (N.-B.) (GD1-22).
  • Une copie de la carte de soins de santé du Nouveau-Brunswick de l’appelante. La date d’expiration figurant sur cette carte est illisible (GD1-23).
  • Une copie de la première page du passeport canadien de l’appelante (QJ330496) délivré le 5 juillet 2012 (GD1-24).
  • Une lettre, datée du 26 avril 2014, que Irving a adressée à l’appelante aux soins de J. W., X , boul. X, X (N.-B.), et dans laquelle on peut lire que Irving fournissait à l’appelante les transactions sur le compte associé au X, route X X (N.-B.), lequel compte avait été ouvert le 1er juin 1994. A été joint à la lettre un relevé de transactions faisant état de transactions régulières pour du carburant du 4 novembre 2009 au 25 février 2014.

[20] Au mois de septembre 2014, le Tribunal a reçu des renseignements supplémentaires au nom de l’appelante. Cette preuve inclut un document daté du 25 août 2014, intitulé « TECS II – Primary Query History Passenger Activity » (contrôle primaire – historique des activités du passager). Ce document paraît indiquer les dates auxquelles l’appelante a été assujettie à un contrôle primaire par le Service des douanes et de la protection des frontières des É.-U. (le U.S. CBP). Le Tribunal croit donc comprendre que ce registre indique les dates auxquelles l’appelante est entrée ainsi que les points d’entrée correspondants. Les dates d’entrées de l’appelante aux É.-U. via le poste frontalier Calais - St. Stephen figurent à l’Annexe « B » jointe aux présents motifs, tandis que les dates d’entrées de l’appelante aux É.-U. par le poste frontalier Lebuc – Campobello figurent à l’Annexe « C » jointe aux présents motifs.

[21] Le 11 mai 2015, K. C. a écrit une autre lettre adressée « À qui de droit », indiquant que l’on avait communiqué avec elle à trois reprises concernant sa lettre du 14 mai 2014. Elle a affirmé qu’elle regrette sincèrement ne pas avoir donné suite aux appels et s’est excusée de ne pas avoir reçu ses messages. Elle a dit qu’elle s’en tient à sa lettre du 14 mai 2014 et a invité l’intimé à l’appeler.

Preuve orale

[22] L’appelante a apporté sa bible à l’audience et s’en est servie pour se rappeler certaines choses, car les dates et les événements importants y étaient inscrits.

[23] Bien qu’elle n’ait pas été appelée à le faire, l’appelante a juré sur sa bible qu’elle n’avait jamais habité aux États-Unis et qu’elle n’avait habité qu’au Canada. (L’appelante avait antérieurement fait une déclaration solennelle.)

[24] Pour mettre les choses en contexte, l’appelante a dit au Tribunal qu’elle avait été mariée pendant de nombreuses années et qu’elle avait eu quatre enfants, deux fils et deux filles. L’une de ses filles, qui a longtemps résidé sur l’Île X, est décédée au mois de mai 2008, et l’un de ses fils, qui a longtemps résidé dans le X, est décédé au mois de mai 2015. Le fils de l’appelante, C. F., vit dans le X et sa fille, M. A., habite à X. Depuis le mois de juin 2015, l’appelante vit chez sa fille et son gendre à X.

[25] L’appelante a témoigné que son mari est décédé au mois de juin 2015. Après le décès de ce dernier, elle a acheté un campeur et a déménagé à X, au lac X. L’appelante a expliqué que, pour aller de chez elle, sur l’Île X, à son camp, au lac X, elle devait nécessairement passer par l’état du Maine, sauf en été. Elle pouvait alors prendre un traversier de l’Île X à l’Île X, avant de se rendre à L’X.

[26] Elle a habité dans son campeur pendant un an ou deux, puis elle a fait installer un chalet ou une cabine sur son terrain au lac X. Elle a habité là toute l’année jusqu’au mois de novembre 2014, date à laquelle elle est retournée chez elle, sur X Road. Elle est retournée à l’île au mois de novembre 2014 parce que son ami, D. O., est décédé. D. O. habitait près de son camp (à une distance de 500 mètres environ) et avait toujours fait en sorte que les routes soient déneigées pour elle l’hiver. L’appelante a expliqué que son ami D. O. a été hospitalisé à St. Stephen pendant 18 mois environ avant son décès et qu’elle lui a rendu visite à l’hôpital régulièrement. Elle s’est fait demander si son chemin était déneigé pendant l’hospitalisation de D. O. et elle a dit qu’un jeune homme de Black’s Harbour s’en occupait.

[27] Il y avait environ 14 camps sur sa route au lac X. Parmi tous ceux qui avaient des camps près de chez elle, aucun d’eux, sauf son ami D. O., ne restait au camp à longueur d’année. Mis à part D. O., l’appelante était seule à son camp pendant les mois d’hiver.

[28] Lorsqu’elle a déménagé de l’Île X au lac X, elle n’a pas changé son adresse, ignorant qu’elle devait le faire. Elle a fait suivre son courrier en provenance de X. Initialement, c’est son amie K. C. qui lui a apporté son courrier, car son camp était situé à côté de celui de l’appelante. Plus tard, l’appelante a obtenu une boîte aux lettres au bureau de poste de McLean Beach.

[29] L’appelante s’est fait poser des questions sur la page GD3-68 de son questionnaire et, plus particulièrement, elle s’est fait demander pourquoi elle avait indiqué qu’elle ne maintenait pas une autre maison. L’appelante a examiné le document et reconnu que la signature était la sienne. Elle ne se rappelait pas l’avoir rempli et elle ne pouvait pas expliquer sa réponse. Elle a reconnu que la réponse à la question figurant dans le questionnaire était incorrecte. À la question de savoir pourquoi elle n’a pas signalé les dates de ses déplacements transfrontaliers, l’appelante a répondu que c’était parce qu’ils étaient trop nombreux.

[30] Pendant la période de 20 ans au cours de laquelle elle a habité au camp du lac X, sa maison de X Road était verrouillée et vacante, en ce sens que personne d’autre n’y habitait. Pendant toute la période de 20 ans au cours de laquelle elle a habité à son camp, l’appelante a toujours maintenu le service d’électricité pour sa propriété de X Road et continue de le maintenir, bien qu’elle ait habité à X avec sa fille et son gendre depuis le mois de juin 2015.

[31] Son chalet du lac X est à vendre à l’heure actuelle. Elle a signé les documents quelques jours avant la tenue de l’audience.

[32] Lorsqu’elle vivait à son camp, elle se rendait à Calais, dans le Maine, une ou deux fois par semaine. Elle s’y rendait pour la journée, habituellement pour acheter des articles comme du lait, de l’essence et des produits du tabac (pour D. O.), car ceux-ci coûtaient beaucoup moins cher aux É.-U. qu’au Canada. Elle se rendait généralement à Calais tous les vendredis et traversait la frontière au poste de St. Stephen – Calais. Elle conduisait parfois, ou encore elle prenait place comme passagère dans le véhicule d’un ami. L’appelante s’est fait demander si elle avait à quelque moment que ce soit été aux É.-U. pour rendre visite à ses fils, question à laquelle elle a répondu par l’affirmative, expliquant qu’elle leur avait alors rendu visite brièvement, puis était revenue au Canada le jour même.

[33] Elle n’est pas allée à sa maison sur l’île très souvent parce que c’était trop loin pour s’y rendre en auto. Elle y est peut-être allée une fois tous les deux ou trois mois à peu près, mais elle n’en était pas certaine. Son fils, C. F., allait en général jeter un regard sur sa propriété de X Road parce qu’il vivait près de là (juste de l’autre côté de la frontière à X).

[34] L’appelante s’est fait demander si, au cours de ses déplacements aux É.-U., elle était à un moment donné restée aux É.-U. pendant plus d’une journée. Elle a répondu par la négative et ajouté qu’elle était toujours revenue au Canada le même jour. L’appelante s’est fait poser la même question plus tard à l’audience et elle a encore une fois répondu qu’elle n’avait jamais passé la nuit aux É.-U. Toutefois, lorsqu’elle s’est fait rappeler par son représentant qu’elle était peut-être rester aux É.-U. pendant une couple de jours lorsque son fils, Sonny, est décédé, l’appelante a reconnu qu’elle était effectivement restée aux É.-U. pendant une couple de jours à cette époque. Son fils est décédé le 20 mai 2015.

[35] L’appelante s’est fait demander si ses habitudes de voyage ont changé au mois de mars 2009 ou vers cette date, car le registre fourni par l’ASFC ne fait état d’aucune entrée au Canada avant le 6 mars 2009. L’appelante a répondu que rien n’avait changé. Au cours de cette période, elle a continué de se rendre régulièrement aux É.-U. pour la journée. Elle a dit qu’elle ne voulait causer de problème à personne, mais elle a expliqué qu’elle vient d’une région où tous se connaissent et que, si l’agent frontalier canadien était une personne qu’elle connaissait, il arrivait souvent que cet agent ne se donne pas la peine de lui demander de fournir ses titres de voyage.

[36] L’appelante s’est fait reporter à l’argument de l’intimé à la page GD7-12 en ce qui concerne ses relevés bancaires et le fait qu’elle n’a effectué que 93 transactions de 2009 à la fin de 2013. L’appelante a dit qu’elle a un compte à la Banque de la Nouvelle-Écosse et qu’elle détient ce compte conjointement avec son fils, C. F.. Elle n’a pas de compte bancaire aux É.-U. Elle n’a utilisé sa carte de débit que quelques fois parce qu’elle ne sait pas comment l’utiliser. Lorsqu’elle l’a utilisée, elle a dû demander à quelqu’un de l’aider et de lui montrer quoi faire. Lorsqu’elle avait besoin d’argent, elle avait pour pratique de se rendre à la banque munie de son livret de banque et de retirer de l’argent. Si elle avait besoin d’acheter quelque chose, elle utilisait de l’argent comptant.

[37] L’appelante s’est fait poser des questions sur son numéro de téléphone et, plus spécifiquement, sur le numéro X-X. Elle a dit que le numéro lui rappelait quelque chose, particulièrement le chiffre 61, mais qu’elle ne pouvait se rappeler si le numéro était le sien ou s’il appartenait à quelqu’un d’autre qu’elle utilisait comme personne-ressource sur l’île, comme une personne au bureau de poste. Elle a expliqué que, lorsqu’elle vivait à son camp, elle avait un téléphone cellulaire, mais que celui-ci ne fonctionnait pas sur l’île. Lorsqu’elle est retournée vivre sur l’île en novembre 2014, elle a pris des dispositions pour obtenir un service téléphonique à sa maison de X Road.

Observations

[38] Le représentant de l’appelante a fait valoir que l’appelante n’a jamais cessé de résider au Canada. Il a fait valoir ce qui suit :

  1. L’appelante a fait une erreur lorsqu’elle a rempli son questionnaire à l’intention de l’intimé. Elle aurait dû répondre par l’affirmative à la question de savoir si elle a maintenu une autre maison et elle aurait dû fournir l’adresse de cette maison – X, X.
  2. Les registres de l’ASFC qui indiquent que l’appelante n’est pas entrée au Canada du mois de janvier 2000 au mois de mars 2009 sont incorrects. Soit les agents de l’ASFC n’ont pas procédé au balayage du passeport de l’appelante, soit leur système électronique de registre des entrées n’avait pas encore été mis en application aux postes frontaliers où l’appelante se présentait.
  3. Les réserves de l’intimé concernant le fait que les retraits bancaires de l’appelante ne correspondent à aucune date d’entrée sont atténuées par le fait que l’appelante habite au Canada et qu’elle était physiquement présente au Canada aux dates de ses retraits. Pour cette raison, il n’y avait aucune nécessité d’avoir des entrées correspondantes au pays.

[39] L’intimé a fait valoir que l’appelante a cessé de résider au Canada au mois de mars 2009 et que, par conséquent, en application de l’alinéa 11(7)d) de la Loi sur la SV, elle était inadmissible au SRG à compter du mois d’octobre 2009, à savoir six mois après le mois au cours duquel elle a cessé de résider au Canada. L’intimé a fait valoir que l’appelante a cessé de résider au Canada au mois de mars 2009 pour les motifs suivants :

  1. L’appelante a indiqué dans un questionnaire de 2013 qu’elle réside au X, X Road, et qu’elle n’avait aucune absence du Canada. Au mois de janvier 2014, l’appelante a déclaré que sa résidence principale était au X, X Road, et elle a dit qu’elle ne maintenait aucune autre maison. Cette information entre en conflit avec les observations de l’enquêteur selon lesquelles la maison située au X, X Road, était vacante.
  2. Les lettres de référence qui ont été fournies par l’appelante en 2014 indiquent que cette dernière réside effectivement à temps plein à son camp du lac X et qu’elle y réside depuis de nombreuses années. Cela est contraire à l’information qu’elle a fournie dans ses questionnaires. En outre, l’évaluation foncière se rapportant à la propriété du lac X désigne la propriété comme étant un « camp et terrain » et non pas comme étant une résidence.
  3. Les registres de l’ASFC indiquent que, du 1er janvier 2000 au 6 mars 2009, l’appelante n’est jamais entrée au Canada. L’enquêteur de l’intimé a communiqué avec l’agent du renseignement de l’ASFC pour préciser les modalités d’entrée pour les résidents des communautés frontalières qui pourraient être des voyageurs fréquents. L’agent de l’ASFC a indiqué que tous, sans exception, notamment les passagers, doivent produire des documents suffisants pour entrer au Canada, lesquels documents sont balayés et ainsi consignés dans la base de données de l’ASFC.
  4. Le fait qu’aucune entrée au Canada n’a été consignée pour l’appelante entre le 1er janvier 2000 et le 6 mars 2009 peut signifier soit que l’appelante était à l’extérieur du Canada pendant toute cette période, soit qu’elle n’a jamais quitté le Canada au cours de cette période. En l’absence d’une preuve formelle, l’intimé a donné le bénéfice du doute à l’appelante et conclu qu’elle a résidé au Canada au cours de cette période.
  5. Les registres de l’ASFC indiquent que l’appelante est entrée au Canada le 6 mars 2009 au poste frontalier de St. Stephen et qu’elle a traversé la frontière à 34 reprises au cours de la période allant du 6 mars 2009 au 7 mai 2013. Au cours de cette période, l’appelante a maintenu que sa résidence était à X; or, aucune entrée n’a été consignée à X avant le 10 mars 2013.
  6. Le numéro de téléphone fourni par l’appelante appartient à une tierce partie sur l’Île X et non à l’appelante.
  7. Les relevés bancaires de l’appelante indiquent qu’au cours de la période en litige, elle a effectué 93 transactions, exception faite de dépôts directs effectués par le gouvernement du Canada et de prélèvements automatiques effectués aux fins du remboursement d’un prêt. Sur ces 93 transactions, seulement cinq concernaient des achats effectués au moyen d’une carte de débit. Elles sont des retraits mensuels réguliers de sommes d’argent effectués en personne à la succursale; toutefois, ces retraits ne correspondent à aucune date d’entrée.
  8. Les registres des services frontaliers américains ne confirment pas la résidence de l’appelante au Canada.
  9. L’on a relevé des divergences en ce qui concerne les résidences de l’appelante et des membres de sa famille à X, dans le X; à X (N.-B.); et au lac X (N.-B.). Après que l’information eut été prise en considération dans son entièreté, il a été conclu que l’appelante n’avait pas résidé principalement au Canada depuis au moins le mois de mars 2009.

Analyse

[40] Ainsi qu’il a été indiqué précédemment, le Tribunal doit déterminer si l’appelante a cessé de résider au Canada au mois de mars 2009 ou à un moment donné par la suite.

[41] Au mois de juillet 2013, l’appelante a rempli un questionnaire que lui avait envoyé l’intimé et, dans ce questionnaire, elle a indiqué que « son adresse résidentielle actuelle » est le X, route X, X (Nouveau-Brunswick). L’on peut comprendre que la réponse de l’appelante a suscité des doutes chez l’intimé, car l’un des enquêteurs de ce dernier s’était rendu peu de temps auparavant au X, X Road et avait constaté que la maison était vacante. Bien que la réponse de l’appelante soit troublante, il importe de signaler que, dans le questionnaire, l’intimé lui a demandé de fournir son « adresse résidentielle actuelle ». Il ne lui a pas demandé de fournir l’adresse à laquelle elle vivait alors ou l’adresse où elle passait le gros de son temps. Étant donné que l’appelante a continué d’être propriétaire de la maison du X, X Road, et étant donné qu’elle avait pour pratique d’utiliser cette adresse comme adresse postale pendant de nombreuses années après qu’elle eut déménagé à son camp, l’on ne peut dire de sa réponse à cette question qu’elle est incorrecte. L’appelante a indiqué également dans son questionnaire qu’elle ne s’était pas absentée du Canada au cours de l’année précédente. Manifestement, la réponse de l’appelante n’est pas exacte, comme en fait foi le rapport du U.S. CBP indiquant de nombreuses entrées aux É.-U. dans l’année qui a précédé le 27 juillet 2013. Certes, la question aurait pu être libellée plus clairement en expliquant que les absences du Canada incluent les courts voyages d’un jour aux É.-U. (particulièrement étant donné la proximité de l’appelante avec la frontière Canada-É.-U.), mais il reste que l’appelante a répondu « non » à la question et paraît n’avoir demandé aucune précision à l’intimé pour savoir si elle devait signaler tous ses déplacements aux É.-U., aussi brefs soient-ils.

[42] Au mois de janvier 2014, l’appelante a rempli un autre questionnaire à la demande de l’intimé. À la première question, elle devait fournir l’adresse et le numéro de téléphone de sa « résidence principale ». En réponse, l’appelante a indiqué qu’il s’agissait du X, X Road, X (Nouveau-Brunswick). Malheureusement, le questionnaire n’a donné aucune explication sur le terme « résidence principale » et, en conséquence, de l’avis du Tribunal, la réponse de l’appelante n’est pas excessivement problématique. Elle avait été propriétaire et continuait d’être propriétaire de la maison du X, X Road, depuis de nombreuses années et, en conséquence, elle pourrait bien avoir considéré qu’il s’agissait de sa résidence principale, en dépit du fait qu’elle n’y avait pas vécu depuis quelque temps. Dans le questionnaire, l’appelante a aussi été invitée à fournir les dates de toute entrée au Canada ou de tout départ du Canada entre le mois de janvier 2000 et le mois d’avril 2012, et l’appelante a répondu « non ». Le Tribunal ne croit pas que sa réponse signifie qu’elle n’avait pas quitté le Canada au cours de cette période. Le Tribunal croit plutôt que la réponse signifie qu’elle n’allait pas fournir les dates d’entrées et de départs. Cela est conforme au témoignage de l’appelante à l’audience, au cours duquel elle a dit que ses voyages aux É.-U. étaient trop nombreux pour les mentionner avec exactitude. La réponse de l’appelante à la troisième question sur le questionnaire est plus problématique. Elle s’est fait demander si elle maintenait d’autres maisons et, le cas échéant, elle devait fournir l’adresse municipale de la maison et fournir les dates auxquelles elle avait résidé dans cette ou ces maisons. L’appelante a répondu à cette question en disant « Non ». Au cours de l’audience, elle a reconnu que cette réponse n’était pas exacte et, lorsqu’elle s’est fait demander d’expliquer sa réponse, elle a dit qu’elle ne pouvait pas le faire. Elle a reconnu que la signature paraissant sur le formulaire était la sienne, mais qu’elle ne pouvait se rappeler l’avoir remplir. La réponse de l’appelante à cette question ne porte pas un coup fatal à son appel. Elle a pour effet cependant de mettre sa crédibilité en doute.

[43] L’appelante a témoigné à l’audience qu’après le décès de son mari, elle a habité à son camp au lac X toute l’année jusqu’au mois de novembre 2014, date à laquelle elle est retournée vivre dans sa maison du X, X Road. Elle a témoigné que, pendant les 20 années ou presque au cours desquelles elle a habité à son camp, elle n’est pas retournée à l’île souvent parce qu’elle ne pouvait plus conduire. Elle a témoigné en outre qu’au cours de cette période, elle vivait au camp et se rendait régulièrement aux É.-U., mais qu’elle revenait toujours au Canada le même jour. (Elle a reconnu qu’elle était restée aux É.-U. pendant une couple de jour en mai 2015, mais c’était après son retour sur l’île). Elle a témoigné que son habitude de passer régulièrement la journée aux É.-U. n’avait pas changé au mois de mars 2009 ou vers cette date.

[44] Il y a une preuve documentaire qui corrobore le témoignage de l’appelante. Si l’on examine la période du mois d’avril 2009 et par la suite, pour chaque entrée au Canada figurant dans le registre de l’ASFC, il y a une entrée correspondante de la même date dans le registre du U.S. CBP. Ainsi, le registre de l’ASFC indique que l’appelante est entrée au Canada au poste frontalier de St. Stephen le 30 septembre 2011. Le registre du U.S. CBP indique que l’appelante est aussi entrée aux É-U. au poste frontalier de St. Stephen-Calais le 30 septembre 2011. Contrairement au registre de l’ASFC, le registre du U.S. CBP indique les heures des entrées et montre que l’appelante est entrée aux É.-U. le 30 septembre 2011 à 10 h 13 (GD2-42). En fait, la plupart des entrées de l’appelante aux É.-U. ont été faites le matin, ce qui confirme le témoignage de l’appelante selon lequel elle est d’abord entrée aux É.-U., puis elle est revenue au Canada, et non le contraire. Les relevés bancaires de l’appelante sont aussi utiles, en ce qu’ils montrent que les jours où elle a traversé la frontière, l’appelante entrait d’abord aux É.-U. Ainsi, le registre de l’ASFC et celui du U.S. CBP montrent qu’au mois d’août 2013, l’appelante a traversé la frontière à deux reprises, le 1er août et le 6 août. Ses relevés bancaires font état de retraits effectués à la banque le 19 août et le 30 août, ce qui vient confirmer que l’appelante est revenue au Canada le 6 août 2013, après être allée aux É.-U. le même jour.

[45] Il y a dans le registre de l’ASFC deux dates qui ne figurent pas dans le registre du U.S. CBP : le 6 mars 2009 et le 15 mars 2009. Le Tribunal ne voit dans l’absence de dates d’entrées correspondantes dans le registre américain rien d’excessivement troublant, car il a été incapable de confirmer les paramètres de recherche du registre américain. Il est possible, par exemple, que le registre américain ait été généré à partir d’un paramètre de recherche dont  le point de départ était le mois d’avril 2009.

[46] Le registre du U.S. CBP est utile également en ce qu’il remet en question l’exactitude du registre de l’ASFC. Il y a beaucoup plus de dates d’entrées dans le registre américain, plus particulièrement pour la période allant du mois d’avril 2009 au mois de février 2013 environ, qu’il n’y en a dans le registre de l’ASFC. Par exemple, d’après le registre de l’ASFC, l’appelante n’est entrée au Canada qu’une fois en septembre 2010, soit le 17 septembre 2010. Or, le registre du U.S. CBP indique que l’appelante est entrée aux É.-U. à neuf autres reprises au cours du même mois. Évidemment, l’appelante n’aurait pu entrer aux É.-U. à partir du Canada sans d’abord avoir été au Canada. De nombreuses raisons pourraient expliquer cette incompatibilité entre les deux registres, notamment le fait que les agents de l’ASFC n’ont pas procédé au balayage du passeport de l’appelante chaque fois qu’elle est entrée au Canada. Bien que la raison de la différence entre les deux registres ne soulève aucune réserve chez le Tribunal, le fait qu’il y a une différence est important, car cela permet de croire que l’appelante est probablement entrée au Canada à de nombreuses reprises entre le mois de janvier 2000 et le 6 mars 2009, ce qui est conforme à son témoignage selon lequel elle n’a pas commencé à effectuer des voyages d’un jour aux É.-U. au mois de mars 2009, et que ces voyages faisaient plutôt partie de sa routine tout au long des années 2000.

[47] Il n’y a dans le dossier d’appel d’autres éléments de preuve qui corroborent le témoignage de l’appelante selon lequel elle a toujours vécu au Canada, que ce soit à son camp au lac X ou à sa propriété de X Road, à l’île X. Cette preuve inclut la déclaration de témoin de B. B., datée du mois d’octobre 2013; les deux lettres de K. C., datées du 14 mai 2014 et du 11 mai 2015; la lettre du 7 mai 2014 de S. L.; la lettre du 15 mai 2014 de C. M., et la lettre du 26 avril 2014 de Irving indiquant que la compagnie fournissait régulièrement du propane au camp de l’appelante du mois de novembre 2009 au mois de février 2014.

[48] En plus de la preuve qui corrobore la thèse de l’appelante dans le présent appel, le Tribunal trouve significatif également le fait qu’il n’y a aucune preuve que l’appelante a effectivement résidé aux É.-U. Dans le meilleur des cas, il y a une certaine preuve qui soulève des questions sur la résidence de l’appelante à l’Île X, et cette preuve inclut les réponses fournies par l’appelante dans son questionnaire du mois de janvier 2014. L’appelante a reconnu qu’elle a fait une erreur lorsqu’elle a rempli le questionnaire en janvier 2014 et, bien qu’elle ait été incapable d’expliquer sa réponse, le Tribunal admet qu’elle a effectivement fait une erreur. Le Tribunal tire cette conclusion en raison de la preuve documentaire qui corrobore son témoignage selon lequel elle a toujours habité au Canada.

[49] Compte tenu de la preuve dans son entièreté, le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas cessé de résider au Canada au mois de mars 2009, ni à quelque moment que ce soit par la suite.

Conclusion

[50] L’appel est accueilli.

Annexe « A »

Registre de l’ASFC des entrées de l’appelante au Canada
Date d’entrée au Canada Point d’entrée

6 et15 mars 2009

St. Stephen

17 septembre 2010

St. Stephen

9 mars 2011

St. Stephen

30 septembre 2011

St. Stephen

14 avril 2012

St. Stephen

3 juillet 2012

St. Stephen

15 septembre 2012

St. Stephen

21 septembre 2012

St. Stephen

9 octobre 2012

St. Stephen

2 novembre 2012

St. Stephen

1, 4, 8, 15, 22, 26 février 2013

St. Stephen

1, 4, 15, 22, 25, 27, 28 mars 2013

St. Stephen

 1, 5, 11, 12, 15, 17, 19, 22, 25 avril 2013

St. Stephen

3 et 7 mai 2013

St. Stephen

10 mai 2013

Campobello

10 mai 2013

St. Stephen

17, 21, 23, 24, 31 mai 2013

St. Stephen

7, 14, 17, 21, 24, 28 juin 2013

St. Stephen

2, 5, 9, 12 et 24 juillet 2013

St. Stephen

1 et 6 août 2013

St. Stephen

3 septembre 2013

St. Stephen

1er octobre 2013

Milltown

3 octobre 2013

Campobello

3 octobre 2013

Milltown

16 octobre 2013

Campobello

16 octobre 2013

St. Stephen

1er novembre 2013

Milltown

29 novembre 2013

St. Stephen

9 décembre 2013

St. Stephen

6 janvier 2014

St. Stephen

18 janvier 2014 (deux fois ce jour-là).

St. Stephen

Annexe « B »

Dates des entrées de l’appelante aux É.-U.
via le poste frontalier Calais – St. Stephen
  2009 2010 2011 2012 2013 2014
Janvier   4, 6, 8, 13, 25, 29 4, 7, 14, 17, 21, 26, 28 6, 13, 20, 26, 31 4, 11, 18, 24 6, 18 (x 2), 31
Février   2, 6, 12, 15, 19, 26, 4, 7, 9, 11, 15,  18, 20 2, 3, 7, 10, 15, 17, 24, 26, 27 1,4,8, 15, 22, 26 28
Mars   1, 4, 9, 10, 12, 15, 17, 18, 19, 24, 26, 29, 1, 4, 9, 11, 16, 18, 24, 25, 26, 28 2, 4, 7, 9, 10, 16, 23, 26, 30 1,4,15,22, 25, 27, 28  
Avril 2, 3, 7,  9, 20, 24, 28, 1, 5, 6, 8, 9, 14, 16, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 27, 30 1, 8, 12, 15, 26 6, 13, 14, 19, 20, 25, 27 1,5, 11, 12, 15, 17, 19, 22, 25 1
Mai 1, 7, 8, 14, 15, 22, 24, 29 3, 4, 5, 8, 14, 17, 21, 25, 28, 29 3, 6, 8, 10, 13, 18, 20, 25, 27, 30 1, 4, 6, 11, 18, 25, 3, 7, 10, 17, 21, 23, 24, 31 1, 30
Juin 5, 9, 12, 19, 22, 26, 28 2, 4, 5, 11, 12, 14, 15, 18, 25, 29 3, 7, 10, 14, 17, 24, 26, 29 1, 4, 8, 13, 14, 29 7, 14, 17, 21, 24, 28  
Juillet 1, 2, 3, 8, 11, 17, 18, 24, 29 2, 3, 5, 9, 16, 20, 22, 30 1, 2, 4, 8, 9, 12, 15, 18, 22, 23, 26, 27, 30 2, 6, 17, 19, 20, 24, 27 2, 5, 9, 12, 24, 2
Août 3, 15, 23, 24, 27, 29 5, 6, 16, 19, 20, 26, , 27, 31 2, 8, 10, 16, 22, 23, 26, 30 1, 6, 12, 20, 21, 26, 31 1 and 6  
Septembre 1, 8, 13, 16, 17, 22, 25, 1, 3, 4, 10, 15, 16, 17, 20, 23, 24 2, 6, 12, 16, 23, 30 1, 14, 15, 18, 21, 24, 28 3  
Octobre 2, 4, 10, 13, 16, 17, 23, 27, 28, 29, 30 1, 2, 4, 8, 9, 15, 21, 22, 24, 29 7, 14, 19, 22, 24, 28 5, 6, 9, 12, 16, 19, 21, 26 1, 3, 16,  
Novembre 6, 16, 20, 24, 27 1, 5, 7, 8, 12, 16, 17, 19, 24, 26 1, 4, 11, 14, 18, 22, 26, 29, 30 1, 2, 9, 13, 16, 21, 23, 28, 30 1, 29  
Décembre 1, 4, 7, 11, 14, 18, 21, 23, 29, 30 1, 3, 5, 10, 18, 21, 23, 30 2, 6, 13, 16, 21, 23, 30 4, 6, 7, 9, 14, 17, 21, 23, 28, 29, 31 9  

Annexe « C »

Dates des entrées de l’appelante aux É.-U.
via le poste frontalier Lebuc–Campobello
2009 2010 2011 2012 2013

17 avril 2009

6 janvier 2010

30 mai 2011

25 avril 2012

10 mai 2013

17 sept. 2009

5 avril 2010

4 juillet 2011

14 juin 2012

3 oct. 2013

18 sept. 2009

8 avril 2010

12 sept. 2011 21 sept. 2012 16 oct. 2013

25 sept. 2009

20 avril 2010 (deux fois)

     
29 oct. 2009

21 avril 2010 (deux fois)

     
 

22 avril 2010 (deux fois)

     
 

5 mai 2010

     
 

15 juin 2010

     
 

3 juillet 2010

     
 

16 juillet 2010

     
 

18 juillet 2010

     
 

28 juillet 2010

     
 

5 août 2010

     
 

10 août 2010

     
  21 août 2010      
 

31 août 2010

     
 

1er sept. 2010

     
 

3 sept. 2010 (deux fois)

     
 

17 sept. 2010

     
  20 sept. 2010      

 

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