Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision

[1] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) refuse la permission d’en appeler.

Introduction

[2] Le demandeur recevait une pension en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi) depuis plusieurs années lorsque le défendeur a décidé d’ouvrir une enquête relativement à sa résidence. Après son enquête, le défendeur a déterminé que le demandeur n’a pas suffisamment établi qu’il avait résidé au Canada après 1993; par conséquent, il ne satisfaisait pas aux exigences prescrites à l’article 3 de la Loi. Le défendeur a déterminé qu’il avait cessé de résider au Canada le 14 mai 1993, et qu’il avait reçu un trop-payé de 83 493,49 dollars (GT1-28). En même temps, le défendeur a donné l’occasion au demandeur de présenter une demande de prestations en vertu de l’Accord international entre le Canada et le Chili. (GT1-29)

[3] Le demandeur a demandé au défendeur de réviser sa décision; cependant, le défendeur a maintenu sa décision. Le demandeur a ensuite interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. Dans les délais, l’appel a été instruit par la division générale du Tribunal, qui a rendu une décision dans cette affaire le 21 novembre 2015. La division générale a conclu que le demandeur avait cessé de résider au Canada le 21 juin 1993 et non le 14 mai 1993.

[4] Le demandeur sollicite la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale en présentant une demande à cet effet (demande).

Moyens d’appel

[5] Le demandeur sollicite la permission d’en appeler au motif que la division générale a commis une erreur de droit et fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées qu’elle a tirées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[6] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Dispositions législatives applicables

[7] Les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régissent la demande de permission d'appeler. Aux termes du paragraphe 56(1) de la Loi sur le MEDS, la permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal constitue une étape préliminaire d’un appel devant la division d’appel. Conformément au paragraphe 56(1), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission ». Le paragraphe 58(3) prévoit que la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les trois moyens suivants :

  1. a. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] La décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, appuie la position voulant que la division d’appel doit d’abord déterminer, lorsqu’elle évalue une demande de permission d’en appeler, si l’un ou l’autre des motifs d’appel invoqués par le demandeur se rattache aux moyens d’appel prescrits.

[10] La Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. (1985), ch. O-9, prescrit les situations où une pension partielle mensuelle est payable.

  1. 3. (2) Pension partielle - Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et de ses règlements, une pension partielle est payable aux personnes qui ne peuvent bénéficier de la pleine pension et qui, à la fois,
  2. (a) ont au moins soixante-cinq ans,
  3. (b) ont, après l’âge de dix-huit ans, résidé en tout au Canada pendant au moins dix ans mais moins de quarante ans avant la date d’agrément de leur demande et, si la période totale de résidence est inférieure à vingt ans, résidaient au Canada le jour précédant la date d’agrément de leur demande.

[11] La question de la résidence et de la façon dont établir la résidence est abordée plus en détail dans le Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement), C.R.C., ch. 1246.

20. (1) Pour permettre au ministre d’établir l’admissibilité d’une personne, quant à la résidence au Canada, la personne ou quelqu’un en son nom doit présenter une déclaration contenant les détails complets de toutes les périodes de résidence au Canada et de toutes les absences de ce pays se rapportant à cette admissibilité.

(2) La personne n’a pas, dans les cas prévus aux paragraphes 5(2) ou (5), 11(3) ou (4), 19(4.1) ou 21(5) ou (5.1) de la Loi, à présenter la déclaration visée au paragraphe (1), sauf si le ministre en fait la demande sous le régime de la Loi.

  1. 21. (1) Aux fins de la Loi et du présent règlement,
  2. a) une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada; et
  3. b) une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.

Question préliminaire : S’agit-il d’une demande tardive?

[12] La division générale a rendu sa décision le 21 novembre 2015. Le Tribunal a reçu une version électronique de la demande de permission d’en appeler le 18 mars 2016, manifestement plus de 90 jours après que la décision eut été envoyée au demandeur. Cela soulève donc une question préliminaire, à savoir que la demande pourrait avoir été présentée en retard.

[13] Dans sa réponse au Tribunal, le représentant du demandeur a plaidé que la demande, en fait, n’était pas tardive. Le représentant a soutenu que le demandeur avait reçu la décision le 20 décembre 2015 et qu’une version électronique de la demande avait été soumise le 18 mars 2016; par conséquent, la demande avait été présentée dans le délai prescrit.

[14] Les observations déposées par le représentant soulèvent la question de savoir comment déterminer le moment où un appelant reçoit communication de la décision et à quel moment il faut comment à compter le temps écoulé lorsqu’un demandeur réside à l’étranger.

[15]  L’article 57 de la Loi sur le MEDS prescrit les délais dans lesquels un appel doit être interjeté à la division d’appel. La demande de permission d’en appeler est présentée à la division d’appel selon les modalités prévues par règlement et dans le délai suivant :

  1. a) dans le cas d’une décision rendue par la section de l’assurance-emploi, dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision;
  2. b) dans le cas d’une décision rendue par la section de la sécurité du revenu, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision.

[16] Conformément à l’article 19 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 1 (Règlement), la décision est présumée avoir été communiquée à la partie le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste, si elle est transmise par la poste ordinaire. Si elle est transmise par courrier recommandé ou messagerie, la décision est présumée avoir été communiquée à la partie soit à la date indiquée sur l’accusé de réception, soit à la date à laquelle elle a été livrée à la dernière adresse connue de la partie. Si la décision est transmise par un moyen électronique, elle est présumée avoir été communiquée à la partie le premier jour ouvrable suivant sa transmission. Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale ne précise cependant pas les modalités pour un destinataire se trouvant à l’étranger.

[17] Le dictionnaire Oxford définit la « communication » comme la transmission ou l’échange de renseignements ou de nouvelles. Ce terme désigne également un moyen qui permet d’établir un lien entre des personnes ou des lieux, en particulier. Cela suppose la réception de renseignements destinés à être transmis ou échangés. Cette notion transparaît peut-être dans le formulaire de demande de permission d’en appeler du Tribunal, qui demande aux demandeurs potentiels d’indiquer la date à laquelle ils ont reçu la décision (voir exemple AD1-5).

[18] Le représentant du demandeur soutient que la division d’appel devrait utiliser la date à laquelle il a été indiqué que la décision a été reçue comme étant la date réputée de communication. Puisque la décision a été envoyée à une adresse à l’étranger, la division d’appel en convient. Elle croit qu’en procédant de la sorte, elle donne une valeur pratique à l’intention sous-jacente à sa demande auprès des demandeurs, qui doivent indiquer la date à laquelle ils ont reçu la décision qu’ils portent en appel; cela leur permet aussi de ne pas être pénalisés par des retards potentiels causés par un envoi à une adresse à l’étranger. Ainsi, le demandeur aurait eu jusqu’au 19 mars 2016 pour présenter sa demande. Le Tribunal a reçu sa demande le 18 mars 2016; la demande n’a donc pas été présentée en retard.

Analyse

[19] Pour obtenir la permission d’en appeler, un demandeur doit, conformément au paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS, convaincre la division d’appel que son appel aurait une chance raisonnable de succès; autrement, la division d’appel doit refuser la demande de permission d’en appeler. Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[20] Un demandeur convainc la division d’appel que son appel a une chance raisonnable de succès en soulevant une cause défendable dans sa demande de permission d’en appeler.Note de bas de page 2 Dans les arrêts Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, il a été établi qu’une chance raisonnable de succès signifie qu’une cause est défendable.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit?

[21] La division générale devait déterminer si le demandeur avait cessé de résider au Canada après le 14 mai 1993.

[22] Le représentant du demandeur a allégué que la division générale a commis une erreur de droit en :

[Traduction]

[…] imposant un fardeau indu au demandeur pour prouver qu’il n’était pas capable d’obtenir des dossiers supplémentaires puisque les entités n’ont que des politiques limitées sur la conservation des dossiers. Elle a également erré en refusant de déduire cette incapacité à se procurer des documents à partir de la preuve présentée, qui démontrait que, au moment en question, les ministères avaient déjà détruit les documents antérieurs à l’an 2000. La division générale a aussi commis une erreur en ne tenant pas compte de la jurisprudence présentée au nom de l’appelant et pour appuyer sa cause. (AD1-5)

[23] Les dossiers auxquels le représentant fait référence sont des dossiers de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) sur les antécédents de voyage du demandeur et les dossiers papier de la Sécurité de la vieillesse (SV) et du Régime de pensions du Canada (RPC). (GT1-65) Voici la jurisprudence sur laquelle s’est fondé le représentant du demandeur :

Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Ding, 2005 CF 76, pour le principe que la résidence est une question de fait, et Singer c. Canada (Procureur général), 2010 CF 607, pour le principe qu’une présence continue au Canada n’est pas requise.

[24] La division générale a cité le droit applicable, soit le paragraphe 3(2) de la Loi et l’alinéa 21(1)a) du Règlement. La division générale a énoncé les facteurs qui sont pertinents pour déterminer si une personne réside au Canada (au paragraphe 48 de sa décision). Elle a ensuite examiné la preuve disponible avant de rendre sa décision finale, selon laquelle le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau consistant à établir sa résidence au Canada.

[25] Le représentant du demandeur soutient que la division générale a commis une erreur en ne concluant pas que le demandeur était incapable de fournir la preuve de sa résidence avant 2000 puisque les ministères avaient détruit ses dossiers. Cette observation ne convainc pas la division d’appel. La division d’appel estime qu’aucun fardeau, indu ou autre, n’avait été imposé au demandeur pour prouver son incapacité à se procurer des dossiers supplémentaires de la part d’entités gouvernementales. Il est de jurisprudence constante que le fardeau repose sur la personne qui revendique un droit de prouver les faits sur lesquels son allégation est fondée. Duncan c. Canada (Procureur général),2013 CF 319. Le demandeur était responsable d’établir sa résidence au Canada à la satisfaction du défendeur. Si elle a reconnu le problème causé par l’absence de documents, la division générale a estimé que le demandeur pouvait quand même établir sa résidence en utilisant autre chose que des dossiers du gouvernement. La division d’appel juge que les observations déposées par le demandeur n’indiquent aucune erreur de droit de la part de la division générale. Ce motif n’aurait pas une chance raisonnable de succès à l’appel.

[26] Pour ce qui est de l’observation voulant que la division générale n’ait pas tenu compte de la jurisprudence présentée au nom du demandeur, la division d’appel estime qu’il y a lieu de douter de cette observation et la rejeter. Les deux causes présentées, Ding et Singer, portent sur les considérations qu’il faut effectivement appliquer pour établir la résidence. La division d’appel estime que la division générale a mené une analyse approfondie compte tenu des facteurs et de principes énoncés dans la jurisprudence. Cette observation, elle non plus, ne donne pas lieu à un motif conférant à l’appel une chance raisonnable de succès.

La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée?

[27] À ce sujet, le représentant du demandeur a soutenu que la division générale avait erré en :

[Traduction]

[…] maintenant la conclusion d’A. S. voulant que le demandeur avait cessé de résider au Canada en 1993, alors que A. S. lui-même, dans les documents fournis par le défendeur, a admis qu’il manquait de renseignements pour tirer une conclusion relativement à la résidence. La division générale a écarté tous les renseignements contraires. (AD1-5)

[28] A. S. est un agent d’enquête qui travaille pour le défendeur. La division d’appel estime que la division générale n’a pas privilégié ses conclusions en écartant les renseignent fournis à l’appui du demandeur, notamment la preuve par déclaration sous serment. Cependant, la division générale a accordé peu de poids à cet élément de preuve puisqu’elle a jugé que les déclarations sous serment d’A. V. et de R. E. étaient [traduction] « quasiment identiques » et qu’elles n’étaient pas tout à fait cohérentes avec la preuve documentaire au dossier et contredisaient la propre déclaration du demandeur. La division générale est arrivée à une conclusion semblable relativement à la déclaration sous serment de L. E..

[29] Les conclusions de la division générale concernant la crédibilité du demandeur et la fiabilité de la preuve documentaire présentée à son nom tenaient compte des conclusions d’A. S. mais également de la conduite du demandeur. En effet, il semble que le demandeur n’a pas exactement fait preuve de coopération pour fournir des réponses aux demandes de renseignements du défendeur. (GT1-66-3)Note de bas de page 3

[30] La division générale a également soupesé la preuve présentée à l’appui du demandeur et a tiré des conclusions sur sa fiabilité. Par exemple, si la division générale a jugé que le rapport de l’ASFC était utile, elle a également estimé qu’il ne donnait pas une réponse complète à la demande du défendeur, qui voulait obtenir des antécédents de voyage exhaustifs. Puisque le demande a allégué avoir passé plus de temps au Canada qu’au Chili, il avait le fardeau d’établir ses antécédents de voyage. Comme il ne l’a pas fait, la division d’appel estime qu’on ne peut pas affirmer que la division générale a privilégié les conclusions d’A. S. aux dépens de la preuve documentaire et des autres éléments de preuve déposés au nom du demandeur. Par conséquent, la division d’appel n’est pas convaincue que ce motif confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[31] Le représentant du demandeur a soutenu que la division générale a commis une erreur de droit en imposant un fardeau indu au demandeur pour fournir une preuve documentaire prouvant sa résidence et en ignorant la jurisprudence présentée. La division d’appel a jugé que le fardeau d’établir la résidence repose toujours sur le demandeur. Ainsi, il revenait au demandeur de fournir une preuve suffisante pour établir sa résidence durant la/les période(s) contestée(s). Après avoir soupesé la preuve, la division générale a conclu qu’il ne s’était pas acquitté de son fardeau. La division d’appel n’a pas comme rôle de soupeser la preuve de nouveau de manière à en arriver à une conclusion qui plaise davantage au demandeur (Tracey, précité).

[32] De façon semblable, le représentant a soutenu que la division générale a erré en fondant sa décision sur les conclusions tirées par l’enquêteur employé par le défendeur et en ignorant les autres éléments de preuve à l’appui. Après un examen du dossier du Tribunal et de la décision, la division d’appel conclut que cette observation n’est pas étayée. Par conséquent, et pour les motifs énoncés précédemment, la division d’appel n’est pas convaincue que les arguments du représentant soulèvent des moyens d’appel qui auraient une chance raisonnable de succès.

[33] La demande est refusée.

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