Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 27 août 2015, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a déterminé que la demanderesse n’avait pas droit à une pension en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi).

[2] La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel (DA) du Tribunal le 24 mars 2016, soit après le délai prescrit à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et le Développement social (Loi sur le MEDS).

Question en litige

[3] Il me faut déterminer s’il y a lieu d’accorder une prorogation de délai pour la présentation de la demande.

Droit applicable

Loi sur le MEDS

[4] Aux termes de l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le MEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée dans les 90 jours suivant la date à laquelle le demandeur reçoit communication de la décision.

[5] La DA doit examiner et soupeser les critères énoncés dans la jurisprudence. Dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, la Cour fédérale a établi que les critères sont les suivants :

  1. le demandeur fait preuve d’une intention constante de poursuivre l’appel;
  2. la cause est défendable;
  3. le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[6] Le poids qu’il convient d’accorder à chacun des facteurs énoncés dans la décision Gattellaro peut varier selon le cas et, parfois, d’autres facteurs peuvent aussi être pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l'octroi d'une prorogation de délai serait dans l'intérêt de la justice – Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204.

[7] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, il ne peut être interjeté d’appel devant la DA sans permission et la DA accorde ou refuse cette permission. Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une instruction de l’affaire sur le fond. C’est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est moins important que celui auquel elle devra faire face lors de l’instruction de l’appel sur le fond. Au stade de la permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

[10] Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une partie a une cause défendable en droit revient à se demander si elle a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique – Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, (2007) CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), (2010) CAF 63.

Loi, Règlement et accords

[11] En vertu de l’article 3 de la Loi, une personne doit, après l’âge de dix-huit ans, avoir résidé au Canada pendant au moins 40 ans afin de pouvoir toucher une pension complète de la sécurité de la vieillesse (SV).

[12] Pour pouvoir toucher une pension partielle, un requérant doit avoir résidé au Canada pendant au moins 10 ans s’il réside au Canada le jour précédant la date d’agrément de sa demande. Un requérant qui réside à l’étranger le jour précédant la date d’agrément de sa demande doit prouver qu’il avait auparavant résidé au Canada pendant au moins 20 ans.

[13] La paragraphe 21(1) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement) fait la distinction entre la « résidence » et la « présence » au Canada. Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada, mais une personne est simplement présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.

[14] Aux termes de l’article 40 de la Loi, il existe des Accords internationaux en matière de sécurité sociale conclus avec d’autres pays qui peuvent aider un requérant ayant vécu et travaillé à l’étranger à être admissible à une pension de SV.

[15] Conformément à l’Accord de sécurité sociale entre le Canada et l’Italie, les périodes de cotisations versées aux programmes de sécurité sociale en vertu des lois italiennes peuvent être ajoutées aux périodes de résidence au Canada pour permettre à un requérant de satisfaire à l’exigence minimale relative à la durée de résidence.

Observations de la demanderesse

[16] La demanderesse a présenté sa demande de permission d’en appeler le 24 mars 2016, soit 189 jours après l’envoi de la décision à son adresse postale en Italie et bien après l’expiration du délai de 90 jours pour la présentation de la demande. Dans le formulaire de demande, les requérants doivent indiquer la date à laquelle ils ont reçu la décision de la DG et fournir les raisons expliquant le retard de leur demande, le cas échéant. La demanderesse a indiqué qu’elle a reçu la décision de la DG le 8 septembre 2015 et qu’elle avait accusé du retard puisqu’elle était atteinte d’une incapacité et qu’elle dépendait de soignants débordés pour tout faire dans la vie. En novembre, elle avait souffert d’une grave surdose de médicaments d’ordonnance et avait dû récupérer pendant de nombreuses semaines. Son père était également décédé à la fin de ce même mois.

[17] La demanderesse a également expliqué pourquoi elle croyait que son appel avait une chance raisonnable de succès. Elle a soutenu que la DG avait commis une erreur de droit en appliquant à son cas le concept de [traduction] « véritable résidence » plutôt que celui de la [traduction] « résidence ordinaire », comme l’exigent les Accords internationaux en matière de sécurité sociale et l’Accord de sécurité sociale entre le Canada et l’Italie. Elle allègue que la DG a conclu à tort que la date à laquelle elle a physiquement quitté le territoire canadien, soit octobre 1996, et la date à laquelle elle a commencé à verser des cotisations à la sécurité sociale en Italie, soit novembre 1996, correspondent à la fin de sa [traduction] « résidence ordinaire » au Canada. En fait, elle avait été une résidente ordinaire au Canada pendant plus longtemps que le minimum de 53 semaines requis en vertu des Accords internationaux en matière de sécurité sociale – soit de janvier 1966 à février 1967 – et, pour cette raison, elle a droit à une pension de SV.

Analyse

[18] Je juge que la demande de permission d’en appeler a été présentée après le délai prescrit de 90 jours. La demanderesse a affirmé avoir reçu la décision de la DG à son adresse en Italie le 8 septembre 2015. Elle n’a pas présenté de demande avant le 24 mars 2016, soit plus de deux mois et demi après l’échéance.

[19] Pour décider s’il convenait d’accorder un délai supplémentaire pour interjeter appel, j’ai examiné et soupesé les facteurs énoncés dans Gattellaro.

Intention constante de poursuivre l’appel

[20] La demanderesse plaide qu’elle a présenté sa demande de permission d’en appeler en retard puisqu’elle était invalide et dépendante d’autres personnes. Elle affirme avoir souffert d’une grave surdose de médicaments d’ordonnance, qui avait nécessité qu’elle récupère pendant des semaines. Je suis prêt à accepter que la demanderesse a fait face à ces difficultés durant la période en question et qu’elle avait l’intention constante de poursuivre l’appel durant le laps de temps plutôt court qui s’est écoulé entre l’expiration du délai pour la présentation de la demande et le moment où elle a présenté sa demande de permission d’en appeler.

Cause défendable

[21] Pour toucher une pension partielle de SV, un requérant qui réside à l’étranger le jour qui précède la date d’agrément de sa demande doit prouver qu’il avait précédemment résidé au Canada pendant au moins 20 ans. En l’espèce, la demanderesse, qui a vécu en Italie pendant de nombreuses années et qui a résidé au Canada pendant environ un an après son 18e anniversaire, a eu recours à l’Accord de sécurité sociale entre le Canada et l’Italie pour tenter de montrer qu’elle avait droit à une pension de SV.

[22] Dans sa décision, la DG a conclu que la demanderesse avait résidé au Canada pendant 312 jours après avoir atteint l’âge de 18 ans le 10 janvier 1966, et ce avant de partir pour aller en Italie le 18 novembre 1966. Si la DG a indiqué que les faits [traduction] « n’étaient pas contestés », un examen à vue du dossier laisse penser que la demanderesse a plaidé que quoiqu’elle ait quitté le Canada physiquement en novembre 1966, elle avait l’intention d’y retourner et a seulement décidé de demeurer en Italie de façon permanente en février 1967, date à laquelle elle s’est inscrite comme résidente italienne.

[23] Il est important, dans sa demande, que la demanderesse soit réputée comme étant une résidente canadienne pendant plus de 53 semaines puisqu’il s’agit de la résidence minimale pour permettre d’avoir recours aux dispositions de l’Accord de sécurité sociale entre le Canada et l’Italie. Voici ce qui est indiqué au sixième paragraphe de l’article XI de l’accord en question :

Si le total des périodes créditées à l’égard d’une personne en vertu de la législation d’une Partie est inférieur à 53 semaines en tout, aucune prestation ne sera accordée par cette Partie aux termes des paragraphes (4) et (5), mais lesdites périodes créditées seront prises en compte par l’autre Partie en vue de l’application de sa législation.

Si la demanderesse a suggéré que la DG a mal appliqué une nouvelle version de cet accord, qui n’a pas encore pris effet, je n’ai pas pu trouver de preuve concernant une telle erreur et je suis convaincu que les dispositions citées par la DG étaient en vigueur au moment où elle les a appliquées.

[24] Dans sa plaidoirie pour que la permission d’en appeler soit accordée, la demanderesse a fait une distinction entre une [traduction] « véritable résidence » et une [traduction] « résidence ordinaire », mais ces concepts ne sont pas reconnus en droit, qui distingue simplement la résidence de la non-résidence et qui, dans cette distinction, répertorie un éventail de facteurs qui comprennent notamment la présence physique à l’intérieur des frontières canadiennes, l’intention de vivre au Canada et le maintien de liens au Canada prenant la forme de biens, d’actifs financiers et de relations familiales (Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Ding, 2005 FC 76; et Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Chhabu, 2005 FC 1277).

[25] La DG n’a présenté que brièvement les motifs de sa conclusion voulant que la demanderesse avait cessé de résider au Canada à partir d’octobre 1966, mais il est clair qu’elle n’a pas tenu compte de l’intention prétendue de la demanderesse de retourner au Canada et n’a pas été convaincue par le fait que la demanderesse avait conservé un compte bancaire au Canada pendant un certain temps après son départ. En rendant cette décision, la DG avait effectivement compétence pour soupeser la preuve et déterminer les faits qu’il convient d’admettre ou de rejeter, selon le cas, avant de parvenir à rendre une décision fondée sur son interprétation et son analyse des éléments dont elle était saisie. Ainsi, j’estime que ce motif n’a pas une chance raisonnable de succès, puisqu’il découle du fait que la DG a décidé d’accorder plus ou moins d’importance à certains éléments de preuve d’une façon différente que celle que la demanderesse juge adéquate. Dans Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, la Cour d’appel fédérale a indiqué que « le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée. »

[26] Puisque j’estime que la conclusion de la DG, voulant que la demanderesse ne cumule pas les 53 semaines de résidence au Canada requises par l’Accord de sécurité sociale entre le Canada et l’Italie, ne contient aucune erreur de droit ou de fait, je juge que la demanderesse n’a pas une cause défendable et qu’un appel n’aurait pas une chance raisonnable de succès.

Explication raisonnable du retard

[27] La demanderesse plaide qu’elle dépend d’autres personnes qui prennent soin d’elle et qu’elle a souffert d’une surdose de médicaments d’ordonnance en novembre 2015, qui avait nécessité qu’elle récupère pendant des semaines. Même si elle n’a fourni aucune preuve à l’appui de son allégation, j’estime que cette explication est raisonnable et je remarque qu’elle est compatible avec les problèmes de santé révélés précédemment dans le dossier d’audience.

Préjudice à l’autre partie

[28] Il est peu probable que la prorogation du délai pour interjeter appel cause préjudice aux intérêts du défendeur étant donné la période de temps relativement courte qui s’est écoulée depuis que la décision issue de la révision a été rendue. Je ne crois pas que la capacité du défendeur à se défendre, vu ses ressources, soit indûment amoindrie si la prorogation de délai était accordée.

Conclusion

[29] Après avoir soupesé les facteurs susmentionnés, j’ai déterminé que la présente affaire n’est pas un cas où il convient d’accorder une prorogation du délai de 90 jours pour faire appel. La demanderesse a présenté une explication plausible au retard de deux mois et demi pour la présentation de sa demande de permission d’en appeler, et on peut raisonnablement présumé qu’elle avait l’intention constante de poursuivre l’appel, malgré son retard. Il est également vrai que les intérêts du défendeur ne subiraient pas de préjudice si un délai supplémentaire était accordé. Si trois des facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro sont donc en faveur de la demanderesse, je suis d’avis qu’ils ne suffisent point étant donné l’absence d’une cause défendable : je n’ai trouvé aucun motif, découlant soit d’une erreur de droit ou d’une erreur de fait, qui confère à l’appel de la demanderesse une chance raisonnable de succès. Si la DA a compétence pour proroger le délai dans certaines circonstances, un examen attentif des critères juridiques applicables m’a amené à conclure qu’il ne conviendrait pas que j’exerce ce pouvoir discrétionnaire dans le cas de la présente affaire.

[30] D’après les facteurs énoncés dans Gattellaro et dans l’intérêt de la justice, je refuserais d’accorder une prorogation du délai pour interjeter appel aux termes du paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS.

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