Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 10 février 2016, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a rejeté de façon sommaire l’appel de l’appelant. La DG avait déterminé que :

  1. L’appelant a atteint l’âge de 65 ans en septembre 2008, et il a fait une demande de pension de la sécurité de la vieillesse (SV) en janvier 2014;
  2. L’intimé lui a accordé une pension payable à partir de février 2013;
  3. L’appelant n’a pas été conseillé de soumettre sa demande de pension de SV avant d’attendre l’âge de 65 ou plus tôt que janvier 2014;
  4. L’intimé a déterminé que l’appelant a reçu le montant maximal de rétroactivité permis par la législation;
  5. En vertu des paragraphes 5(2) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (RSV) et 8(1) et (2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (LSV), l’approbation de sa demande a pris effet en janvier 2013 et sa pension de SV est devenu payable à partir de février 2013;
  6. Le Tribunal n’a pas la compétence de traiter les questions « de conduite et des conseils des agents de l’intimé »; et
  7. L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[2] Pour ces raisons, la DG a rejeté l’appel.

Historique du dossier

[3] En janvier 2014, l’appelant a produit une demande de pension de la SV. Il a atteint l’âge de 65 ans en septembre 2008. L’ancien Ministère de l’Emploi et du Développement social (Ministère) a approuvé une pension et cette pension lui a été octroyée à compter de février 2013.

[4] En janvier 2009, l’appelant a fait une demande au Régime de pensions du Canada (RPC) alors qu’il était déjà en paiement avec le Régime des rentes du Québec. Une explication de la décision sur le RPC a été expédiée et une demande de pension de la SV (formulaire) a été annexée.

[5] L’appelant nie avoir reçu le formulaire de demande de la pension de la SV. Il soutient que les agents de l’intimé ne lui ont pas conseillé de soumettre une demande de SV avant qu’il l’ait fait en janvier 2014.

[6] Il a présenté une demande de réexamen sur la pension de la SV en mai 2014 pour que sa période de rétroactivité débute le mois suivant son 65e anniversaire, soit en octobre 2008.
L’intimé a maintenu sa décision et en a informé l’appelant en septembre 2014.

[7] L’appelant a fait appel auprès de la DG en octobre 2014 et l’avis d’appel a été complété en janvier 2015.

[8] Le 19 janvier 2016, le Tribunal envoyé une lettre pour aviser les parties que le Tribunal « considère rejeter l’appel de façon sommaire ».

[9] L’intimé a répondu avec ses observations écrites le 29 janvier 2016. L’appelant a soumis ses observations écrites le 9 février 2016.

[10] La DG a rejeté l’appel de façon sommaire le 10 février 2016.

Appel à la division d’appel

[11] L’appelant a déposé un avis d’appel à la division d’appel (DA) du Tribunal le 11 mai 2016, dans les délais prescrits. L’avis note les observations de l’appelant.

[12] L’intimé a déposé ses observations en juin 2016. Il soutient que la décision de la DG n’est pas entachée d’erreur de droit ni de faits et que la DG n’a pas commis d’erreur en appliquant le droits aux faits, lesquels ne sont pas contestés.

[13] Cet appel a procédé sous la forme d’une audience sur le fond pour les raisons suivantes :

  1. Le membre de la DA a déterminé qu'aucune autre audience n’est nécessaire; et
  2. La nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible selon les critères des règles du Tribunal de la sécurité sociale en ce qui a trait aux circonstances, l’équité et la justice naturelle.

Questions en litige

[14] La DA du Tribunal doit décider s’il devrait rejeter l’appel, rendre la décision que la DG aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la DG, confirmer, infirmer ou modifier la décision.

La loi et l’analyse

Dispositions législatives

[15] Le paragraphe 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi) prévoit que la DG doit rejeter un appel sommairement si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[16] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[17] La DA doit déterminer, conformément au paragraphe 58(1) de la Loi s’il existe une erreur de droit, de fait, de justice naturelle ou de compétence présente dans la décision contestée.

[18] En ce qui concerne la LSV et le RSV :

La LSV :

8 (1) Le premier versement de la pension se fait au cours du mois qui suit l’agrément de la demande présentée à cette fin; si celle-ci est agréée après le dernier jour du mois de sa réception, l’effet de l’agrément peut être rétroactif au jour — non antérieur à celui de la réception de la demande — fixé par règlement.

Exception

(2) Toutefois, si le demandeur a déjà atteint l’âge de soixante-cinq ans au moment de la réception de la demande, l’effet de l’agrément peut être rétroactif à la date fixée par règlement, celle-ci ne pouvant être antérieure au jour où il atteint cet âge ni précéder de plus d’un an le jour de réception de la demande.

32 S’il est convaincu qu’une personne s’est vu refuser tout ou partie d’une prestation à laquelle elle avait droit par suite d’un avis erroné ou d’une erreur administrative survenus dans le cadre de la présente loi, le ministre prend les mesures qu’il juge de nature à replacer l’intéressé dans la situation où il serait s’il n’y avait pas eu faute de l’administration.

Le RSV :

3 (1) Si le ministre l’exige, la demande de prestation doit être présentée sur une formule de demande.

(2) Sous réserve des paragraphes 5(2) et 11(3) de la Loi, une demande n’est réputée présentée que si une formule de demande remplie par le demandeur ou en son nom est reçue par le ministre.

5 (1) Sous réserve du paragraphe (2), lorsque le ministre :

  1. a) est convaincu qu’un demandeur est admissible à une pension selon les articles 3 à 5 de la Loi,
  2. b) agrée la demande après le dernier jour du mois au cours duquel elle a été reçue, l’agrément prend effet à celle des dates suivantes qui est postérieure aux autres :
  3. c) la date de réception de la demande,
  4. d) la date à laquelle le demandeur est devenu admissible à une pension selon les articles 3 à 5 de la Loi;
  5. e) la date indiquée par écrit par le demandeur.

(2) Lorsque le ministre est convaincu que le demandeur visé au paragraphe (1) a atteint l’âge de 65 ans avant la date de réception de sa demande, l’agrément de celle-ci prend effet à celle des dates suivantes qui est postérieure aux autres :

  1. a) la date qui précède d’un an celle de la réception de la demande;
  2. b) la date à laquelle le demandeur a atteint l’âge de 65 ans;
  3. c) la date à laquelle le demandeur est devenu admissible à une pension selon les articles 3 à 5 de la Loi;
  4. d) le mois précédant la date indiquée par écrit par le demandeur.

Critère juridique pour un rejet sommaire

[19] La première question pour la DA à déterminer est de voir si la DG a correctement identifié et appliqué le critère juridique pour rejeter sommairement l’appel.

[20] Les parties n’ont fait aucune observation en ce qui concerne le critère juridique pour un rejet sommaire.

[21] Bien que la Cour d’appel fédérale n’ait pas encore examiné la question des rejets sommaires dans le contexte du cadre législatif et réglementaire du Tribunal, elle a examiné la question à plusieurs reprises dans le contexte de sa propre procédure de rejet sommaire. Les décisions Lessard-Gauvin c. Canada (PG), 2013 CAF 147 et Breslaw c. PGC, 2004 CAF 264 servent d'exemples représentatifs de ces jugements.

[22] Dans Lessard-Gauvin, la Cour d’appel fédérale a déclaré que:

La norme pour rejeter de façon préliminaire un appel est rigoureuse. Cette Cour ne rejettera sommairement un appel que lorsqu'il est évident que le fondement de celui-ci n'a aucune chance raisonnable de succès et est manifestement voué à l'échec ...

[23] La Cour d’appel fédérale a exprimé des sentiments similaires dans l’affaire Breslaw, constatant que:

... le seuil lié au rejet sommaire d'un appel est très élevé, et bien que je doute sérieusement de la validité de la position de l'appelant, les observations écrites qu'il a déposées soulèvent une cause défendable. L'appelant est donc autorisé à poursuivre son appel.

[24] Je note que la détermination de rejeter sommairement un appel est un test seuil. Il ne convient pas d'examiner l'affaire sur le fond en l'absence des parties, puis de conclure que l’appel ne peut pas réussir. La question à se poser dans le cas d’un rejet sommaire est: est-il clair et évident sur la foi du dossier que l'appel est manifestement voué à l'échec?

[25] Pour plus de précision, la question à se poser n’est pas si l'appel doit être rejeté après une étude des faits, de la jurisprudence et des arguments des parties. Plutôt, il faut déterminer si l’appel est voué à l’échec, peu importe les preuves ou arguments qui pourraient être présentés lors d'une audience.

La décision de la DG

[26] Le membre de la DG a revu les articles et les paragraphes des lois applicables, la preuve au dossier, la demande d’appel et les observations des parties en ce qui concerne l’avis de rejet sommaire et il a conclu que :

[15] En tant qu’entité législative, le Tribunal n’a que les pouvoirs que sa loi constitutive lui confère. Le Tribunal interprète et applique les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans la LSV et le RSV.

[16] En l’espèce l’appelant a atteint l’âge de 65 avant qu’il a fait une demande de pension de la SV. L’intimé n’a aucun devoir législatif de soumettre une demande de la part des individus (y compris l’appelant) ou d’aviser les individus (l’appelant en l’espèce) de soumettre une demande. Il incombe aux individus, l’appelant en l’espèce, de soumettre une demande (paragraphes 5(1) de la LSV et 3(1) du RSV). En l’espèce, l’appelant a fait ainsi en janvier 2014, lorsque l’intimé l’a reçue (paragraphe 3(2) du RSV).

[17] Vu que l’appelant a déjà atteint l’âge de 65 ans lorsqu’il a présenté sa demande de SV, l’approbation de la demande a pris effet en janvier 2013, et est devenu payable à partir de février 2013 en vertu des paragraphes 5(2) du RSV et 8(1) et (2) de la LSV.

[18] Le Tribunal constate les commentaires de l’appelant concernant la conduite et les conseils des agents de l’intimé; cependant le Tribunal n’a pas la compétence de traiter de telles questions en vertu de l’article 32 de la LSV.

[19] Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Erreur de la DG

[27] La décision de la DG a fait référence aux articles du RSV et la LSV applicables aux questions en litige. La DG a appliqué la loi à la situation du demandeur. Elle a examiné l’affaire sur le fond en l'absence des parties, puis elle a conclu que l’appel ne peut pas réussir.

[28] L’application de la loi (le RSV et la LSV) à la situation n’a pas été entachée d’erreur.

[29] Cependant, la DG n’a pas énoncé le critère juridique qu’elle a appliqué pour rejeter l’appel de façon sommaire. Ce n’est pas évident à la lecture de la décision de la DG quel critère juridique a été appliqué. Cela constitue une erreur de droit.

L’appel à la DA

[30] Par conséquent, la DA doit décider s’il devrait rejeter l’appel, rendre la décision que la DG aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la DG, confirmer, infirmer ou modifier la décision.

[31] En ce qui concerne la demande de l’appelant d’être présent à une audience devant le Tribunal, la DG a la discrétion pour décider de la manière dont un appel procèdera. Selon le paragraphe 53(1) de la Loi, la DG peut rejeter l’appel de façon sommaire si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[32] De plus, selon l’article 28 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement), la DG peut fonder sa décision sur la foi des documents et des observations déjà au dossier ou après avoir entendu les parties lors d’une audience. La DG a estimé qu’une audience n’a pas été nécessaire et que l’information nécessaire était dans le dossier.

[33] La décision de la DG de procéder sur la foi du dossier est en conformité avec la loi.

[34] La DA estime qu’une audience n’est pas nécessaire et que l’information nécessaire est dans le dossier. Par conséquent, je procède sous la forme d’une audience sur la foi du dossier.

[35] Les faits ne sont pas contestés et il n’y a pas de raison de renvoyer l’affaire à la DG. La DA peut rendre la décision que la DG aurait dû rendre en appliquant le critère juridique applicable à un rejet sommaire.

Application du critère juridique

[36] En appliquant le critère juridique à un rejet sommaire - est-il clair et évident sur la foi du dossier que l'appel est manifestement voué à l'échec? – à la situation actuelle, je note ce qui suit.

[37] Les faits établis sont :

  1. L’appelant a atteint l’âge de 65 ans en septembre 2008, et il a fait une demande de pension de SV en janvier 2014;
  2. L’intimé a approuvé une pension et cette pension lui a été octroyée à compter de février 2013; et
  3. La période de rétroactivité était d’un an précédant la réception (par l’intimé) de la demande de SV de l’appelant.

[38] L’appelant soutient :

  1. Qu’il n’a pas reçu le formulaire de demande de la pension de la SV avant d’atteindre l’âge de 65 ans;
  2. Que les agents de l’intimé ne lui ont pas conseillé de soumettre une demande de SV avant qu’il l’ait fait en janvier 2014; et
  3. Qu’il a le droit à sa pension de SV dès qu’il a atteint 65 ans et qu’on lui doit une somme rétroactive dès septembre 2008.

[39] L’intimé soutient :

  1. Le Tribunal n’a pas le pouvoir discrétionnaire de s’éloigner du cadre législatif;
  2. La rétroactivité est limitée selon les paragraphes 8(1) et 8(2) de la LSV;
  3. Dans les circonstances de l’appelant, la rétroactivité est limitée à la date qui précède d’un an celle de la réception de la demande, c’est-à-dire janvier 2013; et
  4. Le premier versement de la pension se fait au cours du mois qui suit l’agrément de la demande, soit février 2013 dans ce cas.

[40] La question pour la DA est maintenant : advenant que l’appelant a eu un avis erroné des agents de l’intimé, est-ce que l’appel (sur la période de rétroactivité) est manifestement voué à l'échec? La réponse est « oui » pour les raisons suivantes :

  1. L’article 32 de la LSV dit que le Ministre peut prendre des mesures s’il est convaincu qu’une personne s’est vu refuser tout ou une partie d’une prestations à laquelle elle avait droit par suite d’un avis erroné ou d’une erreur administrative survenus dans le cadre de la LSV;
  2. Cette discrétion est étant réservée au Ministre, le Tribunal (soit la DG ou la DA) n’a pas la discrétion d’intervenir en cas d’avis erroné; le Tribunal n’a pas cette compétence; et
  3. Peu importe les preuves ou arguments qui pourraient être présentés lors d'une audience, l’appel est manifestement voué à l’échec.

[41] Après révision de la demande d’appel de l’appelant, des observations des parties, du dossier, de la décision de la DG, des dispositions législatives applicables, des décisions précédentes en matière de rejet sommaire, et en appliquant le critère juridique applicable à un rejet sommaire, je rejette l’appel.

Conclusion

[42] L’appel est rejeté.

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