Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Les demandeurs souhaitent obtenir la permission d’en appeler des décisions rendues par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 11 janvier 2016. La DG a tenu une audience conjointe par comparution le 5 janvier 2016 et elle a déterminé que les demandeurs n’étaient pas admissibles à une pension au titre de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (LSV) parce qu’elle a conclu qu’ils n’avaient pas résidé au Canada pendant la période minimale requise de 10 années.

[2] Le 6 avril 2016, à l’intérieur du délai prescrit, les demandeurs ont présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel (DA) et y détaillaient les moyens d’appel allégués.

[3] Pour accueillir ces demandes, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Aperçu

[4] Les demandeurs sont mari et femme, nés en Inde en 1944 et 1946 respectivement. Pendant bien des années, ils ont vécu et travaillé en Libye, où ils ont aussi élevé trois enfants. En juin 1993, ils sont entrés au Canada comme résidents permanents et ont acheté une propriété dans la région de Toronto. Monsieur R. C. a continué de travailler en Libye, faisant le voyage entre les pays avec sa femme pendant que leurs enfants continuaient leurs études au Canada. Monsieur R. C. est retraité depuis décembre 2009.

[5] Les demandes des demandeurs pour une pension de SV ont été estampillées par le défendeur en date du 14 avril 2011. Le défendeur a rejeté les demandes lors de la présentation initiale puis après révision. Le défendeur a conclu que les demandeurs n’avaient pas résidé au Canada suffisamment longtemps pour se qualifier pour une pension partielle de SV. Les demandeurs ont ensuite interjeté appel devant la DG à l’encontre des décisions de révision.

[6] Lors de l’audience tenue devant la DG le 5 janvier 2016, les demandeurs ont témoigné à propos de leurs liens avec le Canada et ont répondu à des questions sur leurs voyages au fil des ans en Libye et en Inde. Monsieur R. C. a mentionné avoir produit des déclarations de revenus au Canada depuis 1993 et ne s’être jamais absenté du Canada pendant plus de six mois à la fois.

[7] Dans ses décisions du 11 janvier 2016, la DG a rejeté les appels des demandeurs, concluant, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils n’étaient pas résidents du Canada. La DG a fondé ses décisions en partie sur la preuve qu’ils avaient passé 80 pour cent de leur temps en Libye pendant la période de presque 18 ans allant de juin 1993 à avril 2011.

[8] Comme les deux demandes partagent des questions de droit similaires (à l’exception de différences non déterminantes dans leurs faits respectifs), je considère approprié de les évaluer conjointement, comme le permet l’article 13 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Par cette action, je suis convaincu qu’aucune injustice ne serait causée à l’une ou l’autre des parties.

Droit applicable

LSV et Règlement

[9] En vertu de l’article 3 de la LSV, une personne doit, après l’âge de dix-huit ans, avoir résidé au Canada pendant au moins 40 ans afin de pouvoir toucher une pension complète de SV. Pour toucher une pension partielle, le demandeur doit avoir résidé au Canada pendant au moins 10 ans, s’il résidait au Canada le jour précédant la date d’agrément de sa demande.

[10] Le paragraphe 21(1) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse fait la distinction entre la « résidence » et la « présence » au Canada. Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada, mais une personne est simplement présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.

LMEDS

[11] Tel qu’il est stipulé aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[12] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[13] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[14] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. Canada.Note de bas de page 1 Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada.Note de bas de page 2

[15] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l’affaire. Il s’agit d’un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver ses arguments.

Question en litige

[16] Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès?

Observations

[17] Dans leur demande conjointe de permission d’en appeler, les demandeurs ont présenté les allégations suivantes :

  1. Leur appel a été instruit par un seul membre de la DG, plutôt que par un panel de trois.
  2. Aucun représentant de Service Canada n’était présent.
  3. La DG a posé des questions sur des détails personnels qui n’avaient aucune importance pour déterminer si la pension de SV devrait être accordée ou refusée.
  4. Ils ont assisté à l’audience et pensaient avoir l’opportunité de réviser, revisiter et réévaluer la demande de SV, mais ils ont plutôt eu l’impression que la décision avait déjà été prise.
  5. La DG a ignoré les faits suivants :
    • ils se sont pleinement conformés aux critères de résidence depuis leur arrivée au Canada le 20 juin 1993;
    • ils n’ont jamais quitté le Canada pendant plus de 180 jours et répondaient donc au critère de la clause 14 des lignes directrices accompagnant la demande de pension de SV;
    • Monsieur R. C. a maintenu son statut de résidence pour s’assurer d’avoir un statut de résident permanent valide;
    • Mme R. K. a été résidente du Canada suffisamment longtemps qu’elle a obtenu sa citoyenneté canadienne en mars 2005—il y a plus de 10 ans.
  6. La décision de ne pas accorder une pension de SV sur le fondement d’absences supposées du Canada est déraisonnable et non fondée en droit. Les demandeurs demandent à la DA de réviser en entier leur dossier.

Analyse

(a) Membre seul

[18] Les demandeurs ont affirmé avoir cru que leur appel serait entendu par un panel de trois personnes. Il est vrai qu’en avril 2011, quand les demandeurs ont présenté une demande de prestations de SV, les appels étaient instruits par le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR), lequel tenait les audiences devant un tribunal de trois personnes. Toutefois, une fois que les demandeurs ont présenté leur appel en octobre 2013, le Tribunal de la sécurité sociale avait repris les responsabilités du BCTR en vertu de la LMEDS. Au titre de l’article 61, la DG et la DA doivent conduire des audiences où un membre siège seul. Conduire les audiences de cette façon ne constitue pas un manquement aux principes de justice naturelle. Par conséquent, l’attente des demandeurs quant à qui entendrait et trancherait les causes n’est pas un moyen qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

(b) Absence de Service Canada

[19] Service Canada est un organe du ministère de l’Emploi et du Développement social du Canada et est une partie à la présente instance. Je constate dans la preuve documentaire que Service Canada a énoncé sa position dans les observations écrites présentées à la DG en date du 2 novembre 2015. L’organe a refusé de participer à l’audience orale, comme il était de son droit. Je ne constate pas de manquement au principe de justice naturelle et conclus que les demandeurs n’ont pas de cause défendable fondée sur ce moyen.

(c) Questions sans importance

[20] Un tribunal administratif comme la DG est tenu en partie de conclure sur les faits et n’est pas restreint par les règles de preuve qui gouvernent les instances judiciaires. La DG a une très grande latitude de poser des questions aux parties, sous réserve que leur droit à l’équité ne soit pas compromis. Je n’ai pas écouté l’enregistrement de l’audience, mais j’ai révisé les décisions écrites, et je ne constate pas que les motifs de la DG étaient fondés sur des informations non pertinentes ou superflues. Les éléments de preuve cités dans les décisions concernaient entièrement des facteurs—dont le temps passé au Canada, les antécédents de travail, les adresses mentionnées et les biens immobiliers résidentiels—pour déterminer si les demandeurs avaient des liens forts avec ce pays pendant la période en question. Ainsi, je ne vois aucune chance raisonnable de succès pour ce moyen.

(d) Appréhension d’une décision déjà prise

[21] En suggérant que la DG avait déjà pris sa décision avant la tenue de l’audience, les demandeurs allèguent essentiellement qu’ils ont été jugés avec partialité et qu’on leur avait donc refusé la possibilité de présenter leur cause lors d’une audience complète et équitable. Il s’agit d’allégations sérieuses, mais un résultat défavorable n’est pas en soi un indice de partialité. En l’absence de preuve spécifique pour appuyer une crainte raisonnable de partialité, de simples allégations ne suffisent pas pour en faire une cause défendable.

(e) Faits essentiels ignorés

[22] Pour toucher une pension partielle de SV, un demandeur doit avoir résidé au Canada pendant au moins 10 ans, s’il résidait au Canada le jour précédant la date d’agrément de sa demande. Les demandeurs suggèrent que la DG a commis une erreur quand elle a conclu qu’ils ne se sont pas conformés aux critères de résidence de la LSV depuis leur immigration au Canada en juin 1993.

[23] Dans ses décisions, la DG a conclu que les demandeurs avaient vécu au Canada pour une période totale d’un peu plus de trois ans pour la période d’environ 18 ans se terminant en avril 2011. Il semble que la DG a accordé une plus grande importance au fait que Monsieur R. C. a travaillé en Libye jusqu’à sa retraite en 2009 plutôt qu’à d’autres facteurs, comme l’existence de son permis de conduire de l’Ontario et de ses relevés bancaires canadiens. En concluant que les demandeurs n’étaient pas résidents, la DG avait effectivement compétence pour soupeser la preuve et déterminer les faits qu’il convient d’admettre ou de rejeter, selon le cas, avant de rendre une décision fondée sur l’interprétation et l’analyse des éléments dont elle était saisie. Ainsi, j’estime que ce motif n’a pas une chance raisonnable de succès, puisqu’il découle du fait que la DG a décidé d’accorder plus ou moins d’importance à certains éléments de preuve d’une façon différente que celle que le demandeur juge adéquate. Dans Simpson c. CanadaNote de bas de page 3, la Cour d’appel fédérale a tenu que

le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

[24] Les demandeurs allèguent que la DG n’a pas tenu compte du fait que Monsieur R. C. a conservé son statut de résident permanent et que Mme R. K. est devenue citoyenne canadienne en 2005. Toutefois, les règles concernant l’immigration et la citoyenneté imposent des critères de résidence qui diffèrent grandement de ceux exigés par la LSV, et à mon avis, la DG avait raison d’accorder peu ou aucune importance à ces facteurs. Être citoyen ou résident permanent du Canada ne signifie pas nécessairement être résident du Canada pour les besoins d’admissibilité pour une pension de SV.

[25] Les demandeurs croient que les dispositions qui régissent la SV leur permettaient de conserver leur statut de résidence pour autant que leurs absences du Canada ne dépassent pas six mois. Ils citent les instructions de la question 14 du formulaire de prestations de SV [traduction] : « Indiquez tous les pays où vous avez résidé depuis l’âge de 18 ans jusqu’à ce jour. Ne mentionnez pas les périodes où vous avez été à l’extérieur du Canada pendant plus de 6 mois consécutifs. »

[26] Les mots d’un formulaire de demande n’ont aucune force de loi. Il n’est pas indiqué dans la loi ou dans la réglementation que de restreindre ses absences du Canada à moins de six mois préserve la résidence canadienne aux fins de l’admissibilité de la SV. Les instructions de la question 14 servent de raccourci administratif pour éviter la production d’informations superflues au stade initial du processus de la demande. Le paragraphe 3(2) de la LSV énonce que pour être admissible, un demandeur doit avoir résidé au Canada pendant au moins dix ans, mais la « résidence » représente plus que la simple présence physique au Canada. La jurisprudenceNote de bas de page 4 a établi que la résidence—qu’une personne soit établie au Canada et qu’elle y vive ordinairement—est une question de fait qui pourrait dépendre de plusieurs facteurs, dont les suivants :

  • liens prenant la forme de biens mobiliers, tels que les biens-fonds, les entreprises, les meubles, une automobile, un compte de banque, et une carte de crédit;
  • liens sociaux au Canada (par exemple la participation dans les organismes religieux ou professionnels);
  • liens dans un autre pays;
  • autres liens (tels que l’assurance-maladie, le permis de conduire, le loyer, le bail, l’hypothèque, les relevés d’impôts fonciers, les polices d’assurance, les contrats, les déclarations de passeport, déclarations de revenus provinciales ou fédérales);
  • régularité et durée du séjour au Canada, ainsi que fréquence et durée des absences du Canada;
  • mode de vie suffisamment enraciné et établi au Canada d’un demandeur.

[27] Simplement partir du Canada pour une période limitée ne met pas forcément en péril l’admissibilité à la SV si l’on est déjà résident, mais la question dont la DG était saisie devait déterminer si les demandeurs étaient des résidents en premier lieu. Ma révision des décisions de la DG me convainc que la DG a appliqué le droit et qu’elle a considéré un vaste éventail de facteurs, sur le fondement de la preuve présentée, dans sa conclusion que les liens des demandeurs avec le Canada pour la période pertinente étaient insuffisants pour constituer une résidence.

[28] Je ne constate aucune cause défendable pour ces moyens.

(f) Décision déraisonnable et non fondée en droit : refus d’accorder une pension de SV

[29] Comme mentionné, les demandeurs n’ont pas identifié d’erreur spécifique qui permettrait d’accorder la permission d’en appeler. Demander à la DA de conduire une révision complète de leur dossier constitue essentiellement une demande pour une audience de novo et une décision en leur faveur. Toutefois, il m’est impossible de le faire, car en vertu du paragraphe 58(1), j’ai seulement le pouvoir de déterminer si l’un de ses motifs d’appel des demandeurs se rattache à l’un des moyens d’appel invoqués, et si l’un d’entre eux a une chance raisonnable de succès.

[30] Comme les demandeurs n’ont pas identifié une quelconque erreur de fait ou de droit, je ne puis envisager d’accorder la permission au titre des moyens d’appel avancés.

Conclusion

[31] Les demandes sont refusées.

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