Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de l’appelante visant à obtenir une pension en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (SV) le 29 janvier 2013 (GD2-11 à 14). Le 21 février 2013, l’intimé a écrit qu’il a approuvé la demande et a accordé à l’appelante une pension partielle au taux de 25/40e, le paiement devant débuter en août 2013 (« décision initiale » à GD2-15 à 17). Dans une lettre reçue par l’intimé le 23 décembre 2014, l’appelante a demandé que l’intimé révise sa décision initiale (GD2-18). Le 31 décembre 2014, l’intimé a répondu en déclarant qu’après examen du dossier de l’appelante, il ne réviserait pas sa décision initiale parce que l’échéance des 90 jours pour présenter la demande était écoulée (le « refus de révision » à GD2-7). Le 6 février 2015, l’appelante a interjeté appel du refus de révision devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[2] Cet appel a été tranché sur la foi des documents et des observations présentés pour les motifs suivants :

  1. Le membre a décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une autre audience.
  2. Il manquait de l’information ou il était nécessaire d’obtenir des précisions.
  3. La crédibilité n’est pas une question principale.
  4. La façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] L’article 27.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) prévoit qu’une personne qui est insatisfaite d’une décision du ministre (l’intimé) selon laquelle aucune prestation ne peut être versée à la personne, ou au sujet du montant d’une prestation, peut demander une révision dans les 90 jours. Le ministre peut, avant ou après l’expiration des 90 jours, autoriser une période plus longue de présentation de la demande de révision.

[4] Le paragraphe 29.1(1) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) prévoit que le ministre peut autoriser une période plus longue de présentation d’une demande de révision si le ministre est convaincu :

  1. a) qu’il existe une explication raisonnable à l’appui d’une période plus longue;
  2. b) que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

[5] De plus, le paragraphe 29.1(2) du Règlement sur la SV prévoit que si la demande de révision est faite :

  1. a) après 365 jours suivant celui où il est avisé par écrit de la décision, ou
  2. b) par une personne qui demande pour la seconde fois la même prestation
  3. le ministre doit aussi être convaincu :
  4. 1. que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et
  5. 2. que l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie.

[Non souligné dans l’original.]

[6] Le paragraphe 29.1(3) du Règlement sur la SV prévoit que le ministre peut prendre les mesures nécessaires pour obtenir les renseignements dont il pourrait avoir besoin pour décider s’il y a lieu d’accorder un délai plus long pour la présentation de la demande de révision.

[7] L’article 28 de la Loi sur la SV prévoit qu’une personne qui est insatisfaite de la décision prise par le ministre en vertu de l’article 27.1, notamment s’il s’agit d’une décision relative à une prolongation du délai de demande de révision, peut interjeter appel de cette décision au Tribunal.

Question en litige

[8] Le Tribunal doit décider si l’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’il a refusé d’accorder plus de temps à l’appelante pour demander la révision de la lettre de décision initiale accordant une pension partielle de 25/40e. Dans la négative, le Tribunal doit rendre la décision que l’intimé aurait dû prendre en vertu de l’article 29.1 du Règlement sur la SV.

Preuve

[9] La demande de l’appelante pour obtenir une pension de SV a été reçue le 29 janvier 2013.

[10] Le 21 février 2013, l’intimé a informé l’appelante qu’il lui avait accordé une pension partielle au taux de 25/40e. Dans cette décision initiale, elle a été informée que si elle n’était pas d’accord avec la décision, [traduction] « [elle] devait nous écrire dans les 90 jours suivant la réception de cette lettre. » (GD2- 16, non souligné dans la lettre originale)

[11] L’appelante n’a pas écrit à l’intimé pour demander une révision avant le 16 décembre 2014. L’intimé a reçu cette demande le 24 décembre 2014 (GD2-18). La lettre est très courte. En voici la teneur :

[Traduction] Veuillez réviser votre décision au sujet du calcul de la portion de ma pension de SV. Vous avez calculé que ma portion doit être de 25/40.

Je suis venue au Canada le 5 août 1987 et j’ai reçu mon premier versement de SV en août 2013. Je crois donc que cette portion devrait être de 26/40.

[12] Le 31 décembre 2014, l’intimé a refusé la demande de l’appelante de réviser la décision initiale. Il a fourni les motifs suivants :

[Traduction] Le 21 février 2013, nous vous avons fait parvenir une lettre expliquant notre décision. La lettre précisait que vous aviez 90 jours pour nous demander de réviser notre décision. Nous ne pouvons prendre votre demande en compte parce que les 90 jours sont écoulés.

(Non souligné dans l’original; GD2-7)

[13] L’appelante a fourni des renseignements additionnels au sujet de sa demande de révision tardive dans son avis d’appel présenté au Tribunal en février 2015 (GD2-4 à 5). Ce renseignement n’avait pas été soumis à l’intimé lorsqu’il a refusé de réviser sa décision le 31 décembre 2014.

Observations

[14] À la suite du processus judiciaire devant le Tribunal, les parties ont eu l’occasion de déposer par écrit des documents et des observations supplémentaires sous forme d’avis daté du 5 juillet 2016. Les parties n’ont pas déposé de documents additionnels auprès du Tribunal pendant les périodes de dépôt énoncées dans cet avis. Le Tribunal a donc dû prendre en compte les observations qui se trouvaient dans le dossier d’appel qui existait avant l’avis.

[15] L’appelante a soutenu que l’intimé devrait réviser sa décision initiale pour les motifs suivants :

  1. Elle a présenté des arguments probants pour obtenir une pension à un taux de 26/40e sur la base de 26 ans de résidence au Canada (d’août 1987 à août 2013). Il est injuste de ne pas réviser le bien-fondé de son argumentation parce qu’elle n’a pas respecté l’échéance applicable à la demande de révision (GD2-5 et 18).
  2. Avant de demander officiellement une révision en décembre 2014, l’appelante et son mari étaient en contact avec des agents de Service Canada et ont présenté à plusieurs reprises des arguments en faveur d’une augmentation de sa pension (GD2-4 à 5).

[16] Le seul argument discernable de l’intimé pour opposer un refus à la demande de révision tardive était que l’appelante avait dépassé l’échéance de 90 jours (GD2-7).

Analyse

[17] Le Tribunal doit décider si l’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’il a refusé de prolonger la période de demande de révision pour l’appelante.

[18] La décision de l’intimé d’accueillir ou de rejeter une demande de révision tardive est considérée comme une décision discrétionnaire. La jurisprudence révèle que le pouvoir discrétionnaire du ministre doit être exercé de façon judiciaire (Canada (P.G.) c. Uppal, 2008 CAF 388).

[19] Un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de façon judiciaire s’il peut être établi que le décideur :

  1. a agi de mauvaise foi,
  2. a agi dans un but ou pour un motif irrégulier,
  3. a pris en compte un facteur non pertinent,
  4. a ignoré un facteur pertinent,
  5. a agi de manière discriminatoire. (Canada (P.G.) c. Purcell, [1996] 1 CF 644)

[20] Le paragraphe 29.1(1) du Règlement sur la SV énonce le critère juridique précis en vertu du régime de la SV qui sert à évaluer le pouvoir discrétionnaire du ministre d’accepter ou de refuser les demandes de révision tardives. En vertu de cette disposition, l’intimé doit décider si : a) il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai; et b) l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

[21] En l’espèce, comme la demande de révision a été faite plus de 365 jours après que la révision a été communiquée à l’appelante, le paragraphe 29.1(2) du Règlement sur la SV s’applique également. Cette disposition exige que l’intimé décide si : a) la demande de révision a des chances raisonnables de succès, et b) l’autorisation du délai supplémentaire ne porte pas préjudice au ministre ni d’ailleurs à aucune autre partie.

[22] Comme l’intimé n’a justifié son refus qu’en invoquant le délai, il ne semble pas avoir pris en compte l’un ou l’autre des facteurs énoncés aux paragraphes 29.1(1) et (2) du Règlement sur la SV pour refuser à l’appelante une plus longue période pour demander une révision. De fait, l’intimé ne traite d’aucun des quatre facteurs.

[23] Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que l’intimé n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire pour refuser la demande de révision tardive. Le Tribunal doit maintenant rendre la décision que l’intimé aurait dû rendre en vertu de l’article 29.1 du Règlement sur la SV.

Explication raisonnable du délai et intention constante de poursuivre

[24] Le Tribunal constate que la demande de révision de l’appelante n’explique pas le motif du délai et explique une intention constante de poursuivre une révision. Toutefois, compte tenu de l’avis d’appel, le Tribunal est convaincu que ces facteurs sont respectés. L’appelante a expliqué que son mari et elle ont défendu sa cause à plusieurs reprises aux bureaux de Service Canada sans obtenir de « réponse directe ». (GD2-4 à 5).

Chance raisonnable de succès

[25] Le Tribunal constate que la demande de révision de l’appelante et l’avis d’appel font valoir qu’elle devait obtenir une pension partielle de 26/40e sur la foi de 26 ans de résidence au Canada (du 5 août 1987 au 28 août 2013) (GD2-5). Il s’agit d’une position défendable. On ne peut pas dire qu'elle n'avait pas une chance raisonnable de succès.

Préjudice à l’intimé

[26] Enfin, après examen du dossier, le Tribunal conclut que l’intimé ne subirait aucun préjudice discernable en accueillant une demande de révision tardive.

Conclusion

[27] Pour les motifs énoncés précédemment, l’intimé n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire dans la présente affaire. La révision tardive demandée par l’appelante peut aller de l’avant et l’intimé devra effectuer la révision sur le fond. Une fois que ce sera fait, l’appelante aura le droit d’interjeter appel devant le Tribunal afin qu’il soit statué sur le bien-fondé de sa cause si tel est son choix.

[28] L’appel est accueilli.

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