Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’appelante recevait une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) et le Supplément de revenu garanti (SRG). L’intimé a examiné l’admissibilité de l’appelante à la SV et, dans une lettre de décision datée du 1er mars 2013, a communiqué la décision rendue selon laquelle l’appelante avait touché des prestations auxquelles elle n’était pas admissible en fonction de son statut de conjointe de fait. On a estimé que l’appelante avait reçu un trop-payé de 7 118,84 $. L’intimé a maintenu sa décision après révision et a communiqué la décision à l’appelante dans une lettre datée du 17 décembre 2014. L’appelante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal), le 29 janvier 2016, après l’expiration du délai de 90 jours prévu à l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[2] Selon l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), l’appel d’une décision est interjeté devant le Tribunal (TSS) selon les modalités prévues par règlement dans les 90 jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision.

[3] Selon le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS, la division générale du TSS peut proroger le délai pour interjeter appel d’au plus un an suivant la date à laquelle la décision a été communiquée à l’appelante.

[4] En application de l’alinéa 3(1)b) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (le Règlement), le Tribunal peut, s’il existe des circonstances spéciales, modifier une disposition du Règlement ou exempter une partie de son application.

Question en litige

[5] Le Tribunal doit déterminer s’il accorde ou non une prorogation du délai pour interjeter appel en application du paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS.

Analyse

[6] La décision de révision de l’intimé est datée du 17 décembre 2014. Le Tribunal présume que la décision de révision a été envoyée à l’appelante par la poste. Le Tribunal admet d’office le fait que la poste au Canada est habituellement reçue dans les 10 jours; toutefois, puisque la décision a été postée très près de Noël, il est raisonnable d’accorder 21 jours pour la réception par courrier. Le Tribunal estime donc que la décision de révision a été communiquée à l’appelante au plus tard le 7 janvier 2015.

[7] Conformément à l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur le MEDS, l’appelante avait jusqu’au 7 avril 2015 pour déposer un appel.

[8] Le 23 septembre 2015, l’appelante a écrit une lettre à Service Canada dans laquelle elle précisait qu’elle souhaitait demander une révision de la décision de l’intimé. Elle a repris des déclarations qu’elle avait déjà présentées par écrit en ce qui concerne son état matrimonial et a joint une copie de la décision de révision de l’intimé datée du 17 décembre 2014.

[9] Le 24 novembre 2015, Service Canada a écrit à l’appelante et lui a retourné sa lettre datée du 25 septembre 2015, dans laquelle elle demandait un appel devant le Tribunal de la sécurité sociale et lui a précisé à quelle adresse faire parvenir son appel; Service Canada lui a également indiqué qu’elle devait utiliser le format approprié et à quel endroit elle pouvait se procurer les formulaires appropriés.

[10] Conformément à l’article 7 du Règlement, l’appel de l’appelante dûment déposé est réputé avoir été reçu par le Tribunal le 29 janvier 2016. La date réputée de réception se situe après le délai de 90 jours communiqué à l’appelante dans la lettre de révision et, en outre, elle excède la période d’un an dont dispose la division générale pour proroger le délai afin d’interjeter appel.

Circonstances spéciales

[11] La première question en litige que le Tribunal doit trancher consiste à déterminer s’il existe des circonstances spéciales justifiant le fait d’invoquer l’alinéa 3(1)b) du Règlement afin d’exempter l’appelante de l’application de l’article 23 du Règlement, qui établit la méthode pour déposer un appel, et l’article 7 du Règlement, lequel indique comment sera déterminée la date de dépôt de l’appel.

[12] L’appelante a été avisée pour la première fois de la réévaluation et du trop-payé relativement à son SRG, le 1er mars 2013. Elle a écrit à l’intimé, le 22 mars 2013, pour lui demander une révision. Elle n’a pas reçu de réponse à sa demande et a écrit de nouveau à l’intimé, le 14 juin 2013, puis le 5 septembre 2013.

[13] Le 17 décembre 2013, l’intimé a écrit à l’appelante et a accusé réception de la demande de révision du 22 mars 2013, puis il l’a informée que son dossier serait examiné et qu’il lui laisserait savoir si d’autres renseignements étaient nécessaires.

[14] Le 20 octobre 2014, l’appelante a écrit de nouveau à l’intimé en lui indiquant que la réduction de son montant de pension pour effectuer le remboursement du trop-payé lui causait des difficultés financières et lui a demandé encore une fois une révision de sa décision.

[15] Le 17 décembre 2014, une année après l’accusé de réception de la demande de révision de l’appelante et 20 mois après la réception de la demande de révision, l’intimé a écrit à l’appelante et a maintenu sa décision initiale.

[16] Le 23 septembre 2015, l’appelante a écrit à la section de révision de la Sécurité de la vieillesse de Service Canada pour exposer ses motifs d’appel et a joint une copie de la lettre de révision datée du 17 décembre 2014.

[17] L’appelante a essayé à plusieurs reprises d’observer les protocoles appropriés afin que la décision de révision initiale soit renversée. Elle a communiqué avec l’intimé à de nombreuses reprises afin qu’il renverse la décision initiale et afin que la décision soit révisée. Bon nombre des communications de l’appelante sont restées sans réponse. Il est raisonnable de considérer que la communication entre les parties, notamment de nombreux retards importants dans la réponse de l’intimé, ait induit l’appelante en erreur ou l’ait désorientée relativement aux délais. Selon la preuve, l’intimé a eu un retard de plus de 365 jours dans sa réponse à la demande de révision de l’appelante, et il se pourrait que ce délai inexpliqué ait induit l’appelante en erreur quant à l’importance du temps écoulé.

[18] Pour déterminer si des circonstances spéciales existent, le Tribunal doit prendre en compte la considération primordiale, qui est de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice (Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204). De plus, il convient que le Tribunal donne une interprétation large et généreuse des dispositions législatives applicables au moment de rendre une décision. Après avoir observé les principes directeurs susmentionnés et s’être assuré que l’intérêt de la justice était servi, le Tribunal a conclu que des circonstances spéciales existent.

[19] Le Tribunal estime en outre que compte tenu des circonstances spéciales, il convient de s’appuyer sur l’alinéa 3(1)b) du Règlement afin de modifier les articles 23 et 7 du Règlement et de déterminer que l’appel a été déposé le 25 septembre 2015, date à laquelle Service Canada a reçu la lettre de l’appelante datée du 23 septembre 2015. Ainsi, le Tribunal est d’avis que l’appel n’a pas excédé la période d’un an au cours de laquelle le Tribunal peut envisager une prorogation du délai.

Prorogation du délai

[20] L’autre question en litige que doit trancher le Tribunal consiste à déterminer s’il est justifié d’accorder une prorogation du délai et d’établir que l’appel a été déposé dans les délais prescrits.

[21] Pour décider s’il accorde ou non à l’appelante un délai supplémentaire pour interjeter appel, le Tribunal a considéré et évalué les quatre critères établis dans la décision Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883. Encore une fois, la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice ̶ Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204).

Intention constante de poursuivre l’appel

[22] L’appelante n’a pas pris de mesures pour poursuivre un appel dans les 90 jours suivant la communication de la décision de révision.

[23] L’appelante a bel et bien pris des mesures pour poursuivre l’appel dans la période de 365 jours suivant la décision de révision, mais pas selon la méthode appropriée, ni en envoyant un avis d’appel au TSS, comme cela était clairement demandé dans la lettre de révision. Elle a plutôt envoyé une lettre à Service Canada.

[24] Le Tribunal estime que l’appelante n’a pas démontré qu’elle avait eu l’intention constante de poursuivre l’appel dans la période de 90 jours établie dans la lettre de révision.

Cause défendable

[25] L’appelante allègue qu’elle n’entretenait pas de relation conjugale avec la personne mise en cause dans cet appel.

[26] En appel, l’appelante devait établir qu’elle-même et la personne mise en cause n’étaient pas engagées dans une relation conjugale entre mars 2008 et mars 2013, la période pendant laquelle son admissibilité au SRG a été réévaluée et où un trop-payé a été établi.

[27] Le Tribunal est convaincu qu’il existe des éléments de preuve concernant l’état matrimonial de l’appelante durant la période faisant l’objet de la révision.

[28] Le Tribunal estime que, selon les observations de l’appelante et la preuve au dossier, l’appel constitue une cause défendable.

Explication raisonnable pour le retard

[29] L’appelante n’a pas expliqué pourquoi l’appel a été déposé après le délai prescrit de 90 jours. Toutefois, elle a expliqué ce retard par le fait qu’elle a envoyé par erreur son avis d’appel à Service Canada et qu’elle a reçu tardivement la lettre de Service Canada. La lettre envoyée par erreur à Service Canada a été envoyée 171 jours après l’expiration de la période prévue de 90 jours. Elle n’a pas été envoyée à la bonne adresse, tel que requis par l’article 23 du Règlement.

[30] La lettre de réponse de Service Canada à la lettre de l’appelante datée du 23 septembre 2015 était datée du 24 novembre 2015, ce qui est 60 jours après la réception de ladite lettre.

[31] Le Tribunal estime que l’appelante a fourni une explication pour le retard de dépôt du dossier d’appel complet, mais n’a pas donné d’explication raisonnable justifiant le fait que l’appel n’a pas été déposé dans la période d’appel de 90 jours permise.

Préjudice à l’autre partie

[32] L’intimé ne semble pas avoir subi de préjudice en raison de la courte période qui s’est écoulée depuis la décision de révision. Une prorogation du délai ne devrait pas compromettre indûment la capacité du ministre à se défendre, compte tenu de ses ressources. Par ailleurs, la prorogation ne porterait pas non plus de préjudice à l’intérêt de la personne mise en cause.

Conclusion

[33] En l’espèce, l’appelante est une dame maintenant âgée de 86 ans, et il est raisonnable qu’une appelante âgée non représentée soit désorientée par le processus d’appel. En outre, la preuve démontre qu’il existe une cause défendable. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice.

[34] Compte tenu des critères établis dans la décision Gattellaro et dans l’intérêt de la de la justice, le Tribunal accorde une prorogation du délai pour interjeter appel en application du paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS.

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