Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Décision

La prorogation du délai pour interjeter appel et la permission d'en appeler sont accordées.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d'en appeler relativement à la décision de la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (TSS) datée du 19 octobre 2015 dans laquelle il est conclu qu'elle a abandonné l'appel d'une décision découlant d'une révision dans laquelle le défendeur lui a refusé une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV).

[2] Le 5 janvier 2016, la demanderesse a présenté une demande incomplète de permission d'en appeler auprès de la division d'appel du TSS. Elle a nié avoir abandonné l'appel et a prétendu avoir toujours eu l'intention de poursuivre l’appel. À la suite d'une demande de renseignements formulée par la DA, la demanderesse a complété sa demande de permission d'en appeler le 9 juin 2016, soit au-delà du délai prévu à l'alinéa 57(1)b) de la Loi sur ministère de l'Emploi et du Développement social (LMEDS).

Contexte

[3] La demanderesse a présenté une demande de pension d'invalidité en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse en novembre 2009. L’intimé a rejeté la demande tant au stade initial qu’à l’étape de la révision. En juillet 2012, la demanderesse a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[4] Dans une décision datée du 21 mars 2013, le BCTR a autorisé l'instruction de l'appel. En avril 2013, le BCTR a transféré l'appel au TSS conformément à la Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable.

[5] Le 20 mars 2015, la DG a demandé à la demanderesse de fournir un numéro de téléphone valide auquel on pourrait la joindre en vue de l'audience par téléconférence. Dans un avis d'audience daté du 10 avril 2015 et destiné à l'adresse domiciliaire de la demanderesse aux Philippines, la DG a informé la demanderesse qu’une audience par téléconférence serait tenue le 9 septembre 2015, à 5 h 30, heure des Philippines.

[6] Le 8 septembre 2015, la demanderesse a téléphoné le TSS pour l'informer qu'elle était en attente pour joindre la téléconférence. Un membre du personnel du TSS a inscrit ce qui suit dans le compte rendu de la conversation téléphonique :

[traduction]
L'appelante attend le début de l'audience par téléconférence. Son avis d'audience fait état que le MT [membre du Tribunal] communiquer avec elle afin de la joindre à la téléconférence le 9 septembre 2015, à 5 h 30, heure des Philippines. J'ai informé l'appelante que j'allais transférer ces renseignements à l'AGC [agent de gestion des cas] et que je lui donnerais une réponse. Il y a une différence de 12 heures et elle peut être jointe en matinée, heure de l'Est, étant donné qu'il s'agit de la soirée pour elle.

[7] Le 10 septembre 2015, un membre du personnel du TSS a souligné qu'il a tenté en vain d'appeler la demanderesse à deux reprises au numéro de téléphone qu'elle a fourni précédemment.

[8] Le 19 octobre 2015, la DG a rendu sa décision et a déclaré que l'appel de la demanderesse était abandonné étant donné qu'il était [traduction] « impossible de communiquer » avec elle. Dans ses motifs, la DG a souligné que la demanderesse n'a pas participé à l'audience à l'heure prévue. Le membre de la DG a déclaré avoir tenté en vain de la téléphoner à plusieurs reprises après l'heure du début de l'audience. De plus, le personnel du TSS avait été incapable de joindre la demanderesse au numéro de téléphone versé au dossier, et elle n'a pas communiqué avec lui depuis le défaut de comparaître à l'audience.

Droit applicable

Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale

[9] L’alinéa 3(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS) prévoit que le « Tribunal veille à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent ».

[10] Le paragraphe 3(2) du Règlement sur le TSS prévoit que le Tribunal « résout par analogie avec le présent règlement toute question de nature procédurale qui, n’y étant pas réglée, est soulevée dans le cadre de l’instance ».

[11] L’article 6 du Règlement sur le TSS prévoit que, en « cas de changement de ses coordonnées, la partie en informe sans délai le Tribunal en déposant un avis ».

[12] L'article 12 du Règlementprécise que, si une partie omet de se présenter à l’audience, le Tribunal peut procéder en son absence, s’il est convaincu qu’elle a été avisée de la tenue de l’audience.

[13] L’article 28 du Règlement prévoit ce qui suit : « Une fois que toutes les parties ont déposé l’avis selon lequel elles n’ont pas de documents ou d’observations à déposer ou à l’expiration de la période applicable prévue à l’article 27, selon le premier de ces événements à survenir, la section de la sécurité du revenu doit sans délai :

  1. a) soit rendre sa décision en se fondant sur les documents et observations déposés;
  2. b) soit, si elle estime qu’elle doit entendre davantage les parties, leur faire parvenir un avis d’audience.

LMEDS

[14] Aux termes de l’alinéa 57(1)b) de la LMEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée dans les 90 jours suivant la date à laquelle le demandeur reçoit communication de la décision.

[15] La DA doit examiner et soupeser les critères énoncés dans la jurisprudence. Dans la décision Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. GattellaroNote de bas de page 1, la Cour fédérale a indiqué que les critères à prendre en considération sont les suivants :

  1. (a) le demandeur fait preuve d’une intention constante de poursuivre l’appel;
  2. (b) le retard a été raisonnablement expliqué;
  3. (c) la cause est défendable;
  4. (d) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[16] Le poids qu’il faut accorder à chacun des facteurs énoncés dans l’arrêt Gattellaro variera et, dans certains cas, d’autres facteurs aussi seront pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice – Canada (Procureur général) c. LarkmanNote de bas de page 2.

[17] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la LMEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la DA sans permission, et la DA accorde ou refuse cette permission.

[18] Les seuls moyens d’appel selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS sont les suivants :

  1. a) la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence.
  2. b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[19] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[20] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif défendable, susceptible de donner gain de cause à l’appel, soit présenté : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines),[1999] A.C.F.1252. Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si le défendeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Ministre du Développement social), 2010 CAF 63.

[21] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou à l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[22] Je dois trancher deux questions : une prorogation du délai pour présenter la demande de permission d'en appel doit-elle être accordée? Si oui, l’appel a-t-il une chance raisonnable de succès? Les deux questions portent sur la question de savoir si la demanderesse a une cause défendable.

Observations

[23] Dans une lettre reçue par le TSS le 5 janvier 2016, la demanderesse a écrit qu'elle était choquée et surprise de recevoir la décision de la DG selon laquelle elle avait abandonné l'appel. Elle a reconnu avoir reçu un avis l'informant d'une téléconférence prévue le 9 septembre 2015 et a déclaré qu'elle avait prévu du temps pour veiller à ce qu'elle soit disposée à prendre part à l'appel. Elle a été jusqu'à demander aux préposés à l'entretien de son immeuble d'habitation de la réveiller.

[24] La soirée suivant, elle a acheté une carte d'appels interurbains et elle a téléphoné à Ottawa. Elle a parlé à un homme qui lui a dit qu'il allait faire en sorte que quelqu'un appelle la demanderesse, mais personne ne l'a fait. La demanderesse a téléphoné à nouveau, et une dame a répondu à son appel cette fois. Elle a dit qu'elle ferait en sorte que quelqu'un communique avec elle, mais elle n'a eu aucune nouvelle. Elle soupçonne que le personnel du TSS ne pouvait pas communiquer avec elle parce qu'il est particulièrement difficile d'obtenir une connexion aux Philippines pendant les heures ouvrables au Canada.

[25] La demanderesse a insisté sur le fait qu’elle a toujours agi de bonne foi. Elle se sent épuisée sur le plan émotionnel dans sa quête visant à obtenir sa pension de la SV.

[26] Dans une lettre reçue par le TSS le 4 avril 2016, la demanderesse a fourni des détails supplémentaires concernant les circonstances entourant la téléconférence qu'elle a manquée. L'avis d'audience a précisé que la téléconférence débuterait le 9 septembre 2015, à 5 h 30, heure des Philippines. Elle a attendu chez elle avec son petit-fils, mais personne n'a appelé. Malgré la déclaration dans la décision relative à l'abandon, aucune personne d'Ottawa ne l'a appelé à sa connaissance. Elle est contrariée et elle a le sentiment qu'elle a été traitée de manière inéquitable; elle veut seulement une autre chance d'être entendue.

Analyse

[27] Je considère que la demande de permission d’en appeler a été présentée après le délai prescrit de 90 jours. Selon le dossier, le 20 octobre 2015, la décision de la DG a été envoyée à la demanderesse par la poste à la dernière adresse domiciliaire connue aux Philippines. Aux termes de l'alinéa 19a) du Règlement sur le TSS, une décision est présumée avoir été communiquée à la partie le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste. Dans sa demande de permission d'en appeler, la demanderesse a déclaré ne pas avoir reçu la décision de la DG avant le 10 décembre 2015, qui, selon elle, a été envoyée à la compagnie d'assurances de sa sœur. Au moment où elle a présenté sa demande (incomplète) de permission d'en appeler le 5 janvier 2016, le délai de 90 jours était dépassé depuis longtemps. À la suite de plusieurs échanges téléphoniques au cours desquels la demanderesse a tenté de comprendre précisément les renseignements manquants qu'elle devait envoyer, elle a finalement déposé son appel le 9 juin 2016, à savoir 232 jours après l'envoi de la décision de la DG par la poste.

[28] Pour déterminer s’il convenait d’accorder un délai supplémentaire pour interjeter appel, j’ai examiné et soupesé les quatre facteurs énoncés dansl'arrêt Gattellaro.

Intention constante de poursuivre l’appel

[29] Selon le dossier, la demanderesse a répondu à la décision relative à l'abandon de la DG dans le délai prévu de 90 jours et elle a par la suite communiqué régulièrement avec le TSS jusqu'au dépôt de son appel. Je suis prêt à donner le bénéfice du doute à la demanderesse sur ce facteur. J'estime qu'elle a démontré une intention continue de poursuivre l'appel.

Explication raisonnable du retard

[30] La demanderesse réside aux Philippines, et sa distance du Canada expliquerait au moins une partie du retard concernant la présentation des renseignements manquants, ce qu'elle a fait au moyen de la poste internationale. La correspondance de la demanderesse laisse également entendre qu'elle était désorientée et dépassée par ce qu'elle considérait comme des exigences de dépôt erronées. Je suis prêt à accepter cette observation étant donné le fait qu'elle a géré son appel par elle-même sans bénéficier d'une aide professionnelle.

Cause défendable

[31] Essentiellement, la demanderesse a fait valoir que la DG n'a pas observé un principe de justice naturelle lorsqu'elle a déclaré l'abandon de l'appel et fermé le dossier. Elle prétend avoir été traitée de manière inéquitable parce qu'elle souhaitait une audience relative à sa demande de pension de la SV et qu'elle n'a jamais eu l'intention d'abandonner l'appel.

[32] Après avoir examiné la décision de la DG en fonction du dossier, je constate une chance raisonnable de succès l'appel. Bien qu'il n'est pas mentionné précisément dans le Règlement du TSS, le concept de l'abandon découle du pouvoir général d'un tribunal administratif de réguler l'instance dont il est saisi. Si un avis d'audience a été fourni de manière appropriée à un appelant et si l'appelant ou une personne le représentant ne comparaissent pas à l'audience prévue, le tribunal administratif peut déclarer l'appel abandonné. Selon moi, l'abandon sous-entend qu'il y a eu une négligence ou une perte d'intention relativement à la poursuite de l'appel, mais j'estime que cela n'est pas le cas en l'espèce. Bien que le membre de la DG et le personnel du TSS n'ont pas été en mesure de communiquer avec la demanderesse au moyen du numéro de téléphone qu'elle leur a donné, le dossier donne à penser que son intention de poursuivre l'appel n'a jamais été signalée même si des lacunes technologiques et/ou humaines ont empêché la tenue de la téléconférence. Le fait que la demanderesse a appelé le TSS le 8 septembre (qui aurait eu lieu le 9 septembre en raison du décalage horaire, à savoir à la date prévue de l'audience au Canada) semblerait étayer son allégation selon laquelle elle attendait chez elle que le téléphone sonne.

[33] De plus, il peut y avoir une cause selon laquelle, contrairement aux conclusions de la DG, il n'était pas [traduction] « impossible de communiquer » avec la demanderesse et elle avait communiqué avec le TSS immédiatement après l'heure prévue de l'audience.

Préjudice à l’autre partie

[34] Il est peu probable que la prorogation du délai pour interjeter appel cause préjudice aux intérêts du défendeur étant donné la période de temps relativement courte qui s’est écoulée depuis que l’expiration du délai prévu par la loi. Je ne crois pas que la capacité du défendeur à se défendre, vu ses ressources, soit indûment amoindrie si la prorogation de délai était accordée.

Conclusion

[35] Étant donné que la demanderesse a satisfait aux quatre facteurs prévus dans l'arrêt Gattellaro, j'ai conclu qu'il s'agit d'un cas où il convient d'accorder une prorogation du délai pour interjeter appel au-delà du délai prescrit de 90 jours au titre du paragraphe 57(2) de la LMEDS.

[36] De plus, étant donné l'historique de l'instance et des facteurs mentionnés ci-dessus, je suis convaincu que la demanderesse a une cause défendable en appel selon laquelle la DG pourrait avoir omis d'observer un principe de justice naturelle en concluant que la demanderesse a abandonné l'appel.

[37] J'invite le défendeur à présenter son avis sur le fond de l'appel. Les parties peuvent également déposer leurs observations sur la pertinence de tenir une nouvelle audience et, si une audience s’avère nécessaire, sur le type d’audience qui convient.

[38] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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