Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Décision

La prolongation du délai pour interjeter appel est refusée.

Introduction

[1] Dans une décision du 27 avril 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale a conclu que le demandeur avait droit à une pension partielle de la sécurité de la vieillesse au taux de 14/40 de la pleine pension et au supplément de revenu garanti (SRG) à partir de mars 2012.

[2] Le 22 juillet 2016, le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler incomplète devant la division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale. À la suite d'une demande de renseignements formulée au téléphone et par écrit par la division d'appel, le demandeur a complété sa demande de permission d'en appeler le 22 septembre 2016, soit au-delà du délai prévu à l'alinéa 57(1)b) de la Loi sur ministère de l'Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

Question en litige

[3] Je dois déterminer s’il convient d’accorder une prorogation du délai pour la présentation d’une demande de permission d’en appeler.

Droit applicable

Loi sur le MEDS

[4] Aux termes de l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le MEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d'appel dans les 90 jours suivant la date à laquelle le demandeur reçoit communication de la décision.

[5] La division d'appel doit examiner et soupeser les critères énoncés dans la jurisprudence. Dans l’affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. GattellaroNote de bas de page 1, la Cour fédérale a établi les critères suivants :

  1. (a) Le demandeur fait preuve d’une intention constante de poursuivre l’appel;
  2. (b) Le retard a été raisonnablement expliqué;
  3. (c) La cause est défendable;
  4. (d) La prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[6] Le poids à accorder à chacun des critères énumérés dans la décision Gattellaro peut varier et, dans certains cas, différents critères peuvent s’avérer pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice - Canada (Procureur général) c. LarkmanNote de bas de page 2.

[7] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, on ne peut interjeter appel devant la division d'appel sans permission, et la division d'appel accorde ou refuse cette permission. Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d'appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais il est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l'audience de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

[10] Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une partie a une cause défendable en droit revient à se demander si elle a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique - Canada (MDRH) c. HogervorstNote de bas de page 3; Fancy v. Canada (PG)Note de bas de page 4.

Loi sur la sécurité de la vieillesse (LSV) et Règlement s'y rapportant

[11] Aux termes de l’article 3 de la LSV, une personne doit, après l’âge de dix-huit ans, avoir résidé au Canada pendant au moins 40 ans afin de pouvoir toucher une pleine pension de la sécurité de la vieillesse.

[12] Pour pouvoir toucher une pension partielle, un requérant doit avoir résidé au Canada pendant au moins 10 ans s’il réside au Canada le jour précédant la date d’agrément de sa demande. Un requérant qui réside à l’étranger le jour précédant la date d’agrément de sa demande doit prouver qu’il avait auparavant résidé au Canada pendant au moins 20 ans.

[13] Une fois que la personne satisfait aux exigences d’admissibilité pour la pension de la sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti, des règles relatives au versement des prestations s'appliquent. Aux termes du paragraphe 8(2) de la LSV, et de l'alinéa 5(2)a) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse, la pension de la sécurité de la vieillesse peut être versée de façon rétroactive au maximum 11 mois avant le mois au cours duquel l'intimé a reçu la demande de pension de la sécurité de la vieillesse. Aux termes de l'alinéa 11(7)a) de la LSV, aucun SRG n'est versé pour tout mois antérieur de plus de 11 mois à celui au cours duquel l'intimé a reçu la demande de SRG. Aux termes de l'alinéa 11(7)b) de la LSV, aucun SRG n'est versé au pensionné pour tout mois pour lequel le pensionné ne peut recevoir de pension.

[14] L'article 28.1 de la LSV prévoit une exception à la règle de rétroactivité maximale portant sur le versement des pensions aux termes de la LSV. Cette disposition permet qu'une demande soit considérée comme ayant été présentée plus tôt qu'elle ne l'a été en réalité, s'il est possible de démontrer que la personne visée par la demande était incapable de former ou d'exprimer l'intention de faire une demande de prestations. Les paragraphes 28.1(1) à (3) énoncent les exigences auxquelles on doit satisfaire pour faire preuve d'une incapacité :

(1) Dans le cas où il est convaincu, sur preuve présentée par une personne ou quiconque de sa part, qu’à la date à laquelle une demande de prestation a été faite, la personne n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation, le ministre peut réputer la demande faite au cours du mois précédant le premier mois au cours duquel le versement de la prestation en question aurait pu commencer ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon le ministre, la dernière période pertinente d’incapacité de la personne a commencé.

(3) Pour l’application des paragraphes (1) et (2), une période d’incapacité est continue, sous réserve des règlements.

Observations du demandeur

[15] La demande de permission d’en appeler du demandeur a effectivement été complétée le 22 septembre 2016, soit 148 jours après que la décision de la division générale lui a été envoyée par la poste et bien après l’expiration du délai de 90 jours pour la présentation de la demande. Ni le demandeur ni son représentant autorisé n'ont donné de raison particulière pour expliquer le retard dans la présentation de la demande complète de permission d'en appeler, à part le retard dans la livraison du courrier.

[16] Dans sa lettre du 6 juillet 2016, l'avocat du demandeur a expliqué pourquoi il estimait que l'appel avait des chances raisonnables de succès. Il a indiqué que la division générale avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en concluant que le demandeur état incapable de de former ou d'exprimer l'intention de faire une demande de pension de la sécurité de la vieillesse et de SRG avant le 11 février 2013.

[17] L'avocat a reconnu que la division générale n'avait pas tenu compte des décisions antérieures de l'intimé parce qu'elle croyait qu'elle n'avait pas compétence pour le faire.

[18] L'avocat reconnaît également que la LSV limite le paiement rétroactif des pensions à moins que le demandeur puisse démontrer qu'il était incapable de former ou d'exprimer l'intention de faire une demande de prestations. En statuant que le demandeur avait la capacité nécessaire avant le 11 février 2013, la division générale n'a pas tenu compte des faits suivants :

  • Si la division générale avait tenu une audience, le membre de la division générale qui devait trancher l'appel aurait sans aucun doute remarqué l'incapacité du demandeur de parler et de comprendre l'anglais.
  • Les dispositions de la LSV concernant la rétroactivité sont complexes et difficiles à comprendre pour un profane anglophone, mais encore plus pour une personne dans la situation du demandeur. Il n’avait auparavant ni la capacité ni les ressources pour embaucher un avocat afin de l’aider à présenter ses demandes.
  • Le demandeur était en mesure de poursuivre ses démarches relatives à une demande de pension de la sécurité de la vieillesse et de SRG, et d'aller jusqu'à se pourvoir en appel devant la division générale uniquement parce que son avocat était disposé à lui offrir la traduction, la collecte de faits et de documents, les communications avec l'intimé et l'aide financière.

Analyse

[19] Je considère que la demande de permission d’en appeler a été présentée après le délai prescrit de 90 jours. D'après les notes au dossier, le 27 avril 2016, la décision de la division générale a été envoyée par la poste au demandeur et à son représentant autorisé à leurs dernières adresses connues. Aux termes de l'alinéa 19(a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement TSS), une décision est présumée avoir été communiquée à la partie le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste. Le 22 juillet 2016, l'intimé a reçu une demande de prorogation de délai incomplète. Dans une lettre du 26 juillet 2016, la division d'appel a demandé au demandeur de lui fournir les renseignements manquants. Au début septembre, comme la division d'appel n'avait reçu aucune nouvelle de la part du demandeur ou de son avocat, un membre de son personnel a tenté de les joindre par téléphone, sans succès. Le 13 septembre 2016, l'avocat du demandeur a téléphoné à la division d'appel pour faire savoir qu'il venait à peine de recevoir la lettre du 26 juillet 2016. Les renseignements manquants ont été fournis le 22 septembre 2016, complétant ainsi la demande - près de cinq mois après que la décision de la division générale fut mise à la poste.

[20] Pour déterminer s’il convenait d’accorder un délai supplémentaire pour interjeter appel, j’ai examiné et soupesé les quatre critères énoncés dans l'affaire Gattellaro.

Intention constante de poursuivre l’appel

[21] Il appert du dossier que le représentant du demandeur a répondu à la décision de la division générale dans le délai prévu de 90 jours, mais qu'il a pas répondu à la demande de renseignements supplémentaires seulement six semaines plus tard. Il a cependant fourni les renseignements manquants, comme l'avait demandé la division d'appel, dans un délai raisonnable. Comme seulement un court laps de temps s'est écoulé avant que la demande de permission soit complète, je suis prêt à accorder le bénéfice du doute au demandeur sur ce critère. J'estime qu'il a fait preuve d'une intention constante de poursuivre l’appel.

Explication raisonnable du retard

[22] On a demandé au représentant du demandeur d'expliquer pourquoi il n'a pas présenté une demande dans le délai prescrit. Il a répondu en alléguant un retard dans la livraison du courrier. J'estime que cette explication est invraisemblable et incomplète. Je remarque que l'avocat a changé son adresse plus d'une fois. Il est probable qu'il ait négligé d'en informer la division d'appel, comme l'exige l'article 6 du Règlement SST.

Cause défendable

[23] L'avocat a souligné à juste titre que la division générale n'avait pas la compétence pour examiner les refus de novembre 2006 et d'octobre 2011 de l'intimé puisque le délai d'appel avait expiré depuis longtemps. La question à trancher consiste à déterminer si, comme on le prétend, le demandeur était dépourvue de la capacité de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de pension de la sécurité de la vieillesse et de supplément du revenu garanti.

[24] Il est important de souligner que le critère prévu à l'article 28.1 de la LSV est sévère : non seulement un demandeur doit prouver qu'il n'avait pas la capacité de présenter une demande de prestations, mais aussi qu'il n'avait pas la capacité de former ou d'exprimer l'intention de faire une demande. L'examen ne doit pas porter sur la capacité du demandeur de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestations d’invalidité, mais seulement sur sa capacité de former ou d’exprimer une intention de faire une demande (Canada (PG) c. KirklandNote de bas de page 5; Canada (PG) c. DanielsonNote de bas de page 6.

[25] En l'espèce, aucune preuve présentée devant la division générale ne démontre que le demandeur souffrait de démence ou de toute autre infirmité mentale qui aurait pu avoir une incidence sur sa capacité de former une intention de faire une demande. L'avocat du demandeur a plutôt présenté essentiellement les mêmes arguments qu'elle plaide devant la division d'appel - que sa cliente manquait d'aisance en anglais, de raffinement quant aux questions juridiques et de ressources financières pour embaucher un représentant. Ces éléments sont en eux-mêmes insuffisants pour appuyer une conclusion selon laquelle la demande n'avait pas la capacité au sens de la LSV. La division générale a écrit, au paragraphe 16 de sa décision :

La preuve a démontré que l'appelant était prêtre et professeur en février 2013. Le seul lien relatif à son état de santé concernait son zona en 2011 et ses problèmes dentaires antérieurs. Aucune documentation médicale ne permet d'étayer le fait que l'état de santé physique et mentale du demandeur la rendait incapable de former ou d'exprimer une intention de présenter une demande. La preuve démontre que le demandeur avait fait des demandes au préalable.

[26] J'hésite à intervenir dans la conclusion de la division générale. Cette dernière a évalué et soupesé les éléments de preuve disponibles et a correctement appliqué le droit. En affirmant que la division générale n'a pas accordé suffisamment d'importance essentiellement aux mêmes faits et aux mêmes arguments qui lui ont été présentés, le représentant du demandeur me demande de juger à nouveau la demande sur le fond et de trancher en sa faveur. Je ne peux cependant pas honorer ce souhait, puisqu'en tant que membre de la division d'appel je n’ai compétence que pour déterminer si les motifs d’appel du demandeur se rattachent aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1), et si l’un deux présente une chance raisonnable de succès.

[27] Je souhaite également aborder la prétention de l'avocat selon laquelle la division générale a commis une injustice envers le demandeur en décidant de ne pas tenir une audience qui selon lui aurait fait ressortir son incapacité à parler en anglais et à comprendre cette langue. Comme on l'a déjà dit, les aptitudes linguistiques du demandeur ne sont pas pertinentes pour déterminer s'il avait la capacité de présenter une demande. En tout cas, l'article 72 du Règlement SST accorde à la division générale la discrétion nécessaire pour décider de tenir le mode d'audience qui convient selon elle.

[28] Je ne constate aucune cause défendable pour les moyens à l’appui.

Préjudice à l’autre partie

[29] Il est peu probable que la prorogation du délai pour interjeter appel cause préjudice aux intérêts du défendeur étant donné la période de temps relativement court qui s’est écoulée depuis l’expiration du délai prévu par la loi. Je ne crois pas que la capacité du défendeur à se défendre, vu ses ressources, serait indûment amoindrie si la prorogation de délai était accordée.

Conclusion

[30] Après avoir soupesé les quatre critères de l'affaire Gattellaro, je conclus que la présente affaire n’est pas un cas où il convient d’accorder une prorogation du délai de 90 jours pour faire appel. Même si j'ai supposé que le demandeur avait l'intention constante de poursuivre l’appel, j'estime qu'elle n'a pas expliqué son retard de façon raisonnable. Certes, l'intimé ne subirait pas de préjudice si un délai supplémentaire était accordé, mais ce sont les autres critères de l’affaire Gattellaro qui l'emportent selon moi, étant donné l’absence d’une cause défendable pour le demandeur : je n’ai constaté aucun motif—découlant d’un manquement à un principe de justice naturelle ou d’une erreur de droit ou de fait—qui confèrerait à l’appel du demandeur une chance raisonnable de succès.

[31] D’après les critères énoncés dans l’affaire Gattellaro et dans l’intérêt de la justice, je refuse d’accorder une prorogation du délai pour interjeter appel aux termes du paragraphe 57(2) de la Loi sur le MEDS.

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