Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’appelante interjette appel d’une décision rendue par la division générale en date du 25 avril 2016, dans laquelle elle avait refusé de lui accorder des prestations rétroactives pour une allocation de survivant débutant en juillet 2008, alors que l’appelante avait atteint l’âge de 60 ans, puisqu’elle a conclu que la preuve n’était pas suffisante pour établir une incapacité au titre de l’article 28.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV). L’appelante a interjeté appel au motif que la division générale ne semblait pas avoir tenu compte de la déclaration d’incapacité remplie par son médecin de famille et qu’elle avait donc commis un manquement aux principes de justice naturelle.

[2] J’ai accordé la permission d’en appeler du fait que la déclaration d’incapacité sur laquelle se fondait l’appelante ne figurait pas au dossier d’audience présenté à la division générale et au membre, et que la décision rendue par la division générale était donc fondée sur des renseignements incomplets, sans que l’appelante en soit responsable.

[3] L’appelante a fait savoir qu’elle ne souhaitait pas présenter d’autres observations à l’appui de son appel. L’intimé a pour sa part déposé des observations substantielles. Comme j’ai jugé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une autre audience, l’appel sera instruit conformément à l’alinéa 43a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[4] Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

  1. Un manquement aux principes de justice naturelle a-t-il été commis?
  2. La déclaration d’incapacité est-elle essentielle et permet-elle de conclure que l’appelante était atteinte d’une incapacité?
  3. Quelle décision convient-il de rendre dans cette affaire?

Justice naturelle

[5] Comme je l’ai souligné dans ma décision accordant la permission d’en appeler, il existe des informations contradictoires sur la manière dont l’appelante ou son médecin de famille ont présenté une copie de la déclaration d’incapacité au Tribunal de la sécurité sociale, et sur la question de savoir s’ils l’ont même fait. On se demande aussi si elle pourrait avoir déposé cette déclaration auprès de l’intimé plutôt que du Tribunal, même si l’intimé prétend que l’appelante ne lui en a jamais directement fourni une copie.

[6] D’une part, il serait raisonnable d’admettre que l’appelante a fourni une copie de la déclaration d’incapacité soit au Tribunal ou à l’intimé. Après tout, elle a toujours maintenu qu’elle avait fourni une déclaration d’incapacité. Cette déclaration est datée du 17 décembre 2014, et il s’agit du seul élément de preuve sur lequel se fonde l’appelante à l’appui de sa demande de prolongation de la période de rétroactivité du versement de son allocation de survivant. L’appelante n’aurait aucune raison de faire obstacle à la production de cette déclaration. L’appelante allègue également qu’elle s’est aperçue pour la première fois de l’absence de la déclaration au dossier d’audience lorsqu’elle a reçu la décision de la division générale.

[7] Bien que l’appelante a la charge de la preuve et qu’il lui revient de produire la preuve permettant d’établir le bien-fondé de sa cause, elle devrait pouvoir s’attendre, si elle a déposé des documents, à ce que des copies en soient versées au dossier d’audience, à moins que quelque chose de précis ne la porte à croire ou ne lui indique le contraire.

[8] En l’espèce, le Tribunal a communiqué par écrit avec l’appelante de la façon suivante :

  • Le 12 janvier 2015, des copies du dossier d’audience ont été transmises aux parties;
  • Le 13 novembre 2015, le Tribunal a écrit que [traduction] « [l]e Tribunal ne possède aucun renseignement donnant lieu de croire qu’il ait affaire à une exception à la règle autorisant une rétroactivité maximale de 11 mois » (GD0) (soulignement par la soussignée);
  • Dans un avis d’appel daté du 5 février 2016, le Tribunal a demandé à l’appelante de fournir [traduction] « toute preuve médicale disponible qui démontrerait [qu’elle souffrait], avant février 2014, d’une incapacité, au sens de l’article 28.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse »;
  • Dans un avis d’appel daté du 4 mars 2016, le Tribunal a de nouveau demandé à l’appelante de fournir [traduction] « toute preuve médicale disponible » (GD0B).

[9] Bien qu’il aurait pu être raisonnable de s’attendre à ce que cette séquence de communications émanant du Tribunal mette la puce à l’oreille de l’appelante concernant la possibilité que la déclaration d’incapacité ne se trouve pas au dossier d’audience, je ne peux ignorer le fait que l’appelante, possiblement pour donner suite aux avis d’appel, a communiqué avec le Tribunal le 8 mars 2016 pour l’informer que son médecin avait transmis les renseignements médicaux par télécopieur l’année précédente.

Journal de conversation téléphonique
Journal de conversation téléphonique

Telephone Conversation Log / Journal de conversation téléphonique

Recorded by / Enrigistré par: Abodunrin, Rhoda

Date: 8 mars 2016

Time / Heure: 9h 56

File Number / Numéro de dossier: GP-14-4430

Message : [traduction]
J’ai reçu un appel provenant de l’appelante au sujet de la demande de renseignements médicaux

L’appelante dit que son médecin a envoyé par télécopieur des renseignements médicaux l’année passée. J’ai expliqué que le membre demande des renseignements médicaux précis. L’appelante consultera son médecin.

[10] Il est difficile de savoir, d’après le journal de conversation téléphonique, si l’appelante a demandé à l’employée du Tribunal de vérifier si le Tribunal avait effectivement reçu la déclaration d’incapacité, ou si l’employée a plutôt voulu confirmer s’il y avait une déclaration d’incapacité au dossier, et a communiqué avec l’appelante après ne pas en avoir trouvé.

[11] Le journal de conversation téléphonique révèle clairement que l’employée a informé l’appelante que la division générale demandait d’obtenir [traduction] « des renseignements médicaux précis ». Il se peut que l’appelante ait eu l’impression que le Tribunal possédait une copie de la déclaration d’incapacité et qu’il souhaitait simplement obtenir des renseignements médicaux complémentaires. Si on l’avait précisément avisée que la déclaration d’incapacité ne figurait pas au dossier du Tribunal, l’appelante aurait très bien pu en déposer une autre copie.

[12] L’appelante aurait fait savoir qu’elle se renseignerait auprès de son médecin mais, au bout du compte, elle n’a jamais fourni d’avis médicaux supplémentaires ou une autre copie de sa déclaration d’incapacité, ce qui porte à croire qu’elle croyait que le Tribunal avait déjà une copie de la déclaration d’incapacité. Après tout, rien ne la pousserait nécessairement à obtenir des renseignements médicaux supplémentaires si elle croyait que la déclaration d’incapacité était suffisante, et que celle-ci se trouvait déjà au dossier d’audience de la division générale.

[13] La justice naturelle vise à assurer qu’un appelant bénéficie d’une occasion juste et raisonnable de présenter sa cause et d’une audience équitable, et que la décision rendue soit impartiale et exempte de l’apparence ou de la crainte raisonnable de partialité.

[14] Je n’ai aucune raison de douter que l’appelante croyait qu’elle ou son médecin de famille avaient fourni une copie au Tribunal de la sécurité sociale ou à l’intimé. Bien que la correspondance provenant du Tribunal laissait entendre qu’il ne possédait pas d’éléments de preuve médicale, l’appelante a toujours eu la conviction que le Tribunal avait une copie de la déclaration d’incapacité, comme le révèle sa conversation téléphonique du 8 mars 2016 avec le Tribunal.

[15] Aux fins de cet appel et malgré les preuves contradictoires, je suis prête à conclure que l’appelante avait déposé une copie de la déclaration d’incapacité, et que celle-ci, pour une raison ou une autre, ne figurait pas au dossier d’audience présenté à la division générale. Il s’agirait là clairement d’un manquement, car l’appelante, ayant déposé un document qui était pertinent à son appel, a effectivement été privée d’une occasion de présenter sa cause de façon équitable.

Déclaration d’incapacité

[16] La déclaration d’incapacité figure à la page AD1-4. Le médecin de famille était d’avis que l’appelante avait souffert d’une incapacité d’avril 2008 à décembre 2012.

[17] Le médecin de famille a répondu « oui » à la question de savoir si l’état de l’appelante l’avait rendue incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. Dans la section offerte pour apporter des précisions, le médecin de famille a écrit ce qui suit :

[traduction]

Grave dépression clinique et trouble schizo-affectif potentiel. Elle s’est isolée chez elle et est devenue complètement obsédée par les chats, [illisible] jusqu’à 100 chats dans la maison en même temps.

[18] C’est tout ce qu’a indiqué le médecin de famille concernant les capacités de l’appelante. Il n’y avait aucun dossier médical et aucune une autre opinion qui soutenaient la position selon laquelle l’appelante avait souffert d’une incapacité à compter d’avril 2008, et ce jusqu’à la fin de 2012, même si le médecin de famille avait noté que l’appelante était traitée dans une clinique de santé mentale.

[19] La déclaration d’incapacité, en soi, ne permet pas de conclure avec certitude que l’appelante était atteinte d’une incapacité durant la période concernée. Une telle déclaration ou un certificat médical doit tout au plus être fourni à l’intimé, mais ces documents ne supplantent d’aucune façon le critère juridique pour établir l’incapacité, énoncé à l’article 60 du Régime de pensions du Canada.Il est de jurisprudence constante que les avis médicaux ne sont pas concluants : Canada (Procureur général) c. Danielson, 2008 CAF. La déclaration présente également d’importantes lacunes relativement à un examen des actions et des activités pertinentes de l’appelante. Je ne trouve pas qu’il s’agisse d’une preuve convaincante en soi.

[20] Bien que je me sente encline à rejeter cet appel, cette action pourrait effectivement priver l’appelante d’une occasion de plaider sa cause de façon équitable, puisque celle-ci se fonde uniquement sur la déclaration d’incapacité à ce stade. Après tout, si la division générale avait disposé de la déclaration d’incapacité, le membre aurait très bien pu juger qu’un autre type d’audience était indiqué, ce qui aurait ainsi pu conduire l’appelante à produire des preuves documentaires supplémentaires ou des témoins qui auraient pu aborder l’état de sa capacité durant la période visée. La division générale aurait pu être impressionnée par le comportement ou le témoignage de l’appelante, ou par celui de ses témoins. Même si j’estime qu’il est peu probable que cela eût été le cas ou que l’appelante aurait produit des éléments de preuve supplémentaires, compte tenu de son inaction passée et du fait qu’elle se fonde entièrement sur la déclaration d’incapacité, je ne peux pas non plus rejeter cette possibilité.

Conclusion

[21] L’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

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