Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Introduction

[2] Il s’agit de l’appel d’une décision datée du 19 octobre 2015 dans laquelle la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (TSS) a conclu que l’appelante avait abandonné l’appel relatif à une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV).

Aperçu des faits

[3] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse en novembre 2009. L’intimé a rejeté la demande tant au stade initial qu’à l’étape de la révision. En juillet 2012, l’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[4] Dans une décision datée du 21 mars 2013, le BCTR a autorisé l’instruction de l’appel. En avril 2013, le BCTR a transféré l’appel au TSS conformément à la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable.

[5] Le 20 mars 2015, la DG a demandé à l’appelante de fournir un numéro de téléphone valide auquel on pourrait la joindre en vue de l’audience par téléconférence. Dans un avis d’audience daté du 10 avril 2015 et adressé à l’adresse domiciliaire de l’appelante aux Philippines, la DG a informé l’appelante qu’une audience par téléconférence aurait lieu le 9 septembre 2015, à 5 h 30, heure des Philippines.

[6] Le 8 septembre 2015, l’appelante a téléphoné le TSS pour l’informer qu’elle était en attente pour joindre la téléconférence. Un membre du personnel du TSS a inscrit ce qui suit dans le compte rendu de la conversation téléphonique :

[traduction]
L’appelante attend le début de l’audience par téléconférence. Son avis d’audience fait état que le MT [membre du Tribunal] communiquer avec elle afin de la joindre à la téléconférence le 9 septembre 2015, à 5 h 30, heure des Philippines. J’ai informé l’appelante que j’allais transférer ces renseignements à l’AGC [agent de gestion des cas] et que je lui donnerais une réponse. Il y a une différence de 12 heures et elle peut être jointe en matinée, heure de l’Est, étant donné qu’il s’agit de la soirée pour elle.

[7] Le 10 septembre 2015, un membre du personnel du TSS a souligné qu’il a tenté en vain d’appeler l’appelante à deux reprises au numéro de téléphone qu’elle a fourni précédemment.

[8] Le 19 octobre 2015, la DG a rendu sa décision et a déclaré que l’appel de l’appelante était abandonné étant donné qu’il était impossible de la joindre. Dans ses motifs, la DG a souligné que l’appelante n’a pas participé à l’audience à l’heure prévue. Le membre de la DG a déclaré avoir tenté en vain de la téléphoner à plusieurs reprises après l’heure du début de l’audience. De plus, le personnel du TSS avait été incapable de joindre l’appelante au numéro de téléphone versé au dossier, et elle n’a pas communiqué avec lui depuis le défaut de comparaître à l’audience.

[9] Le 5 janvier 2016, l’appelante a présenté une demande incomplète de permission d’en appeler auprès de la division d’appel (DA) du TSS. Elle a nié avoir abandonné l’appel et a déclaré avoir toujours eu l’intention d’interjeter appel. À la suite d’une demande de renseignements formulée par la DA, l’appelante a complété sa demande de permission d’en appeler le 9 juin 2016, soit au-delà du délai de 90 jours prévu à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS).

[10] Dans une décision datée du 26 octobre 2016, la DA a accordé à l’appelante la prorogation du délai pour interjeter appel conformément au paragraphe 57(2) de la LMEDS. La DA a également accordé la permission d’en appeler parce qu’elle était convaincue que l’appelante avait une cause défendable d’après le motif que la DG pourrait avoir omis d’observer un principe de justice naturelle lorsqu’elle a conclu que l’appelante avait abandonné l’appel. La DA a demandé la présentation d’observations sur le mode d’audience approprié.

[11] Dans une lettre datée du 19 novembre 2016, l’appelante a informé la DA qu’elle n’avait rien d’autre à ajouter aux observations formulées dans sa demande de permission d’en appeler. Le 9 décembre 2016, l’intimé a présenté des observations dans lesquelles il a convenu que la DG avait manqué à un principe de justice naturelle au titre de l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS. L’intimé a recommandé que l’affaire soit renvoyée à la DG pour une audience de novo en vertu du paragraphe 59(1) de la LMEDS.

[12] Après avoir reçu les observations des parties, j’ai maintenant décidé qu’une audience de vive voix n’était pas nécessaire et que l’appel pouvait être instruit sur le fondement du dossier documentaire pour les raisons suivantes :

  1. le dossier est complet et ne nécessite aucune clarification;
  2. le mode d’audience respectait les exigences du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS) à savoir qu’il doit procéder de façon la plus informelle et expéditive que le permettent les circonstances, l’équité et la justice naturelle.

Droit applicable

[13] Les seuls moyens d’appel selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS sont les suivants :

  1. a) la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[14] La DG a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle lorsqu’elle a conclu que l’appelante avait abandonné l’appel à la suite de sa prétendue absence de l’audience par téléconférence prévue?

Observations

[15] Comme il a été mentionné précédemment, l’intimé a convenu que le traitement du dossier de l’appelante par la DG causait un manquement aux principes d’équité procédurale et qu’il justifie une nouvelle audience sur le fond relativement à sa demande de pension de la SV.

[16] Dans une lettre accompagnant son avis d’appel, l’appelante a déclaré qu’elle était choquée et surprise de recevoir la décision de la DG selon laquelle elle avait abandonné l’appel. Elle a reconnu avoir reçu un avis l’informant d’une téléconférence prévue le 9 septembre 2015 et a déclaré qu’elle avait prévu du temps pour veiller à ce qu’elle soit disposée à prendre part à l’appel. Elle a été jusqu’à demander aux préposés à l’entretien de son immeuble d’habitation de la réveiller.

[17] La soirée suivante, elle a acheté une carte d’appels interurbains et elle a téléphoné à Ottawa. Elle a parlé à un homme qui lui a dit qu’il allait faire en sorte que quelqu’un appelle la demanderesse, mais personne ne l’a fait. La demanderesse a téléphoné à nouveau, et une dame a répondu à son appel cette fois. Elle a dit qu’elle ferait en sorte que quelqu’un communique avec elle, mais elle n’a eu aucune nouvelle. Elle soupçonne que le personnel du TSS ne pouvait pas communiquer avec elle parce qu’il est particulièrement difficile d’obtenir une connexion aux Philippines pendant les heures ouvrables au Canada.

[18] Dans une lettre reçue par le TSS le 4 avril 2016, l’appelante a fourni des détails supplémentaires concernant les circonstances entourant la téléconférence qu’elle a manquée. L’avis d’audience a précisé que la téléconférence débuterait le 9 septembre 2015, à 5 h 30, heure des Philippines. Elle a attendu chez elle avec son petit-fils, mais personne n’a appelé. Malgré la déclaration dans la décision relative à l’abandon, aucune personne d’Ottawa ne l’a appelé à sa connaissance. Elle est contrariée et elle a le sentiment qu’elle a été traitée de manière inéquitable; elle veut seulement une autre chance d’être entendue.

[19] L’appelante a insisté sur le fait qu’elle a toujours agi de bonne foi. Elle se sent épuisée sur le plan émotionnel dans sa quête visant à obtenir sa pension de la SV.

Analysis

[20] Bien qu’il ne soit pas mentionné précisément dans le Règlement sur le TSS, le concept de l’abandon découle du pouvoir général d’un tribunal administratif de réguler l’instance qu’il conduit. Si un avis d’audience a été fourni de manière appropriée à un appelant et si l’appelant ou une personne le représentant ne comparaissent pas à l’audience prévue, le tribunal administratif peut déclarer l’appel abandonné. Selon moi, l’abandon sous-entend qu’il y a eu une négligence ou une perte d’intention relativement à la poursuite de l’appel, mais j’estime que cela n’est pas le cas en l’espèce.

[21] J’accepte les observations de l’intimé que je citerai en détail :

[traduction]
24. La justice naturelle comprend deux principaux principes : le droit d’une partie d’être entendue et le droit d’être entendu par un décideur impartial. La permission d’en appeler a été accordée à l’appelante au motif qu’elle était réputée avoir abandonné l’appel parce qu’elle n’a pas participé à l’audience.

25. L’obligation d’équité procédurale doit être abordée dans le contexte des faits particuliers de chaque cause. Il faut tenir compte de plusieurs facteurs, y compris les suivants : 1) la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir; 2) la nature du régime législatif et les termes de la loi régissant l’organisme; 3) l’importance de la décision pour les personnes visées; 4) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision; (5) les choix de procédure que l’organisme fait lui-même. Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2 RCS 817, aux para 21 et 22.

26. En concluant que l’appel de l’appelante a été abandonné lorsqu’elle n’a pas participé à l’audience, la DG-TSS a omis d’observer un principe de justice naturelle et il n’a pas exécuté le droit de l’appelante de se faire entendre et de plaider entièrement sa cause.

27. Selon la lettre présentée par l’appelante et les faits soulignés dans la décision de la DA-TSS relative à la permission d’en appeler, il est possible de déduire que le décalage horaire entre le Canada et les Philippines ont créé une confusion chez l’appelante et le Tribunal quant au moment de l’audience inscrit dans l’avis d’audience daté du 10 avril 2015. Il pourrait également y avoir vu des problèmes de connectivité lorsque la DG-TSS a essayé de communiquer avec l’appelante aux Philippines après l’audience prévue.

28. L’appelante a fait l’effort de communiquer avec la DG-TSS le 8 septembre 2015, HNE pour participer à son audience, ce qui correspondrait au 9 septembre 2015 selon le fuseau horaire des Philippines si on tient compte du décalage horaire de 12 heures. Il s’agissait de la date prévue pour l’audience par téléconférence. Elle a également été jusqu’à aviser les préposés à l’entretien de son immeuble d’habitation de la réveiller à temps pour l’audience prévue à 5 h 30, heure des Philippines. La preuve a établi qu’elle était disponible à l’heure inscrite dans l’avis d’audience et elle a informé le Tribunal de ce fait.

29. L’appelante a continué d’attendre pour l’appel téléphonique de la DG-TSS afin de participer à l’audience et, après n’avoir reçu aucun appel du TSS, elle a communiqué avec celui-ci une seconde fois. Elle a été informée qu’un membre du personnel du TSS communiquerait avec elle.

30. La DG-TSS a communiqué avec l’appelante le 10 septembre 2015, soit la journée après la date prévue de l’audience inscrite dans l’avis d’audience. La DG-TSS a ainsi tenté de communiquer avec l’appelante pour la téléconférence à une autre date que celle inscrite dans l’avis d’audience. Cela a mené la DG-TSS à communiquer l’appelante par erreur à la mauvaise heure et à la mauvaise date. Selon l’avis d’audience, on aurait dû communiquer avec l’appelante le 9 septembre 2015, à 5 h 30 selon le fuseau horaire des Philippines, ce qui correspondrait au 8 septembre 2015, à 17 h 30 HNE. Par conséquent, c’était la DG-TSS qui n’était pas disponible au moment prévu de l’audience, et non l’appelante.

31. La preuve démontre que l’appelante n’avait pas l’intention d’abandonner l’appel. L’appelante a envoyé un grand nombre de lettres et de documents à la DG-TSS et à Service Canada afin de prouver le bien-fondé de son appel depuis sa demande de pension de la Sécurité de la vieillesse en 2009. Elle a également continué d’exprimer son intention de poursuivre l’appel avant et après l’avis d’audience prévu par la DG-TSS et elle était disponible à l’heure et à la date où l’audience était prévue.

32. L’appelante a également souligné qu’elle aimerait avoir la chance de participer à l’audience relative à son appel pour exercer son droit d’être entendue.

33. Aucune décision n’a été rendue quant à la question importante de l’appel, à savoir la demande de pension de la SV, car la DG-TSS a rejeté l’appel qu’elle a jugé abandonné.

34. L’intimé soutient qu’il y a eu manquement aux principes d’équité procédurale ou de justice naturelle au titre de l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS lorsque la DG-TSS a conclu dans sa décision que l’appelante avait abandonné l’appel en ne participant pas à l’audience. Par conséquent, l’intimité consent à ce que l’affaire soit renvoyée à la division générale pour qu’y soit tenue une audience de novo en vertu du paragraphe 59(1) de la LMEDS. L’affaire devrait être renvoyée à la DG-TSS aux fins de réexamen. Il est soutenu qu’il s’agit de la seule réparation appropriée en l’espèce selon le motif pour lequel la permission d’en appeler a été accordée.

[22] Après avoir examiné l’enregistrement et les observations des parties, je conviens que la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle lorsqu’elle a déclaré l’abandon de l’appel et fermé le dossier. Bien que le membre de la DG et le personnel du TSS n’ont pas été en mesure de communiquer avec l’appelante au moyen du numéro de téléphone qu’elle leur a donné, le dossier donne à penser que son intention de poursuivre l’appel n’a jamais été signalée même si des lacunes technologiques et/ou humaines ont empêché la tenue de la téléconférence. Le fait que l’appelante a appelé le TSS le 8 septembre (qui aurait eu lieu le 9 septembre en raison du décalage horaire, à savoir à la date prévue de l’audience au Canada) semblerait étayer son allégation selon laquelle elle attendait chez elle que le téléphone sonne. Contrairement aux conclusions de la DG, l’appelante n’était pas [traduction] « injoignable » et elle a communiqué avec le TSS immédiatement après l’heure prévue de l’audience. Je ne constate aucune preuve selon laquelle elle a tenté d’abandonner l’appel.

Conclusion

[23] Pour les motifs susmentionnés, l’appel est accueilli au motif que la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle lorsque, au regard de la preuve selon laquelle elle avait l’intention constante de poursuivre sa demande de pension de la SV, elle a déclaré l’abandon de l’appel et fermé le dossier en empêchant ainsi l’appelante d’exercer son droit d’être entendue.

[24] L’article 59 de la LMEDS énonce la réparation que la DA peut accorder pour un appel. Pour prévenir toute crainte de partialité, il convient en l’espèce de renvoyer l’affaire à la DG pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un membre différent de la DG.

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