Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Comparutions

Appelant : K. K. (le 12 juillet 2016 seulement) and Me Myrna Barbar (représentante)

Intimé : Observations écrites seulement

Aperçu

[1] L’appelant est né le X X X en Égypte, est arrivé au Canada le 8 décembre 1989 et est devenu un citoyen canadien en 1995. Le 14 février 2012, il a présenté une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse (pension de la SV) dans laquelle il déclare vivre au Canada du 8 décembre 1989 au 6 janvier 1996 et depuis le 22 août 2000. Le 14 septembre 2012, l’appelant a aussi fait demande pour le Supplément de revenu garanti (SRG).

[2] Le 13 février 2014, à la suite de l’évaluation du dossier, le ministre a refusé les demandes de l’appelant puisqu’il a conclu que l’appelant n’avait jamais élu sa résidence au Canada de façon permanente. L’appelant a demandé un réexamen de la décision, mais le ministre a maintenu la décision initiale (GD2-3). Alors, c’est cette décision prise à la suite du réexamen qui fait l’objet de l’appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal).

[3] Pour les raisons qui suivent, l’appel est rejeté.

Façon de procéder

[4] Le présent appel a été entendu par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. il manque de l’information au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications ;
  2. la façon de procéder est celle qui permet le mieux de traiter les incohérences que pourrait contenir la preuve ; et
  3. la façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS) selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Historique procédural et demandes d’ajournement

[5] Dans le cadre de la présente affaire, le Tribunal a initialement prévu la tenue d’une audience par téléconférence pour le 17 mai 2016 (GD0). Comme le Tribunal le fait habituellement, cette date a été choisie sans consulter les parties. Toutefois, les parties ont deux façons de demander une nouvelle date d’audience. Si cette demande est reçue dans les deux jours ouvrables suivants réception de l’avis d’audience, un ajournement d’ordre administratif peut être accordé.

[6] Sinon, une demande d’ajournement doit être communiquée au Tribunal par écrit avec des motifs expliquant pourquoi une nouvelle date d’audience est nécessaire. Une fois qu’une telle demande d’ajournement est accordée, toute autre demande d’ajournement de cette même partie ne peut être acceptée sauf si des circonstances exceptionnelles le justifient (Règlement sur le TSS, paragraphe 11(2)).

[7] Le 5 avril 2016, le Tribunal a reçu la première demande d’ajournement de la part de l’appelant. Dans cette demande, Me Barbar, la représentante de l’appelant, a fourni l’explication suivante (GD4) : « Nous sommes informés ce jour même par notre client que celui-ci est présentement retenu en Égypte et qu’il ne pourra revenir au Québec avant la fin juin 2016 et de ce fait, qu’il lui sera impossible être présent pour la téléconférence du 17 mai 2016. » L’audience a donc été reportée au 12 juillet 2016 et il a eu lieu cette journée-là.

[8] Lors de l’audience, l’appelant a témoigné pendant presque une heure. Toutefois, le Tribunal était préoccupé par le manque de documents au dossier d’appel et a communiqué cette préoccupation aux parties. En réponse, Me Barbar a expliqué que l’appelant avait fourni au ministre tous les documents qu’on lui avait demandé. Toutefois, le Tribunal a souligné que le fardeau de la preuve incombe à l’appelant et qu’il ne se limitait pas aux documents qui lui avaient été expressément demandés. Par conséquent, Me Barbar a demandé un deuxième ajournement et elle s’est engagée, avec son client, à fournir tous les documents qui pourraient établir sa résidence au Canada. D’après l’appelant et sa représentante, il faudrait environ un mois pour rassembler ces documents supplémentaires.

[9] Étant donné qu’il y avait une certaine confusion au sujet du fardeau de la preuve et la capacité de l’appelant de présenter de nouvelles preuves, le Tribunal était satisfait qu’un deuxième ajournement fût justifié.

[10] L’appelant et sa représentante se sont engagés à déposer ces nouveaux documents le plus rapidement possible, et le Tribunal a décidé de ne pas fixer une date pour la continuation de l’audience jusqu’à ce que ces documents soient reçus. Mais puisque les documents n’ont pas été reçus au 15 septembre 2016, un suivi a été fait par le Tribunal et Me Barbar a confirmé que les documents seront expédiés au Tribunal avant le 24 septembre 2016.

[11] Puisque les documents n’avaient toujours pas été reçus, le 5 octobre 2016, le Tribunal a expédié un nouvel avis d’audience et a fixé de nouvelles dates concernant les périodes de dépôt de documents et de réponse (GD0B). Celles-ci ont pris fin respectivement le 21 novembre 2016 et le 23 décembre 2016 et la continuation de l’audience était prévue pour le 17 janvier 2017. Encore une fois, l’appelant a eu la possibilité de faire une demande d’ajournement d’ordre administratif si cette date ne lui convenait pas, mais il ne s’est pas prévalu de cette option.

[12] Enfin, le 26 octobre 2016, le Tribunal a reçu les documents supplémentaires provenant de l’appelant (GD5). Ces documents ont été expédiés au ministre et un addenda aux observations du ministre a été reçu par la suite (GD7).

[13] Le 31 octobre 2016, le Tribunal a invité l’appelant à fournir un historique de ses séjours à l’intérieur et à l’extérieur du Canada, mais Me Barbar nie avoir reçu cette lettre à l’époque (GD6).

[14] Le 20 décembre 2016, une troisième demande d’ajournement était présentée au nom de l’appelant, cette demande étant presque identique à la première (GD8). Vu que le Tribunal n’était pas satisfait que des circonstances exceptionnelles étaient présentes, le Tribunal a demandé de plus amples informations (GD9). La lettre du Tribunal a été envoyée à Me Barbar par courrier recommandé, mais a ensuite été renvoyée au Tribunal puisqu’il n’avait jamais été recueilli. Ayant reçu l’autorisation de Me Barbar, les demandes du Tribunal numérotées GD6 et GD9 ont été acheminées à celle-ci le 16 janvier 2017 par courriel.

[15] La continuation de l’audience a donc eu lieu le 17 janvier 2017, au début de laquelle Me Barbar a renouvelé sa demande d’ajournement et a soutenu que l’appelant avait le droit de participer à l’audience et devait être présent pour répondre aux questions du Tribunal. Cependant, en réponse aux questions du Tribunal Me Barbar a aussi confirmé que, pour sa part, les éléments de preuve au dossier d’appel étaient complets. D’ailleurs, l’appelant avait déjà témoigné pendant une heure le 12 juillet 2016 et elle avait versé au dossier d’appel qu’un petit complément de documents pour répondre aux préoccupations du Tribunal.

[16] Quant à la demande d’ajournement, Me Barbar a expliqué que l’appelant était en Égypte pour des raisons familiales et climatiques. Il est, en effet, un « snowbird » qui préfère échapper aux hivers canadiens. Ayant conclu que cette explication ne constitue pas une circonstance exceptionnelle, le Tribunal a refusé la demande d’ajournement. Néanmoins, Me Barbar a été invitée à faire ses remarques finales et le Tribunal lui a également donné jusqu’à la fin janvier pour répondre à la demande du Tribunal au sujet des séjours de l’appelant à l’intérieur et à l’extérieur du Canada (GD6). Une telle réponse n’a jamais été reçue.

Droit applicable

[17] La pension de la SV est une prestation mensuelle offerte en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) aux personnes âgées de 65 ans et plus qui satisfont aux conditions canadiennes relatives à la résidence et au statut juridique. L’appelant ne prétend pas qu’il a droit à la pleine pension prévue par le paragraphe 3(1) de la Loi sur la SV.

[18] Cependant, ceux qui n’ont pas droit à la pleine pension peuvent être admissibles à une pension partielle en vertu du paragraphe 3(2) de la Loi sur la SV. Voici quelques dispositions pertinentes qui portent sur le paiement de pensions partielles :

Pension partielle

3 (2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et de ses règlements, une pension partielle est payable aux personnes qui ne peuvent bénéficier de la pleine pension et qui, à la fois :

  1. a) ont au moins soixante-cinq ans ;
  2. b) ont, après l’âge de dix-huit ans, résidé en tout au Canada pendant au moins dix ans, mais moins de quarante ans avant la date d’agrément de leur demande et, si la période totale de résidence est inférieure à vingt ans, résidaient au Canada le jour précédant la date d’agrément de leur demande.

Montant

(3) Sous réserve du paragraphe 7.1(3), pour un mois donné, le montant de la pension partielle correspond aux n/40 de la pension complète, n étant le nombre total — arrondi conformément au paragraphe (4) — d’années de résidence au Canada depuis le dix- huitième anniversaire de naissance jusqu’à la date d’agrément de la demande.

Arrondissement

(4) Le nombre total d’années de résidence au Canada est arrondi au chiffre inférieur.

[19] Le SRG est une prestation mensuelle offerte aux bénéficiaires de la pension de la SV qui ont un faible revenu. Pour avoir droit au SRG, une personne doit (entre autres) maintenir sa résidence canadienne et ne doit pas s’absenter du pays pendant de longues périodes (Loi sur la SV, alinéas 11(7)b) et d)).

[20] La résidence et la présence au Canada sont définies par le Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) comme suit :

21 (1) Aux fins de la Loi et du présent règlement,

  1. a) une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada ; et
  2. b) une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.

[…]

(4) Lorsqu’une personne qui réside au Canada s’absente du Canada et que son absence

  1. a) est temporaire et ne dépasse pas un an…

cette absence est réputée n’avoir pas interrompu la résidence ou la présence de cette personne au Canada.

[21] La résidence est une question de fait qui exige un examen de toute la situation de la personne concernée et qui ne peut être déterminée en fonction des intentions de cette personne. La jurisprudence a établi une liste non exhaustive de facteurs qui peuvent guider le Tribunal lorsqu’il doit se pencher sur cette question, à savoir :

  1. liens prenant la forme de biens mobiliers (par exemple, meubles, automobile, compte bancaire, carte de crédit, etc.) ;
  2. liens sociaux au Canada (par exemple, faire partie d’une organisation ou être membre d’une association professionnelle, etc.) ;
  3. autres liens au Canada (par exemple, immobilier, l’assurance maladie, permis de conduire, loyer, bail, hypothèque, prêt, service public, police d’assurance vie, contrats, dossiers fiscaux, liste électorale, régime de retraite, etc.) ;
  4. liens dans un autre pays ;
  5. régularité et durée du séjour au Canada, ainsi que fréquence et durée des absences du Canada ; et
  6. mode de vie de l’intéressé, ou la question de savoir si l’intéressé vivant au Canada y est suffisamment enraciné et établi.
    (Canada (MDRH) c. Ding, 2005 CF 76 ; Singer c. Canada (P.G.), 2010 CF 607, affirmée 2011 CAF 178 ; J.R.E. c. MRHDC, 2014 TSSDASR 10.)

[22] L’évaluation de la résidence d’une personne est fluide en ce sens que la valeur accordée à un facteur dans une situation déterminée ne conviendra pas dans un autre contexte (Singer, par. 33 et 36).

Question en litige

[23] La question dont le Tribunal est saisi dans le cadre du présent appel consiste à déterminer la résidence de l’appelant selon la Loi sur la SV.

[24] Il incombe à l’appelant de prouver sa résidence pour la période pertinente selon la prépondérance des probabilités (Saraffian c. Canada (Développement des Ressources Humaines), 2012 CF 1532 au par. 20).

Observations

[25] L’appelant fait valoir qu’il s’est établi au Canada de façon permanente à partir de son arrivée à ce pays le 8 décembre 1989. Notamment, il a fait l’acquisition et a pris possession en juin 1990 d’une copropriété située sur le boulevard X, à X, une propriété qu’il possède à ce jour.

[26] En 1995, l’appelant a obtenu sa citoyenneté canadienne et, par la suite, il avoue qu’il est rentré en Égypte de 1996 à 2000, parce que la crise économique au Québec était à son apogée. Cependant, l’appelant prétend qu’il s’est rétabli au Canada de façon permanente à partir de juillet 2000. À ce propos, l’appelant souligne surtout que son fils aîné était étudiant à l’Université McGill, les deux ont fondé la Corporation K. inc. et ils ont fait l’acquisition de six terrains situés à X-X-X. Une autre entreprise familiale, Construction T. inc. a aussi été établi vers l’an 2002.

[27] Le deuxième fils de l’appelant s’est rétabli au Canada à partir de l’année 2004. Aujourd’hui, il a des petits-enfants qui habitent aussi à X. Alors, l’appelant explique (à la page GD2-19) que « c’est normal que je choisis, à l’âge de 65 ans et plus, de vivre à côté de mes enfants pour rassembler la famille, surtout après la révolution et la crise en Égypte. »

[28] En somme, l’appelant est une personne qui est arrivée au Canada avec certains moyens. Il a investi et a travaillé au Canada. Il a payé des impôts et taxes comme les autres citoyens canadiens, et il n’a pas eu recours à l’assurance-emploi ni à l’assistance sociale. En conséquence, l’appelant soutient qu’il répond à toutes les conditions exigées pour avoir droit à la pension de la SV et au SRG.

[29] Par contre, le ministre fait valoir que toutes les périodes revendiquées par l’appelant comme des périodes de résidence au Canada étaient plutôt des périodes de présence. Le ministre souligne davantage le fait que l’appelant a conservé des liens d’attache importants envers l’Égypte et que sa présence au Canada n’est que pour de courtes périodes chaque année.

Résumé de la preuve et analyse

[30] Lors de l’audience, le Tribunal a entendu le témoignage de l’appelant. Le Tribunal a considéré l’ensemble du dossier y compris la preuve orale et documentaire. Les éléments de preuve les plus pertinents, selon le Tribunal, sont résumés ci-après.

[31] D’abord, il convient de souligner qu’en s’établissant au Canada l’appelant n’a pas coupé tous ses liens d’attachement avec son pays d’origine. Au contraire, l’appelant conserve d’importantes relations familiales en Égypte, il possède des actifs importants situés dans ce pays, et il préfère passer les hivers là-bas pour échapper aux hivers canadiens.

[32] Dans le cadre de son évaluation, le ministre a demandé à l’appelant d’expliquer quel était le but de ses absences du Canada depuis le 22 août 2000 (GD2-9). L’appelant a répondu à cette question en disant qu’il devait rentrer en Égypte pour liquider graduellement ses affaires afin de supporter sa famille, et surtout pour payer les frais universitaires de ses enfants (GD2-9). De plus, il a fourni les précisions suivantes (GD2-19) :

  1. Terminer le travail que j’avais à ce temps là.
  2. Mes responsabilités envers ma mère qui était malade, et malheureusement le jour de son décès, le 17 septembre 2012 au Caire, j’étais au Canada, ce qui prouve ma résidence permanente.
  3. Gérer l’héritage de ma famille.
  4. Les obligations familiales.
  5. La difficulté de vendre nos biens après la révolution en Égypte.

[33] Sur sa demande de pension de la SV, l’appelant a déclaré être résident du Canada du 8 décembre 1989 au 5 janvier 1996 et du 22 août 2000 à la date de la demande, soit le 6 février 2012 (GD2-10 à 11). Lors de l’audience, l’appelant a encore divisé la période pertinente, à savoir :

  1. du 8 décembre 1989 au 5 janvier 1996 (Canada) ;
  2. du 5 janvier 1996 au 20 août 2000 (Égypte) ;
  3. du 22 août 2000 à 2005 (Canada)
  4. de 2006 à 2011 (Canada) ; et
  5. de 2012 à ce jour (Canada).

[34] En fait, la partie la plus importante de la preuve au dossier d’appel se termine vers la fin de l’année 2013.

Période n° 1 : du 8 décembre 1989 au 5 janvier 1996 (Canada)

[35] D’après l’appelant, il est arrivé au Canada avec sa femme le 8 décembre 1989 (GD2-99). Toutefois, leurs deux fils sont restés en Égypte pour compléter l’année scolaire. En juin 1990, ils se sont réunis avec leurs enfants et la famille est retournée au Canada ensemble. Au moment de leur arrivée au Canada, les fils de l’appelant avaient 9 et 11 ans. Ils ont donc été inscrits dans des écoles canadiennes.

[36] C’est aussi en juin 1990 que l’appelant a fait l’acquisition et a pris possession d’une copropriété située sur le boulevard X, à X (GD5-45 à 58).

[37] Puisqu’il est un homme d’affaire et ingénieur par profession, l’appelant a témoigné qu’il a fait un peu de travail de consultant pendant cette période. Toutefois, pour subvenir aux besoins de sa famille, il a aussi dû liquider plusieurs investissements situés en Égypte, ce qui a nécessité quelques séjours là-bas pour vendre ses actifs et rapatrier les fonds.

[38] En 1995, l’appelant a accédé à la citoyenneté canadienne (GD2-98) et a eu son premier passeport canadien (GD2-90).

[39] Sauf l’achat de la copropriété et sa citoyenneté canadienne, il y a peu de documents qui supportent la résidence canadienne de l’appelant pendant cette période :

  1. ses déplacements ne sont pas connus avec précision ;
  2. il n’a pas produit de déclarations de revenus au Canada (GD2-49) ;
  3. la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) n’a aucune donnée pour le profil médical de l’appelant du 1er décembre 1989 au 31 décembre 1995 (GD2-54) ; et
  4. il n’y a pas de preuve quant à son travail comme consultant, ses revenus ou les cotisations qu’il aurait pu faire à la Régie des rentes du Québec ou au Régime de pensions du Canada pendant cette période.

[40] Pour la présente période, le Tribunal est néanmoins disposé à accepter que l’appelant était résident du Canada. À ce propos, le Tribunal accorde beaucoup d’importance à l’acquisition de la copropriété à X en juin 1990, le fait que ses enfants fréquentaient des écoles canadiennes, et surtout le fait que l’appelant s’est vu accorder la citoyenneté canadienne en 1995, chose qui indique qu’il répondait à l’époque aux critères pertinents relative à la résidence canadienne.

Période n°2 : du 5 janvier 1996 au 20 août 2000 (Égypte)

[41] En 1995, vers le moment où il a obtenu sa citoyenneté canadienne, l’appelant a témoigné qu’il y avait une crise économique au Québec et un boom économique en Égypte. Puisqu’il avait de la difficulté à joindre les deux bouts, la famille a pris la décision de rentrer en Égypte. De toute façon, l’appelant a témoigné qu’il avait toujours l’intention de retourner au Canada, et c’est pour cette raison qu’il n’a pas vendu la copropriété à X.

[42] L’appelant ne prétend pas qu’il était résident au Canada pendant cette période.

Période n°3 : du 22 août 2000 à 2005 (Canada)

[43] D’après le témoignage de l’appelant, il est revenu habiter dans la copropriété sur le boulevard X à partir du 22 août 2000. En fait, il a expliqué que c’est aussi vers l’an 2000 qu’il a fait un don de l’appartement à ses enfants. Toutefois, l’appelant a dû être réinscrit comme propriétaire de l’appartement en 2005 (au lieu de son fils aîné) pour accéder à une marge de crédit (GD2-36).

[44] Quant à sa famille, le fils aîné de l’appelant a commencé ses études à l’Université McGill dans l’année 2000, ce qu’il a poursuivi jusqu’à l’obtention de son doctorat en 2011. Toutefois, le deuxième fils est resté en Égypte jusqu’en 2004, parce qu’il devait terminer ses études là-bas. Le deuxième fils est rentré au Canada en 2004 et travaille pour une banque canadienne à X depuis cette date.

[45] Entre les années 2000 et 2004, l’appelant avoue que sa femme voyageait beaucoup entre le Canada et l’Égypte, car le couple avait un fils dans chaque pays. Pour sa part, l’appelant a témoigné qu’il est devenu entrepreneur. Notamment, il a fondé la Corporation K. inc. et la compagnie Construction T. inc. (GD5-22 à 40 et GD7-6 à 10) avec un ou plusieurs membres de sa famille. Selon les dires de l’appelant, T. était inactif jusqu’en 2014, mais K. a fait l’acquisition de six terrains situés à X-X-X, dont un a été mis au nom de ses deux fils (GD5-41 à 48).

[46] Encore une fois, il y a peu de preuve documentaire à l’appui de la résidence canadienne de l’appelant pendant cette période :

  1. un extrait du rôle d’évaluation foncière indique que l’appelant est devenu propriétaire de la copropriété sur le boulevard X le 18 novembre 2005 (GD2-36) ;
  2. l’appelant détenait une carte d’assurance maladie qui a expiré en février 2002 et une autre carte qui a expiré en novembre 2007 (GD2-40) ;
  3. il a eu quelques visites médicales de mars 2001 à octobre 2004 (GD2-50) ;
  4. l’appelant a produit ses déclarations de revenus au Canada depuis l’an 2001 (GD2-49) ;
  5. pour ce qui est de la compagnie T., plusieurs droits d’immatriculation ont été payés en retard selon les cotisations provinciales et plusieurs déclarations de cette compagnie ont été produites en bloc sans déclarer un seul revenu, tant au fédéral qu’au provincial (GD5-2 à 40) ; et
  6. l’acte de vente daté le 23 janvier 2002 par lequel les fils de l’appelant ont fait l’acquisition d’un terrain situé à X-X-X ne fait aucune mention de l’appelant (GD5-41 à 48).

[47] Dans son évaluation du dossier, le ministre a dressé une liste des estampilles qui sont dans les passeports de l’appelant (GD2-31 à 34). Le Tribunal estime que cette liste est digne d’importance et a donc donné à l’appelant la possibilité de contester les informations qui figurent dans cette liste (GD6), mais la fiabilité de ces informations n’a jamais été remise en question.

[48] Alors, cette liste établit que l’appelant était absent du Canada pendant la plus grande partie des années 2000, 2001, 2002, 2003 et 2005 :

Du Au Durée (jours)
19-oct-2000 27-nov-2000 39
21-déc-2000 23-fév-2001 64
24-mars-2001 13-avril-2001 20
12-mai-2001 23-nov-2001 195
29-déc-2001 22-fév-2002 55
23-mars-2002 20-sep-2002 181
19-oct-2002 28-mai-2003 221
26-juin-2003 21-nov-2003 148
? 12-août-2004 ?
Du Au Durée (jours)
8-oct-2004 24-avr-2005 198
18-mai-2005 31-oct-2005 166
10-déc-2005 31-déc-2005 21

[49] À la lumière de cette information, le Tribunal ne peut conclure à la résidence canadienne de l’appelant pendant cette période. Notamment, l’appelant était plus souvent à l’extérieur du pays, il avait fait un don de la copropriété sur le boulevard X à ses enfants, et bien qu’il prétend être un entrepreneur, il n’y a aucune preuve documentaire qui démontre les activités de ses entreprises ou la contribution qu’il a faite au sein de celles-ci.

Période n°4 : de 2006 à 2011 (Canada)

[50] L’appelant maintient qu’il résidait au Canada pendant cette période, mais il a avoué lors de l’audience qu’il passait à peu près la moitié de son temps en Égypte pendant cette période et qu’il n’a pas toujours pu respecter « la règle des six mois ». En fait, cette règle ne trouve pas son origine dans la Loi sur la SV, mais plutôt dans le Règlement sur l’admissibilité et l’inscription des personnes auprès de la Régie de l’assurance maladie du Québec. En vertu de ce Règlement, une personne séjournant hors du Québec pour 183 jours ou plus dans une année civile peut perdre son admissibilité au régime d’assurance maladie provincial. Selon les dires de l’appelant, dans les années 2010 et 2011, il pouvait gagner plus d’argent en Égypte qu’au Canada.

[51] Alors, de l’année 2006 à 2011, l’appelant était à l’extérieur du Canada pendant les périodes suivantes (GD2-31 à 34)

Du Au Durée (jours)
? 20-oct-2006 ?
14-nov-2006 13-sep-2007 303
28-sep-2007 25-sep-2008 363
Du Au Durée (jours)
? 1-sep-2009 ?
20-sep-2009 7-sep-2010 352
? 13-nov-2010 ?
5-jan-2011 17-avr-2011 102
22-mai-2011 4-nov-2011 166

[52] Selon ces renseignements, l’appelant n’a pas passé la moitié de son temps au Canada, mais beaucoup moins. De plus, l’appelant n’habitait plus dans la copropriété sur le boulevard X. Au lieu, c’est son deuxième fils qui y réside avec sa famille. Depuis 2007, les adresses que l’appelant a inscrites auprès de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) correspondent plutôt à des propriétés qui appartiennent à son fils aîné (GD2-38 à 39 et 49).

[53] Au niveau des soins médicaux, l’appelant n’a eu aucune consultation médicale entre octobre 2004 et décembre 2011 (GD2-50) et son admissibilité au régime d’assurance maladie québécois était perdue pendant une certaine période avant le 1er août 2011, ce qui semble contredire les déclarations de l’appelant (GD2-19 et 56).

[54] L’appelant n’a pas établi que ses liens d’attache les plus importants étaient situés au Canada pendant cette période. En conséquence, le Tribunal ne peut conclure à sa résidence canadienne.

Période n°5 : de 2012 à 2013 (Canada)

[55] Depuis la crise en Égypte de 2011, l’appelant déclare rester davantage au Canada. À l’appui de cette position, l’appelant a versé au dossier du Tribunal :

  1. une facture d’Hydro Québec émis à son nom et celui de son deuxième fils relative à la copropriété sur le boulevard X (GD2-15) ;
  2. sa carte d’assurance maladie expirant en novembre 2015 (GD2-40) ;
  3. des lettres de la RAMQ confirmant que l’appelant avait conservé son admissibilité au régime d’assurance maladie provincial, et ce en dépit de ses absences déclarées (GD2-52 et 56) ;
  4. des consultations médicales en 2011, 2012 et 2013 (GD2-50 à 51) ; et
  5. les avis de cotisation de T. (GD5-11 à 13 et 21).

[56] Il importe de souligner que les absences du Canada que l’appelant a déclaré à la RAMQ ne correspondent pas nécessairement à la preuve au dossier d’appel. Par exemple :

  1. l’appelant a déclaré à la RAMQ qu’il était absent du Canada du 16 septembre 2011 au 4 novembre 2011 (GD2-56), tandis que l’information au dossier d’appel indique que la date de départ était plutôt le 22 mai 2011(GD2-33) ; et
  2. l’appelant a déclaré à la RAMQ qu’il était absent du Canada du 17 décembre 2012 au 26 avril 2013(GD2-52), tandis que l’information au dossier d’appel indique que la date de départ était plutôt le 18 septembre 2012 (GD2-33).

[57] En fait, le dossier d’appel indique de nouveau que l’appelant était absent du Canada pendant de longues périodes (GD2-33 à 34) :

Du Au Durée (jours)
30-janv-2012 (GD2-56) 14-mai-2012 105
18-sep-2012 26-avr-2013 220

[58] Alors, face aux liens d’attachement que l’appelant a conservé envers son pays natal, le Tribunal est toujours dans l’impossibilité de conclure que l’appelant a centralisé son mode de vie au Canada. Par exemple :

  1. l’appelant habite chez un de ses fils ;
  2. au dossier d’appel il n’y a qu’un seul compte de service public (Hydro Québec) et il se rapporte à une copropriété dans laquelle l’appelant ne réside plus (GD2-15) ;
  3. l’admissibilité de l’appelant au régime d’assurance maladie du Québec repose sur des informations qui ont été mises en doute ; et
  4. il n’existe aucune preuve convaincante quant aux activités de l’appelant en tant qu’entrepreneur.

[59] Par conséquent, le Tribunal ne peut conclure à la résidence canadienne de l’appelant pendant cette période.

Conclusion

[60] Le Tribunal a considéré l’ensemble de la preuve ainsi que les facteurs pertinents énumérés ci-dessus et n’a pu constater que l’appelant avait centré son mode de vie au Canada après janvier 1996. Puisque l’appelant conserve des liens solides envers son pays d’origine, l’Égypte, il était important pour lui de démontrer clairement la force de ses liens envers le Canada, mais les éléments de preuve à cet égard sont manquants. Le Tribunal a aussi accordé beaucoup d’importance à la durée de ses séjours dans les deux pays. À ce sujet, le Tribunal n’a pas pu valider le témoignage de l’appelant et, en fait, le témoignage de l’appelant a souvent été contredit par la preuve documentaire.

[61] Il est fort probable que l’appelant avait l’intention de résider au Canada pendant d’autres périodes en plus de celles retenues par le Tribunal, mais la présente conclusion doit être fondée sur la preuve au dossier d’appel et ne peut être déterminée en fonction des intentions de l’appelant.

[62] Le Tribunal observe que les décisions du ministre pourraient être interprétées comme exigeant 10 ans de résidence au Canada pour avoir droit à la pension de la SV. Cependant, puisque l’appelant n’a pas été en mesure de prouver sa résidence canadienne après janvier 1996, l’alinéa 3(2)b) de Loi sur la SV exige 20 ans de résidence au Canada pour avoir droit à cette pension partielle, un seuil que l’appelant n’a pas atteint. Et tant que l’appelant n’est pas admissible à la pension de la SV, il n’est pas admissible au SRG non plus.

[63] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.