Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Les demandeurs souhaitent obtenir la permission d’en appeler des décisions datées du 16 juin 2016 qui ont été rendues par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a précédemment tenu une audience conjointe par vidéoconférence pour examiner les périodes de résidence au Canada de chacun des demandeurs dans le but de déterminer leur admissibilité aux prestations en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV).

[2] Le 23 septembre 2016, les demandeurs ont présenté à la division d’appel, dans les délais prescrits, des demandes de permission d’en appeler qui détaillaient les moyens d’appel allégués. Pour accueillir ces demandes, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Jonction de demandes de permission d’en appeler

[3] Puisque les deux demandes de permission d’en appeler partagent une question de droit commune (à l’exception de différences non déterminantes dans leurs faits respectifs), je considère approprié de les évaluer conjointement, comme le permet l’article 13 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS). Par cette action, je suis convaincu qu’aucune injustice ne serait causée à l’une ou l’autre des parties.

Aperçu

[4] Les demandeurs sont mari et femme, nés respectivement en Jamaïque, en août 1944, et à Saint-Vincent, en novembre 1944. Madame P. T. est entrée au Canada en tant que résidente permanente en juin 1966, et monsieur E. T. est entré au Canada en avril 1969. Dans leurs demandes de pension de la sécurité de la vieillesse (SV) présentées en mars 2010, ils ont précisé avoir déménagé aux États-Unis en janvier 1976, où ils ont vécu jusqu’en mars 1988, alors qu’ils sont revenus au Canada. Ils affirment vivre dans ce pays depuis ce temps.

[5] Le défendeur a exigé des demandeurs des éléments de preuve supplémentaires pour corroborer leur résidence au Canada pendant les périodes en cause. Dans leur réponse, les demandeurs ont transmis plusieurs documents tels que des déclarations de revenus, des relevés de notes universitaires et des passeports annulés, bien qu’ils ont reconnu ne pas posséder de dossiers complets concernant leurs déplacements des décennies passées.

[6] Le 16 novembre 2010, le défendeur a informé monsieur E. T.  que sa demande de pension de la SV avait été accueillie et qu’il était admissible à une pleine pension, dont la date de prise d’effet est en septembre 2009. Madame P. T. a présenté une seconde demande de pension de la SV en novembre 2011. Le 14 décembre 2011, on l’a informée que sa demande avait été accueillie et qu’elle recevrait une pleine pension, dont la date de prise d’effet est en décembre 2010. Le 10 mars 2012, madame P. T. a écrit au défendeur pour lui exprimer son désaccord au sujet de la date de prise d’effet de sa pension de la SV et elle a demandé que la pension soit calculée depuis la date de présentation de sa demande initiale.

[7] En mai 2012, les demandeurs ont présenté des demandes de supplément de revenu garanti (SRG). Monsieur E. T. a présenté une demande pour la période de paiement de juillet 2010 à juin 2011; madame P. T. a présenté une demande pour la période de paiement de juillet 2012 à juin 2013.

[8] Le 29 janvier 2013, le défendeur a écrit à monsieur E. T.  et lui a mentionné que sa pension avait été suspendue pour fins de révision de son dossier de pension de la SV, dans le but de déterminer s’il répondait aux exigences de résidence pour recevoir la pension. À la même date, le défendeur a accusé réception de la demande de révision de madame P. T.. Le défendeur a exigé des documents supplémentaires de la part des demandeurs et il leur a demandé de remplir des questionnaires.

[9] Par l’entremise de lettres distinctes datées du 26 septembre 2013, le défendeur a informé les demandeurs que les résultats de son enquête ont mené à la révision de leur admissibilité à une pension de la SV. L’on a informé monsieur E. T.  que son dossier démontrait qu’il avait vécu au Canada, après l’âge de 18 ans, pendant 14 ans seulement : du 7 avril 1969 au 10 janvier 1976 et du 15 mars 1988 au 25 septembre 1995. L’on a informé madame P. T. que son dossier démontrait qu’elle avait vécu au Canada, après l’âge de 18 ans, pendant 18 ans seulement : du 6 juillet 1966 au 1er janvier 1976 et du 1er mars 1987 au 1er janvier 1996.

[10] Le 13 janvier 2014, le défendeur a informé les demandeurs que l’Accord entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique en matière de sécurité sociale (Accord) leur permettait de répondre à l’exigence de 20 années de résidence requises pour recevoir une pension de la SV à l’étranger. Le défendeur a expliqué que, conformément à l’Accord, il était possible d’accorder à monsieur et à madame P. T. des pensions partielles aux taux de 14/40 et de 17/40 respectivement, dont la date de prise d’effet est en décembre 2010 pour les deux. Cependant, le défendeur a aussi informé les demandeurs que ces calculs ont engendré des trop-payés au montant de 16 852 $ pour monsieur E. T. , et de 10 757 $ pour madame P. T..

[11] Dans une lettre datée du 27 février 2014, les demandeurs ont maintenu que chacun d’eux a résidé au Canada pendant près de 45 et de 48 ans. Ils ont avoué avoir quitté le Canada en 1995, avoir obtenu des visas TN américains en mai 1997 et être entrés et sortis du Canada durant les 10 années suivantes. Ils sont parents d’enfants majeurs vivant dans chaque pays et ils logeaient chez eux, avec la famille, quand il le fallait. Ils affirment avoir passé la plupart de leur temps au Canada depuis la retraite.

[12] Dans une lettre datée du 12 août 2014, le défendeur a mentionné aux demandeurs qu’il maintenait sa décision parce que leur temps passé au Canada entre 1997 et 2007 était associé à une présence plutôt qu’à une résidence. Les demandeurs ont interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès de la division générale le 22 septembre 2014.

[13] Lors de l’audience tenue devant la division générale le 12 avril 2016, les demandeurs ont témoigné à propos de leurs liens avec le Canada et ont répondu à des questions sur leurs entrées aux États-Unis et sur leurs sorties depuis ce pays au fil des ans. Ils ont souligné avoir produit des déclarations de revenus au Canada et ne jamais s’être absentés du Canada pendant des périodes de plus de six mois.

[14] Dans ses décisions du 16 juin 2016, la division générale a accueilli en partie les appels des deux demandeurs. Pour le cas de monsieur E. T. , la division générale a conclu qu’il avait résidé au Canada du 7 avril 1969 au 31 décembre 1978 et du 15 mars 1988 au 31 décembre 1994, pour un total de 16 ans et 6 mois. Pour le cas de madame P. T., la division générale a conclu qu’elle avait résidé au Canada du 7 juillet 1966 au 31 décembre 1975, du 1er juillet 1976 au 31 mars 1977, du 1er janvier 1978 au 30 juin 1979 et du 15 mars 1988 au 25 septembre 1995, pour un total d’un peu plus de 19 ans. Les deux demandeurs étaient donc admissibles à des pensions partielles de la SV plus élevées que celles que le défendeur leur avait proposées, quoiqu’ils n’ont pas été déclarés admissibles à des versements de SRG parce qu’ils n’étaient pas résidents du Canada pendant les périodes pertinentes.

Droit applicable

Loi sur la SV et Règlement

[15] Aux termes de l’article 3 de la Loi sur la SV, une personne doit, après l’âge de dix-huit ans, avoir résidé au Canada pendant au moins 40 ans afin de pouvoir toucher une pleine pension de la SV.

[16] Pour recevoir une pension partielle, un demandeur doit avoir résidé au Canada pendant au moins 10 ans, s’il résidait au Canada le jour précédant la date d’agrément de sa demande. Un demandeur qui réside à l’étranger le jour précédant la date d’agrément de sa demande doit prouver qu’il avait auparavant résidé au Canada pendant au moins 20 ans.

[17] Le SRG est une prestation mensuelle établie en fonction du revenu payé aux individus qui reçoivent une pension de la SV et qui touchent peu de revenus autres, voire aucun. Le versement du SRG est suspendu six mois après le départ du Canada ou la cessation de résidence au Canada, selon le cas (alinéa 11(7)c) et d) de la Loi sur la SV).

[18] L’article 40 de la Loi sur la SV permet au défendeur de conclure un accord prévoyant la signature d’arrangements réciproques avec le gouvernement de tout pays étranger, et cette disposition envisage qu’un tel accord puisse compromettre l’admissibilité aux pensions.

[19] Au titre de l’article 40 de la Loi sur la SV, il existe des accords conclus avec d’autres pays qui peuvent contribuer à l’admissibilité aux prestations de la SV pour un demandeur ayant vécu et travaillé à l’étranger.

[20] Au titre de l’Accord entre le Canada et les États-Unis, les périodes de cotisation au programme fédéral américain d’assurance à l’intention des personnes âgées, des survivants et des invalides peuvent être additionnées aux périodes de résidence au Canada pour contribuer à satisfaire à l’exigence minimale en matière de résidence pour un demandeur. Chaque trimestre de cotisation valide équivaut à trois mois de résidence au Canada, à condition qu’elles ne se superposent pas aux périodes de résidence au Canada. L’article VIII prévoit ce qui suit :

  1. 1) Dans le présent article, le terme « pension » désigne une pension mensuelle aux termes de la Partie I de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.
  2. 2) a) Lorsqu’une personne est admissible à une pension aux termes de l’alinéa 3 1)a) ou b) de la Loi, les dispositions des alinéas 3)a) et b) du présent article touchant la totalisation peuvent être utilisées, au besoin, dans le but d’accumuler les 20 années de résidence requises au Canada pour le paiement d’une pension aux États-Unis. Une pension partielle seulement, calculée conformément à la Loi, sera versée.
  3. b) Lorsqu’une personne est admissible à une pension partielle aux termes du paragraphe 3(1.1) de la Loi, ladite pension peut être versée aux États-Unis à condition que les périodes totalisées conformément aux alinéas 3)a) et b) du présent article, correspondent au moins à 20 ans.
  4. 3) a) Lorsqu’une personne n’est pas admissible à une pension en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, faute de périodes de résidence suffisantes, le droit à une pension peut être déterminé en totalisant les périodes de résidence au Canada depuis le 1er janvier 1952 ou après cette date et après que la personne a atteint l’âge de 18 ans, avec les périodes de couverture, telles que spécifiées à l’alinéa 3)b) du présent article, accomplies en vertu des lois des États-Unis, à condition toutefois qu’une seule période soit comptée lorsque les périodes coïncident.
  5. b) Pour établir le droit à une pension par voie de totalisation, un trimestre de couverture en vertu des lois des États-Unis depuis le 1er janvier 1952 ou après cette date et après qu’une personne a atteint l’âge de 18 ans, sera compté comme trois mois de résidence au Canada.
  6. c) L’organisme du Canada calculera le montant de la pension proportionnelle à raison de 1/40 de la pension complète pour chaque année de résidence au Canada reconnue comme telle à l’alinéa 3)a) du présent article ou considérée comme telle aux termes de l’article VI du présent Accord.
  7. 4) Si la durée totale des périodes de résidence accomplies au Canada, conformément à l’alinéa 3)a) du présent article ou à l’article VI du présent Accord, ne correspond pas à au moins une année, l’organisme du Canada ne versera aucune pension relativement à ces périodes.

[21] Le paragraphe 21(1) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) fait la distinction entre la « résidence » et la « présence » au Canada. Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada, mais une personne est simplement présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.

[22] Le paragraphe 21(4) du Règlement sur la SV prévoit que lorsqu’une personne qui réside au Canada s’absente du Canada, cette absence est réputée ne pas avoir interrompu la résidence ou la présence de cette personne au Canada, pour autant que son absence est temporaire et ne dépasse pas un an, a pour motif la fréquentation d’une école ou d’une université, ou compte parmi les absences mentionnées au paragraphe 21(5) du Règlement sur la SV.

[23] Le paragraphe 21(5.3) du Règlement sur la SV prescrit que lorsque, aux termes d’un accord conclu en vertu du paragraphe 40(1) de la Loi sur la SV, une personne est assujettie aux lois d’un pays étranger, elle est réputée, pour l’application de la Loi sur la SV et du Règlement sur la SV, ne pas être une résidente du Canada.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[24] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[25] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[26] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[27] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[28] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l’affaire. Il s’agit du premier obstacle que les demandeurs doivent franchir, mais il est inférieur à celui auquel ils devront faire face lors de l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, les demandeurs n’ont pas à prouver leur thèse.

Question en litige

[29] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[30] Dans leur demande de permission d’en appeler conjointe, les demandeurs ont présenté les allégations suivantes :

  1. Bien que la membre présidant leur audience les a informés que la division générale est un organisme indépendant qui examinerait la preuve de façon objective, sa décision était subjective et fondée sur des renseignements qui impliquaient que leurs causes soient rejetées. L’issue ne différait pas vraiment de ce qui avait déjà été conclu.
  2. Lorsqu’ils ont présenté leurs demandes initiales, ils respectaient toutes les exigences imposées par la Loi sur la SV. Le défendeur leur a refusé les prestations parce qu’ils n’avaient supposément pas vécu au Canada pendant 10 ans après avoir atteint l’âge de 18 ans, et ce même si la Loi sur la SV établit que la résidence signifie qu’une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada, et qu’une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada. Les demandeurs considèrent être admissibles, au titre du paragraphe 21(5.1) du Règlement sur la SV qui suit :

    Si, aux termes d’un accord conclu en vertu du paragraphe 40(1) de la Loi, une personne résidant dans un pays étranger est assujettie à la Loi, l’absence du Canada de cette personne — ou celle de son époux ou de son conjoint de fait et des personnes à sa charge ou à celle de son époux ou conjoint de fait, s’ils résident avec elle — est réputée, en ce qui concerne l’allocation, ne pas avoir interrompu la résidence ou la présence de l’intéressé au Canada.
  3. Puis, pour certaines catégories, des travailleurs employés ou occupés à l’étranger sont réputés ne pas avoir interrompu leur résidence au Canada. Par exemple, le sous-alinéa 21(5)b)(vi) du Règlement sur la SV exempte les missionnaires membres d’un groupe ou d’un organisme religieux. Monsieur E. T. affirme avoir travaillé aux États-Unis à titre de missionnaire pour l’Église adventiste du septième jour et il a transmis les documents justificatifs suivants à cet égard :
    • Une lettre datée du 16 septembre 2016 de Sylvia Germany, spécialiste en avantages sociaux à l’Université Oakwood, à Harvest, Alabama, dans laquelle il était confirmé que E. T. était employé à l’Université et qu’il détenait une attestation de missionnaire.
    • Des états de service de la Division nord-américaine qui précisaient que l’Université Oakwood avait embauché E. T. de janvier 2002 à janvier 2011.
    • Un certificat d’immatriculation de l’Ontario au nom de E. T., dont juillet 2016 est la date de prise d’effet.

Analyse

Décision subjective

[31] Les demandeurs laissent entendre que la division générale avait déjà pris sa décision avant la tenue de l’audience. Ainsi, les demandeurs allèguent essentiellement qu’ils ont été jugés avec partialité et qu’on leur a donc refusé la possibilité de présenter leur cause lors d’une audience complète et équitable. Il s’agit d’allégations sérieuses, mais un résultat défavorable n’est pas en soi un indice de partialité. En l’absence de preuve précise pour appuyer une crainte raisonnable de partialité, de simples allégations ne suffisent pas pour en faire une cause défendable.

Abstraction de la loi

[32] Pour recevoir une pension partielle de la SV, un demandeur doit avoir résidé au Canada pendant au moins 10 ans, s’il résidait au Canada le jour précédant la date d’agrément de sa demande. Le défendeur a d’abord conclu que les demandeurs n’étaient pas admissibles à recevoir une pension partielle de la SV parce qu’il a déterminé que ceux-ci n’étaient plus des résidents du Canada au moment de la présentation de leur demande. Le défendeur a ensuite révisé cette conclusion et il leur a accordé des pensions partielles de la SV conformément aux dispositions de totalisation prévues à l’article VIII de l’Accord entre le Canada et les États-Unis, ce qui a permis aux demandeurs de réputer leurs périodes de couverture aux États-Unis comme étant des périodes de résidence au Canada, mais dans le seul but de cumuler le minimum de 20 années requises pour être admissibles à recevoir leurs pensions partielles de la SV à l’étranger.

[33] Le paragraphe 3(2) de la Loi sur la SV énonce que pour être admissible, un demandeur doit avoir résidé au Canada pendant au moins 10 ans, mais la « résidence » représente plus que la simple présence physique au Canada. La jurisprudence a établi que la résidence – qu’une personne soit établie au Canada et qu’elle y vive ordinairement – est une question de fait qui pourrait dépendre de plusieurs facteurs. Dans ses décisions, la division générale a jugé que monsieur et madame P. T. ont en fait résidé au Canada pour des périodes totales de 14 et de 17 ans respectivement, après avoir accordé la considération qui convient aux facteurs établis dans les décisions Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Ding et Singer c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 3 et en application de ces facteurs à la preuve accessible, parmi laquelle l’on retrouve le titre de propriété des demandeurs, les documents de leurs déplacements transfrontaliers, leurs antécédents professionnels et leurs cotisations au régime de sécurité sociale des États-Unis. En concluant que monsieur et madame P. T. étaient non-résidents depuis le 31 décembre 1994 et le 25 septembre 1995 respectivement, la division générale agissait selon sa compétence pour soupeser la preuve et déterminer les faits qu’il convient d’admettre ou de rejeter, selon le cas, avant de parvenir à rendre une décision fondée sur son interprétation et sur son analyse des éléments dont elle était saisie. Ainsi, j’estime que ce motif n’a pasune chance raisonnable de succès, puisqu’il découle du fait que la division générale a décidé d’accorder plus ou moins d’importance à certains éléments de preuve d’une façon différente que celle que le demandeur juge adéquate. Dans l’affaire Simpson c. CanadaNote de bas de page 4, la Cour d’appel fédérale a conclu que :

[...] le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

[34] Les demandeurs ont cité le paragraphe 21(5.1) du Règlement sur la SV, mais cette disposition ne confère pas résidence au Canada pour les personnes touchées par l’Accord entre le Canada et les États-Unis, de même que l’Accord en soi ne confère pas ce statut. Les dispositions invoquées autorisent seulement les époux de non-résidents canadiens à bénéficier de la totalisation. Certes, à savoir si les demandeurs avaient été résidents en premier lieu, et quand, si tel était le cas, constituait la question dont la division générale était saisie. Ma révision des décisions de la division générale me convainc que celle-ci a appliqué le droit et considéré un vaste éventail de facteurs, sur le fondement de la preuve présentée, pour établir les périodes de résidence au Canada des demandeurs.

[35] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen d’appel.

Travail missionnaire et nouveaux documents

[36] Les demandeurs ont affirmé que monsieur E. T.  détenait une attestation de missionnaire entre 2001 et 2011, et que cette période est donc admissible comme période de résidence au Canada conformément au sous-alinéa 21(5)b)(vi) du Règlement sur la SV. Ma révision du dossier démontre que les demandeurs n’ont pas réussi à faire montre de cet argument devant la division générale, et qu’ils n’avaient pas précédemment transmis les trois documents justificatifs accompagnant la demande de permission (en fait, la lettre de l’Université Oakwood a été rédigée après que la décision de la division générale ait été rendue). Un appel devant la division d’appel ne représente habituellement pas une occasion de soumettre des éléments de preuve nouveaux ou supplémentaires conformément aux contraintes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, lesquelles ne procurent à la division d’appel aucune autorité pour rendre une décision sur le fond de l’affaire. Une fois qu’une audience a pris fin, très peu de raisons justifieraient de soulever d’autres points ou des points nouveaux. Un demandeur pourrait envisager de présenter à la division générale une demande d’annulation ou de modification de sa décision. Cependant, il faudrait que ce demandeur se conforme aux exigences de l’article 66 de la LMEDS, de même qu’à celles des articles 45 et 46 du Règlement sur le TSS. Non seulement y a-t-il des délais et des exigences stricts à respecter pour obtenir gain de cause dans une demande d’annulation ou de modification, mais aussi faut-il que le demandeur démontre que d’éventuels faits nouveaux sont essentiels et qu’ils n’auraient pas pu être connus au moment de l’audience, malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

[37] Je ne suis pas convaincu que ce moyen a une chance raisonnable de succès en appel.

Conclusion

[38] Puisque les demandeurs n’ont pas présenté de moyens d’appel défendables, je ne peux envisager d’accorder la permission d’après les moyens d’appel allégués.

[39] Par conséquent, les demandes de permission d’en appeler sont rejetées.

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