Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse sollicite la permission d’en appeler d’une décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 17 février 2016 selon laquelle elle n’avait pas interjeté appel de la décision découlant d’une révision rendue par le défendeur le 7 juillet 2014 dans le délai prescrit. La demanderesse a interjeté appel de la décision découlant de la révision le 13 octobre 2015, plus d’un an après que la décision ait été rendue.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Moyens d’appel

[3] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a confirmé cette approche dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300. La demanderesse soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle.

Contexte

[5] Au moment où la division générale traitait son dossier, la demanderesse n’a pas eu la chance de fournir d’observations verbales. Le membre a utilisé l’avis d’appel pour déterminer le moment où la demanderesse a été avisée de la décision découlant de la révision. La demanderesse a déclaré dans son avis d’appel qu’elle a été avisée de la décision découlant de la révision le 7 juillet 2014 et le 12 février 2015. Le membre a jugé qu’il était peu probable que la demanderesse ait reçu la décision sur la révision le même jour où elle a été postée, alors il a « admis d’office que le courrier au Canada est généralement reçu dans les 10 jours », et que la décision découlant de la révision devait donc avoir été communiquée à la demanderesse le 17 juillet 2014.

[6] Le membre a remarqué que la demanderesse avait présenté une demande d’appel incomplète le 6 mai 2015, comme elle avait omis de fournir un numéro de téléphone, un numéro de télécopieur ou une adresse courriel. Le Tribunal a posté une lettre datée du 19 mai 2015 à l’intention de la demanderesse afin de l’aviser qu’il jugeait son appel incomplet et qu’elle devait fournir ses coordonnées. La demanderesse dit ne jamais avoir reçu la lettre datée du 19 mai 2015 envoyée par le Tribunal.

[7] En octobre 2015, l’époux de la demanderesse a communiqué avec le Tribunal pour se renseigner sur le statut de l’appel, et on lui a dit que la demande de permission d’en appeler était incomplète puisque les coordonnées n’avaient pas été fournies. Le temps que la demanderesse apprenne que sa demande était considérée comme incomplète, et avant qu’elle puisse fournir les renseignements manquants, plus d’un an s’était écoulé depuis qu’elle avait été présumée avoir reçu la décision découlant de la révision.

[8] La division générale a fait référence à l’article 52 de la LMEDS et aux articles 23 et 24 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le Tribunal). Selon l’article 52 de la LMEDS, l’appel d’une décision doit être interjeté dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision découlant de la révision. Le paragraphe 52(2) de la LMEDS permet à la division générale de proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel à partir du moment où l’appelant a été avisé de la décision. Les articles 23 et 24 du Règlement sur le Tribunal décrivent comment procéder au dépôt d’un appel. L’alinéa 24(1)g) du Règlement sur le Tribunal prévoit que l’appel doit inclure le nom complet de l’appelant, ses adresses et numéro de téléphone et tout numéro de télécopieur et adresse électronique qu’il possède. Le membre a conclu que, comme la demanderesse avait omis de fournir son numéro de téléphone, sa demande de permission d’en appeler était incomplète et donc non conforme au Règlement sur le Tribunal.

Observations

[9] Les observations de l’appelante décrivent une situation semblable. Elle a confirmé qu’elle a présenté sa demande de permission d’en appeler en mai 2015, mais que son époux avait accidentellement omis d’inscrire son numéro de téléphone. Elle a déclaré que cette omission ne devrait pas faire en sorte que sa demande soit jugée incomplète puis rejetée. La demanderesse soutient que la décision de la division générale représente un cas de harcèlement des aînés et un manquement à un principe de justice naturelle.

Analyse

[10] Bien que la demanderesse conteste la cessation de sa pension de la Sécurité de la vieillesse et de son Supplément de revenu garanti au motif qu’il s’agit de harcèlement envers les aînés, je ne vois pas comment la décision rendue par la division générale vise les aînés en particulier, puisque l’analyse du membre pourrait très bien s’appliquer à tout appel relatif au Régime de pensions du Canada, comme les appels liés aux demandes de prestations d’invalidité.

[11] La demanderesse conteste la décision rendue par la division générale, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle. La justice naturelle vise à s’assurer qu’un demandeur bénéficie d’une occasion juste et raisonnable de présenter sa cause, qu’il bénéficie d’une audience équitable, et que la décision rendue soit impartiale ou exempte d’une apparence ou d’une crainte raisonnable de partialité. Il n’y a aucun indice ni aucune preuve selon lesquels, bien que la division générale ait traité le dossier sans tenir d’audience, elle aurait privé la demanderesse d’une occasion raisonnable et équitable de présenter sa cause, ou qu’elle aurait fait preuve de partialité. Après tout, la demanderesse ne prétend pas que ses observations ou sa position auraient été différentes si une audience avait été tenue.

[12] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès selon le motif que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle.

[13] À part avoir omis de fournir un numéro de téléphone, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler devant le Tribunal qui était conforme aux exigences.

[14] Dans L. N. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 538, j’ai traité une affaire semblable, bien que l’appel dans cette affaire ait été interjeté devant la division d’appel. La demanderesse dans L. N. avait complété sa demande de permission d’en appeler beaucoup plus d’un an après avoir été avisée de la décision découlant de la révision rendue par le tribunal d’appel. La demanderesse avait omis de fournir une copie de la décision découlant de la révision, mais le reste de sa demande était conforme aux exigences. Voici ce que j’ai écrit aux paragraphes 40 et 41 de la décision :

Il est certes souhaitable qu’un demandeur produise une copie de la décision faisant l’objet de la demande, mais l’absence de cette copie ne devrait pas être l’unique motif du rejet d’une demande de permission lorsque le demandeur, à tous autres égards, semble s’être conformé aux exigences de la LMEDS et du Règlement.

Il semble qu’une simple lecture et application du paragraphe 57(1) de la LMEDS et des articles 3, 39 et 40 du Règlement devrait m’amener à rejeter la demande, mais, comme je viens de l’indiquer, il semblerait que cela aboutisse au résultat absurde et injuste qu’une demande soit rejetée du fait de l’absence d’une copie de la décision faisant l’objet de la demande de permission d’en appeler ou pour cause de production tardive d’une copie de cette décision par la demanderesse [mis en évidence par la soussignée].

[15] Dans L. N., j’ai conclu que la demande était inadéquate, mais jugé que je pouvais modifier les dispositions et exigences du Règlement sur le Tribunal en appliquant l’alinéa 3(1)b), s’il existait des « circonstances spéciales ». Dans cette affaire, j’avais conclu que des « circonstances spéciales » justifiaient une modification du Règlement sur le Tribunal ou permettaient d’exempter L. N. d’une partie de son application. J’avais cependant précisé que les « circonstances spéciales » ne devaient pas être définies vaguement, et que je ne croyais pas que la modification des dispositions devrait être utilisée couramment.

[16] Je n’ai pas déterminé s’il existe des « circonstances spéciales » pour justifier la modification du Règlement sur le Tribunal ou exempter la demanderesse d’une partie de son application. Je suis cependant prête à conclure qu’il y a une cause défendable dans le fait que la division générale aurait dû déterminer s’il était approprié d’appliquer l’alinéa 3(1)b) du Règlement sur le Tribunal, et qu’en omettant de le faire, la division générale pourrait avoir commis une erreur. Je ne suggère pas pour autant que le membre aurait nécessairement conclu qu’il existait des « circonstances spéciales » s’il avait tenu compte de l’alinéa 3(1)b) du Règlement sur le Tribunal. Je remarque cependant que la LMEDS est née de dispositions législatives qui confèrent des prestations sociales, ce que la Loi sur la sécurité de la vieillesse représente, et qu’il semblerait aller à l’encontre de telles dispositions législatives si les appels pouvaient aussi facilement être rejetés en raison d’une erreur commise en remplissant le formulaire ou d’une irrégularité technique.

[17] Je présente une dernière remarque sur la question, bien qu’elle n’ait aucune incidence sur le résultat de cette demande. La division générale a conclu que la décision découlant de la révision aurait dû être communiquée à la demanderesse au plus tard le 17 juillet 2014, compte tenu du fait qu’elle a admis d’office que « le courrier au Canada est généralement reçu dans un délai de 10 jours ». Il était inapproprié de la part de la division générale de se fier à sa connaissance d’office de faits qui ne sont pas généralement et largement reconnus. Après tout, il y a une limite à la connaissance d’office, comme il est établi par la Cour suprême du Canada dans R. c. Find, [2001] 1 RCS 863, 2001 CSC 32 et R. c. Spence, [2005] 3 RCS 458, 2005 CSC 71. Au paragraphe 48, McLachlin C.J. a écrit :

[L]e seuil d’application de la connaissance d’office est strict. Un tribunal peut à juste titre prendre connaissance d’office de deux types de faits : (1) les faits qui sont notoires ou généralement admis au point de ne pas être l’objet de débats entre des personnes raisonnables; (2) ceux dont l’existence peut être démontrée immédiatement et fidèlement en ayant recours à des sources facilement accessibles dont l’exactitude est incontestable : R. c. Potts (1982), 1982 CanLII 1751 (ON CA), 66 C.C.C. (2d) 219 (C.A. Ont.); J. Sopinka, S. N. Lederman et A. W. Bryant, The Law of Evidence in Canada (2e éd. 1999), p. 1055.

[18] La présomption selon laquelle le courrier est acheminé dans les 10 jours est raisonnable, mais il ne s’agit pas d’une question qui peut faire l’objet d’une doctrine de « connaissance d'office ».

Conclusion

[19] La demande de permission d’en appeler est accordée. Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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