Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Introduction

[1] L’appelant a présenté une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) et l’intimé a approuvé sa demande pour qu’elle prenne effet en décembre 2014. En janvier 2015, l’intimé a avisé l’appelant que sa pension serait suspendue comme il était incarcéré.

[2] L’appelant a déposé une demande de révision. Dans une lettre datée du 12 mai 2015, l’intimé l’a informé du maintien de sa décision initiale.

[3] Le 24 août 2015, l’appelant a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). Le 1er septembre 2015, le Tribunal a informé l’appelant que des renseignements supplémentaires étaient nécessaires pour compléter son avis d’appel. L’appelant a répondu le 26 octobre 2015, et le Tribunal a traité son appel comme un appel complet, mais tardif. L’appelant a demandé que le Tribunal accueille son appel parce qu’il avait été condamné à tort, n’a pas les moyens d’embaucher un avocat et a besoin de la pension de la SV. Son appel a été déposé auprès du Tribunal après le délai fixé de 90 jours.

[4] Le 21 mars 2016, la division générale a accordé à l’appelant un délai supplémentaire pour interjeter appel. Cependant, elle a avisé l’appelant qu’elle prévoyait de rejeter son appel de façon sommaire en vertu de l’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement). L’appelant a bénéficié d’un délai raisonnable pour présenter des observations, ce qu’il a fait.

[5] Le 30 mai 2016, la division générale a rejeté l’appel de façon sommaire au motif que l’appelant avait été incarcéré et que, pour cette raison, il n’était pas admissible à des prestations de la SV pour les mois où il avait été incarcéré, exclusion faite du premier mois de son incarcération et du mois de sa libération, conformément aux paragraphes 5(3) et 8(2.1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV). La division générale a également noté qu’elle était tenue d’interpréter et d’appliquer les dispositions législatives telles qu’elles sont énoncées dans la Loi sur la SV.

[6] Le 17 août 2016, l’appelant a présenté une demande d’appel à la division d’appel du Tribunal. Dans une lettre datée du 19 août 2016, le Tribunal lui a demandé de parfaire sa demande. L’appelant a fourni des renseignements supplémentaires le 6 septembre 2016, et son appel a alors été considéré comme complet. Ses motifs d’appel peuvent être résumés comme suit :

  1. Il a été condamné à tort et continue de contester sa condamnation.
  2. Les détenus ne sont pas tous des [traduction] « monstres » comme C. O. Il était injuste de lui refuser une pension de la SV simplement parce qu’il était un détenu. Il n’a infligé de dommages corporels à personne.
  3. Il n’a pas les moyens d’embaucher un avocat.
  4. Il a une mère âgée qui a besoin de son aide.
  5. On ne devrait pas lui refuser une pension de la SV sous le couvert d’une règle « générale ». Chaque cas devrait être examiné individuellement.

[7] L’intimé n’a présenté aucune observation à la division générale, mis à part un courriel où il a affirmé ce qui suit : L’intimé n’a aucune observation à présenter comme il est évident qu’il faut rejeter l’appel formé contre la décision de rejet sommaire, comme le paragraphe 5(3) de la Loi sur la SV ne permet pas qu’une pension de la SV soit versée à un appelant durant son incarcération.

[8] Cet appel a été tranché sur la foi du dossier pour les raisons suivantes :

  1. la question soulevée en appel n’est pas complexe;
  2. le membre de la division d’appel a jugé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une autre audience;
  3. l’exigence du Règlement selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[9] La division d’appel doit déterminer si elle doit rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale, ou confirmer, infirmer ou modifier la décision de la division générale.

Droit applicable et analyse

[10] L’appelant interjette appel d’une décision rendue en date du 30 mai 2016, dans laquelle la division générale a rejeté son appel de façon sommaire au motif qu’elle était convaincue que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[11] Il n’est pas nécessaire de demander la permission d’en appeler pour interjeter appel en vertu du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), parce qu’un rejet sommaire de la part de la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit. Comme il n’est pas nécessaire de tenir une autre audience, cet appel dont est saisie la division d’appel sera instruit conformément à l’alinéa 37a) du Règlement.

[12] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[13] L’appelant ne conteste aucune des conclusions de fait tirées par la division générale. Il prétend plutôt qu’il a été condamné à tort, qu’il continue de contester sa condamnation et qu’il ne devrait pas être traité de la même façon que les détenus qui ont infligé des dommages corporels à autrui.

[14] Voici les dispositions pertinentes de la Loi sur la SV :

  1. Le paragraphe 5(3), qui précise qu’il ne peut être versé de pension à une personne assujettie à l’une des peines ci-après à l’égard de toute période pendant laquelle elle est incarcérée, exclusion faite du premier mois :
  2. une peine d’emprisonnement à purger dans un pénitencier en vertu d’une loi fédérale;
  3. si un accord a été conclu avec le gouvernement d’une province en vertu de l’article 41 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, une peine d’emprisonnement de plus de 90 jours à purger dans une prison, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, située dans cette province.
  4. Le paragraphe 8(2.1) et l’article 9.2, qui prévoient la suspension du versement de la pension agréée à une personne durant son incarcération et la reprise de son versement après la libération de ladite personne.

Critère juridique pour un rejet sommaire

[15] Le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS permet à la division générale de rejeter de façon sommaire un appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[16] Conformément au paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[17] En l’espèce, la division générale a correctement énoncé le fondement législatif lui permettant de rejeter l’appel de façon sommaire, en citant le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDSau troisième paragraphe de sa décision.

[18] Toutefois, il ne suffit pas de citer le libellé du paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS sur le rejet sommaire si cette disposition n’est pas ensuite bien appliquée. Après avoir établi le fondement législatif, la division générale doit aussi préciser le critère juridique applicable puis appliquer le droit aux faits.

[19] Au paragraphe 2 de sa décision, la division générale a écrit qu’elle cherchait à savoir [traduction] « si l’appel devrait être rejeté de façon sommaire ».

[20] La division générale n’a pas précisé dans sa décision le critère juridique qu’elle a appliqué pour arriver à la conclusion qu’elle devait rejeter l’appel de façon sommaire.

Décision de la division générale

[21] Même si elle n’a pas précisé le critère juridique qu’elle a appliqué, la division générale a expliqué le fondement d’après lequel elle a rejeté l’appel de façon sommaire :

[traduction]

[13] Conformément à l’article 22 du Règlement, le Tribunal a avisé l’appelant par écrit de son intention de rejeter son appel de façon sommaire et lui a accordé un délai raisonnable pour présenter des observations.

[14] Le Tribunal a été conçu par la législation et, pour cette raison, il ne dispose que des pouvoirs qui lui sont conférés par sa loi habilitante. Le Tribunal doit interpréter et appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans la Loi sur la SV.

[15] D’après la preuve au dossier, comme l’appelant est incarcéré, le Tribunal conclut qu’il n’est pas admissible à une pension de la SV pendant les mois de son incarcération, exclusion faite du premier mois de son incarcération et du mois de sa libération, conformément aux paragraphes 5(3) et 8(2.1) de la Loi sur la SV.

[16] De plus, le versement de la pension de la SV de l’appelant, qui a été suspendu en vertu du paragraphe 5(3) de la Loi sur la SV, devra reprendre à l’égard du mois pendant lequel il est libéré, mais il ne peut reprendre avant que celui-ci n’avise le ministre par écrit de sa libération avant ou après celle-ci, aux termes de l’article 9.2 de la Loi sur la SV.

[17] Le Tribunal conclut donc que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[22] Comme le membre de la division générale n’a pas précisé le critère juridique applicable à un rejet sommaire et n’a pas appliqué ce critère aux faits de l’affaire, la décision de la division générale est fondée sur une erreur de droit.

[23] Le critère juridique applicable à un rejet sommaire est la première question à laquelle il faut répondre. C’est par la suite qu’il faut déterminer si l’intimé a commis, dans sa décision, une erreur de droit (ou un autre type d’erreur) relativement aux questions précises.

[24] Comme une erreur de droit a été commise à l’égard de la question préliminaire concernant le critère juridique applicable à un rejet sommaire, la division d’appel doit maintenant effectuer sa propre analyse et déterminer si elle doit rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale, ou confirmer, infirmer ou modifier la décision : Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 RCS 235, 2002 CSC 33 (au paragraphe 8), et paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS.

Critère juridique à appliquer pour un rejet sommaire

[25] Même si la division générale a commis une erreur du fait qu’elle n’a ni précisé ni appliqué le critère juridique applicable, les paragraphes 13 à 17 de sa décision sont justes, et je suis d’accord avec les conclusions qui y figurent.

[26] Bien que l’expression « aucune chance raisonnable de succès » n’ait pas davantage été définie dans la Loi sur le MEDS aux fins de l’interprétation du paragraphe 53(1) de cette loi, le Tribunal souligne que ce concept est utilisé dans d’autres domaines du droit et qu’il a fait l’objet de décisions antérieures de la division d’appel.

[27] Il semble exister trois catégories de jurisprudence quant aux décisions précédemment rendues par la division d’appel relativement à des rejets sommaires de la division générale :

  1. AD-13-825 (J.S. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 715), AD-14-131 (C.D. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 594), AD-14-310 (M.C. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 237), et AD-15-74 (J.C. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 596). Le critère juridique suivant a été appliqué : est-il évident et manifeste, sur la foi du dossier, que l’appel est voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être produits à l’audience? Ce critère a été énoncé par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Lessard-Gauvin c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 147, Sellathurai c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CAF 1, et Breslaw c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 264.
  2. AD-15-236 (C.S. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 974), AD-15-297 (A.P. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 973), et AD-15-401 (A.A. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 1178). La division d’appel a appliqué un critère juridique formulé autrement : existe-t-il une « question donnant matière à procès » et un fondement quelconque à la revendication, distinguant les causes qu’elle qualifie de « sans aucun espoir » et de « faibles » pour déterminer s’il convient de rejeter un appel de façon sommaire. Si l’appel repose sur une trame factuelle suffisante et que son issue n’est pas « manifeste », il n’y a pas lieu de procéder à un rejet sommaire. Il ne conviendrait pas non plus de rejeter de façon sommaire un appel dont le fondement est faible, car un tel appel suppose forcément d’évaluer le fond de l’affaire, et d’examiner et d’apprécier la preuve produite.
  3. AD-15-216 (K.B. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 929). La division d’appel n’a pas formulé un critère juridique et a seulement cité le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS.

[28] J’estime que l’application des deux critères énoncés au paragraphe 27 de la présente décision mène au même résultat en l’espèce : l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il est clair et évident sur la foi du dossier que l’appel est voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l’audience. Il est également évident que cette affaire n’est pas une affaire « au fondement faible », mais bien une affaire « sans aucun espoir », puisqu’elle ne suppose pas d’évaluer le fond du litige ou d’examiner la preuve.

[29] Ni la division générale ni la division d’appel du Tribunal ne peuvent altérer les critères d’admissibilité prévus par la Loi sur la SV, peu importe la situation.

[30] L’appelant prétend principalement qu’il est injuste que sa pension de la SV ait été suspendue en raison de son incarcération, comme il affirme qu’il n’a jamais infligé de dommages corporels à qui que ce soit et qu’il a été condamné à tort.

[31] L’effet de l’article 5(3) de la Loi sur la SV est déterminant en l’espèce. Pour que cet appel puisse avoir une chance raisonnable de succès (ou toute chance de succès), l’appelant devrait pouvoir prouver qu’il ne purge pas une peine d’emprisonnement dans un pénitencier en vertu d’une loi fédérale et qu’il ne purge pas une peine d’emprisonnement de plus de 90 jours.

[32] Il est évident d’après le dossier que l’appelant a été incarcéré dans un pénitencier fédéral après avoir été condamné à l’emprisonnement. L’appelant ne conteste pas ces faits.

[33] Après avoir examiné l’avis d’appel, les observations de l’appelant, le dossier et la décision de la division générale et les décisions précédemment rendues par la division d’appel relativement à des rejets sommaires, et après avoir appliqué le critère juridique applicable à un rejet sommaire, je rejette cet appel.

Conclusion

[34] L’appel est rejeté.

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