Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Introduction

[1] Le 4 avril 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu que [traduction] « la preuve ne démontr[ait] pas que l’appelante a[vait] résidé au Canada après juin 1997 conformément à l’alinéa 21(1)a) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et [qu’]elle n’[était] donc pas admissible à une allocation pour la période allant de janvier 1988 à août 2001, au SRG [supplément de revenu garanti] pour la période de septembre 2001 à février 2012, ni à une pension complète de la SV [sécurité de la vieillesse] de septembre 2001 à mars 2014, mais uniquement à une pension partielle à raison de 26/40. »

[2] La demanderesse a déposé une lettre dactylographiée, laquelle a été traitée comme une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal, le 26 juin 2016. Des pièces justificatives accompagnaient la demande.

[3] Le 4 juillet 2016, le Tribunal a demandé à la demanderesse de fournir des renseignements supplémentaires, puisque sa demande était incomplète.

[4] La demanderesse a soumis des renseignements supplémentaires le 25 juillet 2016.

Question en litige

[5] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[6] Conformément aux paragraphes 57(1) et (2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision qu’il entend contester. En outre, « [l]a division d’appel peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler. »

[7] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission. »

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[9] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[10] Les motifs d’appel de la demanderesse peuvent être résumés comme suit :

  1. La division générale ne lui a pas donné l’occasion de prouver chacun des six facteurs de Ding (voir Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Ding, 2005 CF 76).
  2. Il existe des renseignements relatifs aux six facteurs de la cause Ding qui pourrait modifier la décision, dont :
    1. propriété au Québec;
    2. abonnement à un club de ski;
    3. cotisations et déclarations de revenus (toutes deux provinciales et fédérales), permis de conduire, passeport canadien;
    4. de 1970 à 2011, elle n’était jamais à l’étranger pendant plus de six mois; depuis 2011, elle vit en Hongrie et visite chaque année le Canada pendant plusieurs semaines, [traduction] « résidence de fait »;
    5. fils qui vit au Canada, fille élevée au Canada et vivant en Hongrie, et autres membres de la famille au Canada (vivants ou décédés).
  3. La division générale a ignoré son [traduction] « statut de résident de fait » et n’a pas reconnu qu’elle était propriétaire au Québec.
  4. La division générale n’a pas tenu compte de sa preuve. Une pension complète de la SV avait été approuvée d’après les règlements applicables aux personnes qui étaient arrivées au Canada avant 1977. Il y avait eu des changements après cette date qui avaient influencé la façon dont son dossier avait été traité. Elle refuse de rembourser les écarts qui découlent d’erreurs et de modifications dont le Bureau de la SV est responsable.

Analyse

[11] La demanderesse a présenté une demande pour obtenir une allocation de conjoint (allocation) en septembre 1995, et une demande de pension de la SV en février 2001. On lui a accordé l’allocation, une pension complète de la SV prenant effet en date de décembre 2011 et un SRG. Après avoir mené une enquête, le défendeur a conclu que l’appelante n’était plus une résidente du Canada depuis juin 1997 et qu’elle n’était donc plus admissible au SRG pour la période allant de janvier 1998 à mars 2014. Le nombre d’années de résidence utilisé pour sa pension de la SV s’en est trouvé diminué, réduisant sa pension complète à une pension partielle et donnant lieu à un trop-perçu de prestations, qui devaient être remboursées.

[12] La demanderesse a demandé une révision de cette décision. Le défendeur a maintenu sa décision après révision au motif que la demanderesse n’était pas considérée comme résidente canadienne après le 30 juin 1997.

[13] La demanderesse a interjeté appel de cette décision auprès devant la division générale du Tribunal. Cet appel a été joint à l’appel formé par son époux (GP-14-2517) pour qu’ils soient entendus conjointement. La division générale a statué sur l’appel après avoir tenu une audience par téléconférence. Le défendeur n’a pas participé à l’audience, mais a déposé des observations écrites.

[14] La question que devait trancher la division générale était de savoir si la demanderesse était admissible à une allocation, à des prestations du SRG, et à une pension complète ou partielle de la SV après juin 1997.

[15] La division générale a examiné la preuve et les observations des parties. Elle a rendu une décision écrite compréhensible, suffisamment détaillée et fondée sur des explications logiques. La division générale a apprécié la preuve et a fourni les motifs de son analyse de la preuve et du droit. Ce sont là les rôles de la division générale.

[16] Dans la demande soumise à la division d’appel et les documents qui l’accompagnaient, la demanderesse soutient qu’elle était toujours résidente du Canada après juin 1997 et, par conséquent, qu’aucune prestation ne lui avait été versée en trop.

[17] La division générale a énoncé le bon fondement législatif et les bons critères juridiques. Elle a conclu que, depuis 1997, la demanderesse avait des liens plus forts à l’étranger qu’au Canada. Elle a présenté la preuve produite et ayant trait à ses liens avec le Canada et à ses liens à l’étranger. La division générale n’a pas été convaincue que la preuve démontrait que la demanderesse avait résidé au Canada après juin 1997.

[18] Dans sa demande, la demanderesse réitère principalement les observations qu’elle avait présentées à la division générale (voulant qu’elle était demeurée une résidente du Canada jusqu’en septembre 2011). La décision de la division générale fait mention des arguments présentés ci-dessus, aux paragraphes 10 b) 3 à 5.

[19] La demanderesse souhaite également présenter pour la première fois un document daté de 1987 et de 1992 (une débenture du Club de ski autrichien de X) pour prouver qu’elle était membre du Club de ski autrichien de X. Elle a également soumis des copies de différentes cartes, et elle affirme posséder une propriété à X, au Québec, depuis 1987.

[20] Une nouvelle preuve ne constitue pas un moyen d’appel conformément à l’article 58 de laLoi sur le MEDS. La débenture du Club de ski autrichien de X ne figure pas au dossier d’appel, même si elle est datée de 1987 et de 1992. La propriété située à X a été mentionnée dans le dossier d’appel de l’époux de la demanderesse (GD3-34, une lettre de l’époux de la demanderesse à l’attention du défendeur, remontant à mars 2013), précisant qu’ils étaient [traduction] « copropriétaires de la propriété », mais la demanderesse n’a produit aucun document relatif à cette propriété. Dans la demande, la demanderesse affirme que la division générale [traduction] « n’a pas reconnu […] le fait qu’elle avait une propriété […] à X, Québec ». J’aimerais souligner que, durant l’entrevue menée par le défendeur en août 2012, la demanderesse avait répondu « non » quand on lui avait demandé si elle possédait quoi que ce soit au Canada. Pour ce qui est de la débenture du club de ski, le document avait été délivré en 1987 à un individu dont le nom est indéchiffrable; elle semble avoir été rachetée par la demanderesse en 1992.

[21] Il incombait à la demanderesse de soumettre tous les éléments de preuve dont elle disposait au défendeur et à la division générale avant l’audience ou durant celle-ci. À ce stade de l’instance, aucun nouvel élément de preuve n’est habituellement accepté. De toute manière, le fait d’avoir été « copropriétaire » d’une propriété en 1989, et pour une période non spécifiée, ou d’avoir été membre d’un club social à X en 1897 ou en 1992 ne pourrait rien changer à la conclusion de la division générale relativement à la résidence de la demanderesse en 1997.

[22] Pour ce qui est des facteurs de la cause Ding, la division générale les a, en fait, évalués au paragraphe 23 de sa décision. Le [traduction] « statut de résident de fait » y est explicitement mentionné, et la division générale a conclu qu’il ne s’appliquait pas aux cas de pensions de la SV.

[23] La demanderesse fait valoir qu’une pension complète de la SV avait été approuvée d’après les règlements applicables aux personnes arrivées au Canada avant 1977, et que le défendeur ne peut pas, après avoir approuvé sa pension, changer la façon dont son dossier avait été traité. Les différentes demandes de prestations de la demanderesse avaient été examinées et approuvées conformément à la loi, telle qu’elle était au moment de la présentation de ces demandes. La pension complète de la demanderesse avait été transformée en pension partielle parce qu’il avait été déterminé que la demanderesse n’avait pas résidé au Canada après juin 1997, et non en raison d’une mauvaise application de la loi en ce qui concerne les personnes arrivées au Canada avant 1997. Aux paragraphes 3, 19 et 24 de sa décision, la division générale fait référence aux dispositions concernant les personnes arrivées au Canada avant 1997. La division générale a tenu compte du fait que la demanderesse était arrivée au Canada avant 1977.

[24] La demanderesse prétend que la division générale [traduction] « ne [lui] a pas donné une chance de répondre aux six questions de Ding et de les prouver » et qu’elle [traduction] « a ignoré [s]on explication ». Dans la mesure où ces déclarations sont des allégations voulant qu’elle ait été privée du droit de présenter pleinement sa cause, je vais brièvement aborder la question de la justice naturelle.

[25] Tout appelant a droit à une audience équitable où il a pleinement l’occasion de présenter son cas à un décideur impartial : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1999) 2 RCS 817, aux par. 21 et 22. Dans Arthur c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 223, la Cour d’appel fédérale a statué qu’une allégation de préjugé ou de partialité est une allégation sérieuse. Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d’un demandeur. Elle doit être étayée par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme. L’obligation d’agir équitablement comporte deux volets : le droit d’être entendu et le droit à une audition impartiale.

[26] Même si l’on acceptait d’emblée les arguments de la demanderesse, la preuve ne permet pas de conclure que la division générale ne lui ait pas donné une occasion suffisante d’être entendue, ou que la division générale ait été partiale ou influencée par des préjugés. S’il se peut que la demanderesse ait pensé à d’autres arguments qu’elle aurait aimé faire valoir depuis l’audience devant la division générale, la preuve ne révèle pas que le comportement de la division générale dérogeait aux normes relatives au droit d’être entendu et au droit à une audition impartiale.

[27] Une fois qu’elle accorde la permission d’en appeler, la division d’appel a pour rôle de déterminer si la division générale a commis l’une des erreurs susceptibles de révision prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et, si tel est le cas, d’accorder réparation pour cette erreur. En l’absence d’une telle erreur, la loi ne permet pas à la division d’appel d’intervenir. Le rôle de la division d’appel n’est pas de reprendre de novo l’instruction de l’affaire. Dans ce contexte, la division d’appel doit déterminer, au stade de la demande de permission d’en appeler, si l’appel a une chance raisonnable de succès.

[28] J’ai lu et examiné minutieusement la décision de la division générale ainsi que le dossier. Rien ne permet de croire que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle ou qu’elle ait autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence en rendant sa décision. La demanderesse n’a soulevé aucune erreur de droit que la division générale aurait commise et aucune conclusion de fait erronée qu’elle aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, en rendant sa décision.

[29] Je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[30] La demande est rejetée.

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