Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur désire interjeter appel à l’encontre de la décision de la division générale datée du 8 mai 2016, laquelle jugeait que la suspension de sa pension de la sécurité de la vieillesse alors qu’il était incarcéré ne contrevenait pas à ses droits constitutionnels en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).

[2] Le demandeur soutient que la division générale n’a pas bien compris la nature de son appel et a par conséquent omis d’aborder la question principale qu’il avait soulevée, c’est-à-dire que le paragraphe 5(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. (1985), ch. O-9, ne s’applique pas de façon rétrospective aux personnes comme lui qui avaient déjà reçu leur peine quand le paragraphe est entré en vigueur. Autrement, il ne conteste pas les autres fondements constitutionnels sur lesquels la division générale s’est appuyée pour rejeter son appel.

Contexte factuel

[3] Les faits suivants sont pertinents aux fins de la présente demande :

  1. Le demandeur est né en septembre 1946.
  2. Le demandeur a été reconnu coupable d’une fraude de plus de 5 000 $ et a commencé à purger sa peine le 2 octobre 2008. Après une période de semi-liberté, il a été incarcéré de nouveau le 14 janvier 2010 (GT1-16 et 17).
  3. L’article 3 de la Loi supprimant le droit des prisonniers à certaines prestations, L.C. 2010, ch. 22, modifiait l’article 5 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse par l’ajout du paragraphe (3). La Loi supprimant le droit des prisonniers à certaines prestations a reçu la sanction royale le 15 décembre 2010.
  4. Le demandeur a présenté une demande de pension de la sécurité de la vieillesse et de supplément de revenu garanti en janvier 2011. Il a atteint 65 ans en septembre 2011, ce qui le rendait admissible à la pension de la sécurité de la vieillesse. La pension lui a été versée à compter d’octobre 2011.
  5. En janvier 2012, le défendeur a appris que le demandeur était incarcéré. Il a déterminé que le paragraphe 5(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse était applicable, ce qui a entraîné la suspension du versement de la pension de la sécurité de la vieillesse à compter d’octobre 2011, et un trop-payé en a découlé.
  6. Le demandeur a demandé une révision de la suspension de sa pension de la sécurité de la vieillesse. Le défendeur a maintenu sa décision de suspendre les prestations, et un appel à la division général s’en est ensuivi. Le demandeur a déposé un avis d’appel et soulevait des questions constitutionnelles. Il alléguait que le paragraphe 5(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse violait ses droits conférés par l’article 7 et par l’alinéa 11h) de la Charte.
  7. Le demandeur a été libéré d’office en février 2013 et le défendeur a rétabli sa pension. Toutefois, sa pension a été suspendue à nouveau en juillet 2013 quand sa libération a été annulée. Il a été incarcéré jusqu’au 1er octobre 2014 (GT20-2).
  8. Le demandeur a poursuivi avec cet appel devant la division générale les 26 et 27 janvier 2016. Les observations finales du demandeur, datées du 25 juillet 2015, se trouvent à GT34, et sa liste de précédents, datée du 29 décembre 2015, se trouve à GT50.
  9. La division générale a rejeté l’appel le 8 mai 2016, et le demandeur interjette maintenant appel à l’encontre de la décision de la division générale.

[4] L’article 3 de la Loi supprimant le droit des prisonniers à certaines prestations modifiait le paragraphe 5(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse par l’ajout de ce qui suit :

Personnes incarcérées

(3) Il ne peut être versé de pension à une personne assujettie à l’une des peines ci-après à l’égard de toute période pendant laquelle elle est incarcérée, exclusion faite du premier mois :

a) une peine d’emprisonnement à purger dans un pénitencier en vertu d’une loi fédérale;

b) si un accord a été conclu avec le gouvernement d’une province en vertu de l’article 41 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, une peine d’emprisonnement de plus de quatre-vingt-dix jours à purger dans une prison, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, située dans cette province.

Question en litige

[5] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Moyens d’appel

[6]Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur en vertu de chacun de ces moyens d’appel.

[8] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs pour en appeler se rattachent au moins à l’un des moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a confirmé cette approche dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[9] Le demandeur soutient que la division générale [traduction] « n’était pas consciente de la question d’un effet prospectif ou rétrospectif quant à l’article contesté de la [Loi sur la sécurité de la vieillesse] ou il a pris les mesures nécessaires pour faire gagner le gouvernement ». Le demandeur soutient que plusieurs documents, incluant des fondements juridiques, faisaient montre de la doctrine par rapport au caractère rétrospectif, ce que le membre a omis de mentionner dans sa décision. Il est d’avis que le paragraphe 5(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse ne s’appliquait pas à lui en octobre 2011 (ou en octobre 2013, quand sa libération a été annulée), car la législation est entrée en vigueur après qu’il ait reçu sa peine.

[10] Dès le début de l’audience devant la division générale, le demandeur a présenté une demande préliminaire pour un jugement sommaire en sa faveur. La division générale a présenté les arguments du demandeur au soutien de cette demande. Le membre a écrit que le demandeur faisait valoir qu’un jugement sommaire devait être prononcé en sa faveur « au motif que le paragraphe 5(3) de la LSV ne s’applique pas à lui rétroactivement », indépendamment d’allégations quelconques de violation de la Charte. La division générale était certainement consciente de la question, mais a jugé qu’il s’agissait d’une base inappropriée pour un jugement sommaire, car elle a déterminé que les arguments du demandeur par rapport au caractère rétrospectif étaient étroitement liés aux arguments concernant la Charte, et qu’on devrait l’entendre dans ce contexte. De plus, la division générale a déterminé qu’elle n’avait pas compétence pour examiner la question du caractère rétrospectif indépendamment de quelconques considérations relatives à la Charte, conformément à l’article 20 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement). Au paragraphe 18 de sa décision, la division générale a écrit : « Le Tribunal peut se prononcer sur la validité, l’applicabilité ou l’effet du paragraphe 5(3) de la [Loi sur la sécurité de la vieillesse], mais seulement dans le contexte d’une question constitutionnelle correctement présentée. L’article 20 du Règlement sur le Tribunal, qui se trouve sous la rubrique Question constitutionnelle du Règlement, l’énonce clairement. »

[11] Or, l’article 20 du Règlement ne fait pas état de la portée d’application du pouvoir du Tribunal de la sécurité sociale, contrairement au paragraphe 64(1) de la LMEDS qui accorde au Tribunal le pouvoir de trancher toute question de droit ou de fait pour statuer sur toute demande présentée en vertu de la LMEDS.

[12] Le défendeur concède que la cause pourrait être défendable, c’est-à-dire que l’appel pourrait avoir une chance raisonnable de succès si le demandeur indiquait une question qui n’aurait pas été abordée par la division générale : Canada (Procureur général) c. Carroll, 2011 CF 1092, au paragraphe 14, Canada (Procureur général) c. Zakaria, 2011 CF 136, du paragraphe 36 à 38. Le défendeur soutient toutefois, en l’espèce, que la division générale n’a pas erré. Le défendeur soutient que, puisque le demandeur a contesté la constitutionnalité du paragraphe 5(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, la division générale ne peut pas simplement ignorer la contestation constitutionnelle et plutôt tenir compte d’autres arguments du demandeur sur le fait que le paragraphe n’est pas applicable pour lui. Le défendeur soutient de plus que le seul moyen permettant à un demandeur de contester l’une des dispositions d’une loi appliquée par le Tribunal de la sécurité sociale, comme la Loi sur la sécurité de la vieillesse, est par la contestation constitutionnelle.

[13] Cela étant dit, le défendeur souligne que la division générale a en effet tenu compte des observations du demandeur par rapport à la rétroactivité dans le contexte d’une contestation constitutionnelle. Au paragraphe 76 de sa décision, la division générale a écrit que le paragraphe « a un caractère prospectif. Il n’a pas d’effet rétrospectif. Il n’a pas d’effet sur le passé; il n’affecte pas la capacité [du demandeur] d’être admissible aux prestations. Il porte plutôt sur la période à laquelle le paiement aura lieu. » Le défendeur souligne de plus que la division générale, au paragraphe 85, a rejeté l’affirmation du demandeur concernant le fait que son attente à l’égard des prestations de la sécurité de la vieillesse pendant qu’il était incarcéré avait été frustrée, car elle a jugé que le paragraphe est entré en vigueur en janvier 2011, avant que le demandeur ne devienne admissible à des prestations en octobre 2011.

[14] Je suis d’accord avec les conclusions de la division générale sur le fait que le paragraphe 5(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse n’est aucunement applicable de façon rétroactive. Je ne constate aucune preuve faisant montre que le paragraphe 5(3) aurait été appliqué de façon rétroactive dans la cause du demandeur. Si le défendeur avait appliqué ce paragraphe de façon rétroactive, tout versement de pension fait avant janvier 2011 (moment où le paragraphe est entré en vigueur) aurait été suspendu. Pourtant, une telle situation n’aurait pu être possible, puisque le demandeur est devenu admissible à une pension de la sécurité de la vieillesse en octobre 2011 seulement, bien après l’entrée en vigueur du paragraphe 5(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

[15] Cependant, le demandeur soutient que le paragraphe n’est pas applicable dans son cas, parce qu’il n’est pas rétrospectif et qu’il est entré en vigueur quand il avait déjà reçu sa peine (et donc il était déjà incarcéré).

[16] Dans ses observations écrites « finales » présentées à la division générale (GT34), le demandeur a qualifié la question de rétroactivité comme une implication d’affaire de « double péril » dans le contexte de la Charte. Il a écrit [traduction] :

12. . . . La Cour [dans l’arrêt Whaling] a jugé que les changements rétrospectifs aux affaires liées à une peine pourraient représenter une peine qui va à l’encontre de l’alinéa 11h) de la Charte.

13. Le double péril s’applique aux peines imposées après le prononcé d’une peine (voir Cour d’appel de la Colombie-Britannique, 2012 BCCA 435, juges [sic] Levine, D. Smith et Groberman).

14. À mon humble avis, les décisions récentes de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique ont repoussé les limites du concept de la « peine », puisque les deux cours ont revisité les principes qui définissaient l’étendue de l’alinéa 11h). Les deux cours se sont prononcées contre les changements rétrospectifs liés à des affaires concernant une peine.

[17] Dans sa lettre datée du 29 décembre 2015, le demandeur a écrit [traduction] : « L’article contesté de la Loi sur la sécurité de la vieillesse ne s’applique pas de façon rétrospective. Il s’agit de l’essentiel de cet appel. » Le demandeur a ensuite énuméré plusieurs précédents qui, selon lui, concernaient la question du caractère rétrospectif.

[18] Le demandeur s’est appuyé sur la décision Matejka (Re), 1984 CanLII 755 (BCCA), où au paragraphe 10, le juge MacFarlane a revu l’article de E.A. Driedger, c.r., « Statutes : Retroactive Retrospective Reflections » (Lois : considérations rétrospectives rétroactives) (1978), 56 Revue du Barreau canadien 264, des pages 268 à 269. Il est pertinent de reproduire le résumé de E.A. Driedger quant à la différence entre les dispositions rétroactives et rétrospectives [traduction] :

Une loi rétroactive est une loi dont l’application s’applique à une époque antérieure à son adoption. Une loi rétrospective ne dispose qu’à l’égard de l’avenir. Elle vise l’avenir, mais elle impose de nouvelles conséquences à l’égard d’événements passés. Une loi rétroactive agit à l’égard du passé. Une loi rétrospective agit pour l’avenir, mais elle jette aussi un regard vers le passé en ce sens qu’elle attache de nouvelles conséquences à l’avenir à l’égard d’un événement qui a eu lieu avant l’adoption de la loi. Une loi rétroactive modifie la loi par rapport à ce qu’elle était; une loi rétrospective rend la loi différente de ce qu’elle serait autrement à l’égard d’un événement antérieur.

. . .

À l’égard de l’effet rétrospectif, la question est la suivante : y a-t-il un élément dans la loi qui indique que les conséquences d’un événement antérieur sont modifiées, non pas pour la période précédant son adoption, mais à l’avenir, depuis le moment de son adoption, ou depuis le moment de son introduction s’il fallait que ce soit plus tard.

[19] La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a déterminé que les dispositions législatives en cause devaient avoir un effet rétrospectif, [traduction], « il doit être clair, selon les termes ou par déduction nécessaire, que l’adoption avait pour objectif de « créer une nouvelle obligation, ou d’imposer une nouvelle obligation, ou d’attacher une nouvelle faiblesse à l’égard des affaires ou des considérations déjà expirées. »

[20] Le demandeur s’est également appuyé sur l’arrêt R. c. Clarke, [2014] 1 RCS 612, dans lequel la juge Abella, au nom de la Cour, a écrit dans le contexte de la loi sur les peines :

[10] Il est vrai qu’une disposition nouvelle sur la détermination de la peine devrait être présumée ne pas s’appliquer rétrospectivement (R. c. Dineley, 2012 CSC 58 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 272). La présomption peut cependant être écartée par une manifestation claire de l’intention du législateur de conférer un effet rétrospectif à la disposition. Dans Dineley, la juge Deschamps dit de l’exigence de la clarté qu’elle assure

le caractère exceptionnel des mesures législatives applicables rétrospectivement. [...] Ainsi, une nouvelle mesure législative qui porte atteinte à de tels droits est présumée n’avoir d’effet que pour l’avenir, à moins qu’il soit possible de discerner une intention claire du législateur qu’elle s’applique rétrospectivement... [par. 10]

[21] Le demandeur s’est également appuyé sur la décision Thibault Estate (Re), 2009 NSSC 4. Dans cette décision, le tribunal successoral de la Nouvelle-Écosse a cité la décision Muise v. Nouvelle-Écosse (Commission d’indemnisation des accidentés du travail), 1998 CanLII 2307 (NS CA), [1998] NSJ 182 (QL), laquelle avait revu les principes d’interprétation des lois à l’égard de l’application rétrospective d’une modification législative. La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a cité de façon généralisée Gustavson Drilling (1964) ltée c. Le ministre du Revenu national, [1997] 1 RCS 271, aux pages 279 et 282.

[22] Le demandeur a souligné que la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a cité Gustavson à nouveau dans la décision Hayward v. Hayward, 2011 NSCA 118. La lettre du demandeur du 29 décembre 2015 démontre qu’il s’est fondé sur les paragraphes 20, 22, 23, 24, 47, 49 et 151 de la décision Hayward. Au paragraphe 22, la Cour a aussi cité R. v. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1991] N.S.J. no 169, soulignant que la Cour avait tenu compte de la jurisprudence et des publications académiques par rapport à l’effet rétrospectif. La Cour a écrit [traduction] :

[54] ... Le Professeur Driedger a établi dans son article « Statutes : Retroactive – Retrospective Reflections » (Lois : considérations rétrospectives rétroactives) (1978), 56 Revue du Barreau canadien 264, à la page 264 :

« L’un des problèmes les plus complexes dans le processus d’interprétation des lois concerne l’application d’une présomption à l’égard de l’effet rétrospectif des dispositions législatives. »

[55] Le professeur Driedger fait la distinction entre une disposition qui s’applique rétroactivement et une disposition qui s’applique rétrospectivement. Dans son texte « Construction of Statutes » (Rédaction de lois) (deuxième édition, Butterworths, 1983), il explique la distinction à la page 186 :

« Une loi rétroactive est une loi qui agit à l’égard du passé, à savoir qu’elle s’applique à une époque antérieure à son adoption. La loi en est différente de ce qu’elle était pendant la période précédant son adoption. Une loi devient rétroactive de deux façons : soit il est énoncé qu’elle doit être réputée être entrée en vigueur à un moment qui précède son adoption, soit il est formulé qu’elle s’applique aux affaires d’une période antérieure, par exemple, la loi d’indemnisation qui est abordée dans la décision Phillips c. Eyre. Une loi rétroactive peut être identifiée aisément, parce qu’elle doit comporter une disposition qui modifie la loi à l’égard d’une période qui précède son adoption. [...]

“Une loi rétrospective, cependant, modifie la loi à l’égard de l’avenir seulement, mais elle jette un regard vers le passé et attache de nouvelles conséquences à l’égard d’une affaire complétée. [...] Une loi rétrospective agit à l’égard du passé dans le sens qu’elle reprend une affaire complétée et en modifie les conséquences, bien que le changement ne soit applicable que pour l’avenir.

[...]

[56] À la page 197, le professeur Driedger commente que la présomption à l’égard de l’effet rétroactif s’applique aux deux types de lois, mais que le critère pour déterminer l’effet rétroactif ou rétrospectif est différent.

‘À l’égard de la rétroactivité, la question est la suivante : y a-t-il un élément dans la loi qui indique qu’elle doit être réputée applicable à la période précédant son adoption? À l’égard de l’effet rétrospectif, la question est la suivante : y a-t-il un élément dans la loi qui indique que les conséquences d’un événement antérieur sont modifiées, non pas pour la période précédant son adoption, mais à l’avenir, depuis le moment de son adoption, ou depuis le moment de son introduction s’il fallait que ce soit plus tard?

‘Ce ne sont pas toutes les lois rétrospectives qui commandent la présomption; seulement celles qui, pour reprendre les mots de Sedgwick, ont pour objet de

‘créer une nouvelle obligation, ou d’imposer une nouvelle obligation, ou d’attacher une nouvelle faiblesse à l’égard des affaires ou des considérations déjà expirées.’

‘En résumé, la présomption est applicable aux lois préjudiciables, non aux lois bénéfiques. Par conséquent, il existe trois types de lois qui peuvent être dites rétrospectives, mais une seule commande la présomption. Premièrement, il y a les lois qui prévoient des conséquences bienveillantes à un événement antérieur, mais elles ne commandent pas la présomption. Deuxièmement, il y a celles qui prévoient des conséquences préjudiciables à un événement antérieur, elles commandent la présomption. Troisièmement, il y a celles qui imposent une pénalité à une personne décrite en référence à un événement antérieur, mais la pénalité n’est pas prévue comme une sanction liée à l’événement; celles-ci ne commandent pas la présomption.’ [Mis en évidence dans l’original]

[23] Bien que les observations écrites finales du demandeur (GT34) n’aient pas complètement démontré sa position à l’encontre de l’application rétrospective du paragraphe 5(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, il est évident, selon la lettre datée du 29 décembre 2015 et de la liste de précédents du demandeur, que son appel avait évolué, au point qu’il a indiqué que ‘l’essentiel de [son] appel’ concernait la question du paragraphe 5(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse en application rétrospective.

[24] La division générale a souligné que le demandeur avait cité de nombreux fondements juridiques et elle a présenté la position de celui-ci par rapport à cette question aux paragraphes 69 et 70. Le membre a écrit :

[70] De plus, il a fait valoir que le paragraphe 5(3) ne devrait pas s’appliquer à son cas en raison de la présomption de non-rétroactivité de la loi vu l’absence de l’expression claire de l’intention du législateur. En l’absence d’un effet rétrospectif explicite, les dispositions législatives ont un effet prospectif seulement. Il a soutenu que le paragraphe 5(3) ne respecte pas ces principes parce qu’il n’indique pas expressément qu’il s’appliquera rétroactivement aux périodes précédant le mois de décembre 2010 (plus précisément lorsque sa peine a été prononcée en octobre 2008). L’appelant a laissé entendre que si le juge qui a prononcé sa peine avait su qu’il perdrait ses prestations de la SV pendant son incarcération, il lui aurait peut-être imposé une peine moins lourde. Dans le cas de l’appelant, l’effet punitif du paragraphe 5(3) a été la perte de prestations d’une valeur d’environ 42 000 $, ce qui est devenu une condition supplémentaire de sa peine après le prononcé de celle-ci.

[25] Nonobstant du fait qu’elle a présenté les observations du demandeur sur la question de la rétroactivité, il n’est pas vraiment apparent que la division générale ait abordé la question de savoir si le paragraphe 5(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse devait s’appliquer de façon rétrospective pour la cause du demandeur. Par exemple, je ne constate pas que la division générale ait examiné la jurisprudence ou la publication d’un expert qui formait la base du demandeur sur cette question. Il semble que la division générale ait rejeté globalement la question de l’effet rétrospectif, car elle a perçu la question principale comme étant de savoir si le paragraphe comportait de [traduction] ‘véritables conséquences pénales’ et équivalait à une mesure punitive contraire à l’alinéa 11h) de la Charte.Au paragraphe 92, elle a écrit que le paragraphe n’entraîne pas de véritables conséquences pénales et n’est pas de nature punitive, ce qui entraînerait l’application de l’alinéa 11h) de la Charte, ‘qu’il soit appliqué rétrospectivement ou non’.

[26] Bien que le défendeur soutienne qu’il soit interdit au demandeur de contester l’application du paragraphe 5(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, car la contestation d’une disposition quelconque de la Loi sur la sécurité de la vieillesse comprend nécessairement une question constitutionnelle, je ne suis pas au courant d’un fondement à cet égard. Le défendeur se fonde sur les conclusions de la division générale, au paragraphe 18, par rapport au fait que l’article 20 du Règlement prévoit que le Tribunal peut juger de l’application du paragraphe 5(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, ‘mais seulement dans le contexte d’une question constitutionnelle correctement présentée’. Toutefois, l’article 20 du Règlement ne confère pas compétence au Tribunal en ce qui concerne les questions procédurales, contrairement à l’article 64 de la LMEDS, comme je l’ai précédemment mentionné, lequel permet au Tribunal de décider sur toute question de droit ou de fait qui est requise pour statuer sur une demande présentée sous le régime de la LMEDS.

[27] Compte tenu de ces motifs, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[28] La demande de permission d’en appeler est accueillie, bien que cette décision, évidemment, ne présume pas du résultat de l’appel en soi.

[29] Conformément au paragraphe 58(5) de la LMEDS, la demande de permission d’en appeler est ainsi assimilée à un avis d’appel. Dans les 45 jours suivant la date à laquelle la décision est rendue, les parties peuvent a) déposer des observations auprès de la division d’appel ou b) déposer un avis auprès de la division d’appel précisant qu’elles n’ont pas d’observations à présenter.

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