Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Comparution

L’appelante, J. P.

Aperçu

[1] L’appelante, résidente des États-Unis, a présenté une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) le 6 septembre 2013. Le 8 décembre 2014, l’intimé a rejeté la demande au motif que l’appelante, en tant que demanderesse étrangère, ne satisfaisait pas aux exigences minimales d’un an de résidence réelle au Canada après l’âge de 18 ans. L’appelante a demandé une révision de cette décision le 19 décembre 2014. Elle a fait valoir que le temps qu’elle a passé aux États-Unis pour étudier en 1965 et 1966 devrait être considéré comme une résidence au Canada, et qu’elle comptait donc au moins un an de résidence pour être admissible à une pension de la SV. L’intimé a réexaminé l’affaire et, le 28 août 2015, a maintenu sa décision initiale. L’appelante a porté cette décision de révision en appel devant le Tribunal de la sécurité socialele 23 septembre 2015.

Mode d’audience

[2] Le membre du Tribunal a déterminé que cet appel serait instruit par téléconférence, pour les raisons suivantes :

  • aucun service de vidéoconférence n’est situé à une distance raisonnable de la résidence de l’appelante;
  • les questions en litige sont complexes;
  • il manque de l’information au dossier et il est nécessaire d’obtenir des clarifications;
  • ce mode d’instruction est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Questions procédurales

a. Documents déposés en retard

[3] Le 9 novembre 2016, le Tribunal a envoyé aux parties un avis d’audience établissant une date d’échéance pour le dépôt (21 décembre 2016) et une date d’échéance pour la réponse (22 janvier 2017) relativement et à la documentation et aux observations écrites. L’avis mentionnait également que l’information déposée après ces échéances serait communiquée aux parties, mais que leur ajout au dossier de l’audience demeurerait à la discrétion du membre du Tribunal à qui serait confiée l’affaire (GD0).

[4] Le 14 février 2017, l’audience a été reportée par le Tribunal en raison d’un conflit d’horaire. Un nouvel avis d’audience a été envoyé aux parties ce jour-là, mentionnant que les échéances pour le dépôt et la réponse figurant dans l’avis initial demeuraient les mêmes, et que l’appel serait instruit le 2 mai 2017 (GD0A).

[5] Le 26 avril 2017, l’intimé a déposé des observations détaillées auprès du Tribunal (GD4). Ces observations étaient datées du 6 février 2017. Le Tribunal a envoyé les observations à l’appelante, à son adresse aux États-Unis, le 26 avril 2017, immédiatement après les avoir reçues.

[6] Au début de l’audience, le 2 mai 2017, l’appelante a confirmé qu’elle n’avait pas reçu ces observations tardives (GD4). Le Tribunal a proposé, avec le consentement de l’appelante, d’ajourner l’audience afin de donner à l’appelante l’occasion d’examiner les observations de l’intimé et de mieux les comprendre, ainsi que de donner à l’intimé l’occasion de faire admettre et instruire ses observations par le Tribunal.

[7] L’audience a été reportée en juillet 2017, et une nouvelle échéance a été établie pour le dépôt d’autres observations ou documents (GD0B et GD0C).

b. Perte de la connexion téléphonique

[8] La connexion téléphonique a été perdue à mi-parcours de la présentation des observations finales lors de l’audience du 11 juillet 2017. Le Tribunal a donné instruction à l’appelante de déposer tout autre argument par écrit au plus tard le 21 juillet 2017. Aucune observation supplémentaire n’a été reçue.

Appel

Droit applicable

Exigences relatives à l’admissibilité en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse

[9] Selon le droit canadien, les dispositions législatives les plus pertinentes de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi) sont les suivantes.

[10] L’alinéa 3(2)b) de la Loi concerne la période minimale de résidence que doit démontrer un résident d’un pays étranger pour avoir droit de recevoir à l’étranger une pension de la sécurité de la vieillesse (pension de la SV).

Pension partielle

(2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et de ses règlements, une pension partielle est payable aux personnes qui ne peuvent bénéficier de la pleine pension et qui, à la fois :

a) ont au moins soixante-cinq ans;

b) ont, après l’âge de dix-huit ans, résidé en tout au Canada pendant au moins dix ans, mais moins de quarante ans avant la date d’agrément de leur demande et, si la période totale de résidence est inférieure à vingt ans, résidaient au Canada le jour précédant la date d’agrément de leur demande. [mis en évidence par le soussigné]

[11] L’article 21 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) établit une distinction entre le fait de résider au Canada et le fait d’être présent au Canada :

21. (1) Aux fins de la Loi et du présent règlement,

a) une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada; et

b) une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.

[12] Le paragraphe 21(4) du Règlement sur la SV traite des situations dans lesquelles les absences du Canada n’interrompent pas la résidence d’une personne :

(4) Lorsqu’une personne qui réside au Canada s’absente du Canada et que son absence

a) est temporaire et ne dépasse pas un an,

b) a pour motif la fréquentation d’une école ou d’une université, ou

[…]

cette absence est réputée n’avoir pas interrompu la résidence ou la présence de cette personne au Canada.

[13] Le paragraphe 21(5.3) du Règlement sur la SV est libellé comme suit :

(5.3) Lorsque, aux termes d’un accord conclu en vertu du paragraphe 40(1) de la Loi, une personne est assujettie aux lois d’un pays étranger, elle est réputée, pour l’application de la Loi et du présent règlement, ne pas être un résident du Canada.

Conditions d’admissibilité en vertu de l’Accord entre le Canada et les États‑Unis

[14] Un demandeur qui n’est pas admissible à une pension de la SV sur le seul fondement du droit canadien pourrait être admissible au titre d’un accord international. L’article 40 de la Loi permet au Canada de conclure des accords bilatéraux avec d’autres pays concernant l’administration des prestations de sécurité sociale.

[15] Le 1er août 1984, le Canada et les États-Unis ont conclu un accord intitulé Accord entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique en matière de sécurité sociale (Accord Canada˗États-Unis).

[16] Le paragraphe (1) de l’article V du titre II de l’Accord Canada˗États-Unis précise ce qui suit :

ARTICLE V

(1) Sauf disposition contraire du présent article, le salarié qui travaille dans le territoire de l’un des États contractants sera assujetti, en ce qui a trait à ce travail, aux seules lois dudit État contractant.

[17] L’article VIII du chapitre 2 de l’Accord Canada˗États-Unis (deuxième Accord supplémentaire daté du 28 mai 1996) prévoit ce qui suit :

Article VIII

    1. Lorsqu’une personne n’a pas droit au versement d’une prestation faute de périodes de résidence suffisantes en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, ou de périodes de couverture en vertu du Régime de pensions du Canada, le droit de ladite personne au versement de ladite prestation, sous réserve de l’alinéa (l)b), est déterminé par la totalisation de ces périodes et de celles précisées au paragraphe (2), pour autant que les périodes ne se chevauchent pas.
    2. En appliquant l’alinéa (l)a) du présent article à la Loi :
      1. seules les périodes de résidence au Canada ayant pris fin le 1er janvier 1952 ou après cette date, y compris les périodes considérées comme telles aux termes de l’article VI du présent Accord, seront prises en compte; et
      2. Lorsque la durée totale de ces périodes de résidence est inférieure à un an et que, en ne tenant compte que de ces périodes, aucun droit à une prestation n’existe en vertu de cette loi, l’organisme du Canada ne sera pas tenu de verser une prestation relativement à ces périodes en vertu du présent Accord.
    1. Pour établir le droit au versement d’une prestation en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, un trimestre de couverture en vertu des lois des États-Unis crédité le 1er janvier 1952 ou après cette date et après l’âge auquel les périodes de résidence au Canada sont comptabilisées aux fins de cette loi sera compté comme trois mois de résidence au Canada.

[mis en évidence par le soussigné]

[18] Le paragraphe 1 de l’article IX de l’Accord Canada˗États-Unis prévoit que lorsque l’admissibilité à une pension de la SV est obtenue uniquement en vertu de l’Accord Canada˗États-Unis, le paiement doit être calculé conformément aux dispositions de la Loi concernant la pension de la SV partielle. La disposition est ainsi libellée :

ARTICLE IX

(1) Lorsqu’une personne a droit au versement d’une pension de sécurité de la vieillesse ou d’une allocation au conjoint uniquement en application des dispositions relatives à la totalisation prévues à l’article VIII, l’organisme du Canada calcule le montant de la pension ou de l’allocation au conjoint payable à ladite personne conformément aux dispositions de la Loi sur la sécurité de la vieillesse régissant le versement d’une pension partielle ou d’une allocation au conjoint, uniquement en fonction des périodes de résidence au Canada depuis le 1er janvier 1952 ou après cette date qui peuvent être prises en compte en vertu de cette loi ou sont considérées comme telles aux termes de l’article VI du présent Accord.

[mis en évidence par le soussigné]

Questions en litige

[19] Le Tribunal doit trancher la question suivante :

L’appelante répond-elle aux conditions en matière de résidence conformément à l’alinéa 3(2)b) de la Loi et à l’article 21 du Règlement sur la SV?

[20] Une période faisant l’objet de divergence est celle située entre le 18e et le 19e anniversaire de l’appelante (du X X X au X X X). Plus précisément, s’agissait-il d’une « absence » temporaire de moins d’un an considérée comme une résidence au Canada au titre de l’alinéa 21(4)a) du Règlement sur la SV? Ou s’agissait-il d’une absence ayant pour motif la fréquentation d’une école ou d’une université considérée comme une résidence au Canada au titre de l’alinéa 21(4)b) du Règlement sur la SV?

[21] Le Tribunal doit également examiner la question suivante :

Quelle est l’incidence du paragraphe 21(5.3) du Règlement sur la SV et de l’Accord Canada˗États-Unis sur l’admissibilité de l’appelante à la pension de la SV?

Observations

[22] L’appelante soutient que sa résidence au Canada n’a pas été interrompue lorsqu’elle est allée étudier aux États-Unis en 1965. Elle fait valoir qu’elle compte au moins une année de résidence réelle au Canada pour être admissible à une pension de la SV (GD2-10).

[23] Lors de l’audience, l’appelante a ajouté que quelqu’un lui avait suggéré de présenter une demande de pension de la SV, car elle est citoyenne canadienne.

[24] L’intimé soutient que l’appelante ne répond pas aux exigences minimales en matière de résidence en tant que demanderesse étrangère selon l’Accord Canada˗États‑Unis. Par conséquent, elle n’est pas admissible à une pension de la SV. L’intimé a présenté les observations particulières suivantes à la page GD4‑2 du dossier d’appel :

[traduction]

  1. En s’appuyant sur la déclaration [de l’appelante] concernant sa résidence, le ministre a établi qu’elle a résidé au Canada pendant une période de huit mois et deux jours, du X X X, jour de son 18e anniversaire, au X X X. Étant donné que la période de résidence de l’appelante au Canada après l’âge de 18 ans était inférieure à la période exigée de 20 ans, et qu’elle a inscrit dans sa demande avoir vécu et travaillé aux États-Unis, sa demande a été examinée aux termes de [l’Accord Canada˗États-Unis].
  2. Le registre des cotisations de l’appelante aux États-Unis fait état d’un total de 100 trimestres de cotisation. Étant donné que le premier trimestre de cotisation en 1965 chevauchait une période de résidence au Canada, seulement 99 trimestres de cotisation étaient valides pour la conversion en années de résidence au Canada. Quatre-vingt-dix-neuf trimestres équivalent à 24 ans et neuf mois de résidence. Même si le total de ses périodes de résidence au Canada et des trimestres convertis de ses cotisations aux États-Unis est suffisant pour répondre à l’exigence relative aux 20 ans de résidence, selon l’Accord Canada˗États-Unis, la personne doit compter au moins une année entière de résidence au Canada pour que la disposition relative à la totalisation soit appliquée.
  3. Étant donné que l’appelante a résidé au Canada pendant huit mois et deux jours, l’Accord Canada˗États-Unis ne lui aurait pas permis de satisfaire à l’exigence des 20 années de résidence.

Éléments de preuve

[25] Ce qui suit est un aperçu des éléments de preuves qui ont été jugés les plus pertinents pour trancher cet appel.

Témoignage

[26] L’appelante a déclaré qu’à son 18e anniversaire, elle vivait à la maison sur la ferme de ses parents, près d’X. Elle travaillait pour l’entreprise Eaton Company et suivait un cours par correspondance afin d’entreprendre une formation professionnelle dans l’aviation à l’X X de X X, au Missouri. Elle ne pouvait pas se souvenir clairement du nom de l’école jusqu’à ce qu’elle trouve une photographie pendant l’audience. L’appelante a terminé le cours par correspondance en avril 1965. Elle est ensuite déménagée à X X pour suivre les quatre dernières semaines du cours afin de terminer le programme. Elle n’a pas terminé ces quatre semaines d’études. Après trois semaines, elle a quitté l’école et a obtenu un emploi à l’aéroport international O’Hare à Chicago (O’Hare), vers le 1er mai 1965. Les 90 premiers jours étaient considérés comme une période d’essai. À la fin de la période d’essai, l’X X a décerné un diplôme à l’appelante.

[27] L’appelante n’a plus en sa possession ni son diplôme ni sa correspondance avec l’X X. Tout ce qu’elle avait pour confirmer sa présence était une épinglette représentant une paire d’ailes qu’elle a reçue de l’école après avoir obtenu son diplôme. Pendant l’audience, elle a consulté son album de coupures à la maison et a trouvé une photographie de ses camarades de classe de la formation en aviation datant du 30 avril 1965.

[28] Du mois d’août 1965 à la fin de novembre 1966, elle a continué à travailler à O’Hare. Elle a loué un appartement avec d’autres personnes. Elle a épousé un Américain le 1er décembre 1966. Ils ont déménagé au X et ont vécu dans des immeubles locatifs jusqu’à ce qu’ils achètent une maison de campagne et s’y installent, près d’X X, Illinois où ils vivent depuis environ 1976.

[29] L’appelante a discuté d’un retour au Canada en 1965 et 1966. Elle a dit être retournée au pays pour Noël, en 1965, pendant plus ou moins quatre jours. Elle y est également retournée pendant une semaine au cours de l’été 1966.

[30] Au fil des ans, l’appelante et son époux sont retournés au Canada pour visiter sa famille à plusieurs reprises. Son époux et elle n’ont pas de propriété au Canada. Elle n’a pas payé d’impôts sur le revenu au Canada ni n’a cotisé au Régime de pensions du Canada. Elle a ouvert un compte d’épargne au Canada vers 2015. Elle ne pouvait pas se souvenir du nom de la banque, alors elle a pris un moment pour chercher un document afin de se rafraîchir la mémoire. À la suite de cette recherche, elle a confirmé au Tribunal que son compte était à la Banque de Montréal, à X X, en Alberta. Elle a ajouté que le compte avait été piraté et qu’il est actuellement gelé. Deux dépôts et plusieurs retraits ont été effectués dans le compte pendant sa visite au Canada à l’été 2016. Elle a des comptes bancaires actifs aux États-Unis depuis 1965. Elle ne pouvait pas se rappeler d’autres liens officiels au Canada depuis l’âge de 18 ans.

Documents

[31] Le certificat de naissance de l’appelante confirme qu’elle est née au Canada le X X X (GD2‑29).

[32] Selon sa demande de pension de la SV, l’appelante a résidé aux États-Unis à partir du 3 avril 1965 jusqu’à maintenant (GD2‑15).

[33] Le document certifié de la couverture de sécurité sociale de l’appelante aux États-Unis fait état de 100 trimestres de couverture, dont 99 ne chevauchent pas la période qu’elle a déclaré comme sa période de résidence au Canada. Selon le document, elle a commencé à toucher un salaire et à cotiser au régime de sécurité sociale des ÉtatsUnis au deuxième trimestre de 1965, ou à compter d’avril 1965 (GD2‑3 à GD2‑4).

[34] Selon sa carte de résidente permanente des États-Unis, l’appelante est résidente des États-Unis depuis le 3 avril 1965 (GD2‑28).

[35] Le Tribunal a examiné la lettre de l’appelante qui confirme sa période d’études aux États-Unis après son départ du Canada en 1965 (voir GD2‑10).

Analyse

[36] C’est à l’appelante qu’incombe le fardeau de prouver qu’elle est admissible à une pension de la SV (De Carolis c. Canada (Procureur général), 2013 CF 366).

L’appelante compte-t-elle une année entière de résidence au Canada après l’âge de 18 ans? Non

Résidence ininterrompue pendant l’absence du 3 avril au 27 décembre 1965

[37] Il ne fait aucun doute que l’appelante a suffisamment de trimestres de couverture en vertu de l’Accord Canada˗États-Unis pour répondre à la période minimale de 20 ans de résidence au Canada donnant droit à un crédit. Cependant, pour que ces crédits de résidence soient pris en compte et pour être admissible à une pension de la SV en application de l’alinéa 3(2)b) de la Loi, l’appelante doit aussi compter au moins une année entière de résidence au Canada après l’âge de 18 ans, conformément au sous‑alinéa 1b)(ii) de l’article VIII de l’Accord Canada˗États-Unis. L’objet du litige en l’espèce consiste à savoir si l’appelante comptait une année entière de résidence réelle au Canada après avoir atteint l’âge de 18 ans, le X X X.

[38] L’intimé soutient que la période réelle de résidence au Canada de l’appelante était de huit mois et deux jours, du X X X, jour marquant son 18e anniversaire, au 2 avril 1965. Le Tribunal ne considère donc pas cette période comme étant en litige et a concentré l’analyse de la résidence sur les quatre mois suivants (moins deux jours), afin de déterminer si l’appelante comptait une année de résidence réelle au Canada.

[39] L’alinéa 21(4)a) du Règlement sur la SV prévoit que de brèves absences de moins d’un an sont réputées n’avoir pas interrompu la résidence d’une personne. La disposition est libellée en termes généraux, fait référence à toute absence, et s’applique uniquement lorsque la résidence a été établie avant l’absence en question (Duncan c. Canada (Procureur général), 2013 CF 319, para 41). En l’espèce, il ne fait aucun doute que l’appelante était résidente du Canada avant d’aller aux États-Unis en avril 1965. Elle était âgée de seulement 18 ans et avait vécu au Canada pendant toute sa vie jusqu’à ce moment‑là. Elle a déclaré dans son témoignage être retournée au Canada pour Noël en décembre 1965, quoique pour un court séjour. Elle n’a pas précisé les dates exactes, mais a mentionné être restée pendant quatre jours. L’appelante, bien que distraite et évasive par moments pendant l’audience, semblait honnête et à la recherche de la vérité. Le Tribunal l’a estimée crédible et n’a pas mis en doute son affirmation selon laquelle elle est retournée au Canada pour Noël en 1965. Il est compréhensible qu’elle n’ait pas eu de preuve documentaire de ce voyage puisqu’il a eu lieu il y a plus de 50 ans.

[40] Quoi qu’il en soit, le Tribunal en déduit que l’appelante était au Canada au plus tard le 24 décembre pour inclure le jour de Noël. Le Tribunal estime donc que son séjour au Canada s’est déroulé du 24 décembre au 27 décembre 1965 inclusivement. Par conséquent, l’appelante s’est absentée du 3 avril 1965 au 23 décembre 1965 inclusivement. Cette période est considérée comme une résidence ininterrompue au Canada, car elle correspond à toute absence de moins d’un an conformément à l’alinéa 21(4)a) du Règlement sur la SV. Selon cette disposition, la période de résidence au Canada de l’appelante se prolonge au moins jusqu’au 27 décembre 1965.

[41] Étant donné que la période du 3 avril 1965 au 27 décembre 1965 est une résidence réputée au titre de l’alinéa 21(4)a), il n’est pas nécessaire d’examiner si elle est une résidence réputée au titre de l’alinéa 21(4)b) du Règlement sur la SV (absence pour la fréquentation d’une école).

Le paragraphe 21(5.3) et l’Accord Canada˗États-Unis annulent la résidence du 3 avril au 27 décembre 1965

[42] Bien que la période du 3 avril 1965 au 27 décembre 1965 soit considérée comme une résidence au Canada au titre de l’alinéa 21(4)a) du Règlement sur la SV, l’application du paragraphe 21(5.3) du Règlement sur la SV annule cette résidence parce que l’appelante travaillait aux États-Unis et cotisait au régime d’avantages sociaux des États‑Unis pendant la période en question.

[43] Récemment, la Cour fédérale a apporté des précisions sur l’interprétation de cette disposition et a soutenu dans l’arrêt Gumboc que lorsqu’un requérant travaille aux États‑Unis, il ne peut pas, aux fins de la SV, faire valoir qu’il est résident canadien, peu importe les liens qu’il peut avoir maintenus avec le Canada, conformément à l’article V(1) de l’Accord Canada˗États-Unis et au paragraphe 21(5.3) du Règlement sur la SV. En d’autres termes, la Cour a affirmé que parce qu’une personne travaille aux États‑Unis et qu’elle est assujettie aux dispositions législatives américaines en matière de sécurité sociale, cette personne est réputée être non-résidente du Canada (Gumboc c. Canada (Procureur général), 2014 CF 185, para 50 à 52).

[44] En l’espèce, l’appelante travaillait aux États‑Unis et touchait un salaire pendant la période visée par le litige de 1965 et 1966; plus particulièrement à partir du deuxième trimestre de 1965 jusqu’à 1966 inclusivement (GD2‑3 et GD2‑4). Par conséquent, l’article V(1) de l’Accord Canada˗États-Unis, examiné en corrélation avec le paragraphe 21(5.3) du Règlement sur la SV, prévoit que l’appelante ne peut pas être réputée résidente du 3 avril 1965 au 27 décembre 1965.

[45] Les dispositions réputées viser les non-résidents appliquées aux faits en l’espèce ont préséance sur les dispositions réputées viser les résidents des alinéas 21(4)a) et 21(4)b) du Règlement sur la SV. Ce fait est également étayé par un autre jugement de la Cour fédérale dans l’arrêt Stachowski c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1435 où la Cour a examiné l’interaction entre le paragraphe 21(5.3) et une autre disposition réputée viser les résidents qui se trouve au paragraphe 21(3) du Règlement sur la SV, quoique dans le contexte de l’Accord Canada-Allemagne. Malgré les faits différents, la Cour a déterminé que le paragraphe 21(5.3) s’applique à tous les résidents, y compris aux « résidents réputés ».

[46] Le Tribunal applique les mêmes principes que ceux de la Cour fédérale au regard de l’application du paragraphe 21(5.3) dans l’interaction avec les alinéas 21(4)a) et 21(4)b) du Règlement sur la SV, et estime que l’appelante est réputée ne pas être résidente du Canada pour la période du 3 avril 1965 au 27 décembre 1965 puisqu’elle était assujettie aux dispositions législatives des États‑Unis de cette époque.

Autres périodes de résidence au Canada non établies

[47] L’analyse de la résidence ne se termine pas ici, car il est nécessaire d’établir la période entière de résidence au Canada de l’appelante après l’âge de 18 ans pour déterminer son admissibilité à la pension de la SV.

[48] Le Tribunal fait remarquer que l’appelante avait une carte de résidente permanente des États-Unis selon laquelle elle est résidente américaine depuis le 3 avril 1965. Cependant, le statut de résident permanent n’empêche pas l’admissibilité à une pension de la SV. Dans l’arrêt Ding, 2005 CF 76, au paragraphe 58, la Cour fédérale a expliqué que « la résidence est une question de fait qui requiert l’examen de toute la situation de la personne concernée ». Par conséquent, la citoyenneté canadienne à elle seule n’équivaut pas à la résidence au Canada. Il s’agit d’un facteur à considérer comme un autre lien avec le Canada.

[49] Le critère permettant de déterminer la résidence au Canada en est un factuel et large en vertu du régime de la SV. L’analyse de la résidence tient comte de plusieurs facteurs :

  1. liens prenant la forme de biens mobiliers (comptes bancaires, entreprise, mobilier, automobile, carte de crédit);
  2. liens sociaux (adhésion à des organismes ou associations ou à un ordre professionnel);
  3. autres liens au Canada (assurance-maladie et assurance-hospitalisation, permis de conduire, relevés d’impôt foncier, dossiers publics, dossiers d’immigration et de passeport, dossiers fiscaux provincial et fédéral);
  4. liens dans un autre pays;
  5. régularité et durée du séjour au Canada, ainsi que fréquence et durée des absences du Canada;
  6. mode de vie de l’intéressé ou son établissement au Canada.
    (Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Ding, 2005 CF 76).

[50] Un examen minutieux de la preuve et des facteurs dans l’arrêt Ding établit que le mode de vie et les racines de l’appelante étaient plus profondément et plus continuellement ancrés aux États-Unis à partir du 3 avril 1965. À ce moment-là, elle avait le statut de résidente permanente aux États-Unis. Elle a poursuivi sa carrière dans l’industrie de l’aviation après avoir obtenu son diplôme dans ce domaine auprès d’une école américaine en août 1965. Elle a rencontré un Américain, et ils se sont mariés en décembre 1966. Ils ont vécu ensemble aux États-Unis depuis ce moment-là; ils ont d’abord loué, puis acheté, une propriété en Illinois vers 1976. L’appelante a travaillé et cotisé au régime de sécurité sociale des États-Unis pendant toute sa vie adulte et, comme il a été mentionné précédemment, est donc réputée être non-résidente du Canada pendant cette période aux termes du paragraphe 21(5.3) du Règlement sur la SV et de l’article V(1) de l’Accord Canada˗États-Unis. Elle détient des comptes bancaires actifs aux États-Unis depuis 1965.

[51] Le Tribunal estime que le temps passé par l’appelante au Canada après le 2 avril 1965 constitue une présence et non une résidence. Essentiellement, elle est retournée au Canada pour visiter sa famille. Ses liens officiels au Canada n’ont pas été aussi étroits que ceux qui ont été établis aux États-Unis. Elle a ouvert un compte bancaire au Canada seulement récemment et l’a utilisé uniquement pendant ses visites au Canada. Elle ne possède pas de résidence au Canada. Elle n’a pas payé d’impôts sur le revenu et n’a pas cotisé au RPC.

[52] En résumé, après le 2 avril 1965, l’appelante était légalement réputée être non‑résidente du Canada. De plus, elle s’est déracinée du Canada et a privilégié les États‑Unis. La preuve appuie de manière accablante cette conclusion. À ce titre, elle ne compte pas d’autre résidence au Canada après le 2 avril 1965 pour les besoins de son admissibilité à une pension de la SV.

Conclusion : appel rejeté

[53] Étant donné que la période de résidence au Canada de l’appelante après l’âge de 18 ans s’est terminée le 2 avril 1965, elle ne satisfait pas à l’exigence minimale en matière de résidence prévu par le droit canadien ou au sous-alinéa 1b)(ii) de l’article VIII de l’Accord Canada˗États-Unis. L’analyse se termine donc ainsi, et son appel doit être rejeté.

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