Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Le demandeur sollicite la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 6 septembre 2016. Cette décision détermina que le demandeur n’était pas admissible à une pension de la sécurité de la vieillesse selon la Loi sur la sécurité de la vieillesse, car il a été établi qu’il n’avait pas satisfait aux exigences de résidence prévues aux paragraphes 3(1) et (2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

[3] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincu que les motifs d’appel se rattachent à l’un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans l’arrêt Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300. Le demandeur déposa une série d’observations pour appuyer sa demande.

(a) Preuve matérielle

[5] Le demandeur soutient que la division générale a été « criminellement négligente », car elle ignora des faits importants à l’appui de sa demande. Des observations subséquentes indiquent que ces faits importants incluent des éléments de preuve que le demandeur a présentés après l’audience de son appel.

Preuve présentée à l’audience

[6] Le demandeur prétend que la division générale ignora le fait qu’il était [traduction] « travailleur indépendant pour une société enregistrée en Ontario représentant différents résidents de l’Ontario » et qu’il avait aussi travaillé comme missionnaire à l’étranger. Il affirme que son emploi, avec une société enregistrée en Ontario qui représentait des résidents de l’Ontario de 1993 à 2011, aurait dû être suffisant pour prouver sa résidence et que son emploi à une compagnie ontarienne rendait ses voyages à l’étranger non pertinents. Il fait valoir que si sa crédibilité n’était pas remise en question, la division générale aurait dû, sans équivoque, accepter sa preuve.

[7] Ignorer des faits importants peut bel et bien entraîner une conclusion de fait erronée, mais seulement ceci ne peut se solder par de la négligence criminelle.

[8] Le demandeur soutient que la division générale ignora des faits importants : essentiellement qu’il avait été employé par une société enregistrée en Ontario et qu’il avait travaillé comme missionnaire à l’étranger. La division générale connaissait cette preuve. Au paragraphe 16, la division générale fit référence à la preuve du demandeur indiquant qu’il avait acheté une ferme au Costa Rica en 1993, qu’il avait une compagnie en Ontario et qu’il avait aussi été missionnaire.

[9] La division générale résuma les observations du défendeur. Au paragraphe 19, la division générale écrivit que les absences du demandeur [traduction] « ne sont pas visées par les dispositions de “situations particulières” prévues à l’article 21 du Règlement SV, car il n’était ni à l’emploi d’une agence ou une corporation canadienne et il n’était pas employé à titre de missionnaire. »

[10] La division générale a conclu en déterminant que les absences du demandeur n’étaient pas visées par les situations particulières détaillées au paragraphe 21(5) du Règlement VS.

[11] Des éléments de preuve avaient été présentés à la division générale au sujet, entre autres, du travail de missionnaire du demandeur, de son emploi à une agence ou une corporation canadienne et de ses dates de voyage. La division générale ne semble pas avoir traité cette preuve dans sa section analyse, toutefois elle conclut que les absences du demandeur n’étaient pas visées par les situations particulières détaillées au paragraphe 21(5) du Règlement VS. Il n’est pas clair si la division générale considéra les déclarations du demandeur voulant qu’il fît du travail missionnaire avec un quelconque groupe ou organisation religieuse, ou fût employé à la coupe de bois, à la récolte ou à une autre occupation saisonnière, ou détînt un emploi légitime avec une entreprise ou une corporation canadienne, et qu’il était retourné au Canada dans les six mois suivants la fin de son emploi ou de son engagement à l’étranger. Considérant ce motif, je suis convaincu qu’il y a cause défendable et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Documents présentés après l’audience

[12] Après l’audience de l’appel, le demandeur présenta pas moins de 28 documents au Tribunal de la sécurité sociale. Le demandeur prétend que la division générale aurait dû considérer ces documents déposés après l’audience. La plupart de ces documents ont été présentés avant que la division générale rende sa décision. Je ne me préoccupe pas des documents qui ont été présentés par le demandeur après que la division générale ait rendu sa décision. Somme toute, le membre n’était pas au courant que le demandeur continuerait de présenter des documents et des observations, et il était en droit de rendre une décision fondée sur la preuve dont elle disposait.

[13] Le dépôt de documents après l’audience devrait seulement être permis dans des circonstances exceptionnelles : lorsqu’il est de l’intérêt de la justice de le faire; lorsque ceux-ci aideraient le membre; lorsqu’ils ne causeraient pas de préjudice substantiel ou irréparable à l’autre partie. Il existe également d’autres considérations.

[14] Il est clair que le membre connaissait l’existence de ces documents. Au paragraphe 3 de sa décision, le membre se référa à ces documents et indiqua qu’elle ne les avait pas considérés, car elle jugea qu’elle avait [traduction] « toute la preuve nécessaire pour prendre une décision fondée sur les documents présentés avant l’audience et sur les témoignages faits à l’audience. » Pourtant, le demandeur suggère que ces documents, déposés après l’audience de l’appel, étaient essentiels à son appel.

[15] Le membre indiqua au paragraphe 26 de sa décision qu’il y avait des lacunes dans la preuve et dans les témoignages oraux des témoins. Pourtant, elle détermina aussi au paragraphe 3, sans considérer les documents déposés après l’audience et sans évaluer s’ils avaient une valeur probante, qu’elle avait toute la preuve nécessaire pour se prononcer sur la question de la résidence du demandeur. Ces deux affirmations semblent contradictoires.

[16] J’ai examiné chacun des documents déposés après l’audience. Ces 28 documents consistent essentiellement en des arguments additionnels, car le demandeur trouva qu’il n’avait pas eu suffisamment de temps pour plaider sa cause à l’audience de l’appel. Il indiqua aussi qu’il produirait des copies de ses déclarations de revenus au Canada pour plusieurs années entre 1997 et 2015, car il fit valoir que celles-ci seraient déterminantes pour sa résidence canadienne. Certains de ses documents étaient de la correspondance et des relevés bancaires envoyés à une adresse canadienne. Dans son courriel du 25 août 2016, le demandeur indiqua qu’il était en Guyana pour des affaires et pour visiter son fils, mais un courriel préparé par le demandeur n’aurait pas été un élément pertinent pour déterminer la résidence du demandeur. Au mieux, ces documents et ces observations particuliers avaient une valeur probante marginale. Le membre était déjà au fait des déclarations du demandeur voulant qu’il ait une compagnie au Canada et qu’il était parti à l’étranger par affaires et pour des raisons familiales.

[17] Malgré le fait que le demandeur aurait pu faire une demandeNote de bas de page 1 d’annulation ou de modification de la décision de la division générale selon l’article 66 de la LMEDS, et par conséquent aurait pu présenter tout nouveau fait (bien que ceci ne suggère pas que sa demande aurait nécessairement eu une chance de succès), il y a une cause raisonnable au motif que la division générale aurait dû au moins examiner les documents présentés après l’audience, documents qui sont considérés comme pertinents par le demandeur. Ne pas avoir examiné ces documents présentés après l’audience pourrait avoir engendré un manquement à l’équité procédurale.

(b) Audience équitable

[18] Le demandeur a soulevé d’autres questions relatives à un possible manquement à la justice naturelle.

[19] Le demandeur prétend qu’il s’est vu refuser les principes de justice naturelle, car il a été privé d’une audience équitable. Plus particulièrement, il affirme qu’il n’a pas eu la chance de plaider sa cause équitablement : 1) il n’a pas eu suffisamment de temps pour retrouver des documents avant l’audience; 2) le membre de la division générale ne l’a pas informé à l’audience que la preuve à l’appui de sa cause était insuffisante; 3) il a été privé de l’occasion de contre-interroger le défendeur ainsi que les autorités qui ont examiné sa demande. Il devrait être noté que l’audience de l’appel devant la division générale s’est déroulé par téléconférence et que le défendeur avait choisi de ne pas y assister.

[20] Le demandeur ajoute que le défendeur ne lui avait pas fourni une copie de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, copie qui lui aurait permis d’apprendre et de comprendre les conditions d’admissibilité à une pension de la sécurité de la vieillesse.

[21] La justice naturelle vise à assurer qu’un appelant bénéficie d’une occasion juste et raisonnable de présenter sa cause, qu’il a une audience équitable, et que la décision rendue est exempte de toute partialité, de crainte raisonnable ou d’apparence de partialité.

Obtention de copies de la Loi sur la sécurité de la vieillesse

[22] Les allégations du demandeur voulant que le défendeur aurait dû lui fournir une copie de la Loi sur la sécurité de la vieillesse suggèrent que le demandeur pourrait ne pas avoir eu de problèmes à satisfaire aux exigences en matière de résidence, s’il a en avait été informé, car il aurait alors pu y satisfaire entièrement. Cependant, c’est un principe bien connu et tout à fait accepté que l’ignorance de la loi n’est pas une excuse pour ne pas s’y conformer.

[23] On ne sait pas quand le demandeur mentionna que le défendeur aurait dû lui fournir une copie de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, mais il n’incombe pas au défendeur de fournir une copie des dispositions législatives aux demandeurs potentiels. Des copies de la Loi sur la sécurité de la vieillesse sont mises à la disposition du public. De toute manière, cette observation ne correspond pas à aucun des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS.

Contre-interrogation des témoins

[24] Il n’est pas exigé aux parties d’assister à toute audience devant le Tribunal, et ceci inclut le défendeur. Comme telle, une partie n’a pas un droit absolu d’en contre-interroger une autre, bien qu’il y ait de la jurisprudence dans d’autres juridictions (notamment en Colombie-Britannique) dans lesquelles une partie a le droit, en accord avec les règles de la cour, de contre-interroger une partie adverse. Le demandeur aurait, en théorie, pu appeler le défendeur ou tout autre témoin ayant des intérêts contraires et, si un des témoins n’assista pas à l’audience, le demandeur aurait pu demander que la division générale considère ce témoin défavorable. Toutefois, ceci présume qu’en l’espèce le défendeur avait un quelconque élément de preuve à présenter. Si le demandeur est en désaccord avec les observations du défendeur, le demandeur aurait dû en discuter adéquatement dans ses propres observations.

Présentation de documents

[25] Le demandeur prétend qu’il n’a pas eu suffisamment de temps pour retrouver les documents avant l’audience. Bien que ça soit possible, rien n’indique dans le dossier d’audience que le demandeur ait demandé un ajournement de l’audience sur le fond qu’il avait besoin de plus de temps pour retrouver des documents. Par conséquent, il ne peut être reproché à la division générale d’avoir procédé avec la tenue de l’audience de l’appel.

[26] En effet, le demandeur écrivit au Tribunal le 18 décembre 2015 et le 27 janvier 2016 (GD7 et GD8), demandant que son appel soit fixé aussitôt que possible. Le Tribunal délivra un avis d’audience le 6 avril 2016, informant les parties : que l’audience avait été fixée pour le 12 juillet 2016; qu’ils avaient jusqu’au 11 mai 2016 pour présenter des documents additionnels; que toutes réponses devaient être déposées au plus tard le 10 juin 2016. Le Tribunal indiqua aussi qu’ultimement le membre de la division générale déterminerait si des documents présentés après ces dates seraient acceptés.

[27] Le demandeur contacta encore le Tribunal le 12 et le 25 avril 2016 ainsi que le 16 mai 2016 demandant que la date d’audience soit avancée. Le demandeur ne signifia, à aucun moment durant ses communications avec le Tribunal, le besoin de temps additionnel qui lui aurait permis de retrouver des documents. Tout au plus, le demandeur contacta le Tribunal le 6 juin 2016 pour l’informer qu’il présenterait un nouveau document sous peu. Il déposa des observations le 7 juin 2016 en réponse aux observations du défendeur. Il indiqua qu’il venait juste de recevoir les observations du défendeur et qu’il considérait ne pas avoir assez de temps pour y répondre, et ensuite il écrivit environ 30 pages d’arguments accompagnées de copies de pages de son passeport et de la première page de sa déclaration de revenus de 2014. Le 15 juin 2016, le demandeur présenta des observations et des documents additionnels, totalisant plus de 120 pages (GD15).

[28] Bien que la date limite de dépôt de documents déterminée par le Tribunal dans l’avis d’appel soit passée, le demandeur continua de présenter des documents jusqu’à la date de l’audience. Le 23 juin 2016, le demandeur déposa un document de 227 pages (GD16) dans lequel il écrivait que [traduction] « de 1993 à 2012, j’ai géré une exploitation forestière de teck au Costa Rica, et de 1995 à 2012, j’ai fait la supervision de l’abattage pour éclaircir et récolter les tecks [sic]. » Il conclut qu’il était au Costa Rica « pour différentes raisons. Santé, travail... et parce qu’il avait besoin de physiothérapie qu’il ne pouvait se permettre au Canada. Alors ni mon absence en personne ou physique du Canada en personne toutes deux me qualifient encore pour une pleine [pension de la sécurité de la vieillesse] [sic]. »

[29] Le demandeur n’a pas identifié quels documents il devait prétendument retrouver avant l’appel devant la division générale. Toutefois, comme je l’ai indiqué, parce qu’il ne demanda pas d’ajournement de l’audience et parce que la division générale n’était pas au courant que le demandeur avait l’intention de retrouver d’autres documents (étant donné l’insistance du demandeur à traiter sa demande rapidement), je ne constate aucune erreur commise par la division générale de tenir l’audience de l’appel sur le fond des éléments de preuve et des observations au dossier.

Conclusion

[30] Je suis prêt à accorder la demande de permission d’en appeler, bien que cette décision ne présume aucunement du succès de l’appel.

[31] L’appel doit se limiter aux deux motifs sur lesquels j’ai accordé la demande de permission d’en appeler, plus précisément que la division générale : 1) peut avoir commis une erreur en omettant de tenir compte de son emploi ou de son travail de missionnaire; 2) peut avoir commis une erreur en omettant de considérer les documents présentés après l’audience.

[32] Cependant, le demandeur devrait être prêt à m’indiquer les éléments de preuve présentés à la division générale qui appuient ses allégations. Par exemple, autre que son témoignage oral, quels éléments de preuve documentaire présentés à la division générale établissaient le fait qu’il avait pris part à du travail missionnaire? Ceci n’exige pas une réévaluation ou une nouvelle audience.

[33] Le demandeur devrait aussi être prêt à expliquer certains points en ce qui a trait aux documents présentés après l’audience, notamment :

  1. que même en faisant preuve de diligence raisonnable, il n’aurait pas été possible d’obtenir les éléments de preuve à utiliser durant l’audience de l’appel devant la division générale;
  2. que les éléments de preuve étaient tels, que s’ils avaient été acceptés, ils auraient probablement eu un impact important sur, ou auraient été un facteur déterminant sur, l’issue de l’appel;
  3. que les éléments de preuve étaient crédibles.

[34] Conformément au paragraphe 58(5) de la LMEDS, la demande de permission d’en appeler est ainsi assimilée à un avis d’appel. Dans les 45 jours suivant la date de cette décision, les parties peuvent : a) soit déposer des observations auprès de la division d’appel; b) soit déposer un avis auprès de la division d’appel précisant qu’elles n’ont pas d’observations à déposer. Les parties peuvent joindre des observations concernant le mode d’audience à privilégier pour l’instruction de l’appel (ex. téléconférence, vidéoconférence, en personne ou basée sur les observations écrites présentées par les parties) avec les observations sur le fond de la cause en appel.

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