Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Introduction

[2] Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre de la décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) datée du 27 janvier 2017, laquelle rejetait sommairement l’appel interjeté par l’appelant contre la décision de l’intimé de suspendre la pension de la sécurité de la vieillesse (SV) et le Supplément de revenu garanti (SRG). La division générale a rejeté l’appel parce qu’elle n’était pas convaincue que celui-ci avait une chance raisonnable de succès.

[3] Aucune permission d’en appeler n’est requise dans le cas des appels interjetés au titre du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), car un rejet sommaire par la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit.

[4] Comme j’ai établi qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, cet appel est instruit conformément à l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le Tribunal).

Aperçu

[5] Le 4 septembre 2013, l’intimé a avisé l’appelant que sa pension de la SV et son SRG seraient suspendus, car selon les renseignements reçus par Service correctionnel du Canada, il avait été incarcéré en date du 13 août 2013. Dans une lettre datée du 20 mai 2014, l’intimé a maintenu sa décision après révision, et donné les explications suivantes :

[traduction]

Nous restreignons le paiement de prestations de la Sécurité de la vieillesse des personnes qui ont été incarcérées en raison d’une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus dans un pénitencier fédéral ou de plus de 90 jours dans un établissement correctionnel provincial où une Entente de partage d’information a été négociée.

Puisque vous avez été incarcéré, vous n’êtes pas admissible au bénéfice des prestations pour les mois d’emprisonnement, à l’exception du mois d’incarcération et du mois de libération. Par conséquent, vous ne pouvez pas recevoir de prestations.

[6] Le 11 juin 2014, l’appelant a interjeté appel des suspensions de la division générale, soutenant que ses prestations devraient être rétablies pour des motifs humanitaires. Le 7 avril 2015, il a également soutenu que la suspension de ses prestations allait à l’encontre de ses droits garantis en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).

[7] Dans une lettre datée du 28 septembre 2015, la division générale a avisé l’appelant de son intention de rejeter sommairement son appel, car (i) le paragraphe 5(3) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) prévoit qu’une pension de la SV et un SRG ne sont plus payables aux personnes qui sont incarcérées et (ii) l’appelant n’a pas satisfait aux conditions prévues à l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal pour invoquer un argument constitutionnel. L’appelant a répondu au moyen d’une note manuscrite datée du 8 octobre 2015.

[8] Le 27 juin 2016, la division générale a rendu une décision interlocutoire, concluant que l’appelant était conforme à l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal. Elle a déclaré que l’appel suivra un processus d’appel constitutionnel, et a exigé que l’appelant présente des observations et des éléments de preuve justificateurs au plus tard le 1er septembre 2016. Il a été avisé qu’un manquement à cette obligation pourrait donner lieu à un appel suivant un processus régulier, auquel cas il n’aurait pas le droit de soulever d’arguments d’ordre constitutionnel.

[9] Le 5 octobre 2016, l’appelant a avisé la division générale qu’il ne soumettrait aucun document supplémentaire relativement à sa question constitutionnelle. Il a expliqué qu’il n’avait pas accès à un ordinateur, puisqu’il était détenu dans une unité d’isolement. Dans une autre lettre reçue par le Tribunal le 11 octobre 2016 (bien que celle-ci était datée du 21 décembre 2016), l’appelant a discuté de ses problèmes de santé et a réitéré qu’il était détenu dans une unité d’isolement. Le 12 octobre 2016, la division générale a demandé à l’appelant de fournir des précisions à savoir s’il voulait présenter une demande de prorogation du délai pour présenter son dossier de Charte ou confirmer son opinion selon laquelle il ne voulait plus présenter d’éléments de preuve supplémentaire concernant sa question constitutionnelle.

[10] Le 15 novembre 2016, la division générale a envoyé une lettre de suivi à l’appelant, lui demandant qu’il réponde d’ici le 1er décembre 2016. Selon les dossiers de suivi du Tribunal, cette lettre a été livrée le 21 novembre 2016. Le 5 décembre 2016, la division générale a rendu une autre décision interlocutoire, et celle-ci soutenait que, puisque l’appelant n’avait pas présenté un dossier de Charte, son appel suivrait un processus régulier, et l’appelant ne sera plus autorisé à soulever une question constitutionnelle.

[11] Après avoir examiné les éléments de preuve et les observations, la division générale a rejeté sommairement l’appel le 24 janvier 2017, car il y avait des éléments de preuve non contestés selon lesquels l’appelant avait été incarcéré en août 2013. Par conséquent, la division générale a conclu que l’intimé n’avait d’autre choix que de suspendre le versement de la pension de la SV et du SRG de l’appelant à partir de septembre 2013, conformément au paragraphe 5(3) de la Loi sur la SV. La division générale a également déterminé qu’elle n’avait pas la compétence nécessaire pour exclure l’appelant des exigences de la loi pour des motifs humanitaires.

[12] Le 7 février 2017, dans les délais prescrits par la loi, l’appelant a présenté une demande d’appel incomplète à l’encontre de la décision de rejet sommaire auprès de la division d’appel du Tribunal et alléguait que la division générale a commis des erreurs. En réponse à la demande de renseignements supplémentaires, l’appelant a complété sa demande le 30 mars 2017. J’ai décidé qu’une audience de vive voix n’était pas nécessaire et que l’appel serait instruit sur le fondement du dossier documentaire pour les raisons suivantes :

  1. Le dossier ne présente aucune lacune et ne nécessite pas de clarification.
  2. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Droit applicable

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[13] Le paragraphe 53(1) de la LMEDS prévoit que la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[14] La Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une partie a une chance raisonnable de succès revient à déterminer si cette partie a une cause défendable : Canada c. Hogervorst, 2007 CAF 41Note de bas de page 1; Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[15] En vertu du paragraphe 56(2) de la LMEDS, aucune permission d’en appeler n’est requise pour interjeter appel d’un rejet sommaire devant la division d’appel.

[16] Le paragraphe 54(1) de la LMEDS prévoit clairement que la division générale peut seulement rendre une décision qui aurait autrement été prise par le ministre. La division générale peut rejeter l’appel ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision visée par l’appel ou rendre la décision que le ministre ou la Commission aurait dû rendre.

[17] Aux termes de l’alinéa 20(1)a) duRèglement sur le Tribunal, lorsque la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, d’une disposition de la Loi sur la SV est mis en cause devant le Tribunal, la partie qui soulève la question dépose auprès du Tribunal un avis qui contient la disposition visée et toutes observations à l’appui de la question soulevée.

[18] Selon l’article 22 du Règlement sur le Tribunal, avant de rejeter un appel de façon sommaire, la division générale doit en aviser l’appelant par écrit et lui accorder un délai raisonnable pour présenter ses observations.

[19] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Loi sur la sécurité de la vieillesse

[20] Le paragraphe 5(3) de la Loi sur la SV est entré en vigueur le 1er janvier 2011. Il se lit comme suit :

Il ne peut être versé de pension à une personne assujettie à l’une des peines ci-après à l’égard de toute période pendant laquelle elle est incarcérée, exclusion faite du premier mois :

  1. a) une peine d’emprisonnement à purger dans un pénitencier en vertu d’une loi fédérale;
  2. b) si un accord a été conclu avec le gouvernement d’une province en vertu de l’article 41 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, une peine d’emprisonnement de plus de quatre-vingt-dix jours à purger dans une prison, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, situées dans cette province.

Questions en litige

[21] Les questions dont je suis saisi sont les suivantes :

  1. Dans quelle mesure la division d’appel doit-elle faire preuve de déférence à l’égard des décisions de la division générale?
  2. La division générale a-t-elle appliqué le bon critère pour un rejet sommaire?
  3. La division générale a-t-elle correctement interdit à l’appelant de soulever des questions constitutionnelles?
  4. La division générale a-t-elle commis une erreur en rejetant sommairement la demande de l’appelant de rétablir sa pension de la SV et son SRG malgré son incarcération?

Observations

[22] L’appelant a présenté un avis d’appel en février 2017, et depuis ce temps, il a soumis plusieurs lettres auprès de la division d’appel dans lesquelles il contestait la décision de la division générale. J’ai condensé ses observations de la façon suivante :

  1. Il est incarcéré dans une prison sous sécurité maximale depuis juillet 2013. Par conséquent, il n’a pas été en mesure de soumettre tout type d’observations concernant sa question constitutionnelle. Il est confiné 24 heures par jour, sept jours par semaine. Dans sa cellule, il n’y a pas de table ni de chaise, et il peut seulement écrire sur le plancher, et il n’a accès à aucun matériel de référence. Il n’était pas juste de la part de la division générale de lui refuser son droit de soulever une question constitutionnelle.
  2. Il a 75 ans et est en mauvaise santé, et pourtant, la division générale a refusé de faire preuve de compassion à son égard et de l’exempté du paragraphe 5(3) de la Loi sur la SV. Il note que le gouvernement fait preuve de compassion à d’autres occasions : par exemple, les services frontaliers du Canada ont récemment négligé le fait que des immigrants illégaux traversent la frontière à Emerson, au Manitoba.
  3. Il a avisé la Cour suprême du Canada de cet appel auprès de la division d’appel du Tribunal. En janvier 2016, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a accordé la permission d’en appeler de la peine qu’il avait reçue pour les infractions qui ont mené à son incarcération.
  4. Du 4 octobre 2016 au 24 janvier 2017, il a été renvoyé à l’établissement correctionnel de la Nouvelle-Écosse à la suite d’une ordonnance rendue par la Cour provinciale à Dartmouth. Puis, il a été renvoyé à un établissement fédéral à l’Établissement de l’Atlantique à X, au Nouveau-Brunswick le 5 février 2017. Par conséquent, au cours de la période de près de quatre mois au cours de laquelle il avait un statut de détention provisoire, l’appelant soutient qu’il était admissible au bénéfice d’une pension de la SV et d’un SRG.

[23] L’intimé n’a présenté aucune observation.

Analyse

Degré de déférence envers la division générale

[24] Jusqu’à tout récemment, il était convenu que les appels à la division générale étaient régis par la norme de contrôle établie par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-BrunswickNote de bas de page 3. Dans les affaires traitant d’erreurs de droit présumées ou de manquements à un principe de justice naturelle, la norme applicable était celle de la décision correcte, qui commandait un seuil inférieur de déférence envers un tribunal administratif de première instance. Dans les affaires comportant des allégations de conclusions de fait erronées, la norme applicable était celle de la décision raisonnable, signifiant une réticence de la Cour à intervenir dans les conclusions de l’entité dont le rôle consistait à évaluer la preuve des faits.

[25] Dans l’arrêt Canada c. HuruglicaNote de bas de page 4, la Cour d’appel fédérale a rejeté cette approche en concluant que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle conçues aux fins d’application dans les cours d’appel. Les tribunaux administratifs devraient plutôt se rapporter en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer leur rôle. Cette prémisse a amené la Cour à déterminer le critère approprié qui découle complètement de la loi habilitante d’un tribunal administratif : « L’approche textuelle, contextuelle et téléologique requise par les principes d’interprétation législative modernes nous donne tous les outils nécessaires pour déterminer l’intention du législateur [...] »

[26] En la matière, cela implique que la norme de la décision raisonnable ou de la décision correcte ne s’applique pas à moins que ces mots ou leurs variantes figurent spécifiquement dans la législation fondatrice. Si cette approche est appliquée à la LMEDS, on doit noter que les alinéas 58(1)a) et 58(1)b) ne qualifient pas les erreurs de droit ou les manquements à la justice naturelle, ce qui laisse entendre que la division d’appel ne devrait pas faire preuve de déférence à l’égard des interprétations de la division générale. Le mot « déraisonnable' » est introuvable à l’alinéa 58(1)c), où il est question de conclusions de fait erronées. En revanche, le critère contient les qualificatifs « abusive ou arbitraire » et « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Comme on le suggère dans l’arrêt Huruglica, on doit donner à ces mots leur propre interprétation, mais le libellé indique que la division d’appel devrait intervenir lorsque la division générale fonde sa décision sur une erreur flagrante ou en contradiction avec le contenu du dossier.

Critère juridique relatif aux rejets sommaires

[27] L’appelant n’était pas représenté et n’a pas soulevé directement le critère juridique pertinent. Plutôt, ses observations portaient sur son opinion selon laquelle la division générale a traité son cas de façon injuste lorsqu’elle a refusé de tenir compte de son argument constitutionnel, notamment compte tenu des restrictions auxquelles il est soumis dans une unité d’isolement d’un pénitencier fédéral.

[28] La division générale s’est prononcée sur l’appel de l’appelant en invoquant le paragraphe 53(1) de la LMEDS, lequel lui permet de rejeter sommairement un appel si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Au paragraphe 10 de sa décision, la division générale a indiqué correctement le libellé de la disposition pertinente.

[29] Toutefois, il n’est pas suffisant de tout simplement citer la loi sans l’appliquer correctement aux faits. La division générale a conclu que l’intimé a correctement appliqué le paragraphe 5(3) de la Loi sur la SV lorsqu’elle a suspendu la pension et le supplément de l’appelant, mais je dois d’abord examiner si la division générale a employé le processus approprié pour ce faire.

[30] La décision de rejeter sommairement un appel se fonde sur un critère préliminaire. Il ne convient pas d’examiner l’affaire sur le fond en l’absence des parties, puis de conclure que l’appel ne peut pas réussir. La Cour d’appel fédérale a examiné la question relative à un rejet sommaire dans le contexte de son propre cadre législatif et a déterminé que le seuil pour un rejet sommaire est très élevéNote de bas de page 5. La question à se demander est de savoir s’il est clair et évident sur la foi du dossier que l’appel est voué à l’échec. La question n’est pas de déterminer si l’appel doit être rejeté après une étude des faits, de la jurisprudence et des arguments des parties. Plutôt, il faut déterminer si l’appel est voué à l’échec, peu importe les preuves ou arguments qui pourraient être présentés lors d’une audience.

[31] La division d’appel a fréquemment adopté cette approche au moment d’évaluer les rejets sommaires de la division généraleNote de bas de page 6. À d’autres reprises, la division d’appel a adopté une approche tout aussi rigoureuse, bien qu’elle ait employé des termes différents, faisant une distinction entre une affaire « faible » et une affaire « sans aucun espoir »Note de bas de page 7. Le premier nécessite que les observations soient considérées en fonction de leur mérite tandis que le dernier prétend, à première vue, un résultat « manifestement clair ».

Les ordonnances et les décisions de la division générale

[32] Dans son ordonnance interlocutoire datée du 5 décembre 2016, la division générale a conclu que l’appelant ne satisfaisait pas aux exigences prévues à l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal. Par conséquent, la division générale a refusé de tenir compte de l’argument constitutionnel de l’appelant et a tranché l’appel seulement en se fondant sur la question à savoir si l’appelant était assujetti au paragraphe 5(3) de la Loi sur la SV. Dans sa décision datée du 24 janvier 2017, la division générale a écrit ce qui suit :

[traduction]

[17] En l’espèce, l’appelant a été incarcéré en août 2013. Cela n’a pas été contesté. L’intimé a suspendu le paiement de sa pension de la SV et de son SRG à partir de septembre 2013. Le Tribunal conclut que cela a été fait conformément au paragraphe 5(3) de la LSV.

[18] Le Tribunal a été conçu par la législation et, en tant que tel, il n’a que les pouvoirs qui lui ont été conférés par la loi. Le Tribunal est tenu d’interpréter et d’appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans la LSV. Pour ces raisons, je ne peux pas exclure l’appelant des exigences de la loi pour des motifs humanitaires.

[19] Par conséquent, le Tribunal estime que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit?

(i) Interdiction de soulever un argument constitutionnel

[33] Le 28 septembre 2015, la division générale a envoyé à l’appelant un avis d’intention de rejeter sommairement son appel, citant le paragraphe 5(3) de la Loi sur la SV qui s’applique à sa situation. Le 8 octobre 2015, dans une note manuscrite (identifié GD12 dans le dossier de l’affaire) renvoyée avec une copie de ce même avis d’intention de rejet sommaire, l’appelant a répondu ce qui suit :

[traduction]

Appel particulier fondé sur la Charte (des droits)

1. Programmes de la sécurité du revenu – SV/RPC va à l’encontre de la Charte des droits de l’appelant applicable à un aîné canadien (âgé de 74 ans), comme cela est prévu à l’article 6 de la Charte des droits relatif au droit de [traduction] « défense ». Les programmes de SR/SV m’a privé de ce droit en cessant le versement de ma pension de la vieillesse en septembre 2013. Demande de rétablissement avec effet rétroactif immédiatement pour ses frais de justice.

2. Toutes les observations à l’appui de l’appel ci-dessus en vertu de la charte sont au dossier, p.ex. le dossier du Tribunal de la sécurité sociale du Canada GP-14-2571.

[34] Le 27 juin 2016, la division générale a rendu sa première décision interlocutoire et ordonnance :

[traduction]

Dans la réponse de l’appelant à l’avis de rejet sommaire (division générale 12-3), il n’a pas précisé la disposition de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) qui aurait présumément contrevenu à ses droits garantis par la Charte, conformément au sous-alinéa 20(1)a)(i) du Règlement sur le Tribunal. Cependant, il mentionne le paragraphe 5(3) de la Loi sur la SV. En tant que prisonnier, il soutient que la suspension de ses prestations de la SV à partir de septembre 2013 va à l’encontre de ses droits garantis à l’article 6 de la Charte. L’appelant fait également référence au dossier d’audience à l’appui d’un autre argument en lien avec cette question. Pour ces motifs, le tribunal conclut que cet appel suivra un processus d’appel particulier fondé sur la charte qui conteste la validité, l’applicabilité et l’effet constitutionnels du paragraphe 5(3) de la loi sur la SV. [Mis en évidence par la sous-signée].

[35] Je trouve que les extraits ci-dessus sont contradictoires. La division générale a conclu que l’appelant [traduction] « n’a pas identifié de manière précise la disposition de la [Loi sur la SV] qui aurait prétendument contrevenu à ses droits garantis par la Charte », bien qu’elle ait concédé qu’il a [traduction] « fait allusion » au paragraphe 5(3). En fait, le paragraphe 5(3) était l’objet même de la lettre de l’appelant portant sur son argument constitutionnel. Puis, ayant souligné cette prétendue lacune, la division générale a quand même accueilli l’argument constitutionnel.

[36] Les contradictions se poursuivent. Après avoir conclu explicitement que l’appel [traduction] « procéderait en tant qu’appel particulier fondé sur la Charte », la division générale a alors imposé une série de conditions qui, selon ce que j’ai pu déterminer (i) sont déjà respectées par l’appelant ou (ii) n’étaient pas nécessaires selon toute loi ou tout règlement :

[traduction]

Le Tribunal doit recevoir, au plus tard le 1er septembre 2016, un dossier constitué des observations de l’appelant et des éléments de preuve à l’appui concernant la contestation constitutionnelle. Le dossier de l’appelant doit :

a) indiquer la/les disposition(s) de la Loi sur la SV en cause;

b) indiquer les droits et libertés qui auraient été violés (par exemple, préciser la/les disposition(s) de la Charte canadienne des droits et libertés ou de la Déclaration canadienne des droits);

c) exposer le fondement factuel de la contestation constitutionnelle;

d) expliquer en quoi la/les disposition(s) de la Loi sur la SV viole(nt) les droits et libertés protégés;

e) indiquer les réparations demandées;

f) contenir une copie de tous les éléments de preuve à l’appui, y compris les affidavits et les éléments de preuve d’expert;

g) énumérer les témoins qui doivent venir témoigner de vive voix, en l’absence de preuve par affidavit;

h) contenir une copie de la jurisprudence applicable et des autres textes faisant autorité sur lesquels le dossier est fondé, s’il y a lieu.

Le non-respect du délai prévu ci-dessus et des exigences énumérées ci-dessus pourrait donner lieu à un appel suivant un processus régulier. Le cas échéant, l’appelant ne sera pas autorisé à soulever la contestation constitutionnelle au cours de l’instance.

[37] Cette dernière clause était, selon moi, la plus problématique. L’appelant avait déjà avisé le Tribunal que le paragraphe 5(3) de la Loi sur la SV était en cause et il a présenté des observations qui exposaient un argument constitutionnel, quoique grossièrement. La division générale a elle-même déjà attesté du fait que l’appelant satisfaisait aux exigences de l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal. Puisqu’elle a fait cela, elle ne pouvait pas par la suite imposer une série de conditions supplémentaires sous peine de retirer cette attestation. Néanmoins, la division générale a décidé d’envoyer une série de lettres lui demandant de fournir des renseignements supplémentaires et avertissant l’appelant que son appel sera traité comme une affaire non fondée sur la Charte à moins qu’il ne soumette un [traduction] « dossier ». Chaque fois, l’appelant a répondu qu’il ne présenterait pas de document supplémentaire relativement à sa question constitutionnelle, puisqu’il n’avait pas accès à un ordinateur. Le 5 décembre 2016, la division générale a rendu son ordonnance de frapper la contestation fondée sur la Charte.

[38] Ce faisant, la division générale a commis ce que j’estime être une erreur mixte de droit et de fait. Une fois que la division générale a attesté de contestation de l’appelant fondée sur la Charte, elle n’avait pas la compétence nécessaire pour retirer cette attestation, notamment parce que rien ne laissait entendre que l’appelant avait omis de respecter les exigences de l’alinéa 20(1)a). Le sous-alinéa 20(1)a) prévoit qu’une partie qui cherche à présenter une contestation fondée sur la Charte doit présenter un avis contenant toutes les observations à l’appui de la question soulevée. Plus précisément, la forme ou le contenu de ces observations n’est pas précisé. L’appelant a bel et bien présenté un avis contenant de telles observations et, bien que celles-ci étaient manuscrites, laconiques et manquant de sophistication, ce n’était pas le rôle de la division générale, à ce stade, d’évaluer leur qualité. Dès qu’elles satisfaisaient aux exigences de l’alinéa 20(1)a), l’appel de l’appelant devenait un dossier de Charte, et il aurait dû le demeurer à moins que l’appelant ne se conforme pas à la prochaine étape — signifier un avis de question constitutionnelle aux procureurs généraux des gouvernements fédéral et provinciaux, conformément à l’alinéa 20(1)b), au moins 10 jours avant l’audience de l’appel. Bien sûr, l’appel de l’appelant ne s’est jamais rendu à cette étape, car la division générale a mis fin de manière prématurée et inappropriée à la contestation de l’appelant fondée sur la Charte.

(ii) Constatation d’une cause non défendable

[39] Même si la division générale avait eu raison de conclure que l’appelant ne respectait pas les exigences pour invoquer une contestation fondée sur la Charte, cet appel aurait quand même été accueilli selon un autre motif. Selon moi, la division générale a commis une erreur de droit en appliquant un seuil insuffisant pour rejeter sommairement l’appel de l’appelant. En l’espèce, j’ai été influencé par l’affaire J.C. c. MEDSNote de bas de page 8, une décision antérieure de la division d’appel qui portait également sur un ancien bénéficiaire de la SV qui affirmait que le paragraphe 5(3) était inconstitutionnel.

[40] En l’espèce, la division générale a conclu que l’appelant était un prisonnier dans un pénitencier fédéral après le 1er janvier 2011 et qu’il était par conséquent assujetti au paragraphe 5(3) de la Loi sur la SV. Il s’agissait, selon la division générale, d’un dossier bouclé d’avance, et peut-être que s’aurait été le cas si l’appelant n’avait pas précédemment présenté un argument constitutionnel. La division générale avait, à ce stade, interdit une contestation constitutionnelle, mais, comme nous avons pu le constater, elle a agi de la sorte uniquement selon des motifs techniques — le fait que l’appelant n’aurait prétendument pas présenté un dossier complet. J’ai déjà conclu que l’appelant avait bel et bien respecté les exigences minimales relativement à la présentation de la demande et prévu à l’alinéa 20(1)a), mais même si ce n’avait pas été le cas, l’argument fondé sur la Charte, peu importe ses mérites considérables, aurait continué d’exister. Que l’appelant se conforme ou non à l’ordonnance de la division générale datant du 27 juin 2016 n’était pas pertinent pour déterminer si son appel avait une chance raisonnable de succès. La loi et la jurisprudence qui y est associée exigent uniquement qu’un appelant présente une cause défendable; l’on ne précise pas quel type de cause cela doit être, et cela n’exclut certainement pas les contestations constitutionnelles qui pourraient avoir des lacunes techniques.

[41] En l’espèce, je note au moins un exemple que de contester le paragraphe 5(3) de la Loi sur la SV, en vertu de la Charte, représente une cause « défendable » : le fait qu’une autre cause portant sur cette question est présentement devant la division d’appel, et qu’elle n’est pas encore tranchée.

[42] Selon moi, l’on ne peut pas affirmer qu’il était clair et évident sur la foi du dossier que la contestation de l’appelant fondée sur la Charte était vouée à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou les arguments présentés lors de l’audience. Je ne peux pas non plus affirmer que cet argument était, à première vue, « sans aucun espoir ».

Conclusion

[43] Pour les motifs susmentionnés, j’accueille cet appel au motif que la division générale a commis une erreur de droit et de fait en interdisant la contestation fondée sur la Charte même si l’appelant satisfaisait aux exigences prévues à l’alinéa 20(1)a) de la Loi sur la SV. L’appel de l’appelant est également accueilli parce que la division générale n’a pas appliqué le critère approprié lorsqu’elle a rejeté sommairement son appel.

[44] L’article 59 de la LMEDS énonce les réparations que la division d’appel peut accorder en appel. Pour prévenir toute crainte de partialité, il convient en l’espèce de renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un membre différent de la division générale.

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