Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Introduction

[1] L'appelant a présenté une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) en octobre 2005. Il recevait une pension de retraite du Régime de pensions du Canada (RPC) depuis avril 2006.

[2] Au lieu de verser une pension de la SV partielle à l'appelant, l'intimé lui a versé une pleine pension de la SV jusqu'en septembre 2005. L'intimé a informé l'appelant en octobre 2015 qu'il avait reçu un trop-payé de 28 300,28 $ et il lui a demandé de rembourser la moitié du trop-payé, à savoir 14 150,14 $.

[3] L’appelant a présenté une demande de révision. L'intimé a maintenu la décision originale.

[4] L’appelant a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) en décembre 2015.

[5] Le 28 novembre 2016, la division générale a rejeté l'appel de façon sommaire au motif que le Tribunal n'a pas la compétence au titre de l'article 37 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) d'effacer une partie ou la totalité d'un trop-payé en raison d'une erreur administrative de la part de l'intimé. Il n'a pas non plus le pouvoir d'instruire l'appel de la décision du ministre rendue au titre du paragraphe 37(4) de la Loi sur la SV.

[6] L'appelant a déposé une demande de permission d’en appeler auprès de la division d'appel du Tribunal le 14 février 2017. Étant donné que cette affaire est un appel d'une décision de rejet sommaire rendue par la division générale, la demande de permission d'en appeler n'est pas nécessaire, et la demande a été traitée comme un avis d'appel. L'appelant a fourni de plus amples renseignements le 30 mars 2017. Ses motifs d’appel peuvent être résumés de la façon suivante :

  1. La division générale a omis d'observer un principe de justice naturelle;
  2. le trop-payé est le résultat d'une erreur administrative commise par l'intimé, et celui-ci est le seul responsable de cette erreur;
  3. l'intimé a versé le mauvais montant pendant 10 ans et il a laissé la somme du trop-payé atteindre un montant inabordable.

[7] L’intimé n’a pas présenté d’observations à la division d’appel. Les observations de l'intimée présentées à la division générale sont les suivantes :

  1. le Tribunal n'a pas la compétence de trancher une affaire concernant un trop-payé ou la période de prélèvement;
  2. le fait que l'appelant n'était pas admissible au montant versé en trop n'est pas contesté;
  3. l'intimé a pris la décision discrétionnaire de réduire le montant du trop-payé que l'appelant doit rembourser;
  4. le Tribunal n'a pas le pouvoir d'examiner les décisions discrétionnaires du ministre.

[8] L’appel a été tranché sur la foi du dossier pour les motifs suivants :

  1. l’absence de complexité de la question soulevée en appel;
  2. le fait que le membre de la division d'appel a conclu qu'aucune autre audience n'est requise;
  3. l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[9] La division d'appel doit déterminer si elle devrait rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale, confirmer, infirmer ou modifier la décision.

Droit applicable et analyse

[10] L’appelant interjette appel d’une décision datée du 28 novembre 2016 dans laquelle la division générale a rejeté l'appel de façon sommaire au motif qu'elle était convaincue que l'appel n'avait aucune chance raisonnable de succès.

[11] Il n’est pas nécessaire de demander la permission d'en appeler en vertu du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), parce qu’un rejet sommaire de la part de la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit. Après avoir conclu qu'il n’est pas nécessaire de tenir une autre audience, cet appel dont est saisie la division d’appel sera instruit conformément à l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

[12] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[13] L’appelant ne conteste aucune des conclusions de fait tirées par la division générale. Il prétend plutôt que le résultat est injuste, car le trop-payé est le résultat d'une erreur administrative commise par l'intimé et qu'il ne devrait pas être tenu responsable de celle-ci.

[14] Les dispositions de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) pertinentes en l’espèce sont les suivantes :

  1. a) Le paragraphe 37(1) de la Loi sur la SV prévoit ce qui suit : « Le trop-perçu — qu’il s’agisse d’un excédent ou d’une prestation à laquelle on n’a pas droit — doit être immédiatement restitué, soit par remboursement, soit par retour du chèque ».
  2. b) Le paragraphe 37(2) de la Loi sur la SV prévoit ce qui suit : « La prestation ou la partie de celle-ci que touche une personne et à laquelle elle n’a pas droit constitue une créance de Sa Majesté dont le recouvrement peut être poursuivi en tout temps à ce titre devant la Cour fédérale ou tout autre tribunal compétent, ou de toute autre façon prévue par la présente loi. »
  3. c) L'alinéa 37(4)d) de la Loi sur la SV prévoit que le ministre, dans certaines occasions, doit faire remise de l'ensemble ou d’une partie de montants versés en excédent s'il est convaincu que la créance résulte d'un avis erroné ou d'une erreur administrative survenus dans le cadre de l'application de la Loi sur la SV.

Critère juridique relative au rejet sommaire

[15] Le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS permet à la division générale de rejeter sommairement un appel si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[16] Le paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour révision conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[17] En l’espèce, la division générale énonce correctement la disposition législative applicable pour justifier un rejet sommaire de l’appel en invoquant, au paragraphe 2 de sa décision, le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS.

[18] Toutefois, il n’est pas suffisant de reprendre le libellé du paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDStraitant des rejets sommaires si l’on n’applique pas cette disposition comme il se doit. Après avoir établi le fondement législatif, la division générale doit aussi préciser le critère juridique applicable puis appliquer le droit aux faits.

[19] La division générale demande si l’appel devrait être rejeté sommairement au paragraphe 2 de sa décision.

[20] La division générale n’a pas précisé dans sa décision le critère juridique qu’elle a appliqué pour arriver à la conclusion qu’elle devait rejeter l’appel de façon sommaire.

Décision de la division générale

[21] Bien que la division générale n’ait pas énoncé le critère juridique qu’elle a appliqué, elle a cependant expliqué ce sur quoi elle s’est fondée pour rejeter l’appel de façon sommaire :

[traduction]
[22] L'appel est le résultat d'un malheureux ensemble de circonstances dans lequel l'intimé a versé par erreur une pleine pension de la SV à l'appelant pendant presque 10 ans, au lieu d'une pension partielle de 21/40 qu'il avait choisi de recevoir.

[23] L'appelant n'a pas contesté le fait qu'il a touché plus d'argent que le montant auquel il était admissible. Il semble plutôt être en désaccord avec la décision de l'intimé selon laquelle il doit rembourser la moitié du trop-payé. Sa position est en grande partie fondée sur son argument que le trop-payé a été causé par la faute d'une autre personnel, qu'il n'était pas au courant qu'il touchait plus d'argent que ce à quoi il était admissible et qu'il n'est pas obligé de calculer et de vérifier que l'intimé versait des paiements du bon montant. Selon l'intimé, l'appelant aurait dû savoir qu'il touchait un montant supérieur à celui auquel il était admissible pour les raisons suivantes : 1) l'appelant a signé un document le 31 mars 2016 selon lequel il avait choisi de toucher une pension partielle de 21/40 au montant de 254,43 $ par mois à partir d'avril 2006; 2) le 12 avril 2006, l'intimé a envoyé à l'appelant une lettre d'approbation selon laquelle il toucherait une pension mensuelle de 254,43 $.

[24] Le Tribunal n'est pas tenu de déterminer si l'appelant savait réellement qu'il touchait une pension de la SV supérieure à celle à laquelle il était admissible. Tout d'abord, l'article 37 de la Loi sur la SV prévoit qu'une personne ayant reçu un paiement excédentaire de prestations par rapport au moment prévu doit immédiatement le rembourser. Ensuite, même si l'intimé peut considérer l'ensemble ou une partie d'un trop-payé comme le résultat d'une erreur administrative de sa part, le Tribunal n'a pas la même compétence. À cet égard, l'alinéa 37(4)d) de la Loi sur la SV autorise l'intimé à faire remise de l'ensemble ou d'une partie d'un trop-payé, mais cette disposition n'accorde pas ce pouvoir au Tribunal. De plus, la Cour d'appel fédérale a conclu que le Tribunal n'a pas le pouvoir d'instruire un appel de la décision du ministre prise au titre de l'alinéa 37(4)d) de la Loi sur la SV (Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Tucker, 2003 CAF 278).

[25] Le fait qu'il a fallu presque 10 ans à l'intimé pour reconnaître l'erreur en matière de paiement ne change pas la compétence du Tribunal en l'espèce. Le paragraphe 23(2) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse permet au ministre de faire enquête en tout temps sur l'admissibilité d'une personne à une prestation, et l'article 37 de la Loi sur la SV prévoit que les personnes pensionnées de rembourser les trop-payés, ce qui est assujetti seulement aux décisions discrétionnaires de l'intimé de faire remise de l'ensemble ou d'une partie de ces trop-payés.

[26] Le Tribunal a été conçu par la législation et, en tant que tel, il n’a que les pouvoirs qui lui ont été conférés par la loi. Le Tribunal interprète et applique les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans la Loi sur la SV. Il n'a pas le pouvoir de rendre des décisions pour des motifs de compassion ou de circonstances atténuantes.

[27] Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal estime que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[22] Étant donné que le membre de la division générale n’a pas précisé le critère juridique applicable à un rejet sommaire et n’a pas appliqué ce critère aux faits de l’affaire, la décision de la division générale est fondée sur une erreur de droit.

[23] Le critère juridique applicable au rejet sommaire est la première question à laquelle il faut répondre. La question suivante serait celle visant à déterminer si une erreur de droit (ou une autre erreur) a été commise dans la décision rendue par l’intimé sur les questions précises.

[24] En raison de l'erreur de droit portant sur la question préliminaire du critère juridique applicable à un rejet sommaire, la division d'appel doit faire sa propre analyse et déterminer si elle doit rejeter l'appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l'affaire à la division générale, confirmer, infirmer ou modifier la décision : Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 RCS 235, 2002 CSC 33 au paragraphe 8, et paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS.

Application du critère juridique relatif au rejet sommaire

[25] Même si la division générale a erré en n’indiquant pas et en n'appliquant pas le critère juridique applicable, les paragraphes 24 à 26 de la décision de la division générale sont exacts et je suis d'accord avec les conclusions qui y figurent.

[26] Bien que l’expression « aucune chance raisonnable de succès » n’ait pas été définie plus avant dans la Loi sur le MEDS aux fins de l’interprétation du paragraphe 53(1) de cette loi, le Tribunal fait observer que c’est une notion qui est utilisée dans d’autres domaines du droit et qui a fait l’objet de décisions antérieures de la division d'appel.

[27] Il semble exister trois catégories de jurisprudence quant aux décisions précédemment rendues par la division d'appel relativement aux appels de rejets sommaires effectués par la division générale.

  1. Exemples : AD-13-825 (J. S. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 715), AD-14-131 (C. D. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 594), AD-14-310 (M. C. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 237), AD-15-74 (J. C. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 596). Il est clair à la lecture du dossier que l’appel est voué à l’échec, quels que soient les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l’audience. Il s'agissait du critère énoncé dans les arrêts de la Cour d'appel fédérale Lessard-Gauvin c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 147; Sellathurai c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CAF 1; Breslaw c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 264.
  2. 2015 TSSDA 973); AD-15-401 (A.A. c. Ministre de l'Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 1178).La division d’appel s’est posé les questions visant à déterminer s’il y a une « question donnant matière à procès », c’est-à-dire s’il y a une question à trancher, et s’il y a un fondement quelconque à la demande, et ce, en qualifiant les causes d’« absolument sans espoir » (c.-à-d. vouées à l’échec) et de « faibles » (c.-à-d. peu solides, aux arguments peu convaincants), pour déterminer s’il était approprié de rejeter l’appel de façon sommaire. Dès lors qu’il existe un fondement factuel suffisant à l’appui de l’appel et que le résultat n’est pas « manifestement clair », il n’est pas opportun de rendre une décision de rejet sommaire. Une cause faible, peu solide n’appellerait pas de décision sommaire puisqu’elle comporte nécessairement l’évaluation du fond du litige et l’examen et l’appréciation des éléments de preuve.
  3. Exemple : AD-15-216 (K. B. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 929). La division d’appel n’a pas formulé un critère juridique et a seulement cité le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS.

[28] J’estime que l’application des deux critères que j’ai énoncés au paragraphe 27 de la présente décision mène au même résultat en l’espèce, à savoir que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il est évident et manifeste, au vu du dossier, que l’appel est voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou arguments qui pourraient être présentés lors d’une audience. Il est également évident qu’il ne s’agit pas ici d’une affaire au fondement « faible », mais bien d’une affaire « sans aucun espoir » de succès, une évaluation du bien-fondé de l’affaire ou un examen de la preuve n’étant pas requis en l’espèce.

[29] Ni la division générale du Tribunal ni la division d’appel ne peuvent faire remise de tout ou partie des montants versés en excédent en raison d'une erreur relative à l'administration de la Loi sur la SV, et ce peu importe les circonstances. Il est évident selon l'alinéa 37(4)d) de la Loi sur la SV que ce pouvoir discrétionnaire est celui du ministre seulement.

[30] L'argument principal de l'appelant est qu'il est injuste qu'il subisse les conséquentes de l'erreur administrative de l'intimé.

[31] L'application de l'alinéa 37(4)d) est un facteur déterminant de l'appel. De plus, le Tribunal n'a pas la compétence d'examiner les décisions du ministre rendues au titre de l'article 37 de la Loi sur la SV : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Tucker, 2003 CAF 278.

[32] Il est évident à la lecture du dossier que l'appelant a touché une pension de la SV à partir d'avril 2006 et qu'il a reçu un trop-payé de mai 2006 à septembre 2015. Ces montants étaient excédentaires au montant auquel l'appelant était admissible, et même s'il s'agissait d'une erreur de nature administrative commise par l'intimé, le montant excédentaire est une dette à rembourser. L'intimé a demandé que l'appelante rembourse la moitié de ce montant en tenant compte du fait qu'une erreur administrative a été commise dans l'administration de la Loi sur la SV, ce qui a causé un trop-payé. Seul le ministre a la capacité d'effacer un trop-payé dans son ensemble, à sa discrétion. L'intimé a choisi de ne pas agir ainsi, et cette décision discrétionnaire ne peut pas faire l'objet d'un appel devant le Tribunal.

[33] Le Tribunal ne peut pas modifier les dispositions juridiques prévues dans la Loi sur la SV. En dépit de la preuve ou des arguments qui pourraient être présentés à une audience, l’appel sur ce motif est voué à l’échec.

[34] Après avoir examiné l’avis d’appel de l’appelant et ses observations, le dossier de la division générale, la décision rendue par la division générale ainsi que les décisions précédentes rendues par la division d’appel relatives aux rejets sommaires, et après avoir appliqué le critère juridique pertinent aux rejets sommaires, je rejette l’appel.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté.

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