Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Quelle est votre date de naissance? Il s'agit d'une question fréquente que la plupart des Canadiens ont peu de difficulté à répondre. Cependant, depuis 2013, le demandeur en l'espèce a fait des pieds et des mains pour prouver qu'il est né en 1947, et non en 1956. Cet écart de neuf ans est important, car il a une incidence sur le moment auquel il est admissible au versement de la pension de la Sécurité de la vieillesse (SV)Note de bas de page 1.

[2] Le demandeur croyait précédemment être né le 5 mai 1956, date qui figure dans de nombreux documents officiels. Cependant, en 2008, il a appris qu'il pourrait être né à une date antérieure. Après maints efforts, le demandeur est maintenu convaincu qu'il est né le 16 juillet 1947, mais les fonctionnaires de son pays de naissance, le Ghana, sont incapables de confirmer cette date étant donné que, à la période visée, il n'y avait aucune installation d'enregistrement à l'endroit où il est né. Afin de compliquer davantage les choses, le demandeur a changé son nom et il ne possède plus le même nom de famille que l'un de ses deux parents.

[3] Donc, lorsque le demandeur a présenté sa demande de pension de la SV en 2013, il a déclaré être né le 16 juillet 1947. Le défendeur (ministre) a néanmoins rejeté sa demande à l'étape initiale et après révision étant donné que la date de naissance du 5 mai 1956 était celle que le demandeur avait utilisée précédemment, et le ministre n'a pas été convaincu par la preuve qu'on devrait avoir recours à une date différente. En septembre 2016, l'appel du demandeur devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a été rejeté. Même s’il faisait preuve de sympathie, le membre de la division générale a conclu que le demandeur n'avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu'il était âgé d'au moins 65 ans.

[4] En décembre 2016, le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal. Pour les raisons décrites ci-dessous, j'ai décidé que la permission d'en appeler est refusée.

Cadre juridique

[5] Le Tribunal est créé et régi par la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). La Loi sur le MEDS établit un certain nombre de différences importantes entre la division générale du Tribunal et la division d'appel de celui-ci.

[6] Tout d'abord, la division générale est tenue d'examiner et d'apprécier l'ensemble de la preuve présentée, y compris les nouveaux éléments de preuve qui n'ont pas été pris en considération par le ministre au moment où il a rendu ses décisions antérieures. En revanche, il est habituellement interdit à la division générale de prendre en considération un nouvel élément de preuve, et la division générale met davantage l'accent sur des erreurs particulières qui auraient pu être commises par la division générale. Plus particulièrement, la division d'appel peut intervenir dans une décision de la division générale seulement si l'une des erreurs prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS a été établie, soit :

  1. a) La division générale a-t-elle omis d'observer un principe de justice naturelle ou a-t-elle autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence?
  2. b) A-t-elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier?
  3. c) A-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[7] Une deuxième différence importante établie par la Loi sur le MEDS est que la plupart des appels instruits devant la division d'appel doivent suivre un processus en deux étapes :

  1. a) La première étape est connue comme étant l'étape de la permission d'en appeler. Il s'agit d'une étape préliminaire ayant pour but de filtrer les causes n'ayant aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. Le critère juridique que les demandeurs doivent respecter à cette étape est minime : existe-t-il un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l'appelNote de bas de page 3?
  2. b) Si la permission d'en appeler est accueillie, le dossier se rend à la seconde étape, qui est connue comme étant celle de l'examen sur le fond. C'est à l'étape de l'examen sur le fond que les appelants doivent démontrer qu'il est plus probable que le contraire que la division générale ait commis au moins une des trois erreurs possibles prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. L'expression « plus probable que le contraire » signifie que les appelants ont un critère juridique supérieur à satisfaire à la seconde étape par rapport au critère juridique de la première étape.

[8] L'appel est maintenant à l'étape de la permission d'en appeler, ce qui signifie que la question que je dois me poser est celle de savoir s'il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l'appel. Il incombe au demandeur de démontrer que ce critère juridique a été satisfaitNote de bas de page 4.

Analyse

[9] La représentante du demandeur soutient qu’une permission d’en appeler devrait lui être accordée pour les raisons suivantes :

  1. Le bureau du ministre a perdu les documents originaux, qui n'ont jamais été trouvés ou renvoyés au demandeur.
  2. Il existe de nouveaux éléments de preuve qui doivent être pris en considération (AD1-21 à 26).
  3. Le demandeur a été victime de nombreuses erreurs, de circonstances culturelles et familiales, et de pratiques locales qui étaient entièrement hors de son contrôle. En tirant sa conclusion, la division générale aurait dû tenir compte de la situation du demandeur, des difficultés particulières auxquelles il s'est heurté en essayant de prouver sa date de naissance, et des pieds et des mains qu'il a fait afin d'y parvenir.

[10] Le ministre n'a présenté aucune observation à cette étape de l'instance.

Documents perdus

[11] Dans les documents présentés à la division générale, le ministre a reconnu qu'il n'a pas été capable de retrouver les documents suivants : la demande originale de pension de la SV du demandeur; une lettre envoyée au demandeur le 23 décembre 2013 dans laquelle on demandait des précisions quant à sa date de naissance; et une déclaration reçue de la part du demandeur le 14 janvier 2015 dans laquelle il confirme être né le 16 juillet 1947 (GD5 et GD8, aux paragraphes 4 et 6). De plus, dans sa demande de permission d'en appeler, le demandeur prétend que certains documents relatifs à sa citoyenneté auraient également été perdus (AD1-3). Selon mon interprétation, cet argument donne à penser que la division générale pourrait avoir omis d'observer un principe de justice naturelle ou avoir fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[12] Le membre de la division générale était conscient de la question des documents perdus, mais il a finalement conclut au paragraphe 38 qu' [traduction] « aucune preuve importante ou pertinente n'est disponible en raison de l'erreur du défendeur ». Il conclut plus particulièrement ce qui suit :

  1. Bien qu'une copie du formulaire de demande n'ait pas pu être trouvée, les décisions du ministre et du membre de la division générale portent strictement sur l'âge et la date de naissance du demandeur. Il a été reconnu tout au long du processus que le demandeur a déclaré dans le formulaire de demain qu'il est né le 16 juillet 1947. Le demandeur ne soutient pas que tout autre renseignement pertinent a été ignoré en raison du formulaire de demande égaré.
  2. Même si la lettre du ministre datée du 23 décembre 2015 aurait dû être conservée, elle ne comprend aucun renseignement important qui aurait eu une incidence sur l'issue de la cause du demandeur.
  3. Le demandeur a conservé des copies de sa déclaration solennelle et d'autres documents relatifs à la citoyenneté que le ministre a égarés, et des copies de tous ces documents ont été présentées au tribunal après l'audience (GD10). Bien qu'il existe la question de savoir si le ministre a bien tenu compte de ces documents, toute erreur possible a été corrigée par le fait que ces documents ont été présentés au membre de la division générale, qui a examiné et apprécié l'ensemble de la preuve. De plus, rien ne démontre que le membre de la division générale a écarté l'un des documents du demandeur parce qu'il s'agissait de copies, et non d'originaux.

[13] Par conséquent, je suis également convaincu qu'aucune preuve importante ou pertinente n'a été perdue en raison de l'erreur du ministre et j'estime que cet argument ne confère pas à l'appel une chance raisonnable de succès au titre de l'alinéa 58(1)a) ou 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

Nouveaux éléments de preuve

[14] Parmi les documents relatifs à la permission d'en appeler, la représentante du demandeur a présenté de nouveaux documents, y compris les suivants :

  1. une lettre du [traduction] « conseil général » du Ghana à Toronto qui décrit le processus que le demandeur a effectué jusqu'à présent et qui demande une lettre expliquant les difficultés associées à l'obtention de documents officiels du Ghana (AD1-21);
  2. preuve du décès de M. A. (AD1-25 à 26), qui, selon ce que la mère du demandeur a dit à celui-ci, est née la même journée que le demandeur.

[15] Les trois erreurs possibles prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS sont si étroites que les nouveaux éléments de preuve ne sont pas pertinents, de façon générale, dans le cadre de l'évaluation que doit effectuer la division d'appel. Bien qu'il existe certaines exceptions à la règle concernant l'examen de nouveaux éléments de preuve, aucune de ces exceptions ne s'applique aux faits de l'espèce, et je n'ai pris en considération aucun de ces documents supplémentairesNote de bas de page 5.

[16] De plus, la Cour fédérale a confirmé au paragraphe 73 de l'arrêt Belo-Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100 que les nouveaux éléments de preuve ne constituent pas en soi un motif permettant d'accorder la permission d'en appelerNote de bas de page 6.

[17] Par conséquent, je suis convaincu que cet argument ne concerne pas l'une des erreurs possibles prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, ce qui signifie qu'il ne confère à l'appel aucune chance raisonnable de succès.

Situation personnelle du demandeur

[18] Le demandeur affirme qu'il touche des prestations d'aide sociale et qu'il est incapable de travailler. Il affirme également qu'il est aux prises avec des circonstances très uniques pour lesquelles il a déployé beaucoup d'efforts afin d'essayer de les surmonter. Étant donné que le ministre a perdu ses documents originaux, le demandeur prétend également être incapable de se déplacer.

[19] Bien que je fasse preuve de beaucoup de sympathie à l'égard du demandeur, je considère ces déclarations comme la demande d'une nouvelle appréciation de la preuve d'un point de vue particulier. Malheureusement, cela ne fait pas partie du rôle de la division d'appelNote de bas de page 7. En effet, un réexamen de la preuve n'est pas prévu par la Loi sur le MEDS. Étant donné que cet argument n'a aucun fondement selon les possibles erreurs prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, il ne confère pas non plus à l'appel une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[20] Selon moi, aucun des arguments soulevés par la représentante du demandeur dans la demande de permission d'en appeler ne correspond à un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l'appel.

[21] Néanmoins, je suis conscient des décisions de la Cour fédérale dans des affaires comme Karadeolian c. Canada (Procureur général), 2016 CF 615, au paragraphe 10 et Griffin, note 4, au paragraphe 20.

[22] Selon mon examen du dossier documentaire et de la décision faisant l'objet de l'appel, je suis convaincu que le membre de la division générale n'a ni ignoré ni mal interprété la preuve pertinente. Selon moi, le membre de la division générale a bien résumé les aspects essentiels de la preuve. Elle a analysé la preuve et expliqué la raison pour laquelle elle était convaincante ou non. Le membre de la division générale a également appliqué le bon critère juridique lorsqu'il a conclu que la preuve était insuffisante pour prouver l'allégation du demandeur selon laquelle il est né en 1947.

[23] Il est également évident que le membre de la division générale a tout fait pour veiller à ce que l'affaire soit instruite de façon équitable, qu'il disposait de tous les documents pertinents et qu'on a remédié à la perte de documents pertinents de la part du ministre ou qu'on au moins minimisé son incidence. Par exemple, le membre de la division générale a autorisé le demandeur à présenter des documents supplémentaires après l'audience et a accordé la prorogation du délai afin que sa représentante puisse répondre aux observations supplémentaires du ministre (GD10, GD11 et GD14).

[24] Par conséquent, je suis convaincu que le demandeur n'a pas soulevé une erreur possible au titre de la Loi sur le MEDS qui confère à l'appel une chance raisonnable de succès et que la demande de permission d'en appeler doit être rejetée.

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