Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Cet appel comporte deux niveaux de retard. Premièrement, le défendeur, le ministre de l'Emploi et du Développement social (ministre), informa le demandeur par courriel daté du 3 octobre 2013, que le supplément de revenu garanti (SRG) qu'il recevait faisait l'objet d'un trop-payé et qu'il avait à le rembourser (GD2-19). Si le demandeur n'était pas content de la décision, il avait 90 jours pour faire une demande de réexamen.

[2] Le demandeur dit qu'il n'a jamais reçu cette lettre et que ce n'est possiblement pas avant l'été 2015 qu'il réalisa qu'il y avait un problème avec les sommes qu'il avait reçues. Il écrivit au ministre à propos de ce problème le 17 août 2015 (GD2-6). En août 2015, le ministre traita la lettre du demandeur comme une demande de réexamen de sa décision d'octobre 2013. Le ministre répondit en février 2016 en disant qu'il refusait de réexaminer sa décision initiale, car la demande pour le faire avait été présentée trop tardivement (GD2-7).

[3] Le demandeur a ensuite interjeté appel de la décision du ministre de février 2016 devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). Cependant, dans une décision datée du 3 avril 2017, la division générale a rejeté l’appel du demandeur (AD1-7). De son côté, le demandeur avait 90 jours pour présenter une demande de permission d'en appeler devant la division d'appel du Tribunal, mais cette demande a aussi été présentée tardivement. Ceci est le deuxième retard mentionné précédemment.

[4] Pour que cet appel puisse être instruit, le demandeur a maintenant deux obstacles préliminaires à franchir. Premièrement comme sa demande de permission d'en appeler a été présentée devant la division d'appel du Tribunal après l'échéancier de 90 jours, je dois décider si une prorogation du délai devrait être permise. Deuxièmement, comme pour la plupart des appels présentés à la division d'appel du Tribunal, il ne peut être instruit sans qu'une permission d'en appeler ait été accordée.

[5] Je vais commencer cette décision avec quelques faits contextuels et ensuite je vais détailler mes motifs pour conclure que l'appel a été présenté tardivement. Je vais expliquer mes motifs pour permettre une prorogation du délai et pour accorder la permission d'en appeler, et je vais fournir quelques commentaires pour aller de l'avant.

Contexte factuel

[6] Le SRG accorde une prestation mensuelle aux prestataires de pension de la sécurité de la vieillesse (SV) qui ont un faible revenu et qui vivent au Canada. Le montant du SRG que les prestataires reçoivent est établi selon leur état civil et leurs revenus de l'année précédente (ou dans le cas d'un couple, leurs revenus combinés).

[7] En l'espèce, le ministre approuva la demande de SRG du demandeur pour la période commençant en avril 2012. Les paiements ont été calculés en se fondant sur le fait que le demandeur était séparé de son épouse, comme il l'avait déclaré sur sa demander (GD2-4). Toutefois, le ministre conclut plus tard que le demandeur s'était réconcilié avec son ancienne épouse et qu'il vivait avec elle depuis le temps où il avait commencé à recevoir ses versements de SRG jusqu'en mai 2012 ainsi que d'octobre 2012 jusqu'à février 2013 (GD2-19).

[8] Durant ces périodes, et pour trois mois suivant chacune des séparations, le ministre recalcula le montant de SRG pour lequel le demandeur était admissible en utilisant les revenus combinés du demandeur et de son épouse. Par conséquent, le demandeur a été avisé dans une lettre datée du 3 octobre 2013, que son SRG avait été payé en trop pour une somme de 3450,42$ et que ce montant serait récupéré par des déductions mensuelles provenant de sa pension SV. S'il n'était pas en accord avec la décision, le demandeur était invité à faire une demande de réexamen dans les 90 jours suivant la date à laquelle il avait reçu la lettre (GD2-20).

[9] Toutefois, il n'y a aucun élément de preuve indiquant que le demandeur communiqua avec le ministre avant août 2015 (GD2-6). Bien que le demandeur n’ait fait référence à aucune décision antérieure, le ministre traita la lettre du demandeur d'août 2015 comme une demande de réexamen de la décision d'octobre 2013, mais il refusa de procéder au réexamen, car l'échéancier de 90 jours s'était écoulé (GD2-7). Autre que cette question de délai, le ministre n'avait pas donné aucun autre motif pour refuser le réexamen de sa décision initiale. Cependant, si le demandeur était encore en désaccord avec la décision du ministre, il était invité à interjeter appel à la division générale du Tribunal, ce qu'il fit.

[10] La division générale du Tribunal rejeta l'appel du demandeur en avril 2017, sur la foi des documents et des observations déjà présentés (AD1-7). La division générale a conclu que la demande de réexamen avait été reçue par le ministre plus de 365 jours après la date à laquelle le demandeur avait reçu sa décision initiale. Par conséquent, la division générale a maintenu que le Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) exigeait que le demandeur démontre que trois critères soient satisfaits, incluant que la demande de réexamen ait une chance raisonnable de succès.

[11] Après avoir examiné la preuve, la division générale a conclu que la demande de réexamen du demandeur n'avait aucune chance raisonnable de succès et elle rejeta l'appel.

[12] Le demandeur avait alors 90 jours pour faire appel de la décision de la division générale à la division d'appel.

Analyse

Est-ce que la demande de permission d'en appeler avait été présentée en retard à la division d'appel? Oui.

[13] La décision de la division générale était datée du 3 avril 2017, mais le demandeur déclara qu'il l'avait reçu le 20 avril 2017 (AD1-3 et 5). Par conséquent, sa demande de permission d'en appeler était due 90 jours plus tard, soit le 19 juillet 2017.Note de bas de page 1 Les dossiers du Tribunal montrent qu'il y a eu plusieurs conversations téléphoniques entre le demandeur et le personnel du tribunal entre juin et juillet 2017:

  1. Le 16 juin, il demanda de l'aide pour comprendre les trois moyens d'appel possibles;
  2. Le 6 juillet, il demanda s'il pouvait faire appel directement aux Cours fédérales et reçu par courriel une copie du formulaire approprié pour en appeler à la division d'appel;
  3. Le 19 juillet, il appela et demanda de l'aide pour remplir le formulaire qu'on lui avait récemment été envoyé;
  4. Le 21 juillet, il appela pour avoir une confirmation que le Tribunal avait reçu sa télécopie de 19 pages. Il a été informé qu'elle n'avait pas été versée au dossier, mais qu'il devrait rappeler la semaine suivante une fois qu'ils auraient eu le temps de la traiter;
  5. Le 28 juillet, il a appelé encore et a été informé que sa télécopie de 19 pages n'avaient pas été reçue.

[14] Le 28 juillet 2017, le demandeur a renvoyé sa demande de permission d'en appeler accompagnée de la feuille de confirmation montrant que 19 pages avaient effectivement été transmises au numéro du Tribunal le 20 juillet 2017 à 21 h 35.

[15] La demande de permission d'en appeler du demandeur était en retard peu importe qu'elle ait été envoyée le 20 ou le 28 juillet 2017, bien qu'elle ne l'ait été que de seulement neuf jours dans le pire des cas. Par conséquent, je dois accorder une prorogation du délai avant que cet appel puisse être instruit.

Est-ce que la demande de prorogation du délai du demandeur devrait être accordée? Oui.

[16] Lorsqu'il est décidé si une prorogation de délai devrait être accordée, le Tribunal examine et apprécie les quatre facteurs qui ont été établis dans l'affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. GattellaroNote de bas de page 2:

  1. a) Est-ce que le demandeur a démontré une intention constante de poursuivre l’appel?
  2. b) Le demandeur a-t-il fourni une explication raisonnable pour le retard?
  3. c) S'agit-il d'une cause défendable en appel.
  4. d) Est-ce que d'accorder une prorogation du délai causerait un préjudice à une des parties?

[17] Tous les quatre facteurs n'ont pas à être satisfaits; la considération primordiale est celle de savoir s'il en est de l'intérêt de la justiceNote de bas de page 3.

[18] D'autre part, le demandeur n'a pas fourni une explication pour son retard, même si ce retard en était un très court. Par ailleurs, les appels téléphoniques du demandeur faits au Tribunal, comme indiqué au paragraphe 13 précédemment, démontre une intention constante de poursuivre l'appel. Il n'y a pas de raison de croire que le ministre subirait un préjudice en permettant une prorogation du délai, comme l'échéancier pour faire appel avait été dépassé d'au plus huit jours. La capacité du ministre à se défendre, compte tenu de ses ressources et de la disponibilité des documents pertinents, ne serait pas indûment amoindrie par la prorogation du délai pour faire appel.

[19] Le dernier facteur à considérer, à savoir si l'appel constitue une cause défendable, est souvent le plus important. En examinant ce facteur, je dois garder à l'esprit le rôle restreint que la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) confère à la division d'appel. Plus spécifiquement, la division d'appel peut intervenir avec une décision de la division générale seulement si une des erreurs suivantes indiquées dans le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS a été commise:

  1. a) La division générale a-t-elle omis d'observer un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence?
  2. b) La division générale a-t-elle rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier?
  3. c) La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[20] Les concepts juridiques intégrés à ces questions sont souvent difficiles à comprendre par les gens, particulièrement s'ils n'ont pas de formation juridique ou de représentation. Dans sa demande de permission d'en appeler, le demandeur indiqua que la division générale a commis une erreur de droit, mais certaines explications qu'il donna suggèrent que la division générale ait aussi pu faire des erreurs de fait (AD1-3 à 4). De toute manière, je ne suis pas lié par un moyen d'appel précis pour un appel soulevé par le demandeurNote de bas de page 4 et je n'ai pas besoin de considérer tous les moyens d'appel qu'il a soulevés; un seul moyen défendable donnant gain de cause en appel est suffisant.

[21] Sur ce point, je note que le demandeur nie avoir reçu la décision initiale du ministre, comme il l'a indiqué dans sa lettre du 3 octobre 2013 (GD2-19). Sous la rubrique « Si vous êtes en désaccord avec notre décision  » la lettre indique clairement ceci (à GD2-20): « Pour nous demander de réexaminer notre décision, vous devez nous écrire dans les 90 jours suivant la date à laquelle vous avec reçu cette lettre. » [caractères gras dans la lettre originale, soulignage ajouté]

[22] Comme indiqué par la division générale, le délai de 90 jours est prévu au paragraphe 27.1(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, qui fait référence à une demande de réexamen présentée « [...] dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification par écrit de la décision, ou dans le délai plus long que le ministre peut accorder avant ou après l’expiration du délai de quatre-vingt-dix jour [...]. » De manière à ce que le ministre accorde une prorogation du délai pour qu'une personne présente une demande de réexamen, l'article 29.2 du Règlement sur la SV prévoit que soit deux ou quatre exigences doivent être satisfaites, si la demande est en retard de plus ou moins 365 jours.

[23] Le demandeur fait valoir que les délais de 90 et 365 jours ne s'appliquent pas à lui, car il n'a jamais reçu la lettre du ministre du 3 octobre 2013. À mon avis, le demandeur a soulevé un moyen défendable qui relève de l'alinéa 58(1)b) ou c) de la Loi sur le MEDS.

[24] Plus particulièrement, la division générale a conclu au paragraphe 29 de sa décision que la demande de réexamen du demandeur avait été reçue « [...] considérablement plus tard que 365 jours après la date à laquelle le [demandeur] avait reçu la décision du défendeur datée du 3 octobre 2013[...]. » Toutefois, compte tenu de l'allégation du demandeur voulant qu'il n'ait pas reçu la décision initiale (soulevée devant les divisions générale et d'appel en GD12 et AD1-4), un doute est soulevé de savoir si la division générale pourrait avoir omis de tirer une conclusion claire quant à la date à laquelle le demandeur a été avisé par écrit de la décision initiale du ministre. Cette date est importante car elle marque le début de la période durant laquelle sa demande de réexamen devait être présentée.

[25] Par conséquent, ce facteur favorise aussi d'accorder une prorogation du délai.

[26] Après avoir considéré les quatre facteurs de la décision Gattellaro et dans l’intérêt de la justice, j'accorde la prorogation du délai pour interjeter appel aux termes du paragraphe 57(2) de la Loi sur le MEDS.

La permission d’en appeler devrait-elle être accordée? Oui.

[27] Conformément aux paragraphes 58(2) et (3) de la Loi sur le MEDS, une permission d'en appeler doit être accordée à moins que l'appel « n'a aucune chance raisonnable de succès ».

[28] En réalisant l'analyse Gattellaro, j'ai considéré précédemment si le demandeur avait « une cause défendable en appel ». Bien que le libellé de ces deux critères juridiques est différent, les cours les ont interprétés comme étant les même en substanceNote de bas de page 5. Dans les deux cas, le seuil à franchir n'est pas élevé: existe-il tout motif défendable susceptible de donner gain de cause à l'appel proposé?

[29] Dans ma décision d'accorder une prorogation du délai, j'indique mes motifs pour conclure que le demandeur a avancé une cause défendable à l'appel. Pour les mêmes motifs, la permission d'en appeler doit aussi être accordée.

Pour aller de l'avant

[30] Bien que j'ai déjà indiqué qu'un des arguments soulevés par le demandeur soit un moyen défendable qui peut donner gain de cause à l'appel proposé, le demandeur est aussi libre de faire valoir les autres questions soulevées dans sa demande de permission d'en appeler. Ceci étant dit, chaque argument doit être relié à au moins une des erreurs possibles ou un moyen indiqué dans le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[31] En effet, j'ai identifié une erreur de droit possible que je veux aussi soulever avec les parties et je les invite à la traiter dans toutes observations additionnelles qu'ils pourraient présenter au Tribunal.

[32] Particulièrement, le refus du ministre de considérer la demande de réexamen du demandeur a été exprimé comme suit dans sa lettre datée du 23 février 2016 (GD2-7):

[Traduction] Le 3 février 2013, nous vous avons fait parvenir une lettre expliquant notre décision. La lettre précisait que vous aviez 90 jours pour nous demander de réviser notre décision. Nous ne pouvons prendre votre demande en compte parce que les 90 jours sont écoulés.

[33] Comme spécifié par les dispositions juridiques précédemment, le ministre détient le pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai de 90 jours pour que le demandeur puisse présenter sa demande de réexamen. Au paragraphe 32 de sa décision, la division générale cita l'arrêt Canada (Procureur général) c. UppalNote de bas de page 6 pour la thèse selon laquelle le pouvoir discrétionnaire du ministre doit être exercé de façon judiciaire. Par conséquent, la question soulevée est la suivante:

  1. La division générale avait-elle le pouvoir d'entreprendre sa propre détermination de savoir si la demande de réexamen avait une chance raisonnable de succès ou est-ce que sa décision aurait dû être limitée à déterminer si le ministre avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon juridique (incluant la question de savoir ce pouvoir discrétionnaire a été en fait exercé)?

Conclusion

[34] J'ai accordé la demande du demandeur de prorogation du délai ainsi que sa demande de permission d'en appeler. Il convient de souligner à ce moment-ci qu'aucun élément de cette décision ne présume du résultat de l'appel sur le fond du litige.

[35] De plus pour ce qui est des questions détaillées précédemment, j'invite aussi les parties à présenter des observations sur la question de savoir si une audience orale est nécessaire à l'étape de l'examen sur le fond.

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