Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Décision

L’appel est rejeté.

Aperçu

[1] Il s’agit d’un appel relatif à une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) portant sur l’interprétation de la Loi sur la sécurité de la vieillesseNote de bas de page 1 (Loi sur la SV), plus particulièrement sur la question de savoir si des années supplémentaires de résidence peuvent être ajoutées au calcul de la pension dans les cas où une personne accepte de reporter volontairement le versement de leur pension mensuelle partielle. Le requérant est né en Inde X. Il est entré au Canada le 4 juin 1978. Il a atteint l’âge de 65 ans en X; il a donc accumulé 33 années de résidence au Canada. Il a présenté une demande de pension de la SV en mars 2015. Dans sa demande, il a déclaré souhaiter que le versement de sa pension commence en janvier 2015Note de bas de page 2. La demande a été accueillie au moyen d’une lettre datée du 2 juin 2015Note de bas de page 3. La pension partielle a été accordée à un ratio de 33/40 en fonction de sa résidence au CanadaNote de bas de page 4.

[2] Le requérant souhaite maintenant tirer profit d’une augmentation du nombre d’années de résidenceNote de bas de page 5 et du rajustement actuariel prévu pour les requérants qui demandent le report volontaireNote de bas de page 6. Le requérant fait valoir qu’il a reçu des renseignements erronés de Service Canada et que, par conséquent, il ne devrait pas être pénalisé.

[3] Le Tribunal a tranché qu’une partie requérante peut choisir l’une des options offertes, mais pas les deux à la fois. La loi permet à la partie requérant de choisir le calcul de la pension mensuelle et partielle qui produit la somme la plus élevée. Par conséquent, elle peut choisir le calcul fondé sur le rajustement actuariel ou celui fondé sur les années de résidenceNote de bas de page 7.

Questions en litige

  1. Si une personne pensionnée a demandé un report volontaire, le calcul d’une pension partielle peut-il à la fois comprendre l’augmentation actuarielle et les années de résidence supplémentaires acquises après l’âge de 65 ans?
  2. Le Tribunal a-t-il la compétence de rendre des décisions sur des appels dans le cadre desquels les parties requérantes font valoir qu’on a refusé de leur versé une prestation en raison de renseignements erronés fournis par Service Canada?

Analyse

Disposition relative au report volontaire et résidence

[4] Les prestations prévues par la Loi sur la SV sont calculées en fonction du nombre d’années de résidence au CanadaNote de bas de page 8. Le requérant a présenté sa demande de pension partielle en 2014, soit quatre années après avoir été admissible au versement d’une pension partielle de la SV. La disposition relative au report volontaire est entrée en vigueur en 2013. Par conséquent, il est en mesure de tirer profit de la disposition relative au report volontaire prévue par la Loi sur la SVNote de bas de page 9. Si la personne pensionnée choisit le report volontaire, elle sera admissible à une pension partielle de la SV comprenant une augmentation mensuelle calculée à un taux de 0,6 % à partir du mois après lequel elle est devenue admissible, et ce, jusqu’au mois au cours duquel la demande a été accueillie.

[5] Sa demande de pension de la SV a été traitée, et une lettre envoyée au requérant lui offrait l’un des deux choix suivants :

  1. une pension partielle de la SV à un ratio de 36/40 à partir de janvier 2015;
  2. une pension partielle de la SV améliorée à un ratio de 33/40 à partir de janvier 2015 avec un ajustement actuariel de 10,8 % pour une période de 18 mois, de juillet 2013 à décembre 2014Note de bas de page 10.

[6] Le requérant a choisi l’option b), mais il a unilatéralement modifié les années de résidence pour passer de 33/40 à 35/40, puis il a retourné la lettre à l’intimé. Celui-ci a appelant le requérant pour lui conseiller de choisir seulement l’une des deux options fournies. Le requérant a été informé qu’il pourrait interjeter appel de la décision après le traitement de la demande s’il n’était pas d’accord. Le requérant a encore une fois choisi la seconde option sans apporter de modifications, puis il a retourné la lettre à l’intimé aux fins d’approbation.

[7] Le 2 juin 2015, une lettre d’approbation a été envoyée au requérant pour l’informer que ses prestations de la SV ont été approuvées à un ratio de 33/40 à partir de janvier 2015, avec un ajustement actuariel de 10,8 % pour la période de juillet 2013 à décembre 2014. Le requérant était en désaccord avec la décision et il a déclaré qu’il devrait [traduction] « être admissible à un ratio de 35/40 à part de juin 2013, avec 18 mois de report volontaire ». Le 18 août 2015, il a produit une lettre dans laquelle il demande une révision.

[8] Au moyen d’une lettre datée du 9 février 2016, l’intimé a maintenu sa décision. Comme les questions dans sa lettre concernant la révision semblaient avoir été mal interprétées, une lettre de suivi a été envoyée par l’intimé le 10 mai 2016 afin d’expliquer au requérant qu’il pouvait choisir des années supplémentaires de résidence (après l’âge de 65 ans) ou l’ajustement actuariel, mais qu’il ne pouvait pas choisir ces deux options.

Le requérant a témoigné de façon très éloquente, ce qui a permis de mieux comprendre les arguments présentés à l’écrit relativement à la raison pour laquelle il devrait toucher une pension de la SV supérieure. Plus particulièrement, il croit que, à partir de janvier 2015, il était admissible à une pension partielle à un ratio de 35/40 ainsi qu’à 18 mois d’augmentation (à 0,6 % par mois) pour chaque mois pendant lequel il a reporté sa pension après juillet 2013. En appui à sa position, le requérant a déclaré ce qui suit à l’écrit :

  1. Il avait initialement l’intention de commencer à toucher sa pension de la SV en juillet 2013, après avoir accumulé 35 ans de résidence au Canada.
  2. Vers la mi-2013, Service Canada l’a informé qu’il était admissible à une pension de la SV à un ratio de 35/40 à partir de juillet 2013 et que, s’il reportait volontaire sa pension à un moment ultérieur à juillet 2013, il serait admissible à une augmentation de 0,6 % pour chaque mois reporté.
  3. Il a reporté sa pension à janvier 2015 (période de 18 mois) et il est donc admissible à une pension de la SV à un ratio de 35/40 ainsi qu’à 18 mois d’augmentation à 0,6 % chaque mois (ce qui représente le nombre de mois pendant lesquels il a reporté sa pension après son admissibilité en juillet 2013).
  4. il a déclaré qu’il correspond à un petit groupe de parties requérantes qui étaient âgées de 65 à 70 ans à la période visée. Il a atteint l’âge de 65 ans avant que l’option du report prévue dans la loi n’entre en vigueur en juillet 2013.

[9] Le requérant a déclaré avoir cherché à obtenir une pension de retraite reportée en partie d’après son interprétation d’une conversation téléphonique avec le [traduction] « service de dépannage » d’un bureau de Service Canada. Il a ensuite présenté une demande de report et il s’est fondé sur son interprétation de la loi donnant à penser qu’il pouvait tirer profit d’un nombre supplémentaire d’années (35) de résidence et de l’ajustement actuariel pour déterminer son admissibilité. Il a déclaré que ses communications orales avec le personnel de Service Canada lui avaient donné l’impression qu’il serait avantageux pour lui de reporter la pension. La première question en litige que le Tribunal doit trancher est celle de savoir si le requérant peut intégrer les années supplémentaires de résidences, acquises au moyen du report volontaire de sa pension de la SV dans le calcul de l’ajustement actuariel.

[10] Une demande de pension entre en vigueur à partir de la date à laquelle la partie requérante y devient admissibleNote de bas de page 11. Le requérant est devenu admissible à une pension de la SV le 13 juillet 2011 (date à laquelle il a atteint l’âge de 65 ans). Sa demande, dans laquelle il demandait que la date de début soit en janvier 2015, a été reçue le 13 mars 2015. La disposition relative au report volontaire n’a pas été adoptée avant 2013. Par conséquent, cette option ne lui avait pas été offerte lorsqu’il est devenu admissible à la pension de la SV en 2011Note de bas de page 12. La seule option offerte était une pension partielle à un ratio de 33/40. Cependant, étant donné qu’il a demandé que la date de début soit établie en janvier 2015, les années de résidence depuis son entrée au pays, le 4 juin 1978, jusqu’au mois précédant l’accueil de sa demandeNote de bas de page 13 auraient été de 36/40.

[11] Après l’adoption de la disposition relative au report volontaire, le requérant fait valoir qu’il avait désormais une seconde option. En plus du ratio de 36/40 à partir de janvier 2015, il pouvait également choisir un ratio de 33/40 (depuis l’entrée au pays le 4 juin 1978 jusqu’au 13 juillet 2011) avec un ajustement actuariel de 10,8 % de sa pension pour une période de 18 mois (de juillet 2013 à décembre 2014). Selon la loi concernant la SV, s’il n’existait pas une disposition relative au rapport, le requérant ne serait pas admissible à un ratio de 36/40 à partir de janvier 2015.

[12] Dans la lettre relative à la révision et datée du 18 août 2015, le requérant convient que, même s’il est devenu admissible à une pension partielle de la SV à un ratio de 33/40 lorsqu’il a atteint l’âge de 65 ans, il déclare également être [traduction] « devenu admissible » à une pension partielle de à un ratio de 34/40 en juillet 2012 et à un ratio de 35/40 en juillet 2013. Je ne suis pas d’accord.

La loi prévoit deux options pour le calcul d’une pension mensuelle partielle

[13] En réponse aux observations de l’intimé selon lesquelles [traduction] « la partie requérante peut soit bénéficier d’années supplémentaires de résidence canadienne après l’âge de 65 ans soit reporter volontairement sa pension, mais pas les deux », le requérant souligne que la Loi sur la SV n’empêche pas de considérer une partie de cette période comme une résidence et d’utiliser une partie de cette période aux fins de report volontaire. Il reconnaît l’existence d’exceptions permettant de considérer une partie de la période comme une résidence et d’utiliser une autre partie de la période aux fins de report volontaire, mais cette exception existe seulement pour les personnes qui deviennent admissibles à une pleine pension durant leur période de report, c’est-à-dire qu’elles sont autorisées à accumuler des années supplémentaires de résidences afin d’atteindre 40 années pendant la période de report, puis d’appliquer l’ajustement actuariel à leur pleine pension par la suite. Même si l’exception quant à la résidence de 40 ans ne s’applique pas à lui, il fait remarquer qu’il existe déjà un précédent dans le cadre duquel on a autorisé à considérer la partie d’une période comme une résidence et à utiliser l’autre partie aux fins de report volontaire. J’estime qu’il a eu le choix et qu’il l’a fait en sachant qu’il interjetterait appel de la conclusion après le traitement de sa demande. Il n’a pas apporté de précisions sur le [traduction] « précédent ».

[14] Le requérant a reconnu que le paragraphe 7(4) de la Loi sur la SV prévoit une limitation :

(4) Malgré les paragraphes (1) et (2), le montant de la pension n’est pas majoré pour les mois :

  1. a) précédant juillet 2013;

[15] Le requérant fait valoir qu’il peut tirer profit d’une pension majorée en fonction du nombre d’années supplémentaires de résidence et de l’augmentation actuarielle s’il reporte le versement de la pension. Selon le paragraphe 7.1(3) de la Loi sur la SV, la loi permet à une personne de choisir le calcul accordant le montant de pension mensuelle et partielle le plus élevé en fonction de la résidence ou de l’ajustement actuariel. L’argument du requérant est-il plausible selon le libellé de la loi? Le libellé est-il si restrictif ou limité, ce qui prescrit l’interprétation proposée par le requérant, ou est-il assez général afin de permettre cette interprétation? L’expression « devient admissible » au paragraphe 7.1(2) est-elle seulement limitée au moment où le requérant atteint l’âge de 65 ans? Autrement dit, une personne peut-être devenir admissible conformément aux indices prévus au paragraphe 3(2) et être encore admissible lorsqu’une personne est admissible à la date de report?

[16] La LSV ne définit pas l’expression « devient admissible » et elle ne prévoit pas l’établissement d’une nouvelle (ou d’une seconde) date d’admissibilité aux fins d’ajustement actuariel en plus de l’ajout d’années de résidence qui entraînerait également une majoration de la pension. Cependant, le paragraphe 5(1) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV), aucune pension ne peut être versée à une personne, sauf si celle-ci est « admissible » au titre du paragraphe 3(1) ou 3(2). Une demande a donc été présentée par cette personne ou au nom de celle-ci, et la demande a été accueillie.

[17] Si [traduction] « l’agrément » devient une question en litige, l’article 5 du Règlement sur la SV prévoit le moment où l’agrément de l’intimé entre en vigueur. Les deux parties ont présenté des arguments convaincants. Il convient de souligner que le report volontaire est seulement applicable à partir de juillet 2013. L’avis de l’intimé est donc que l’option du ratio de 33/40 avec un report volontaire du requérant signifie que sa résidence d’août 2011 à juillet 2013 n’est pas utilisée aux fins de résidence supplémentaire ou de report volontaire.

[18] Je suis convaincu que la signification simple du libellé figurant dans cet article me force à déclarer que l’alinéa 5(2)c) du Règlement sur la SV renvoie au jour où la partie requérante est devenue admissible à une pension selon les articles 3 à 5 de la Loi sur la SV, c’est-à-dire lorsqu’il est admissible selon son nombre d’années de résidence et à l’âge de 65 ans. Cela peut seulement être interprété dans le contexte de la disposition relative à l’admissibilité prévue au paragraphe 3(2). L’argument du requérant porte sur l’interprétation de l’expression « devient admissible » au paragraphe 7.1(2). Le paragraphe lu dans son ensemble et dans le contexte de l’article 3 définit une période d’admissibilité comme étant le moment où une personne atteint l’âge de 65 ans et possède le nombre requis d’années de résidence au Canada. La disposition relative au reportNote de bas de page 14 utilise la même expression au passage suivant : « [...] après le moment où elle devient admissible [...] ». Au paragraphe 7.1(3) on utilise plutôt l’expression suivante : « [...] personne qui est admissible ».

[19] Je ne suis pas d’accord avec l’argument du requérant selon lequel le mot « devient » (dans le sens d’admissible) pourrait avoir une autre signification. Il soutient qu’on ne peut pas conclure que « devient » signifie [traduction] « la date la plus rapprochée » ou le moment le plus rapproché, ou que ce mot renvoie à l’une de ces significations. J’estime que ce mot est étroitement lié au libellé concernant l’admissibilité et figurant au paragraphe 3(3) de la Loi sur la SV et que ce mot est lié au moment de l’admissibilité à la pension, et non à la date à laquelle une pension reportée au titre de l’article 7.1 est accordée. Cela me mène à conclure qu’une personne ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Le requérant a dû choisir dès le départ l’une des deux options suivantes : années supplémentaires de résidence (après l’âge de 65 ans) ou le report du versement d’une pension en fonction de l’admissibilité, prévu au paragraphe 3(3), en plus de l’ajustement actuariel. En l’espèce, l’admissibilité serait à un ratio de 33/40 en plus de l’ajustement.

[20] L’appelant convient qu’il est devenu admissible à une pension partielle de la SV à un ratio de 33/40 lorsqu’il a atteint l’âge de 65 ans. Selon le choix du requérant lorsqu’il a cherché à obtenir le report, j’estime qu’il était admissible à la pension ou à un ratio de 33/40 en plus de l’ajustement actuariel.

Conclusion quant à la question en litige

[21] L’article 7 de la Loi sur la SV ne prévoit aucune combinaison de prestations fondée sur une résidence supplémentaire acquise après l’âge de 65 ans en plus d’un ajustement actuariel. En ce qui concerne cet argument, le requérant ne s’est pas acquitté du fardeau qui l’incombait.

Les termes figurant à l’article 7.1 de la Loi sur la SV sont clairs et ne causent aucune ambiguïté lorsqu’ils sont lus en harmonie avec l’objet et l’esprit de la Loi sur la SV et en suivant leur sens grammatical et ordinaire

[22] Dans le livre intitulé Construction of StatutesNote de bas de page 15 [construction des lois], le principe de l’interprétation des lois prévoit ce qui suit :

[traduction]
[...] il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. Depuis 1983, ce principe moderne d’interprétation a été cité et a servi de fondement à d’innombrables décisions de la courNote de bas de page 16.

[23] À la connaissance du Tribunal, il n’y a aucune jurisprudence à ce jour relativement à l’interprétation des mots « devient admissible ». En fait, il n’existe aucune jurisprudence sur l’article 7.1 de la Loi sur la SV. Cela demande donc une analyse de l’interprétation de la loi, plus particulièrement d’une disposition qui n’a pas encore été interprétée par les cours.

[24] Une personne peut se qualifier à une pension de la SV au plus tôt lorsqu’elle atteint l’âge de 65 ans. Le requérant fait valoir ce qui suit : [traduction] « Rien dans l’article 7 de la Loi sur la SV ne limite la détermination du moment où une personne devient admissible pour la première fois à une pension partielle. » Le paragraphe 7.1(2) de la Loi sur la SV utilise l’expression « devient admissible ». L’intimé soutient que l’article 7.1 renvoie au moment où une personne devient admissible pour la première fois. Par exemple, une personne devient admissible pour la première fois à une pension de la SV lorsqu’elle atteint l’âge de 65 ans. Une personne ne devient pas admissible une deuxième fois à l’âge de 66 ans ou une troisième fois à l’âge de 67 ans. La source citée par le requérant est le dictionnaire Cambridge offert en ligne, qui définit le verbe [traduction] « devenir » de la façon suivante : [traduction] « commencer à être ». Cela renverrait au moment où une personne « devient admissible » pour la première fois. Le Merriam-Webster définit le même mot de la façon suivante : [traduction] « commencer à être » ou [traduction] « en venir à être ». La définition du dictionnaire Oxford est [traduction] « commencer à être ». L’intimé fait valoir que l’expression « devient admissible » ne peut se produire qu’une seule fois, et ce, à la date la plus antérieure.

[25] La loi est claire. Le requérant est devenu admissible à sa pension de la SV à l’âge de 65 ans. Depuis son entrée au Canada en juin 1978 jusqu’à son 65e anniversaire, le requérant a accumulé 33 années de résidence au Canada. Par conséquent, le requérant était admissible à une pension partielle fondée sur le ratio de 33/40. Cependant, le requérant a demandé que le versement de sa pension commence en janvier 2015. Par conséquent, il avait maintenant le choix entre un report volontaire entrant en vigueur en juillet 2013 ou l’ajout de trois années supplémentaires de résidence. En appliquant le report volontaire, l’intimé a ajouté l’ajustement actuariel pour une période de 18 mois, de juillet 2013 à décembre 2014. Par conséquent, les versements de la pension mensuelle et partielle du requérant ont commencé à un ratio de 33/40 en plus de l’ajustement actuariel sur une période de 18 mois, à partir de janvier 2015, comme le requérant l’a demandé.

Intention du législateur dans le cadre de la mise en oeuvre de la disposition relative au report volontaire

[26] Le requérant a invité le TribunalNote de bas de page 17 à étudier l’intention des dispositions relatives au report volontaire dans la loi. Il fait valoir que le report était une mesure incitative visant à offrir une pension majorée en retardant le versement. Il est vrai que la pension de la SV est majorée au moyen d’un ajustement actuariel ou de l’ajout d’années supplémentaires de résidence après l’âge de 65 ans. Il renvoie à un résumé de l’étude d’impact de la réglementation daté du 1er décembre 2012 qu’il a trouvé sur Internet. Ce document est intéressant, mais il n’a aucun fondement législatif et il n’appuie pas l’argument avancé par le requérant qui relève de la sémantique. L’interprétation de la loi se concentre sur le [traduction] « contexte global » d’une loi et sur l’ [traduction] « intention du législateur ».

[27] Le requérant soutient que, selon l’interprétation de la politique par le ministre, plus la personne touche sa pension à un jeune âge, plus élevée sera la pension de la SV et que la pension de la SV diminue progressivement au fur et à mesure que la personne vieillit, et ce, même si toutes les conditions (sauf l’âge) sont exactement les mêmes. Il fait valoir que la politique appliquée par le ministre va à l’encontre de l’intention des dispositions relatives au report volontaire prévues dans la loi. Il suppose que le programme de report volontaire a été lancé afin d’inciter les personnes aînées à reporter leur pension de la SV et à commencer à la toucher à un âge plus avancé en offrant une mesure incitative dans le cadre de laquelle une pension est majorée lorsqu’on en reporte le versement. Cependant, cela n’est pas le résultat selon les calculs. Il soutient que la loi n’avait sûrement pas comme objectif d’être appliquée de manière injuste et discriminatoire lorsque des personnes possédant la même période de résidence et le même ajustement actuariel sont pénalisées en raison de leur âge et touchent des pensions de la SV réduite au fur et à mesure qu’ils vieillissent.

[28] Le HANSARD offre une compréhension approfondie de l’intention du législateur en 2012 lorsque le report volontaire a fait l’objet d’un débat pour la première fois. L’intention principale était d’assurer la durabilité du programme de la SV parce que le législateur estimait que le programme devenait inabordable. Le programme de la SV est le plus important programme du gouvernement et il est financé entièrement par les revenus fiscaux annuels. Le législateur a déclaré que les deux seules solutions possibles pour gérer les coûts étaient d’augmenter l’impôt ou de répartir des fonds d’autres programmes et services gouvernementaux. Le législateur n’a choisi ni l’une ni l’autre de ces options : il a plutôt décidé d’atténuer la tension de coûts sur le programme de la SV en proposant d’augmenter graduellement l’âge d’admissibilité de 65 à 67 ansNote de bas de page 18. La période de mise en œuvre pour cette solution à long terme serait de 2023 à 2029. À titre de solution intérimaire, pour assurer la durabilité du programme de la SV, le législateur a proposé à la population canadienne une option de report volontaire. À partir de juillet 2013, la population canadienne âgée de plus de 65 ans a l’option de reporter volontairement le versement de la pension de la SV ou de continuer à travailler et à économiser eux-mêmes en vue de leur retraite. Pour les personnes qui ont choisi de reporter leur pension, le législateur a déclaré qu’elles recevraient en moyenne la même pension de la SV au total au cours de leur vie que celle touchée par les personnes qui n’ont pas choisi cette optionNote de bas de page 19.

[29] Le Dictionary of Canadian Law [dictionnaire du droit canadien] ne donne aucune définition pour le mot [traduction] « report », mais il fournit deux définitions pour le mot [traduction] « reporté » :

  1. 1) dans le contexte d’une dette, prolongation du délai de paiement;
  2. 2) retardé

Le mot [traduction] “retardé” est défini de la façon suivant : [traduction] « remis ultérieurement, reporté ».

[30] Dans les deux cas, un report doit comprendre un point de départ à partir duquel on peut retarder ou reporter le versement. Le paragraphe 3(2) de la Loi sur la SV prévoit le point de départ en définissant les paramètres en matière d’admissibilité. Une fois tous les critères respectés, le report volontaire peut commencer. C’est dans cette optique que le requérant souhaite majorer sa pension. L’objectif prévu de la loi ou le libellé de la Loi sur la SV ne prévoirait pas plus d’un point de départ. Le législateur ne semble jamais avoir eu l’intention d’autoriser expressément cette possibilité. Contrairement à l’avis du requérant, il serait incompatible avec le principe moderne de l’interprétation de la loi d’ignorer l’ensemble du contexte, de l’esprit et de l’objet de la loi afin de tirer une conclusion qui correspond au résultat recherché par le requérant.

[31] J’estime que l’affaire ne porte pas sur l’application de l’interprétation par le requérant de l’argument qui relève de la sémantique. J’observe d’un œil favorable la politique et l’intention du législateur dans le choix du libellé de la Loi sur la SV pour souligner l’intention de la loi d’assurer la durabilité du programme de la SV. (Étant donné que l’intention du législateur était de veiller à la durabilité du programme de la SV, on pourrait faire valoir que l’accord de la pension de la SV comprenant les années supplémentaires et l’ajustement actuariel serait contre-intuitif à la durabilité du programme de la SV étant donné que cette option entraînerait des coûts supérieurs. Une pension calculée au moyen des années supplémentaires et d’un ajustement actuariel va à l’encontre de l’objectif de créer un programme durable, car les coûts relatifs à la mise en œuvre du report volontaire l’emporteraient sur les avantages liés au report des versements d’une pension visant à accroître les revenus du programme de la SV.)

Les sommes d’une pension mensuelle et partielle varient en fonction de l’âge et des années de résidence au moment où une personne devient admissible.

[32] La pension mensuelle est calculée au moyen de la période totale de résidence au Canada en nombre d’années après l’âge de 18 ans et avant le jour à laquelle la demande est accueillie, pour un maximum de 40 ansNote de bas de page 20. Le requérant convient que la somme de la pension de la SV est proportionnelle au nombre d’années de résidence au Canada. Il laisse entendre que différentes personnes ayant le même nombre d’années de résidence, commençant à toucher une pension de la SV à la même date et ayant la même majoration causée par le report devraient avoir droit au même montant de pension de la SV, et ce, peu importe l’âge. Dans sa communication du 18 août 2015 à Service Canada, il a joint l’exemple d’une personne qui a exactement deux ans de moins que lui (date de naissance en X), qui est entré au Canada à la même date (juin 1978) et qui a présenté une demande de pension de la SV dont le versement devait commencer au même moment (janvier 2015). Il soutient que, selon l’interprétation de la loi appliquée par l’intimé, la personne la plus jeune aurait droit à une pension de la SV supérieure au montant de 546,66 $ (à savoir, 35/40 + 10,8 % = 546,55 $) même si les deux personnes sont entrées au Canada à la même date, qu’elles avaient le même nombre d’années de résidence au Canada et qu’elles avaient commencé à toucher leur pension de la SV au même moment. Il ne mentionne pas la source des renseignements ayant fourni le calcul actuariel.

[33] Il a élargi l’exemple afin d’y inclure quatre personnes (ayant les mêmes paramètres que ceux susmentionnés) afin de démontrer que la politique appliquée actuellement entraînerait des sommes différentes de pension de la SV, et ce, même si les paramètres sont identiquesNote de bas de page 21. Il fait valoir que la politique appliquée actuellement est discriminatoire à l’égard des personnes âgées. Le tableau n’appuie pas son argument sur l’interprétation de la loi, et il est important de rappeler que, même si les parties peuvent appartenir à la même démographie, elles atteignent l’âge de 65 ans à des dates différentes. L’ajustement actuariel vise non seulement à majorer une somme mensuelle, mais également à assurer des montants équitables au cours de la période actuarielle. Il est inutile de réduire la comparaison à un montant mensuel statique comme l’a fait le requérant par rapport à des personnes qui ont deux ans de moins que luiNote de bas de page 22.

[34] Les quatre sujets inscrits au tableau ont entré au Canada à la même date, mais ils ont une année de différence entre eux, ce qui entraîne quatre taux différents de pension de la SV à l’âge de 65 ans : 32/40, 33/40, 34/40 et 35/40. Au moyen du même calcul de report de 18 mois qu’il a appliqué dans son cas, le requérant croit qu’il est injuste que les sujets plus jeunes accumulent une pension mensuelle supérieure aux sujets plus âgés.

[35] Le paragraphe 3(3) de la Loi sur la SV prévoit clairement que le calcul est fondé sur la période totale entre le jour où la personne atteint 18 ans et la date à laquelle la demande est accueillie (à savoir à 65 ans). Étant donné que les personnes atteignent l’âge de 65 ans au cours d’années différents, le calcul sera différent. Cela est causé par les modifications des taux de pension initiaux conformément au calcul prévu à l’article 7 de la Loi sur la SV qui comprend la multiplication du taux de pension applicable par l’indice des prix à la consommation applicable dans le trimestre du versement.

[36] En appliquant l’ajustement actuariel, les années de résidence comprennent seulement la date à laquelle une personne arrive au Canada jusqu’à la date à laquelle elle atteint l’âge de 65 ans. Dans les quatre scénarios présentés, il existe quatre dates de naissance différentes. Ces différences modifient le calcul et fait en sorte que le taux de pension initial de chaque personne est différent. L’ajustement actuariel est ensuite ajouté à ce taux initial de la pension de la SV. Au fil du temps, l’ajustement actuariel modifie chaque pension à laquelle il s’applique, ce qui crée un équilibre au final.

[37] De plus, le paragraphe 7.1(3) prévoit que le calcul accordant le montant le plus élevé des trois choix énumérés est celui que touchera la partie requérante, à moins qu’elle en décide autrement. Par conséquent, la partie requérante peut demander des mois supplémentaires de résidence ou la majoration actuarielle, mais pas les deux.

[38] Les différences sont attribuées au fait que les circonstances varient d’une personne à l’autre, élément sur lequel le ministre n’a aucun contrôle. Lorsqu’une nouvelle loi ou de nouvelles politiques sont établies, le rôle du ministre n’est pas de calculer le montant qu’un citoyen ou une citoyenne touchera par rapport à un ou une autre ou de vérifier les effets que cette loi ou ces nouvelles politiques auront sur chaque personne. Le HANSARD est également utile pour faire remarquer que l’intention de la loi soulignait clairement que les personnes qui reportent leur pension toucheraient en moyenne le même montant total de pension de la SV au cours de leur vie que les personnes qui ne choisissent pas cette optionNote de bas de page 23. Il s’agit d’un calcul actuaire, ce qui est inévitablement complexe et comprend beaucoup de variables. Il ne s’agit pas d’une approche visant un [traduction] « calcul unique ». Par conséquent, l’approche n’est pas discriminatoire à l’égard des personnes plus âgées, comme le requérant l’a laissé entendre dans sa lettre du 5 février 2018 à l’intention du TribunalNote de bas de page 24. Le paragraphe 7.1(3) prévoit que la partie requérante touchera le montant de pension le plus élevé des trois calculs, à moins qu’elle ne choisisse une autre option.

[39] Il faut se rappeler que le pourcentage de 10,8 % du calcul actuariel est fondé sur une projection actuarielle. Il sera différent selon l’âge de la personne au moment du calcul et il vise à fournir un montant de prestations pour la vie. Le montant mensuel que touche une personne à long terme devrait être égal à celui des personnes mentionnées dans le diagramme fourni par le requérantNote de bas de page 25. Lorsqu’on choisit un report avec un ajustement actuariel, le montant réel à vie doit être conforme aux calculs actuariels en raison du report afin qu’il soit en harmonie avec l’intention du législateur. Il est important de se rappeler que, lorsque le législateur a modifié la loi, il avait comme intention que les personnes reportant leur pension reçoivent la même pension totale de la SV au cours de leur vie que les personnes qui n’ont pas choisi cette option.

[40] Le report volontaire est appliqué à chaque personne pensionnée selon ses circonstances individuelles, y compris la date à laquelle elle est devenue admissible à une pension de la SV, les années de résidence canadienne accumulées ainsi que le nombre de mois de report qu’elle souhaite appliquer à sa pension. Il ne visait pas à faire des comparaisons entre les personnes pensionnées était donné que chaque situation peut varier, ce qui signifie que les montants de la pension peuvent également être différents pour chacun et chacune.

Conclusion

[41] Le Tribunal n’a pas la compétence de modifier la loi ou la politique qui a mené à la création de la loi. Le Tribunal a été conçu par les dispositions législatives et, en tant que tel, il n’a que les pouvoirs qui lui ont été conférés par la loi dominante. Le Tribunal interprète et applique les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans la Loi sur la SV. Le Tribunal ne peut pas avoir recours aux principes en equity ou tenir compte de circonstances atténuantes pour appliquer la loi d’une façon qui n’est pas conforme à l’objet et à l’intention.

[42] Je ne conclus pas que la loiNote de bas de page 26 permet d’utiliser une partie d’une période pendant laquelle une période peut être ajoutée et une autre partie permet un report volontaire, et je ne suis pas d’accord avec le requérant à cet égard. Je ne conclus pas non plus que la disposition est discriminatoire.

[43] C’est au requérant que revient le fardeau de la preuve d’établir son admissibilité à une pension de la SV. He has not done so.Note de bas de page 27

Conclusion quant à l’interprétation de la loi

[44] Je conclus que les articles 3 et 7.1 de la Loi sur la SV doivent être lus ensemble, et il incombe à la partie requérante de choisir les années de résidences supplémentaires (après 65 ans) ou l’ajustement actuariel lorsqu’elle présente une demande de report de pension, conformément au paragraphe 7.1(3). La loi est claire à cet égard : le montant le plus élevé sera accordé à la partie requérante. Celle-ci n’est pas en mesure de choisir les deux ou une combinaison des options, comme le requérant a essayé de le faire en l’espèce.

[45] Si le législateur avait eu l’intention d’autoriser une période d’admissibilité autre que celle prévue aux paragraphes 3(2) et 7.1(2), l’article aurait précisé de façon explicite deux dates d’admissibilité. Le requérant fait valoir que la disposition ne limite pas la détermination du moment où une personne devient admissible pour la première fois à une pension partielle de la SV, mais la loi ne précise pas cela. La loi ne dit pas non plus qu’il peut exister d’autres périodes à laquelle une personne peut être admissible selon les dispositions relatives au renvoi. Le législateur est mieux outillé que le Tribunal pour constater un équilibre approprié entre les intérêts concurrents soulevés dans une politique visant à déterminer les choix et les résultats qui découlent d’articles interdépendants de la loi. En l’espèce, la simple lecture des articles ne m’a laissé aucun doute quant à l’intention des législateurs. La partie requérante peut profiter soit d’années supplémentaires de résidence au Canada après l’âge de 65 ans soit du report volontaire, mais pas des deux à la fois. Étant donné que le requérant a accepté l’application du report volontaire à sa pension de la SV, il ne peut pas également profiter d’années de résidence supplémentaires.

Conclusion quant aux renseignements erronés

[46] Le requérant prétend avoir reçu des renseignements erronés de la part d’un membre du personnel de Service Canada concernant les conséquences que pourrait avoir son choix. Seul le ministre à la compétence d’aborder la question des renseignements erronés offerts aux parties requérantes. Le ministre doit prendre une mesure de redressement s’il est convaincu qu’une personne s’est vue refuser des prestations ou une partie de celles-ci en raison de renseignements erronés ou d’une erreur administrative. La mesure de redressement doit placer la personne dans la position dans laquelle elle se trouverait selon la Loi sur la SV si les renseignements erronés n’avaient pas été donnés ou si l’erreur administrative n’avait pas été commise. Par conséquent, le Tribunal n’a pas la compétence de rendre des décisions discrétionnaires sur des sujets relevant du pouvoir du ministreNote de bas de page 28.

[47] Le Tribunal n’a pas la compétence de rendre des décisions au titre de l’article 32 de la Loi sur la SVNote de bas de page 29.

[48] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.