Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Décision

[1] La requérante n’était pas admissible à une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse (SV) lorsqu’elle a présenté une demande pour cette pension le 9 novembre 2015.

Aperçu

[2] La requérante est née en Chine le X X 1939 et elle y a vécu pendant un grand nombre d’années. Elle est venue au Canada pendant une période en 2000, elle est revenue pendant un peu plus de trois ans de 2004 à 2007, puis elle est revenue encore une fois le 20 mai 2008. Elle est demeurée au Canada de façon plus ou moins continue depuis cette date. Le ministre a reçu la demande de pension de la SV de la requérante le 9 novembre 2015. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision, au motif qu’elle n’avait pas encore résidé au Canada pendant au moins 10 ans. La requérante a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[3] L’admission à la pension de la SV est fondée sur la durée et le moment de la résidence au CanadaNote de bas de page 1. Le ministre a admis que la requérante résidait au Canada depuis le 20 mai 2008 jusqu’au moment où elle a présenté une demande de pension de la SV. La requérante affirme avoir résidé au Canada pendant des périodes supplémentaires et antérieures au 20 mai 2008.

Questions préliminaires

[4] Les observations du ministre ont été déposées auprès du Tribunal le 26 mars 2018. Cependant, selon la lettre du Tribunal datée du 18 décembre 2017, ces observations auraient dû être présentées au plus tard le 15 février 2018. L’audience originale prévue le 11 avril 2018 a été ajournée parce que la requérante n’avait pas encore reçu les observations du ministre. Cependant, la requérante a reçu les observations de l’intimé plus tard en avril et elle a eu l’occasion de les examiner avant l’audience. Étant donné que l’intimé aurait pu également présenter ces observations en personne à l’audience, j’ai choisi de les accepter et d’en tenir compte.

[5] La fille de la requérante, D. S., était inscrite à titre de représentante de la requérante en l’espèce. Cependant, le rôle de D. S. a été axé sur la gestion des documents administratifs pour sa mère et le soutien de cette dernière, et non sur la représentation légale. D. S. parle anglais, mais pas la requérante. Par conséquent, j’ai autorisé D. S. à donner un témoignage à l’audience avant d’entendre le témoignage de la requérante par l’intermédiaire d’un interprète.

Questions en litige

[6] La requérante était-elle une résidente du Canada pendant une période précédant le 20 mai 2008?

[7] Selon les périodes cumulatives de résidence, la requérante était-elle admissible à une pension de la SV au moment où elle a présenté une demande le 9 novembre 2015?

Analyse

[8] Aux fins de la SV, une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Ce concept est distinct de celui de la présence : une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physique dans une région du CanadaNote de bas de page 2. Une personne peut être présente au Canada sans être résidente du Canada.

[9] La résidence est une question de fait qui doit être tranchée selon les faits particuliers de chaque cause. Les intentions d’une personne ne sont pas des éléments décisifs. Les facteurs à prendre en considération comprennent entre autres :

  1. liens prenant la forme de biens mobiliers;
  2. liens sociaux au Canada;
  3. autres liens au Canada (assurance-maladie, permis de conduire, bail de location, dossiers fiscaux, etc.);
  4. liens dans un autre pays;
  5. régularité et durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada;
  6. le mode de vie de l’intéressé, ou la question de savoir si l’intéressé vivant au Canada y est enraciné et établi de façon significativeNote de bas de page 3.

[10] La requérante fait valoir qu’elle a été résidente du Canada pendant deux périodes distinctes avant le 20 mai 2008. La première période a été du 12 janvier 2000 au 7 octobre 2000. La seconde période a été du 26 juin 2004 au 23 août 2007. Étant donné que ces périodes comportent des différences importantes, j’examinerai séparément le statut de résidente. Pour ce faire, je tiendrai compte des facteurs (facteurs établis dans l’arrêt Ding) prévus au paragraphe précédent.

La requérante était-elle une résidente du Canada du 12 janvier 2000 au 7 octobre 2000?

[11] J’estime que la requérante n’a pas établi sa demeure et qu’elle n’a pas vécu ordinairement au Canada du 12 janvier 2000 au 7 octobre 2000, malgré sa présence au Canada pendant cette période.

[12] La requérante est d’abord entrée au Canada à titre de visiteuse le 12 janvier 2000. Elle a ensuite reçu sa fiche de la visiteuse valide jusqu’au 11 janvier 2001, puis elle a quitté le Canada à destination de la Chine le 7 octobre 2000Note de bas de page 4. Du 7 octobre 2000 au 6 juin 2004, la requérante a vécu avec son époux dans leur domicile à Shanghai, en Chine. Sa fille aînée vivait également à Shanghai. La requérante avait également vécu au domicile de Shanghai avant sa visite initiale au Canada en 2000.

[13] La présence de D. S.au Canada a clairement incité la visite de la requérante en 2000. À l’audience, D. S. a dit être d’abord arrivée au Canada à titre de visiteuse depuis la Chine en juin 1998. D. S. était médecin en Chine et elle est devenue citoyenne canadienne en 2001 ou en 2002. Elle a commencé sa résidence en médecine en 2004. Cela a finalement mené à son accréditation en tant que médecin au Canada.

[14] Même si la requérante était présente au Canada et qu’elle demeurait chez D. S., les liens au Canada pendant cette période n’étaient pas suffisants pour établir une résidence. Les facteurs établis dans l’arrêt Ding le prouvent. Il y avait peu de liens tangibles au Canada, à l’exception d’un compte bancaire sans appui documentaire. Elle avait également un nombre limité de liens, à l’exception de sa famille, et sa visite de neuf mois a été très courte si on la compare avec ses périodes précédente (60 ans) et ultérieure (44 mois) en Chine. Il y avait très peu d’autres liens comme un permis de conduire, un bail ou des dossiers fiscaux. Son mode de vie au Canada n’était pas enraciné ou établi. Il dépendait de D. S.. Celle-ci était seulement arrivée récemment au Canada, elle n’était pas citoyenne canadienne et elle n’était pas en mesure d’entamer le processus de parrainage. Il est également très important de souligner que la requérante possédait encore sa maison à Shanghai et qu’elle est ensuite retournée y vivre pendant plus de trois ans. Les liens continus de la requérante au Canada étaient importants, et des membres de sa famille vivaient toujours à Shanghai. Les facteurs établis dans l’arrêt Ding confirment clairement que la requérante est résidente de la Chine qui était simplement une visiteuse au Canada pendant cette période.

La requérante était-elle une résidente du Canada du 26 janvier 2004 au 23 octobre 2007?

[15] J’estime que la requérante n’a pas établi sa demeure et qu’elle n’a pas vécu ordinairement au Canada du 26 janvier 2004 au 23 octobre 2007, malgré sa présence au Canada pendant cette période.

[16] En ce qui concerne le séjour antérieur de la requérante, elle a été admise au Canada le 26 juin 2004 au moyen d’un visa de visiteuse pour un seul séjour. Le 14 décembre 2004, elle a reçu une fiche de la visiteuse continue et des prolongations de ce dossier jusqu’au 26 août 2007. Elle a quitté le Canada à destination de la Chine le 23 août 2007Note de bas de page 5. Elle est demeurée en Chine jusqu’au 20 mai 2008, encore une fois dans sa maison à Shanghai. Afin d’appuyer ma conclusion de non-résidence du 26 juin 2004 au 23 août 2007, j’examinerai chaque facteur établi dans l’arrêt Ding à tour de rôle.

1. Liens prenant la forme de biens mobiliers

[17] Je n’estime pas que ce facteur appuie une conclusion de résidence canadienne. La requérante a déclaré avoir obtenu une carte de crédit en 2004 et détenir un compte bancaire canadien depuis 2000. Cependant, rien ne prouve qu’elle possédait une maison, une entreprise, une automobile ou un meuble. Pendant cette période, elle a également continué à entretenir une maison à Shanghai, en Chine. Elle avait donc relativement peu de liens prenant la forme de biens personnels au Canada, plus particulièrement en comparaison avec ses biens en Chine.

2. Liens sociaux au Canada

[18] Je n’estime pas que ce facteur appuie une conclusion de résidence canadienne. La requérante a vécu encore une fois avec D. S. (et sa sœur) au Canada, de 2004 à 2007. La requérante n’a pas travaillé à l’extérieur du domicile, et ses seuls liens sociaux à l’extérieur du domicile étaient les voisins. Elle ne faisait pas partie d’un club ou d’une organisation.

[19] Je reconnais la déclaration de D. S. selon laquelle elle avait besoin de ses parents pour l’aider à prendre soin de sa jeune fille. Selon elle, ses parents lui apportaient une aide physique et psychologique. Elle a déclaré que, dans la culture chinoise, la tradition veut que les parents vivent avec leurs enfants. La seconde sœur de D. S. est également arrivée au Canada en avril 2014. Malgré ces liens « sociaux » évidents, j’estime qu’il s’agit de liens familiaux lien seulement la requérante de façon indirecte avec le Canada : si D. S. avait ensuite déménagé dans un autre pays, essentiellement rien n’aurait lié la requérante au Canada sur le plan social.

3. Autres liens au Canada (assurance-maladie, permis de conduire, bail de location, dossiers fiscaux, etc.)

[20] J’estime que ce facteur est relativement neutre en ce qui concerne la requérante. D. S.a acheté une couverture d’assurance-maladie privée pour la requérante au Canada. Cependant, la requérante ne possédait pas de permis de conduire, elle n’avait pas rempli de déclaration de revenus et elle n’avait pas de polices d’assurance. Elle a reçu des prolongations de son statut de visiteuse afin de demeurer au Canada pendant plus de trois ans, mais elle semble avoir autrement eu peu d’interaction avec des services publics.

4. Liens dans un autre pays

[21] Je n’estime pas que ce facteur est favorable à la résidence canadienne. Le fait que la requérante a continué de posséder une maison à Shanghai sans la louer pendant cette période est important. À son retour en Chine le 23 août 2007, elle a de nouveau habité avec son époux dans cette maison. L’une des sœurs de D. S. est demeurée en Chine jusqu’à son déménagement au Canada en 2014, tandis que l’une des nièces de D. S. est demeurée en Chine jusqu’en 2011. Même si la requérante a obtenu un visa d’immigrante le 29 septembre 2010, elle a continué à posséder sa maison à Shanghai. Étant donné que personne n’y vit, elle y séjourne lorsqu’elle se trouve en Chine. Elle s’est rendue en Chine pour célébrer le Nouvel An chinois à trois récentes occasions : du 12 mars 2011 au 2 mai 2001, du 2 janvier 2014 au 19 mars 2014, et pendant presque cinq mois en 2016. Bien que ces visites et la possession continue de sa propriété en Chine ne soient pas pertinentes relativement à la résidence de 2004 à 2007, elles correspondent au fait que la requérante a conservé des liens importants en Chine qui existaient déjà de 2004 à 2007.

5. Régularité et durée des séjours au Canada

[22] J’estime que ce facteur appuie la conclusion d’une résidence canadienne. Même si le séjour précédent de la requérante était assez court, celui-ci a été considérablement plus long. Il était presque aussi long que son séjour en Chine de 2000 à 2004 et il était beaucoup plus long que son séjour en Chine de 2007 à 2008. La requérante ne semble pas avoir quitté le Canada de 2004 à 2007.

6. Mode de vie de la requérante

[23] Je n’estime pas que ce facteur appuie la conclusion d’une résidence canadienne. Une autre façon de décrire ce facteur est la question de savoir si la requérante était établie de façon bien enracinée au Canada. Citoyenneté et Immigration Canada considérait la requérante comme une [traduction] « visiteuse » à cette époqueNote de bas de page 6. La requérante elle-même a déclaré être [traduction] « visiteuse » et/ou [traduction] « résidente temporaire » au Canada au cours de cette périodeNote de bas de page 7. Ces mots ne décrivent pas une vie bien enracinée et établie au Canada.

[24] Je reconnais la déclaration de D. S. selon laquelle la requérante avait l’intention de vivre au Canada et selon laquelle ses parents avaient développé un lien d’attachement avec le Canada. Cependant, D. S. a déclaré que le processus de demande de visa était très strict en 2007 et en 2008, et que ses parents sont donc retournés en Chine afin de se conformer à la loi. Elle avait l’intention de parrainer ses parents au Canada, mais elle avait besoin d’avoir une sécurité financière afin d’être admissible à la [traduction] « catégorie du parrainage ». Le parrainage était nécessaire, car ses parents n’allaient pas travailler au Canada. Après avoir obtenu un poste de médecin en 2006 ayant causé une augmentation importante de son revenu, D. S.a commencé le processus de parrainage en février 2007. Cependant, la requérante et son époux n’ont pas été autorisés à présenter une demande à titre d’immigrants membres de la [traduction] « catégorie du regroupement familial » avant octobre 2000. La requérante a ensuite présenté une demande de visa d’immigrante presque immédiatement. Elle n’a pas présenté une demande de visa d’immigrante auparavant parce qu’aucun parrainage n’avait été mis en place.

[25] Je n’ai aucun doute que la requérante souhaitait se trouver au Canada auprès de la famille de D. S.. J’accepte également que D. S. désirait s’assurer que la demande de parrainage a la plus grande chance de succès. Cependant, ses préoccupations en matière de sécurité financière et sa capacité de parrainer la requérante avec succès confirmé que la vie de de la requérante au Canada n’aurait pas pu être bien enracinée et établie. Même si cette dernière n’était en aucun type de danger physique, sa fiche de la visiteuse avait été régulièrement prolongée. La situation de la requérante aurait pu commencer à changer légèrement en février 2007, moment où D. S.a commencé le processus de parrainage, mais elle n’était pas complètement réglée au moment où la requérante est retournée en Chine le 23 août 2007. Par conséquent, il est impossible pour moi d’estimer qu’il s’agit d’un facteur déterminant.

Résumé des facteurs, du 26 juin 2004 au 23 août 2007

[26] Même si la régularité et la durée du séjour au Canada de la requérante appuyaient une conclusion de résidence canadienne et que le facteur des « autres liens au Canada » était essentiellement neutre, aucun des facteurs établis dans l’arrêt Ding n’appuyait une conclusion de résidence au Canada. J’estime que le facteur du « mode de vie » est particulièrement important. J’accepte que le fait de conserver une maison en Chine par la requérante pendant cette période était raisonnable, mais il met également l’accent sur la nature non établie de la présence non continue de la requérante au Canada. Par conséquent, j’estime que les facteurs établis dans l’arrêt Ding n’appuient pas une conclusion de résidence du 26 juin 2004 au 23 août 2007.

Incidence sur la possible pension de la SV de la requérante

[27] Étant donné que j’ai conclu que la requérante n’a pas établi l’existence de périodes supplémentaires de résidence au Canada, la résidence totale de la requérante au Canada jusqu’à la date de la demande (le 9 novembre 2015) demeure d’une durée de 7 ans et 173 jours. Cela signifie qu’elle n’est pas admissible à une pension de la SV à partir de cette dateNote de bas de page 8. Cependant, la requérante n’est pas exclue de présenter une nouvelle demande de pension de la SV.

Conclusion

[28] L’appel est rejeté.

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