Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Cette cause a pour objet la portée du pouvoir discrétionnaire du Tribunal de la sécurité sociale pour examiner, ou refuser d’examiner, des arguments constitutionnels conformément au Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] L’appelant, D. S., recevait une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) et un supplément de revenu garanti (SRG) lorsqu’il a commencé à purger une peine d’emprisonnement en août 2013. En septembre 2013, l’intimé, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a informé l’appelant que sa pension et son supplément de la SV avaient été suspendus à la suite de l’adoption d’une modification à la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV).

[4] En juin 2014, l’appelant a interjeté appel de ces suspensions devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, en demandant que ses prestations soient rétablies pour des motifs humanitaires. En avril 2015, il a également soutenu que la suspension de ses prestations allait à l’encontre de ses droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

[5] Dans une lettre datée du 28 septembre 2015, la division générale a avisé l’appelant de son intention de rejeter sommairement son appel, car (i) l’article 5(3) de la Loi sur la SV prévoit qu’une pension de la SV et un SRG ne sont plus payables aux personnes qui sont incarcérées et (ii) l’appelant n’a pas satisfait aux conditions prévues à l’article 20(1)(a) du Règlement pour invoquer un argument constitutionnel. L’appelant a répondu au moyen d’une note manuscrite datée du 8 octobre 2015.

[6] Le 27 juin 2016, la division générale a rendu une décision interlocutoire, concluant que l’appelant s’était conformé à l’article 20(1)(a) du Règlement. Elle a déclaré que l’appel suivra un processus d’appel constitutionnel, et a exigé que l’appelant présente des observations et des éléments de preuve justificateurs au plus tard le 1er septembre 2016. La division générale a avisé l’appelant qu’un manquement à cette obligation pourrait donner lieu à un appel suivant un processus régulier, auquel cas il n’aurait pas le droit de soulever d’arguments d’ordre constitutionnel.

[7] Le 5 octobre 2016, l’appelant a avisé la division générale qu’il ne soumettrait aucun document supplémentaire relativement à sa contestation constitutionnelle. Il a expliqué qu’il n’avait pas accès à un ordinateur, puisqu’il était détenu dans une unité d’isolement. Dans une autre lettre reçue par le Tribunal le 11 octobre 2016, l’appelant a discuté de ses problèmes de santé et a réitéré qu’il était détenu dans une unité d’isolement. Le 12 octobre 2016, la division générale a demandé à l’appelant de fournir des précisions à savoir s’il voulait présenter une demande de prorogation du délai pour présenter son dossier relatif à la Charte ou confirmer son intention de ne pas déposer d’autres documents.

[8] Le 15 novembre 2016, la division générale a envoyé une lettre de suivi à l’appelant, lui demandant qu’il réponde d’ici le 1er décembre 2016. Le 5 décembre 2016, la division générale a rendu une autre décision interlocutoire, et celle-ci soutenait que, puisque l’appelant n’avait pas présenté un dossier relatif à la Charte, son appel suivrait un processus régulier, et l’appelant ne sera plus autorisé à soulever une question constitutionnelle.

[9] Après avoir examiné les éléments de preuve et les observations, la division générale a rejeté sommairement l’appel le 24 janvier 2017, établissant qu’il y avait des éléments de preuve non contestés selon lesquels l’appelant avait été incarcéré en août 2013. Par conséquent, la division générale était d’accord avec l’intimé, à savoir qu’il n’avait d’autre choix que de suspendre le versement de la pension et du supplément de la SV de l’appelant en date de septembre 2013, conformément à l’article 5(3) de la Loi sur la SV. La division générale a également déterminé qu’elle n’avait pas la compétence nécessaire pour exempter l’appelant des exigences de la loi pour des motifs humanitaires.

[10] Le 7 février 2017, l’appelant a interjeté appel du rejet sommaire devant la division d’appel du Tribunal en prétendant que la division générale lui avait injustement refusé une occasion de contester la constitutionnalité de l’article 5(3) de la Loi sur la SV. Il a fait valoir que parce qu’il avait 75 ans, qu’il avait une santé précaire et qu’il était incarcéré dans une prison sous sécurité maximale, il était difficile pour lui de présenter un dossier de Charte.

[11] Dans ma décision du 29 septembre 2017, j’ai établi que l’appelant avait répondu aux conditions essentielles de l’article 20(1)(a) de la Loi sur la SV, et j’ai accueilli l’appel au motif que la division générale avait commis une erreur de droit et de fait en interdisant la contestation fondée sur la Charte. J’ai aussi établi que la division générale n’avait pas appliqué le critère approprié en rejetant sommairement l’appel de l’appelant.

[12] Le ministre a ensuite présenté une demande de contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale. Dans un jugement daté du 20 juillet 2018, l’Honorable Juge Ann Marie McDonald a conclu que ma décision était déraisonnable. Elle a accueilli la demande et ordonné que l’affaire soit renvoyée à la division d’appel pour réexamen.

[13] Il n’est pas nécessaire de demander la permission d’interjeter appel aux termes de l’article 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), car un rejet sommaire de la part de la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit. Compte tenu de l’exigence du Règlement selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent, j’ai décidé de dispenser les parties d’une audience orale et de trancher l’appel sur la foi du dossier documentaire.

[14] Ayant examiné le dossier dans l’optique des motifs du jugement de la Cour d’appel fédérale, j’ai conclu que je dois rejeter cet appel.

Question en litige

[15] Conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS, il existe seulement trois moyens d’appel devant la division d’appel : la division générale i) n’a pas observé un principe de justice naturelle; ii) a commis une erreur de droit; iii) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permissionNote de bas de page 1, et la division doit d’abord être convaincue que l’appel une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2.

[16] Les questions en litige dont je suis saisi sont les suivantes :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle interdit de façon inappropriée à l’appelant de soulever des questions constitutionnelles?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle appliqué le bon critère pour un rejet sommaire?

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Cette cause a pour objet la portée du pouvoir discrétionnaire du Tribunal de la sécurité sociale pour examiner, ou refuser d’examiner, des arguments constitutionnels conformément au Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] L’appelant, D. S., recevait une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) et un supplément de revenu garanti (SRG) lorsqu’il a commencé à purger une peine d’emprisonnement en août 2013. En septembre 2013, l’intimé, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a informé l’appelant que sa pension et son supplément de la SV avaient été suspendus à la suite de l’adoption d’une modification à la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV).

[4] En juin 2014, l’appelant a interjeté appel de ces suspensions devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, en demandant que ses prestations soient rétablies pour des motifs humanitaires. En avril 2015, il a également soutenu que la suspension de ses prestations allait à l’encontre de ses droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

[5] Dans une lettre datée du 28 septembre 2015, la division générale a avisé l’appelant de son intention de rejeter sommairement son appel, car (i) l’article 5(3) de la Loi sur la SV prévoit qu’une pension de la SV et un SRG ne sont plus payables aux personnes qui sont incarcérées et (ii) l’appelant n’a pas satisfait aux conditions prévues à l’article 20(1)(a) du Règlement pour invoquer un argument constitutionnel. L’appelant a répondu au moyen d’une note manuscrite datée du 8 octobre 2015.

[6] Le 27 juin 2016, la division générale a rendu une décision interlocutoire, concluant que l’appelant s’était conformé à l’article 20(1)(a) du Règlement. Elle a déclaré que l’appel suivra un processus d’appel constitutionnel, et a exigé que l’appelant présente des observations et des éléments de preuve justificateurs au plus tard le 1er septembre 2016. La division générale a avisé l’appelant qu’un manquement à cette obligation pourrait donner lieu à un appel suivant un processus régulier, auquel cas il n’aurait pas le droit de soulever d’arguments d’ordre constitutionnel.

[7] Le 5 octobre 2016, l’appelant a avisé la division générale qu’il ne soumettrait aucun document supplémentaire relativement à sa contestation constitutionnelle. Il a expliqué qu’il n’avait pas accès à un ordinateur, puisqu’il était détenu dans une unité d’isolement. Dans une autre lettre reçue par le Tribunal le 11 octobre 2016, l’appelant a discuté de ses problèmes de santé et a réitéré qu’il était détenu dans une unité d’isolement. Le 12 octobre 2016, la division générale a demandé à l’appelant de fournir des précisions à savoir s’il voulait présenter une demande de prorogation du délai pour présenter son dossier relatif à la Charte ou confirmer son intention de ne pas déposer d’autres documents.

[8] Le 15 novembre 2016, la division générale a envoyé une lettre de suivi à l’appelant, lui demandant qu’il réponde d’ici le 1er décembre 2016. Le 5 décembre 2016, la division générale a rendu une autre décision interlocutoire, et celle-ci soutenait que, puisque l’appelant n’avait pas présenté un dossier relatif à la Charte, son appel suivrait un processus régulier, et l’appelant ne sera plus autorisé à soulever une question constitutionnelle.

[9] Après avoir examiné les éléments de preuve et les observations, la division générale a rejeté sommairement l’appel le 24 janvier 2017, établissant qu’il y avait des éléments de preuve non contestés selon lesquels l’appelant avait été incarcéré en août 2013. Par conséquent, la division générale était d’accord avec l’intimé, à savoir qu’il n’avait d’autre choix que de suspendre le versement de la pension et du supplément de la SV de l’appelant en date de septembre 2013, conformément à l’article 5(3) de la Loi sur la SV. La division générale a également déterminé qu’elle n’avait pas la compétence nécessaire pour exempter l’appelant des exigences de la loi pour des motifs humanitaires.

[10] Le 7 février 2017, l’appelant a interjeté appel du rejet sommaire devant la division d’appel du Tribunal en prétendant que la division générale lui avait injustement refusé une occasion de contester la constitutionnalité de l’article 5(3) de la Loi sur la SV. Il a fait valoir que parce qu’il avait 75 ans, qu’il avait une santé précaire et qu’il était incarcéré dans une prison sous sécurité maximale, il était difficile pour lui de présenter un dossier de Charte.

[11] Dans ma décision du 29 septembre 2017, j’ai établi que l’appelant avait répondu aux conditions essentielles de l’article 20(1)(a) de la Loi sur la SV, et j’ai accueilli l’appel au motif que la division générale avait commis une erreur de droit et de fait en interdisant la contestation fondée sur la Charte. J’ai aussi établi que la division générale n’avait pas appliqué le critère approprié en rejetant sommairement l’appel de l’appelant.

[12] Le ministre a ensuite présenté une demande de contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale. Dans un jugement daté du 20 juillet 2018, l’Honorable Juge Ann Marie McDonald a conclu que ma décision était déraisonnable. Elle a accueilli la demande et ordonné que l’affaire soit renvoyée à la division d’appel pour réexamen.

[13] Il n’est pas nécessaire de demander la permission d’interjeter appel aux termes de l’article 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), car un rejet sommaire de la part de la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit. Compte tenu de l’exigence du Règlement selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent, j’ai décidé de dispenser les parties d’une audience orale et de trancher l’appel sur la foi du dossier documentaire.

[14] Ayant examiné le dossier dans l’optique des motifs du jugement de la Cour d’appel fédérale, j’ai conclu que je dois rejeter cet appel.

Question en litige

[15] Conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS, il existe seulement trois moyens d’appel devant la division d’appel : la division générale i) n’a pas observé un principe de justice naturelle; ii) a commis une erreur de droit; iii) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permissionNote de bas de page 1, et la division doit d’abord être convaincue que l’appel une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2.

[16] Les questions en litige dont je suis saisi sont les suivantes :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle interdit de façon inappropriée à l’appelant de soulever des questions constitutionnelles?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle appliqué le bon critère pour un rejet sommaire?

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle interdit de façon inappropriée à l’appelant de soulever des questions constitutionnelles?

[17] L’article 20 du Règlement régit les conditions au terme desquelles un requérant peut formuler un argument fondé sur la Charte :

20 (1) Lorsque la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, d’une disposition du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, de la Loi sur l’assurance-emploi, de la partie 5 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social ou de leurs règlements est mis en cause devant le Tribunal, la partie qui soulève la question :

  1. (a) dépose auprès du Tribunal un avis qui contient :
    1. (i) la disposition visée,
    2. (ii) toutes observations à l’appui de la question soulevée;
  2. (b) au moins dix jours avant la date fixée pour l’audition de l’appel ou de la demande, signifie aux personnes mentionnées au paragraphe 57(1) de la Loi sur les Cours fédérales un avis énonçant la question et dépose auprès du Tribunal une copie de l’avis et la preuve de sa signification.

20(2) Si la preuve de signification n’a pas été déposée conformément à l’alinéa (1)b), le Tribunal peut, de sa propre initiative ou à la demande d’une partie, ajourner ou remettre l’audition.

20(3) Si un avis est déposé au titre de l’alinéa (1)a), les délais prévus par le présent règlement pour le dépôt de documents ou d’observations ne s’appliquent pas et le Tribunal peut enjoindre aux parties de les déposer dans les délais qu’il fixe.

[18] Le 28 septembre 2015, la division générale a envoyé à l’appelant un avis d’intention de rejeter sommairement son appel, citant le paragraphe 5(3) de la Loi sur la SV. Peu après, l’appelant a répondu dans une note manuscrite :

[traduction]

1. Programmes de la sécurité du revenu – SV/RPC va à l’encontre de la Charte des droits de l’appelant applicable à un aîné canadien (âgé de 74 ans), comme cela est prévu à l’article 6 de la Charte des droits relatif au droit de « défense ». Les programmes de SR/SV m’a privé de ce droit en cessant le versement de ma pension de la vieillesse en septembre 2013. Demande de rétablissement avec effet rétroactif immédiatement pour ses frais de justice.

2. Toutes les observations à l’appui de l’appel ci-dessus en vertu de la charte sont au dossier, p. ex. le dossier du Tribunal de la sécurité sociale du Canada GP-14-2571.

[19] Aux termes de l’article 20(1)(a) du Règlement, lorsque la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, d’une disposition de la Loi sur la SV est mis en cause devant le Tribunal, la partie qui soulève la question dépose auprès du Tribunal un avis qui contient la disposition visée et toutes observations à l’appui de la question soulevée. En juin 2016, la division générale a rendu sa première décision interlocutoire, établissant que, bien que l’appelant n’ait pas identifié de manière précise la disposition de la Loi sur la SV qui aurait prétendument contrevenu à ses droits constitutionnels, il a affirmé que la suspension de ses prestations de la SV enfreignait l’article 6 de la Charte. Par conséquent, la division générale a ordonné que l’appel suive un processus d’appel particulier fondé sur la Charte et a demandé des observations additionnelles.

[20] En décembre 2016, la division générale a rendu une deuxième décision interlocutoire renversant la première parce que l’appelant n’a pas présenté d’observations additionnelles comme il avait été demandé précédemment. La division générale a par conséquent refusé d’examiner l’argument fondé sur la Charte de l’appelant et a tranché l’appel seulement en se fondant sur la question de savoir si l’appelant était assujetti à l’article 5(3) de la Loi sur la SV.

[21] Bien que j’aie jugé auparavant les actions de la division générale contradictoires, la Cour d’appel fédérale a établi de façon claire que, même après qu’un requérant ait satisfait aux exigences de l’article 20(1) du Règlement, la division générale a le droit d’exiger des observations additionnelles et de révoquer la permission du requérant de formuler un argument fondé sur la Charte s’il estime que ces observations sont insuffisantesNote de bas de page 3.

[traduction]

[43] L’article 20 figure sous la rubrique « Question constitutionnelle » dans le Règlement sur le TSS qui indique que chacune des dispositions fait partie du cadre régissant les contestations constitutionnelles. L’article 20 prévoit un processus en deux étapes : (1) le demandeur dépose un avis au titre de l’article 20(1)(a) et (2) la DG peut accepter d’autres observations dans les délais qu’elle fixe. La deuxième étape est distincte de la première.

[44] Ici la DA a omis de tenir compte de cette deuxième étape. Elle a conclu que la DG n’avait pas le pouvoir d’exiger un dossier, parce qu’une fois qu’un avis est déposé conformément à l’article 20(1)(a) avec des observations minimales, la contestation est, d’un point de vue procédural, valide. Cependant la DA n’a pas examiné l’article 20(3), qui accorde à la DG le pouvoir de modifier ses délais et « d’enjoindre les parties » à déposer des documents et des observations. Rien ne limite le pouvoir de la DG à cet égard.

[22] La Cour d’appel fédérale a aussi établi que cette approche était conforme avec l’instruction de la Cour suprême du Canada qui, dans l’arrêt Mackay c ManitobaNote de bas de page 4, a soutenu que les questions fondées sur la Charte ne peuvent être tranchées dans un vide factuel :

[traduction]

[46] [...] Ici l’absence d’un dossier de Charte a empêché la capacité de la DG d’examiner la cause de façon appropriée. Les observations de D. S. manquaient de précision. Il s’est fondé sur l’article 6 de la Charte qui fait référence aux droits de mobilité, mais il a fait référence au droit de défense. De plus, il a eu amplement l’occasion de fournir un dossier de Charte pour préciser les dispositions législatives contestées.

[23] Sur cette question, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit. Elle avait le pouvoir d’exiger des observations additionnelles fondées sur la Charte de la part de l’appelant et, puisqu’elle ne les a pas reçues, elle avait le droit de retirer le statut particulier de l’appel et de le traiter comme un appel régulier.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle appliqué le bon critère pour un rejet sommaire?

[24] Sans recours à un argument fondé sur la Charte, l’appel de l’appelant est devenu, comme l’a formulé la Cour d’appel fédérale, un [traduction] « simple exercice » dans l’application de l’article 5(3) de la Loi sur la SV aux faits de sa cause. La division générale a statué sur l’appel de l’appelant en invoquant l’article 53(1) de la Loi sur le MEDS, qui lui permet de rejeter un appel de façon sommaire si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Dans sa décision du 24 janvier 2017, la division générale a écrit :

[traduction]

[17] Dans cet appel, l’appelant a été incarcéré en août 2013. Cela n’a pas été contesté. L’intimé a suspendu le paiement de sa pension de la SV et de son SRG à partir de septembre 2013. Le Tribunal conclut que cela a été fait conformément à l’article 5(3) de la Loi sur la SV.

[18] Le Tribunal a été conçu par la législation et, en tant que tel, il n’a que les pouvoirs qui lui ont été conférés par la loi. Le Tribunal est tenu d’interpréter et d’appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans la Loi sur la SV. Pour ces raisons, il ne peut pas exclure l’appelant des exigences de la loi pour des motifs humanitaires.

[19] En conséquence, le Tribunal estime que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[25] La décision de rejeter un appel de façon sommaire repose sur un critère préliminaire. Il ne convient pas d’examiner l’affaire sur le fond en l’absence des parties, puis de conclure que l’appel ne peut pas réussir. La Cour d’appel fédérale a examiné la question relative à un rejet sommaire dans le contexte de son propre cadre législatif et a déterminé que le seuil pour un rejet sommaire est très élevéNote de bas de page 5. La question qu’il faut se poser est celle de savoir s’il est évident et manifeste sur la foi du dossier que l’appel est voué à l’échec. Il ne s’agit pas de déterminer si l’appel doit être rejeté après un examen des faits, de la jurisprudence et des arguments des parties. Plutôt, il faut déterminer si l’appel est voué à l’échec, peu importe les preuves ou arguments qui pourraient être présentés lors d’une audience.

[26] En l’espèce, l’article 5(3) de la Loi sur la SV, qui a pris effet le 1er janvier 2011, est clair :

Il ne peut être versé de pension à une personne assujettie à l’une des peines ci-après à l’égard de toute période pendant laquelle elle est incarcérée, exclusion faite du premier mois :

  1. (a) une peine d’emprisonnement à purger dans un pénitencier en vertu d’une loi fédérale;
  2. (b) si un accord a été conclu avec le gouvernement d’une province en vertu de l’article 41 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, une peine d’emprisonnement de plus de quatre-vingt-dix jours à purger dans une prison, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, située dans cette province.

[27] La situation de l’appelant était sans ambiguïté de façon similaire. Les faits indiquent qu’il était incarcéré dans un pénitencier fédéral lorsque sa pension de la SV a été suspendue en septembre 2013. La division générale a établi que l’appel de l’appelant ne donnait pas lieu à une cause défendable, et je ne vois aucune raison de m’ingérer dans son raisonnement.

Essentiellement, l’argument présenté par l’appelant est qu’il est injuste de refuser aux prisonniers les prestations gouvernementales. Bien que l’appelant puisse ne pas être d’accord avec cette analyse, la division générale était tenue de respecter l’article 5(3) de la Loi sur la SV, tout comme je le suis. Malheureusement, je n’ai pas le pouvoir discrétionnaire de simplement demander ce qui selon moi est adéquat et je peux seulement exercer le pouvoir discrétionnaire conféré par la loi habilitante de la division d’appel. Cette position est notamment appuyée par l’arrêt Canada c. TuckerNote de bas de page 6, qui a conclu qu’un tribunal administratif n’est pas un tribunal, mais un décideur prévu par la loi et que celui-ci n’a donc pas le pouvoir d’accorder toute forme de réparation équitable.

Conclusion

[28] La division générale avait le droit d’interdire à l’appelant de soulever une question constitutionnelle. En l’absence d’un argument fondé sur la Charte, la division générale a établi correctement que l’appelant n’avait pas de cause défendable en appel, ce qui justifiait par conséquent le rejet sommaire.

[29] L’appel est rejeté.

Mode d’instruction :

Représentant :

Sur la foi du dossier

D. S., non représenté

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