Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. L’appelant est admissible à la pleine pension selon la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV), payable à partir de décembre 2011.

Aperçu

[2] L’appelant a fait une demande de pension de la sécurité de la vieillesse (SV) en janvier 2011Note de bas de page 1, car il devait avoir 65 ans au mois de novembre suivant. La demande a été refusée parce que l’appelant n’avait pas fourni les documents et l’information demandés comme preuve de résidence au CanadaNote de bas de page 2. Il a fait une autre demande en mars 2012Note de bas de page 3 et elle a été refusée pour le même motif. Il a fait une demande de révision de cette décision. Après enquête, le Ministre a décidé qu’il n’y avait toujours pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir la résidence au Canada de l’appelant et il a maintenu sa décision initialeNote de bas de page 4. L’appelant a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel; toutefois en novembre 2017, la division d’appel a retourné l’affaire à la division générale pour réexamen.

[3] Le Ministre accepte maintenant que l’appelant a résidé au Canada durant 27 années complètes et qu’il est admissible à une pension de la SV partielle de 27/40eNote de bas de page 5. L’appelant affirme qu’il est admissible à une pleine pension, car il a réellement résidé au Canada durant le nombre d’années requis ou que ses absences sont réputées ne pas avoir interrompu sa résidence selon les circonstances particulières détaillées à l’article 21(5) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV).

Question en litige

Admissibilité à une pension de la SV

[4] Cet appel a été renvoyé, car la division générale n’avait pas analysé la preuve que l’appelant avait déposé en appui à son argument voulant que l’article 21(5) s’appliquait. Toutefois, la division d’appel n’a pas limité la portée de la révision à la question de savoir si l’appelant pouvait faire usage de cette disposition pour prouver sa résidence. Par conséquent, je dois considérer toute la preuve et décider si l’appelant est admissible à une pleine pension de la SV selon au moins un des moyens possibles.

[5] Il n’est pas contesté que l’appelant ait résidé au Canada du 6 juin 1966 au 30 juin 1990 et du 22 mars 2001 au 30 juin 2004.

[6] La première question en litige que je dois trancher est de savoir si l’appelant a résidé au Canada à d’autres moments jusqu’à ce qu’il ait atteint 65 ans en novembre 2011.

[7] Si je découvre que l’appelant a des périodes de résidence additionnelles, je dois décider comment elles affectent son admissibilité à sa pension de la SV.

Admissibilité à un supplément de revenu garanti

[8] L’admissibilité de l’appelant au supplément de revenu garanti (SRG) n’est pas une question en litige dans cet appel. Bien qu’il ait présenté une demande de SRG en mars 2012Note de bas de page 6, son admissibilité n’a pas été examinée attentivement, car jusqu’à récemment la position du Ministre était que l’appelant n’était pas admissible à aucune pension de la SV et, par conséquent, il ne pouvait recevoir de SRG. Le Ministre n’a pas rendu de décision relativement à la résidence ou la présence de l’appelant au Canada après novembre 2011 ce qui déterminerait l’admissibilité de l’appelant au SRG. Comme le Ministre n’a pas rendu de décision sur cette question, je ne suis pas habilitée à l’examiner.

Analyse

Critères relatifs à la résidence pour une pleine pension de la SV

[9] Pour recevoir une pleine pension, un demandeur doit avoir résidé au Canada pendant au moins 40 ans à partir de l’âge de 18 ans jusqu’au moment où sa demande est approuvéeNote de bas de page 7. Une personne ayant résidé moins de 40 ans est admissible à une pleine pension de la SV selon ce qui est connu sous le nom de la règle de 10 ans s’il satisfait aux exigences suivantesNote de bas de page 8 :

  • au 1er juillet 1977, il avait au moins 25 ans et résidait au Canada;
  • il a résidé au Canada pendant au moins 10 ans immédiatement avant le jour où sa demande de pension de la SV pourrait être accueillie.

[10] Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du CanadaNote de bas de page 9. Il incombe à l’appelant de prouver selon la prépondérance des probabilités qu’il a résidé au Canada assez longtemps pour être admissible à une pension de la SVNote de bas de page 10. La jurisprudence a établi une liste non exhaustive de facteurs à considérer pour le déterminer. Ils incluent les biens personnels; les liens sociaux et fiscaux au Canada; les liens à l’étranger; la régularité et la durée des visites au Canada, ainsi que la fréquence et la longueur des absences du Canada; le mode de vie de la personne et son établissement au CanadaNote de bas de page 11. L’intention de la personne peut être considérée, mais n’est pas un élément décisif. Je dois établir que le Canada était l’endroit où il était en fait ancréNote de bas de page 12.

[11] Dans certaines circonstances, l’absence d’une personne du Canada n’est pas considérée comme une interruption de sa résidence ou de sa présence au Canada. Ces périodes incluent celles où la personne a été employée par une entreprise ou une corporation canadienne, a été employée ou s’est engagée comme missionnaire avec un quelconque groupe ou organisation religieuse, ou a été employée à la coupe de bois, à la récolte, à la pêche ou à une autre occupation saisonnièreNote de bas de page 13.

[12] L’appelant a présenté des tonnes de papiers au Tribunal qui contiennent principalement des observations non pertinentes, des éléments de preuve de valeur probante minime et du langage abusif. Son approche très émotive relativement à son appel ne l’a pas aidé et a causé des retards importants. Toutefois, malgré sa combativité et sa tendance à exagérer par écrit, l’appelant a semblé honnête et spontané lorsqu’il a répondu aux questions lors des deux audiences devant la division générale. Son ex-épouse, S. M., a témoigné lors de la première audience et elle a aussi été crédible. Après avoir examiné toute la preuve écrite et orale, j’estime que l’appelant et son ex-épouse ont raconté une histoire plausible qui appuie la conclusion qu’il a résidé continuellement au Canada entre novembre 2001 et novembre 2011. Par conséquent, il est admissible à une pleine pension de la SV selon la règle de 10 ans. En raison de cette décision, je n’ai pas considéré si l’appelant avait résidé au Canada entre juin 1990 et mars 2001.

Contexte : juin 1966 à juin 2004

[13] L’appelant est né en Italie le 24 novembre 1946Note de bas de page 14. Il est arrivé au Canada en tant que résident permanent en juin 1966. Durant plusieurs années qui ont suivi, il a vécu et travaillé dans la région de Toronto. Vers la fin des années 1970, il a commencé à aller en Guyana fréquemment et il a eu une relation là-bas de laquelle est né un fils. En 1981, il a marié une femme guyanaise, S. M., et elle est déménagée au Canada en avril de cette année-là. Leur fille est née au Canada en juillet 1982Note de bas de page 15.

[14] En 1983, l’appelant a été invalidé dans un accident automobile. Il a commencé à recevoir une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) en juillet 1983 et ces prestations lui ont été versées jusqu’en décembre 2011 après quoi elles ont été remplacées par une pension de retraite du RPC.

[15] En 1988, l’appelant et sa famille ont déménagé sur X à XNote de bas de page 16. L’année suivante, lui et S. M. ont divorcé, mais ils ont continué de vivre à la même adresse, car S. M. était une fournisseuse de soin pour la mère de l’appelant qui habitait aussi làNote de bas de page 17.

[16] Au début des années 1990, l’appelant a commencé à voyager au Costa Rica, car le climat était bon pour sa santé et parce qu’il pouvait vivre là-bas et obtenir des traitements comme de la physiothérapie pour moins cher qu’au Canada. Il avait aussi cherché des opportunités d’affaires pour remplacer le revenu qu’il avait perdu lorsqu’il avait cessé de travailler en raison de son invalidité. Vers 1993, il a investi dans une exploitation forestière de teck là-bas. La nature de son investissement et de son implication dans l’exploitation est discutée avec plus de détails ci-après.

[17] Dans les années suivantes, l’appelant a passé un temps considérable au Costa Rica; il a aussi voyagé dans d’autres pays environnants, aux États-Unis et retourné au CanadaNote de bas de page 18. Il est entré en union avec une dame au Costa Rica et il l’a marié là-bas en 2000. Ils ont deux enfants qui ont maintenant 18 et 20 ans. L’épouse de l’appelant et les enfants sont restés au Costa Rica durant plusieurs années.

[18] L’appelant a eu des problèmes avec l’Agence du revenu du Canada (ARC), conséquemment il a été jugé et reconnu coupable pour des chefs qui ne sont pas pertinents à cet appel. Il était en prison au Canada de mai 2001 à mai 2003 et il a ensuite été en libération conditionnelle jusqu’en mai ou juin 2004. Pendant qu’il était en libération conditionnelle, il a dû habiter avec sa sœur à Toronto.

L’appelant a continué de résider au Canada de juin 2004 à juillet 2007

[19] Après la fin de sa libération conditionnelle, l’appelant est retourné au Costa Rica. La date exacte est inconnue, car son passeport pour cette période a été volé en 2009. Les deux parties se sont entendus que l’appelant a probablement quitté le Canada en juin 2004 et j’en conviens aussi. Le Ministre a fait valoir que la résidence de l’appelant au Canada a cessé après cela, parce qu’il a quitté le pays et avait des liens limités ici, et parce que ses liens avec le Costa Rica étaient importants considérant la durée de ses séjours là-bas et le fait que son épouse et ses enfants sont restés là-bas.

[20] Les antécédents de voyage provenant de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) montrent qu’il n’est pas retourné au Canada avant le 12 décembre 2005Note de bas de page 19, signifiant qu’il a été absent du Canada pendant environ 18 mois. Il a déclaré durant son témoignage qu’il ne pensait pas avoir été à l’étranger aussi longtemps. L’appelant ainsi que S. M. ont déclaré qu’habituellement il n’était pas absent du Canada pendant plus de quelques mois. Bien que je crois que ce soit des souvenirs honnêtes, sans d’autres éléments de preuve à l’appui, je dois considérer la documentation de l’ASFC. J’accepte que l’appelant a généralement voyagé entre le Costa Rica et le Canada fréquemment, et qu’il a passé quelques mois à chacun des endroits à chaque fois, mais j’estime dans cette affaire qu’il a été absent du Canada du juin 2004 à décembre 2005.

[21] En 2004, l’appelant avait des liens importants tant au Canada qu’au Costa Rica : son fils et sa fille, son ex-épouse, sa mère et les autres membres proches de sa famille habitaient tous à Toronto ou dans cette région. Il a loué une chambre dans la maison de S. M. à X qui était gardée pour son usage exclusif. Il gardait ses biens là. Il a conservé son permis de conduire de l’Ontario et a gardé une automobile enregistrée à son nom, stationnée dans l’entrée. Pendant cette période, sa présente épouse et ses deux jeunes enfants vivaient dans une maison qu’il louait au Costa Rica. Il faisait des affaires là-bas. La présence physique n’est qu’un des facteurs pour déterminer la résidence. Toutefois, la présence ininterrompue de l’appelant au Costa Rica de juin 2004 à décembre 2005, lorsque considérée avec ses autres liens là-bas ferait, dans d’autres circonstances, pencher la balance vers une conclusion que lorsqu’il avait quitté le Canada en juin 2004, sa résidence avait cessé.

[22] Toutefois, j’estime que l’absence de l’appelant du Canada entre juin 2004 et décembre 2005 n’a pas interrompu sa résidence, car il s’est retrouvé à satisfaire à des circonstances énoncées dans le Règlement sur la SV, qui sont comme suit :

  1. Art. 21(4) Lorsqu’une personne qui réside au Canada s’absente du Canada et que son absence..
    1. c) compte parmi les absences mentionnées au paragraphe (5),
  2. cette absence est réputée n’avoir pas interrompu la résidence ou la présence de cette personne au Canada.
  3. Art. 21(5) Les absences du Canada dont il est question à l’alinéa (4)c) dans le cas d’un résident du Canada sont des absences qui se produisent dans les circonstances suivantes :
    1. a) lorsque ledit résident était employé hors du Canada . . .
      1. (vi) par une entreprise ou corporation canadienne en qualité de membre ou de représentant,
    2. si, au cours de sa période d’emploi hors du Canada, ce résident
      1. (vii) a conservé au Canada une demeure permanente à laquelle il avait l’intention de revenir, ou
      2. (viii) a gardé au Canada un établissement domestique autonome,
  4. et il est revenu au Canada dans un délai de six mois après la fin de sa période d’emploi hors du Canada ou, au cours de sa période d’emploi hors du Canada, il a atteint un âge qui le rendait admissible à une pension en vertu de la Loi.

[23] L’appelant a satisfait à toutes les exigences de cette disposition. En juin 2004, il résidait au Canada. Lorsqu’il a quitté le pays, il était employé comme représentant d’une corporation canadienne, Ecologic International inc. (Ecologic). Durant son emploi, il a conservé un lieu de séjour permanent au Canada auquel il avait l’intention de retourner et il y est retourné dans les six mois suivant la fin de son emploi.

i. L’appelant était employé par une corporation canadienne

[24] L’appelant a affirmé dans son témoignage qu’il avait acheté une exploitation forestière de teck par le biais d’une corporation costaricaine. Bien que l’actuel propriétaire de la terre n’ait pas été clairement identifié, je suis convaincue par le témoignage et les autres documents qu’à partir d’octobre 1992, l’appelant avait le droit d’exploiter cette propriété. Je suis aussi satisfaite que l’appelant a transféré ses droits à Ecologic vers octobre 1997 et qu’il a continué à agir comme administrateur de l’exploitation et représentant de cette compagnieNote de bas de page 20.

[25] Ecologic a été incorporé en Ontario en octobre 1997Note de bas de page 21. L’appelant a affirmé durant son témoignage que la compagnie avait été créée pour financer l’exploitation forestière de teck par des investisseurs canadiens. Les investisseurs ont acheté les arbres sur l’exploitation et ont donné leur gestion en contrat à Ecologic. Les premiers contrats ont été signés en novembre 1997 et ceux-ci étaient pour 10 années. Les investisseurs avaient convenu de payer Ecologic 2500 $ par année pour la propriété de 100 arbres et pour leur entretien, l’administration et les autres coûts. En échange, ils recevraient 85 % des gains nets de la vente des arbresNote de bas de page 22.

[26] L’appelant a commencé à travailler tard en 1992. Il a engagé des travailleurs locaux et des ingénieurs forestiers, a acheté des graines et des porte-greffes et a supervisé le nettoyage du terrain, la plantation et la récolte. Avec les années, la propriété a eu besoin de nettoyage régulier et les arbres ont été abattus. L’appelant a déclaré que parce qu’il était invalide, il ne pouvait pas faire le travail physique, mais il était capable de s’asseoir derrière un bureau et de parler aux gens, de faire des demandes de subvention au gouvernement costaricain, de faire des transferts bancaires, de payer les employés et de visiter la propriété pour superviser les travaux.

[27] L’appelant a affirmé lors de son témoignage qu’Ecologic a perdu ses investisseurs parce que de l’ARC ne voulait pas reconnaître l’entreprise et ils ne pouvaient pas déduire leurs coûts. Les procédures judiciaires à ce sujet se sont poursuivies durant plusieurs années. L’appelant a finalement payé la plupart des coûts de l’exploitation lui-même et il n’a pas reçu de salaire ou d’autre paiement d’Ecologic. Les arbres ont été récoltés en 2012 et 2013 et ont été vendus à une compagnie locale, mais il n’y a pas eu de profit et la propriété est maintenant négligée et en piètre état. Ecologic n’a pas produit de déclarations de revenus ou payé d’impôt au Canada.

[28] Je conclus que Ecologic était une corporation canadienne aux fins de la pension de la SV. La Loi sur la SV et le Règlement sur la SV ne définissent pas « corporation canadienne », mais il n’y a aucun doute qu’une compagnie incorporée dans une des provinces canadiennes tombe dans cette catégorie. La loi n’exige pas qu’une corporation soit établie au Canada tant pour ce qui est de la Loi de l’impôt sur le revenu ou les principes de common law. Il n’est pas nécessaire qu’une corporation ait ses activités d’affaires ou ses biens au Canada ou qu’elle se conforme aux lois de l’impôt sur le revenu ou autres lois dans ce pays.

[29] Je me tourne vers la question de savoir si l’appelant était employé par Ecologic. « Employé » n’est pas défini dans la Loi sur la SV et le Règlement sur la SV. Le sens général du mot suggère une entente où une personne est payé pour travailler, mais ça peut aussi signifier de passer du temps à faire quelque choseNote de bas de page 23. Comme la Loi sur la SV est une législation traitant de prestations sociales, elle doit être interprétée de façon largeNote de bas de page 24. L’appelant a témoigné de manière crédible qu’il avait consacré beaucoup d’efforts au service d’Ecologic dans l’exploitation forestière de teck avec l’attente raisonnable qu’il soit payé lorsque les arbres seraient vendus. Je conclus par conséquent qu’il était employé comme représentant d’Ecologic.

[30] J’ai considéré si je pouvais conclure que l’appelant était employé par Ecologic au même moment où une pension d’invalidité lui était versée, prestations qui ne sont payables que s’il était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 25. L’appelant a décrit qu’il avait besoin d’un horaire flexible et comment il limitait ses activités. L’entreprise n’était pas profitable. Il ne me revient pas de déterminer si son implication avec l’exploitation forestière de teck avait une incidence sur son admissibilité à une pension d’invalidité, toutefois je ne crois pas que les deux soient nécessairement incompatibles. La preuve dont je dispose pour cet appel appuie une conclusion que l’appelant était employé comme représentant par une corporation canadienne d’octobre 1997 jusqu’en mars 2007 lorsque le statut corporatif d’Ecologic a été annulé parce qu’elle ne s’était pas conformée à la Loi sur l’imposition des sociétés de l’OntarioNote de bas de page 26.

ii. L’appelant a conservé un lieu de séjour permanent au Canada

[31] En plus d’avoir été employé par une corporation canadienne durant son absence du Canada, l’appelant doit avoir eu un lieu de séjour permanent au Canada où il avait l’intention de retournerNote de bas de page 27.

[32] S. M. a déclaré dans son témoignage que vers le temps où la remise en liberté conditionnelle de l’appelant s’est terminée en 2004, elle a acheté une maison sur le X à X. L’appelant a déménagé ses biens, incluant des meubles, des vêtements et objets de valeur, dans la maison avant d’aller au Costa Rica. Il a payé un loyer à S. M., qui en échange lui a réservé les pièces dans le sous-sol fini pour son usage exclusif et pour sa famille lorsqu’ils étaient au Canada. Lorsqu’un ami de madame a voulu déménager dans le sous-sol, elle a déménagé les biens de l’appelant dans deux pièces à l’étage et elle les a conservés pour lui selon le même arrangement. Jusqu’en 2006 ou 2007, l’appelant est resté sur le X lorsqu’il venait au Canada. Son épouse et ses enfants sont souvent venus avec lui et ils restaient aussi là. Selon ces éléments de preuve, je conclus que l’appelant avait un lieu de séjour permanent au Canada où il avait l’intention de revenir.

iii. L’appelant est retourné au Canada dans les six mois suivant la fin de son emploi

[33] L’emploi de l’appelant avec Ecologic s’est terminé en mars 2007 lorsque son statut corporatif a été annulé. Bien qu’il ait continué à travailler à l’exploitation de teck, il n’a pas fourni d’élément de preuve à l’appui qu’il travaillait pour une entreprise ou une corporation canadienne par la suite. Toutefois, comme il est retourné au Canada en juillet 2007Note de bas de page 28, il satisfait à l’exigence d’un retour au Canada dans les six mois suivant la fin de son emploi avec Ecologic.

L’appelant a continué à résider au Canada après juillet 2007

[34] L’appelant a fait valoir que ses absences du Canada étaient aussi parce qu’il s’était engagé comme missionnaire et comme travailleur à la coupe de bois ou à la récolte. Ces activités pourraient potentiellement prolonger l’application de l’article 21(5) après juillet 2007, car elles ne sont pas reliées au statut corporatif d’Ecologic. Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas à lui.

[35] Premièrement, l’appelant a prétendu que son travail missionnaire consistait à partager la doctrine du crédit social et à exposer [traduction] « les crimes commis par les personnes qui se font passer pour le gouvernement »Note de bas de page 29. Le Règlement de la SV établit que le travail missionnaire doit être fait « à titre de missionnaire membre d’un groupe ou d’un organisme religieux »Note de bas de page 30. Le crédit social n’est pas un groupe ou un organisme religieux. C’est une théorie économique prônée par, entre autres, un ancien parti politique. De même, le désir de l’appelant d’éduquer les gens relativement aux crimes liés au gouvernement n’est pas religieux. Les activités de l’appelant de promotion de ces croyances ne sont pas du travail missionnaire au sens de la Loi sur la SV.

[36] Deuxièmement, les activités de l’appelant à l’exploitation forestière de teck n’étaient pas exécutées comme « travailleur » à la coupe du bois ou à la récolte. Ce terme n’est pas défini dans la législation et je n’ai pu trouver de jurisprudence ou de contexte législatif pour clarifier l’intention. Le sens généralement accepté pour « travailleur » n’inclut pas les tâches de gestion et d’administration qui constituaient la majeure partie du travail que l’appelant a déclaré durant son témoignage.

[37] Toutefois, je constate qu’après être retourné au Canada en décembre 2005, l’appelant a résidé au Canada qu’il ait ou non été employé par Ecologic. Lui et S. M. ont déclaré durant le témoignage qu’en 2006, il avait acheté une maison à X, Ontario avec l’argent que son épouse lui avait donné. Il a déménagé dans la maison plus tard en 2006 ou 2007 et il y vit encore. Il a continué à faire des allers-retours au Costa Rica pour gérer l’exploitation et pour voir sa famille; son épouse et ses enfants sont souvent venus au Canada pour visiter. L’appelant a affirmé durant son témoignage qu’il n’avait pas pu pas parrainer sa famille pour qu’ils immigrent au Canada en raison de son inculpation et de sa condamnation potentielle et ensuite parce qu’il n’avait pas les moyens financiers de le faire. Il a fait une demande de parrainage en janvier ou juin 2011Note de bas de page 31. Ses enfants ont déménagé au Canada en 2012 et 2014 et sa femme est arrivée en février 2018.

[38] L’appelant n’a pas produit de déclaration de revenus au Canada pendant plusieurs années. En 2017, il a essayé d’en produire après coup, mais l’ARC ne pouvait l’évaluer que pour les dix dernières années. Ces redressements montrent que de 2007 à 2015, le seul revenu de l’appelant provenait de sa pension du RPC et il ne devait pas d’impôtNote de bas de page 32. Par conséquent, son omission de produire des déclarations de revenus n’est pas un élément de preuve qu’il ne résidait pas au Canada.

[39] Bien que l’appelant avait des liens forts avec le Costa Rica, j’estime que ses liens au Canada étaient plus importants et qu’il s’est établi et a vécu ordinairement au Canada au moins jusqu’au 24 novembre 2011. Il avait une maison au Canada et plusieurs membres proches de sa famille. Ses voyages à l’étranger étaient temporaires et faits dans un but précis. L’exploitation de teck ne nécessitait pas sa présence constante au Costa Rica. En fait, il devait souvent être au Canada pour traiter avec les comptables de l’exploitation et les investisseurs. Je n’ai pas accordé beaucoup d’importance au fait que l’épouse et les enfants de l’appelant vivaient au Costa Rica. Ils étaient là-bas, car il était incapable de les amener vivre au Canada. Ils visitaient souvent, restaient à la maison de l’appelant chez S. M. et ensuite dans la maison achetée avec l’argent fourni par l’épouse de l’appelant.

[40] Les antécédents de voyage provenant de l’ASFC de l’appelant montrent qu’entre décembre 2005 et novembre 2011, il n’a pas été absent du Canada plus d’une annéeNote de bas de page 33. La seule exception est celle où le registre montre qu’il est entré au Canada le 10 juillet 2008 et son entrée suivante a été plus d’une année plus tard en août 2009. Comme son passeport n’était pas disponible, je ne pouvais pas déterminer quand il a quitté le Canada durant cet intervalle. Toutefois, il a écrit une lettre en septembre 2008 et une réponse lui a été envoyée à sa maison à XNote de bas de page 34. Ceci indique qu’il était vraisemblablement à X lorsqu’il a écrit la lettre et qu’il avait l’intention d’y être pour recevoir la réponse. Par conséquent, il n’aurait pas quitté le Canada avant octobre 2008 au plus tôt et ainsi il n’a pas été absent pour un an ou plus. Parce que l’appelant était résident au Canada en décembre 2005, et que ses absences ensuite n’étaient que temporaires et de moins d’un an, elles sont réputées ne pas avoir interrompu sa résidence au CanadaNote de bas de page 35.

Accueil et versement de la pension de l’appelant

[41] L’appelant est admissible à une pleine pension de la SV, car il a satisfait aux exigences de l’article 3(1)(b) de la Loi sur la SV :

  • au 1er juillet 1997, il avait plus de 25 ans et il résidait au Canada;
  • il a résidé au Canada pendant au moins 10 ans immédiatement avant le jour où sa demande de pension de la SV pourrait être accueillie, ce qui était entre le 23 novembre 2001 et le 23 novembre 2011.

[42] La date actuelle de la demande de l’appelant est le 24 novembre 2011, lorsqu’il a eu 65 ansNote de bas de page 36. Les versements de sa pension devaient commencer le mois suivant, soit en décembre 2011Note de bas de page 37.

Conclusion

[43] L’appel est accueilli.

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