Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision

[1] Pour les fins de sa pension de la Sécurité de la vieillesse (SV), le prestataire est considéré comme un résident du Canada du 16 mars 1997 au 15 décembre 1999. Toutefois, le prestataire n’est pas considéré comme un résident du Canada pour la période du 1er avril 2004 au 20 décembre 2013. Lorsqu’on ajoute cela à ses périodes précédemment acceptées de résidence canadienne (du 20 décembre 1966 au 15 mars 1997 et du 16 décembre 1999 au 31 mars 2004), sa résidence au Canada aux fins de la SV totalise 37 années et 103 jours.

Aperçu

[2] En 1996, le prestataire a commencé une union de fait avec L. V., une employée des services diplomatiques canadiens (le X).Note de bas de page 1 Il s’est ensuite marié avec L. V. en 2011. En 1997, il a quitté le Canada pour vivre avec L. V. durant l’affectation de cette dernière à Belgrade, Serbie. Il l’a accompagnée lors de ses affectations subséquentes au Sénégal, en Macédoine et en Russie.  L. V. a pris sa retraite du X en 2009 et s’est établie avec le prestataire à Budapest, Hongrie. Pendant qu’ils vivaient à Budapest, L. V. a périodiquement travaillé pour l’ambassade canadienne à titre de contractuelle ou d’employée temporaire recrutée sur place. Les périodes de travail après‑retraite se sont produites entre 2011 et 2015. En 2016, le prestataire et L. V. sont revenus au Canada de façon permanente. Ils étaient retournés au Canada à quelques reprises entre 1997 et 2016, mais pas tous les ans.

[3] Le ministre a reçu la demande de pension de la SV du prestataire le 10 avril 2014. Le ministre a initialement accordé une pension partielle (34/40e) de la SV et a maintenu cette décision après réexamen. Le prestataire a interjeté appel de la décision de réexamen devant le Tribunal.

[4] En tant que conjoint d’une employée diplomatique canadienne, le prestataire pouvait, à certaines conditions, être considéré comme résident du Canada pendant les affectations diplomatiques de son épouse. Il affirme qu’il est injuste que certaines affectations de sa conjointe (comme celle en Macédoine) déclenchent automatiquement la résidence au Canada pour lui et sa conjointe, tandis que d’autres affectations (comme celles en Serbie, au Sénégal et en Russie) ne déclenchent pas automatiquement la résidence au Canada. Le prestataire et L. V. ont tous deux été réputés résider au Canada entre le 16 décembre 1999 et le 31 mars 2004, alors que L. V. était affectée en Macédoine. La résidence au Canada a été réputée pendant cette affectation aux termes de l’Accord sur la sécurité sociale entre le gouvernement du Canada et la République de Macédoine. Il soutient aussi que la période de restriction de six mois concernant l’après-mandat pour retourner au Canada (afin d’établir rétroactivement la résidence au Canada après les affectations comme celles en Serbie, au Sénégal et en Russie) est injuste et n’a pas été expliquée ni à lui ni à L. V..

Question en litige

[5] Le prestataire était-il continuellement un résident du Canada pour les fins de sa pension de la SV durant la période du 16 mars 1997 au 15 décembre 1999 (inclusivement)?

[6] Le prestataire était-il continuellement un résident du Canada pour les fins de sa pension de la SV après le 31 mars 2004 et avant le jour de ses 65 ans, le 20 décembre 2013?

[7] Si la réponse à l’une ou l’autre de ces deux questions est « oui », quel effet cela a-t-il sur son droit à une pension de la SV?

Analyse

[8] Le prestataire est né en Hongrie le X. Arrivé au Canada comme réfugié le 24 janvier 1957, il a acquis la citoyenneté canadienne le 9 mai 1962.Note de bas de page 2 Il a eu 18 ans le X décembre 1966, et 65 ans le X décembre 2013. Le prestataire et L. V. ont entamé une union de fait le 5 octobre 1996 et se sont mariés le 15 janvier 2011.Note de bas de page 3 L. V. a eu 65 ans le X 2012.

[9] L. V. a commencé son emploi au X le 17 avril 1979 et a travaillé à diverses affectations au Canada, en Europe et en Afrique. Elle a été affectée à l’ambassade du Canada à Belgrade, Serbie, de juillet 1993 à août 1997.Note de bas de page 4 C’est durant cette affectation que son union de fait avec le prestataire a commencé. Le prestataire a déménagé du Canada pour s’installer en Serbie le 15 mars 1997, afin de vivre avec L. V.Note de bas de page 5.

Le prestataire était-il continuellement un résident du Canada du 16 mars 1997 au 15 décembre 1999 (inclusivement)?

[10] Le prestataire a habité Belgrade avec L. V. du 16 mars 1997 à la date de fin de l’affectation de cette dernière, en août 1997. L. V. a ensuite été immédiatement réaffectée (ce qui signifie qu’elle n’est pas d’abord retournée au Canada avant de commencer sa prochaine affectation) au Sénégal, en août 1997. Elle demeurée au Sénégal avec le prestataire jusqu’en décembre 1999, puis est arrivée en Macédoine, pour son affectation suivante, le 16 décembre 1999Note de bas de page 6.

[11] À l’audience, le prestataire et L. V. ont été questionnés au sujet du retour au Canada avant les affectations au Sénégal et en Macédoine. Le prestataire n’arrivait pas à se souvenir, disant qu’habituellement ils se rendaient d’abord au prochain lieu de réaffectation de son épouse, puis qu’ils retournaient tous deux au Canada dans les deux mois qui suivaient. Il a dit que L. V. serait plus fiable à cet égard, quoiqu’il était assez certain qu’ils n’étaient pas retournés au Canada avant leur installation en Macédoine, en décembre 1999. L. V. a dit qu’ils ne sont pas revenus au Canada entre les affectations en Serbie et au Sénégal, mais qu’ils seraient retournés temporairement au Canada dans les mois qui ont suivi le début de son affectation au Sénégal. Elle pensait que cette visite se serait produite en décembre 1997. En revanche, elle se souvenait très bien d’être retournée au Canada, depuis le Sénégal, avec le prestataire, avant le début de son mandat en Macédoine, car il lui était nécessaire de se présenter à l’administration centrale du X au Canada, pour des raisons opérationnelles.

[12] La version des événements fournie par L. V. concorde avec les estampilles de passeport et les visas du prestataire. Le passeport du prestataire indique qu’il est entré au Canada le 8 décembre 1999, après avoir transité par Paris, FranceNote de bas de page 7. Le prestataire s’est vu délivrer un visa le 10 décembre 1999 par l’ambassade de Macédoine à Ottawa. Le prestataire est alors entré sur le territoire français le 16 décembre 1999, bien qu’il soit difficile de dire si le prestataire s’est rendu en Macédoine ce même jour.

[13] L. V. a également témoigné que le prestataire et elle ont été au Canada pendant environ deux semaines au cours de l’été de 1998, pour des motifs non précisés de compassion. Elle a également dit qu’ils ont pris des vacances à Toronto au cours de l’été 1999. Elle et le prestataire ont tous deux indiqué qu’ils avaient des mères âgées au Canada à cette époque. Malheureusement, il n’est pas possible d’obtenir une confirmation de ces visites par d’autres éléments de preuve, comme des timbres de passeport.

[14] Bien que le prestataire et L. V. auraient passé un peu de temps au Canada entre le 16 mars 1997 et le 15 décembre 1999, à l’évidence, ils vivaient et travaillaient en Serbie, et ensuite au Sénégal. Il me faut donc déterminer si le Règlement sur la sécurité de la vieillesse (le « Règlement sur la SV ») permet de réputer cette période comme une période de résidence au Canada pour le prestataire eu égard aux fonctions diplomatiques de L. V..

À quelles conditions le service à titre d’agent diplomatique à l’étranger peut-il être considéré comme une résidence au Canada?

[15] Le Règlement sur la SV répute certaines périodes d’absence du Canada comme n’ayant pas interrompu la résidence d’une personne au Canada.Note de bas de page 8 Ce qui est le plus important dans le cas du prestataire, c’est que ces périodes d’absence comprennent certaines situations liées au personnel diplomatique et à leurs conjoints.

[16] En particulier, aux termes du Règlement sur la SV, lorsqu’une personne est absente du Canada alors qu’elle est « engagée ou employée hors du Canada » par le gouvernement du Canada, son absence pourrait être réputée n’avoir pas interrompu sa résidence au Canada. Toutefois, il faut que cette personne revienne au Canada dans un délai de six mois après la fin de sa période d’emploi ou d’engagement hors du Canada. Cela s’applique aussi à l’époux ou au conjoint de fait qui accompagne la personne « engagée ou employée » pour autant que la personne accompagnant son conjoint soit revenue au Canada dans les six mois du retour de son époux ou conjoint de fait.Note de bas de page 9

[17] Je conclus que L. V. était « engagée ou employée hors du Canada » par le gouvernement du Canada aux périodes pertinentes. Le X fait partie intégrante du gouvernement du Canada, et le X a produit une preuve écrite attestant de l’emploi que L. V. a occupé au X du 17 avril 1979 au 20 octobre 2009.Note de bas de page 10 Il faut maintenant déterminer si les autres exigences du Règlement sur la SV sont satisfaites et si le prestataire peut faire appliquer ces dispositions pour établir sa résidence au Canada entre le 16 mars 1997 et le 15 décembre 1999.

Le prestataire peut-il établir qu’il a continuellement résidé au Canada après le 15 mars 1997 de par le travail de son épouse et leur retour au Canada en décembre 1997 et/ou en décembre 1999?

[18] Aux termes du Règlement sur la SV, il faut que L. V. soit revenue au Canada dans un délai de six mois après la fin de sa période d’emploi ou d’engagement hors du Canada. Le ministre a rejeté l’appel du prestataire jusqu’à maintenant, au motif que L. V. (tout comme le prestataire) n’est pas revenue au Canada dans un délai de six mois après sa retraite du X, en octobre 2009. Ce fait a été utilisé pour nier la résidence au Canada du prestataire, non seulement pendant l’affectation de son épouse en Russie, de 2004 à 2009, mais aussi pour la période allant du 16 mars 1997 au 15 décembre 1999.

[19] Cependant, L. V. a témoigné qu’elle est retournée fréquemment au Canada entre 1997 et 2006, en compagnie du prestataire. En particulier, il y a une preuve orale indiquant qu’ils sont revenus au Canada à peu près en décembre 1997, peu après la fin de l’affectation en Serbie. Il y a une preuve à la fois orale et documentaire qui confirme un retour au Canada en décembre 1999, immédiatement après la fin de l’affectation au Sénégal et immédiatement avant l’affectation en Macédoine.

[20] Alors qu’on interprète les dispositions du Règlement sur la SV, doit-on considérer que L. V. n’a eu qu’une seule période d’« emploi » de 1979 à 2009? Ou pourrait-on qualifier cela de plusieurs périodes d’« emploi » ou d’« engagement »? Si l’on peut caractériser cela comme une série de périodes soit d’« emploi » soit d’« engagement », alors le retour de L. V. et du prestataire en décembre 1997 et, de nouveau, en décembre 1999 pourrait déclencher la résidence continue au Canada du prestataire du 16 mars 1997 au 15 décembre 1999. Je me pencherai en premier lieu sur la période durant laquelle L. V. a été « employée hors du Canada », au sens du Règlement sur la SV.

[21] L. V. a déclaré qu’elle a dû revenir au Canada pour des raisons opérationnelles en décembre 1999. Ce retour est corroboré par l’émission d’un visa de la Macédoine au prestataire à Ottawa durant cette période. Par conséquent, je conclus que l’emploi de L. V. « hors du Canada » ne peut être considéré comme continu entre le 16 mars 1997 et son départ à la retraite en octobre 2009. Son emploi a été occupé au Canada pendant au moins une courte période en décembre 1999, lorsqu’elle a dû se présenter à l’administration centrale du X.

[22] Subsidiairement, j’accepte que L. V. était « engagée » hors du Canada durant ses diverses missions pour le X. Selon le Cambridge Business English Dictionary, une personne est « engagée » si elle est [traduction] « occupée à faire quelque chose », si elle [traduction] « travaille à un titre quelconque » ou même si elle [traduction] « participe à quelque chose ».Note de bas de page 11 Cette définition est un peu plus étendue que celle d’être « employé » et je suis convaincu que cela comprend les activités diplomatiques de L. V..

[23] Je conclus donc que L. V. est revenue au Canada avec le prestataire en décembre 1999, dans un délai de six mois après la fin, soit de sa période d’emploi, soit de sa période d’engagement hors du Canada. Si l’on caractérisait cela comme la fin d’une période d’« emploi » hors du Canada, cela s’appliquerait au moins à partir du 16 mars 1997, puisque L. V. a été réaffectée de la Serbie au Sénégal plus tard cette année-là. Si on qualifiait cela comme la fin de sa période d’« engagement » hors du Canada, cela s’appliquerait seulement à la période durant laquelle elle était affectée au Sénégal. Toutefois, en l’espèce, le retour du prestataire et de L. V. au Canada en décembre 1997 se serait produit dans un délai de six mois après le précédent engagement de L. V. en Serbie.

[24] Par conséquent, je considère les fonctions de L. V. au X comme un « emploi » ou un « engagement » hors du Canada. Je conclus que L. V. était absente du Canada, eu égard aux circonstances prévues à l’alinéa 21(5)(b) du Règlement sur la SV (ou effectivement au Canada) pendant toute la période allant du 16 mars 1997 au 15 décembre 1999. Il s’ensuit que le prestataire peut invoquer l’alinéa 21(5)(c) du Règlement sur la SV pour établir la continuité de sa résidence au Canada entre le 16 mars 1997 et le 15 décembre 1999.

Le prestataire était-il continuellement un résident du Canada après le 31 mars 2004 et avant l’âge de 65 ans?

[25] Comme je l’ai mentionné plus haut, sur le fondement d’un accord entre le Canada et la Macédoine, le prestataire a été réputé être un résident du Canada pendant que L. V. était affectée en Macédoine, du 16 décembre 1999 au 31 mars 2004. Il me faut maintenant déterminer si le prestataire était un résident du Canada après la fin de l’affectation en Macédoine et avant qu’il atteigne l’âge de 65 ans, le X décembre 2013.

[26] L. V. a mis fin à ses fonctions diplomatiques en Macédoine le 31 mars 2004, quoiqu’il semble qu’elle n’ait pas effectivement quitté la Macédoine avant le 4 avril 2004.Note de bas de page 12 Son affectation officielle suivante du X n’a commencé qu’en juillet 2004, à Moscou, Russie. À l’audience, le prestataire a déclaré que L. V. et lui-même ont conduit de la Macédoine jusqu’à Budapest, Hongrie. L. V. a déclaré qu’elle a eu une affectation temporaire en Suède pendant la majeure partie de la période ayant séparé ses affectations officielles en Macédoine et en Russie. Le prestataire est resté à Budapest pendant l’affectation de son épouse en Suède. Ils ont ensuite conduit ensemble de Budapest jusqu’à Moscou. En bout de ligne, ni L. V. ni le prestataire n’a dit qu’ils sont revenus au Canada avant le début de l’affectation en Russie, bien qu’ils aient tous deux mentionné un retour au Canada en septembre 2004, au titre d’un congé pour raisons familiales, après le décès de la mère du prestataire.

[27] L. V. a déclaré qu’elle est revenue au Canada avec le prestataire, prenant un congé pour raisons familiales, à une date non précisée, au cours de l’été 2005, lorsque sa propre mère est décédée. Elle pense qu’ils se sont aussi rendus à Toronto aux alentours de janvier 2006 pour rendre visite à son beau-frère. Toutefois, elle a dit qu’ils ne sont pas retournés au Canada avant la fin du printemps de 2011, lorsqu’ils ont rendu visite à un ancien collègue du X. Le prestataire a déclaré qu’ils ont généralement été rendre visite à leurs mères au Canada, chaque année civile, de 1997 à 2005, année où sa belle-mère est décédée. Il a dit qu’ils ont ensuite pris des vacances aux États-Unis plutôt qu’au Canada.

[28] L. V. a pris sa retraite du X en octobre 2009, quoique son relevé d’emploi indique que son dernier jour de travail était en fait le 30 septembre 2009.Note de bas de page 13 C’était à la fin de l’affectation en Russie; le prestataire et elle ont alors commencé à vivre à Budapest, Hongrie, sans être d’abord revenus au Canada. Le prestataire a dit qu’ils se sont rendus de Moscou à Budapest en voiture et qu’ils ne sont probablement pas revenus au Canada avant 2015. Il n’existe pas d’accord entre la Russie et le Canada pour automatiquement réputer une période de service diplomatique canadien en Russie comme une période de résidence au Canada.

[29] Bien qu’il y ait quelques incohérences entre le témoignage du prestataire et celui L. V., leurs récits concordent généralement quant au voyage au Canada jusqu’à au moins 2005 et peut-être début 2006. Ils concordent aussi pour ce qui est du fait qu’ils ne sont pas revenus au Canada avant au moins la fin du printemps 2011, soit bien après que L. V. eut pris sa retraite du X.

[30] À la différence du retour du prestataire et de L. V. au Canada après l’affectation au Sénégal, je conclus qu’il n’y a pas eu de semblable retour au Canada après la dernière affectation de L. V. en Russie pendant au moins 18 mois. Bien qu’ils aient pu revenir au Canada au tout début de cette affectation en Russie, je conclus que L. V. n’est pas revenue au Canada dans un délai de six mois après la fin de son affectation en Russie. Ainsi, le prestataire ne peut faire appliquer les dispositions du Règlement sur la SV pour établir une résidence au Canada pendant toute la durée de l’affectation.Note de bas de page 14

[31] J’ai également examiné la question de savoir si le retour du prestataire au Canada en septembre 2014 pour les funérailles de sa mère pourrait créer pour lui une résidence canadienne du 1er avril 2004 au 1er septembre 2014. J’ai fixé au 1er septembre 2014 la fin de cette période, car il n’y avait aucune preuve concernant les dates précises de sa visite au Canada en septembre 2014. Les dispositions du Règlement sur la SV permettent effectivement de considérer une absence du Canada comme une période continue de résidence au Canada pour autant que cette absence ne dépasse pas un an. Cependant, il faut aussi que cette absence ait été temporaire.Note de bas de page 15 Je ne suis pas convaincu que l’absence du prestataire du Canada après le 31 mars 2004 était temporaire : le prestataire a déménagé en Hongrie pendant plusieurs mois, a déménagé à Moscou puis est revenu au Canada en prenant un congé pour raisons familiales, seulement lorsque sa mère est décédée. Il n’y a pas de preuve convaincante d’un retour prévu et imminent au Canada. Selon la prépondérance des probabilités, je trouve plus vraisemblable que la période d’absence du Canada du prestataire après le 31 mars 2004 se voulait probablement une période d’absence prolongée et que cette absence n’a pris fin qu’au moment imprévu du décès de sa mère.

[32] Bien que le prestataire et L. V. semblent être retournés périodiquement au Canada à partir de 2011, ils ont continué de vivre en Hongrie jusqu’en mai 2016.Note de bas de page 16 J’en conclus que, jusqu’à ce qu’ils reviennent s’installer au Canada en 2016, le prestataire était toujours un « résident » de la Hongrie. Comme il ne peut pas être résident de plus d’un pays, cela empêche la résidence au Canada durant cette période. Cependant, avant de conclure, j’aimerais aborder deux questions précises : le travail effectué par L. V. en Hongrie après sa retraite et le caractère équitable de la législation.

Le travail que L. V. a effectué à Budapest après son départ à la retraite aide-t-il le prestataire?

[33] En quatre occasions, entre le 6 juin 2011 et le 30 août 2013, les services de L. V. ont été retenus « par contrat » par l’ambassade du Canada à Budapest. L. V. a également été « employée » par l’ambassade canadienne à Budapest du 9 avril 2014 au 14 octobre 2014. Finalement, elle a de nouveau travaillé « à contrat » pour l’ambassade en fournissant des services pendant plusieurs périodes entre le 30 mars 2015 et le 1er septembre 2015. Deux lettres de l’ambassade datant de 2017 font expressément la distinction entre travailler « à contrat » et être « employé » pour ces périodes.Note de bas de page 17

[34] Je conclus que ces périodes de travail « à contrat » et d’« emploi » n’aident pas le prestataire. Il n'y a pas de preuve convaincante que L. V. soit revenue au Canada dans un délai de six mois après la fin de ses périodes de travail à contrat, le 1er septembre 2015. Elle est revenue s’établir au Canada avec le prestataire en mai 2016. Néanmoins, même si j’avais conclu qu’elle était revenue au Canada après les précédents contrats ou « emplois » à Budapest, plusieurs autres facteurs n’auraient pas non plus milité en faveur du prestataire.

[35] Bien que l’ambassade ait considéré L. V. comme une employée le 9 avril 2014, toutes les périodes d’« emploi » étaient postérieures au 65e anniversaire tant de L. V. que du prestataire.Note de bas de page 18 Par conséquent, ces périodes n’auraient aucun effet sur le droit du prestataire à une pension de la SV. En outre, les services fournis par L. V. étaient transitoires, et elle était déjà résidente de Budapest lorsqu’elle a commencé à fournir ces services. Par conséquent, je ne souscris pas à la thèse voulant que des services de cette nature visaient à déclencher l’application des dispositions du paragraphe 2- du Règlement sur la SV concernant la résidence réputée. Le travail « à contrat » que L. V. a effectué a été décrit comme un travail « d’urgence », « de remplaçant » ou « temporaire ». Je note que la lettre du X datée du 18 juillet 2012, qui fait état des périodes d’emploi de L. V., ne fait mention d’aucun emploi après octobre 2009, même si L. V. avait commencé à fournir « à contrat » des services à l’ambassade du Canada à Budapest le 6 juin 2011. Ces services semblent avoir été retenus en vertu d’un contrat signé localement à l’ambassade plutôt que dans le cadre d’un engagement ou d’un emploi dirigé par le gouvernement du Canada. Également, L. V. ne s’est pas installée en Hongrie à la demande du gouvernement du Canada pour fournir lesdits services.Note de bas de page 19

La loi est-elle équitable?

[36] Le prestataire a argué qu’il était injuste que les périodes de fonctions diplomatiques canadiennes de L. V. ne le rendent pas automatiquement admissible à la continuité de résidence au Canada. Il a laissé entendre que l’exigence voulant que les employés tels que sa conjointe doivent revenir au Canada dans un délai de six mois est complètement arbitraire, d’autant plus que ce retour au Canada pourrait ne durer qu’un jour. Il a aussi affirmé que le X avait omis d’informer L. V. ou lui-même de l’exigence de retour au Canada dans les six mois de la fin de l’affectation finale de L. V. pour pouvoir établir la résidence au Canada pendant son emploi diplomatique. Il a aussi trouvé injuste que les affectations diplomatiques dans certains pays (comme la Macédoine) étaient réputées établir la résidence au Canada, tandis que les affectations diplomatiques dans d’autres pays (comme la Russie) n’établissent pas en soi la résidence au Canada.

[37] J’éprouve de la sympathie pour le prestataire et sa femme, car il semble que L. V. ait bien servi le Canada pendant une longue carrière au X. Le prestataire lui-même semble également avoir été engagé comme coordonnateur communautaire lors de la dernière affectation en Russie. Toutefois, le Tribunal est créé par une loi et, à ce titre, il ne possède que les pouvoirs que lui confère sa loi habilitante. Je suis donc tenu d’interpréter et d’appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans le Régime de pensions du Canada. Je ne peux pas évacuer ou modifier des exigences simplement parce qu’elles semblent s’appliquer de façon injuste dans un cas particulier. De la même façon, je ne peux accorder le droit à une prestation au motif qu’un employeur a pu omettre de suffisamment renseigner ses employés ou leurs conjoints sur les lois applicables. Finalement, je ne peux pas accorder de droit à pension sur le fondement de l’absence d’un accord entre le Canada et la Russie. Je ne peux remettre en question le fait que le Canada n’ait pu conclure avec la Russie une entente de même nature que l’accord qu’il a signé avec la Macédoine. Ces questions ne sont tout simplement du ressort du Tribunal.

Quel est l’impact de mes conclusions sur le droit du prestataire à une pension de la SV?

[38] Le ministre a conclu que le prestataire avait été un résident du Canada pendant un peu plus de 34 ans entre sa 18e et sa 65e année. Néanmoins, j’ai conclu que le prestataire avait aussi été résident du Canada du 16 mars 1997 au 15 décembre 1999. Cela signifie qu’il était résident du Canada du 20 décembre 1966 au 31 mars 2004, soit un total de 37 années et 103 jours.

[39] Dans le cas d’une personne qui ne résidait pas au Canada au moment où a été approuvée sa demande de pension de la SV, une période cumulée de 40 années de résidence est requise pour que cette personne touche une pleine pension de la SV.Note de bas de page 20 Une pension partielle peut être payée au taux de 1/40e du montant de la pleine pension pour chaque année complète de résidence après l’âge de 18 ans. Toutefois, si la période totale de résidence comporte une partie d’une année, la période totale de résidence doit être arrondie au prochain multiple inférieur d’une année.Note de bas de page 21 Par conséquent, avec une résidence canadienne de 37 années et 103 jours, le prestataire a droit à une pension partielle de la SV équivalente à 37/40e d’une pleine pension de la SV.

Conclusion

[40] Je conclus que le prestataire a été un résident du Canada du 20 décembre 1966 au 31 mars 2004. Bien qu’il s’agisse là d’une période de résidence plus longue que celle à laquelle avait antérieurement conclu le ministre, cette période ne donne pas au prestataire le droit à une pleine pension parce qu’elle est inférieure aux 40 années requises pour toucher une pleine pension. Néanmoins, l’admissibilité du prestataire à une pension partielle augmente, passant de 34/40e à 37/40e.

[41] L’appel est accueilli en partie.

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