Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

Le demandeur n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation du Supplément de revenu garanti (SRG) du mois de mai 2013 au mois de mars 2016 selon l’article 28.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (la LSV).

Aperçu

[1] L’intimé a reçu une demande pour les prestations de SRG du demandeur le 31 mars 2016. L’intimé a approuvé les prestations du mois d’avril 2015 à avril 2016. Le demandeur a fait une demande de réexamen. L’intimé a rejeté la demande en indiquant que le demandeur avait fait sa première demande de SRG le 31 mars 2016 et que conformément à la LSV, il n'est versé aucun supplément pour tout mois antérieur de plus de onze mois à celui de la réception de la demande. De plus, selon l'information au dossier du demandeur, l’intimé aurait expédié des formulaires de demande de SRG pour une première demande et pour une demande de renouvellement le 20 novembre 2014. Le demandeur n'aurait pas complété et retourné ces formulaires. Le représentant du demandeur a interjeté appel de la décision rendue au terme du réexamen auprès du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal).

[2] Dans l’avis d’appel en date du 18 novembre 2016, le représentant du demandeur allègue que le demandeur était pendant de nombreuses années en attente d’un statut d'immigration, le tout s'étant régularisé en juin 2016. Le demandeur était représenté depuis 2010 et depuis cette date, il a tenté d'obtenir la pension de la vieillesse mais certains documents ne pouvaient être produits. Il demande les prestations du SRG à partir de janvier 2010 ou, le cas échéant, à partir du mois de mai 2013, vu ses circonstances particulières de santé et d’incapacité.

[3] Suite aux allégations de problème de santé, l’intimé a demandé que l’appel soit mis en suspens pour évaluer les déclarations d’incapacité du demandeur. Après l'évaluation du dossier, l’intimé a déterminé que la preuve ne supportait pas une incapacité continue malgré les limitations du demandeur en raison de son état de santé depuis 1999.

Dispositions applicables

[4] Les dispositions pertinentes de la LSV sont les suivantes :

8 (2) Toutefois, si le demandeur a déjà atteint l'âge de soixante-cinq ans au moment de

la réception de la demande, l'effet de l'agrément peut être rétroactif à la date fixée par

règlement, celle-ci ne pouvant être antérieure au jour où il atteint cet âge ni précéder de

plus d'un an le jour de la réception de la demande.

28.1 (1) Dans le cas où il est convaincu, sur preuve présentée par une personne ou quiconque de sa part, qu’à la date à laquelle une demande de prestation a été faite, la personne n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation, le ministre peut réputer la demande faite au cours du mois précédant le premier mois au cours duquel le versement de la prestation en question aurait pu commencer ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon le ministre, la dernière période pertinente d’incapacité de la personne a commencé.

(2) Le ministre peut réputer une demande de prestation faite au cours du mois précédant le premier mois au cours duquel le versement de la prestation en question aurait pu commencer ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon le ministre, la dernière période pertinente d’incapacité de la personne a commencé, s’il est convaincu sur preuve présentée par la personne ou quiconque de sa part :

  1. a) que la personne n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation avant la date à laquelle la demande a réellement été faite;
  2. b) que la période d’incapacité de la personne a cessé avant cette date;
  3. c) que la demande a été faite :
    1. (i) au cours de la période — égale au nombre de jours de la période d’incapacité mais ne pouvant dépasser douze mois — débutant à la date à laquelle la période d’incapacité de la personne a cessé,
    2. (ii) si la période visée au sous-alinéa (i) est inférieure à trente jours, au cours du mois qui suit celui au cours duquel la période d’incapacité de la personne a cessé.

(3) Pour l’application des paragraphes (1) et (2), une période d’incapacité est continue, sous réserve des règlements. 

Question en litige

[5] Je dois déterminer si le demandeur avait la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations du SRG en janvier 2010, ou le cas échéant, à partir du mois de mai 2013 jusqu’au mois de mars 2016 selon l’article 28.1 de la LSV et si son incapacité était continue.

Preuve

[6] Le demandeur est âgé de 72 ans. Il a eu 65 ans en novembre 2010. L’intimé a reçu la demande de la pension de la SV le 22 janvier 2010Note de bas de page 1, elle était datée et signée par le demandeur le 18 janvier 2010. L’intimé a approuvé la demande de pension du demandeur avec une date d’entrée en vigueur en décembre 2010, soit le mois suivant le 65ième anniversaire de naissance du demandeur. L’intimé a reçu une demande pour les prestations de SRG du demandeur le 31 mars 2016 et les prestations ont été approuvées en fonction de la première date de réception des formulaires et une rétroactivité de onze mois antérieure à cette date.

Historique de l’état de santé mentale du demandeur – 2001 à 2017

[7] Selon la preuve au dossier, en mai 2001, le demandeur a fait une tentative de suicide, son diagnostic : trouble délirant somatique probableNote de bas de page 2. Il a été suivi de 2001 à 2005 pour une pathologie psychotique avec symptômes persistants. Son autonomie était partielle, il ne sortait pas de chez lui sauf pour aller à ses rendez-vous médicaux, il se déplaçait en taxi; il faisait faire ses courses par une dame ou il utilisait des services de livraison. Le résumé psychiatrique du Dr Frare, dicté en octobre 2005, indiquait une problématique d'autonomie reliée à sa pathologie psychotique.

[8] Les notes évolutives de Dre Filiatrault, psychiatre, du mois d’avril 2011 au mois d’août 2016Note de bas de page 3, font référence à l’incapacité du demandeur de voir à ses affaires ou d'obtenir l'aide nécessaire pour faire avancer son dossier d’immigration. Dre Filiatrault indique que de 2005 à 2010, le demandeur a été suivi par le Dr Marcotte en 1ère ligne au X. Selon ce dernier, la condition psychiatrique du demandeur était stable, bien qu'il demeurait isolé et ne voyait pratiquement jamais personne. Sa situation financière était chroniquement difficile à cause d'un loyer trop cher pour ses moyens. Il continuait d'avoir des périodes de dysphorie occasionnelles en lien avec des facteurs de stress dont sa situation financière difficile, ceci lui causant des ruminations suicidaires sans passage à l'acte.

[9] Le 8 décembre 2011Note de bas de page 4, Dr Rondeau du X indique que le demandeur a un suivi psychiatrique qui remonte à 2001 suite à un geste suicidaire où il avait sauté d'un 3e étage en raison de douleurs corporelles. Au terme des évaluations psychiatriques, le diagnostic de schizophrénie avec délire somatique douloureux a été posé. Selon Dr Rondeau, depuis ce temps, l’état du demandeur requiert des soins psychiatriques. II a d'abord été suivi à l'X, puis à X et, depuis 2006, au X par l'équipe de Santé mentale 1ère ligne. Dr Rondeau note qu’il y a eu une aggravation de l’état du demandeur relié au stress secondaire à la démarche avec l'immigration. En juillet 2011, sa dose de médication antipsychotique a été augmentée. Il a dû être hospitalisé en psychiatrie à X du 6 au 10 septembre 2011 en raison d'idéations suicidaires plus envahissantes et d’augmentation du tableau délirant somatique. Le 30 novembre 2011, suite à des nouvelles peu encourageantes dans son dossier d’immigration, l'anxiété et le découragement ont augmenté et ses médicaments ont dû être ajustés. Le stresseur chez le demandeur schizophrène a augmenté la symptomatologie dépressive, anxieuse et psychotique et le risque suicidaire.

[10] Le 16 juillet 2013, Dre FiliatraultNote de bas de page 5 indique dans une lettre que le demandeur est suivi au X pour une schizophrénie avec un délire somatique. La maladie psychiatrique était stabilisée mais il présentait tout au long de l'année des fluctuations importantes de son état, en lien avec une anxiété envahissante, secondaire à son statut non clarifié à l'immigration. Lors de ces périodes, le demandeur est très anxieux, insomniaque et il présente des idées suicidaires avec un plan de pendaison. En septembre 2011, il a été réhospitalisé à cause d'idées suicidaires plus envahissantes et la recrudescence de ses symptômes psychotiques. En mai 2013, il est redevenu envahi par des douleurs somatiques; suicidaire et peu fonctionnel. Sa médication a dû être ajustée à la hausse afin de le soulager. Il a présenté toutefois des effets secondaires importants.

[11] Une note de visite médicale psychiatrie clinique externe du 4 juin 2014 par le Dre FiliatraultNote de bas de page 6 fait état des incapacités du demandeur à gérer des situations financières simples. Dre Filiatrault indique que le demandeur avait de la difficulté à tolérer l'anxiété avec la Sécurité du Revenu. Il a besoin d’aide de son infirmière pour faire ses démarches.

[12] Les notes évolutives de Dre Filiatrault en août 2016Note de bas de page 7, indiquent que le demandeur avait déménagé et avait moins de difficultés financières. Sa travailleuse sociale, s'est interrogée toutefois sur sa capacité de gérer ses biens, la situation devait être surveillée pour plusieurs mois mais une décision avait été prise qu'il n'y avait pas d'indication d'ouvrir un régime de tutelle/curatelle pour le demandeur à cette date.

[13] Dans un rapport en date du 28 juin 2017Note de bas de page 8, Dre Viau, psychiatre, suite à une entrevue avec le demandeur, indique que ce dernier est incapable de lire de la correspondance et d'en interpréter correctement le message. Il se concentre sur des éléments anxiogènes plutôt que sur la vue d'ensemble. Ce mode cognitif du demandeur a persisté malgré de l'assistance pendant l'entrevue. Une inaptitude cognitive est observée, amplifiée par l'anxiété, a bien comprendre son courrier.

[14] Une déclaration d’incapacité signée le 29 juin 2017 par Dre ViauNote de bas de page 9 indique que le demandeur souffre de schizophrénie avec délire chronique, symptômes anxieux secondaires et effets secondaires cognitifs aux médicaments. Elle a répondu dans l’affirmative à la question « est-ce que l’état du requérant le rend/a rendu incapable de former ou d’exprimer son intention de faire une demande? ». Son incapacité aurait débutée en 1999.

Analyse

[15] En vertu de l'alinéa 28(2), la LSV permet de verser des prestations antérieures à 11 mois de la date pour des raisons d'incapacité. Cette incapacité doit être continue. On entend par incapacité continue, le fait que le requérant a été incapable de former ou d'exprimer l'intention de faire une demande.

[16] La Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 10 a précisé que l’interprétation du mot « capacité » n’exige pas de prendre en compte la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande, mais seulement et tout simplement la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande.

[17] La Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 11 a aussi indiqué que les activités ainsi que les documents médicaux peuvent aider à déterminer si un individu n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation.

[18] Je détermine que le demandeur n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation du SRG à partir du mois de mai 2013 jusqu’au mois de mars 2016.

[19] Je me suis basée sur la lettre datée du 16 juillet 2013 de Dre FiliatraultNote de bas de page 12 indiquant qu’en mai 2013, le demandeur est redevenu envahi par des douleurs somatiques; suicidaire et peu fonctionnel. Sa médication a dû être ajustée à la hausse afin de le soulager. Il a présenté toutefois des effets secondaires importants. Par la suite, le 4 juin 2014, Dre FiliatraultNote de bas de page 13 fait état des incapacités du demandeur à gérer des situations financières simples. Elle indique que le demandeur avait de la difficulté à tolérer l'anxiété avec la Sécurité du Revenu. Il avait besoin d’aide de son infirmière pour faire ses démarches.

[20] Aussi, dans un rapport en date du 28 juin 2017Note de bas de page 14, Dre Viau, suite à une entrevue avec le demandeur, indique que ce dernier est incapable de lire de la correspondance et d'en interpréter correctement le message. Une inaptitude cognitive est observée, amplifiée par l'anxiété, a bien comprendre son courrier.

[21] Finalement, Dre Viau a complété une déclaration d’incapacité le 29 juin 2017 indiquant que le demandeur souffre de schizophrénie avec délire chronique, symptômes anxieux secondaires et effets secondaires cognitifs aux médicaments. Elle a répondu dans l’affirmative à la question « est-ce que l’état du requérant le rend/a rendu incapable de former ou d’exprimer son intention de faire une demande? ». Son incapacité aurait débutée en 1999.

[22] Je constate, selon le dossier du demandeur, que son incapacité était continue à partir du mois de mai 2013.

[23] Bien qu’il est clair selon la preuve au dossier qu’à partir de 2001, suite à un geste suicidaire, le demandeur a été suivi pour soins psychiatriques et il présentait de 2001 à 2013, des périodes dysphorie reliées au stress financier et des ruminations suicidaires sans passage à l'acte, sa condition psychiatrique était stable pendant cette période. J’estime que le demandeur a effectivement eu des périodes d’incapacité pendant un certain temps, mais je ne saurais conclure que cette incapacité a été continue. Tel que précisé par la Cour fédéraleNote de bas de page 15, l’état mental du demandeur était sujet à des fluctuations, ce qui veut dire que, comme les rapports médicaux le démontrent, l’état mental du demandeur changeait périodiquement. Ma décision aurait été autre si l’état mental du demandeur avait été constant entre 2001 et 2013. En matière financière, il n’a pas chargé quelqu’un d’autre de prendre les décisions à sa place en vertu d’une procuration et celles-ci n’ont pas été prises non plus par un curateur public. Le demandeur habitait seul, dans un logement non supervisé, et au cours de la période en question, il a consenti à divers traitements médicaux. Il a aussi retenu les services d’un avocat pour l’aider dans son dossier.

[24] Je considère que, bien que le demandeur souffrait de maladie mentale et qu’il était suivi depuis 2001, il avait la capacité de former ou d’exprimer une intention à certaines périodes avant le mois de mai 2013 et que son incapacité n’était pas continue. Conformément à l'alinéa 28(2) de la LSV, il faut que le demandeur ait été jugé incapable durant toute la période.

Conclusion

[25] En conclusion, je détermine que le demandeur a satisfait le critère d’incapacité énoncé dans la LSV, qu’il était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation du SRG du mois de mai 2013 au mois de mars 2016 et que son incapacité était continue pendant cette période.

[26] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.