Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Décision

[1] Le demandeur n’était pas admissible à une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse (SV) lorsqu’il a présenté une demande pour cette pension le 9 avril 2014.

Aperçu

[2] Le demandeur est né en Haïti. Il est entré au Canada le 28 octobre 1972 et a eu l’intention d’y demeurer de façon permanente en juillet 1973. Il a obtenu son statut de résident permanent le 20 août 1974.

[3] Le demandeur et son épouse sont retournés vivre en Haïti en décembre 1984. Ils sont revenus au Canada en décembre 2009. Étant donné le tremblement de terre à Port-au-Prince du 10 janvier 2010, Le demandeur et son épouse ont décidé de revenir au Canada et y rétablir leur résidence principale.

[4] Le demandeur a fait une demande de pension partielle en vertu de la loi sur la Sécurité de la vieillesse (SV) qui a été reçue par le ministre le 9 avril 2014.Note de bas de page 1 Le demandeur soutient qu’il a droit à la pension partielle de la SV étant donné son âge, sa résidence au Canada depuis octobre 1972 à décembre 1984 et depuis décembre 2009. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision parce qu’il soutient que le demandeur n’avait pas résidé au Canada pendant au moins 20 ans afin de profiter des versements à l’extérieur du Canada. Le demandeur a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Pour être admissible à la sécurité de vieillesse Le demandeur doit répondre aux exigences prévues à cette fin. Plus précisément, la loi de la SV prévoit le paiement d’une pension partielle de la SV pour les personnes ayant résidé au moins 10 ans après avoir atteint l’âge de 18 ans, mais pendant moins de 40 ans. Dans le cas des demandeurs qui ne résident plus au Canada mais qui cherchent à obtenir les versements à l’étranger, la période de résidence minimale est de 20 ans.

Question en litige

[6] Est-ce que le demandeur est résident du Canada au sens de la Loi depuis décembre 2009 jusqu’au moment auquel il a présenté une demande de la pension partielle de la SV le 9 avril 2014?

[7] Selon les périodes cumulatives de résidence, le demandeur était-il admissible à une pension partielle de la SV au moment auquel il a présenté une demande le 9 avril 2014?

Analyse

[8] Lors de l’audience, les parties étaient d’accord que l’évaluation du ministre de la période de résidence au Canada jusqu’au mois de décembre 1984 est correcte et est de 11 ans et 329 jours.

[9] Aux fins de la SV, une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Ce concept est distinct de celui de la présence. Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.Note de bas de page 2 Une personne peut être présente au Canada sans être résidente du Canada.

[10] La résidence est une question de fait qui doit être tranchée selon les faits particuliers de chaque cause. Les intentions d’une personne ne sont pas des éléments décisifs. Les facteurs à prendre en considération comprennent entre autres :

  1. Liens prenant la forme de biens mobiliers;
  2. Liens sociaux au Canada;
  3. Autres liens au Canada (assurance-maladie, permis de conduire, bail de location, dossiers fiscaux, etc.)
  4. Liens dans un autre pays;
  5. Régularité et durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada;
  6. Le mode de vie de l’intéressé, ou la question de savoir si l’intéressé vivant au Canada y est enraciné de façon significative.Note de bas de page 3

Est-ce que le demandeur est résident du Canada depuis décembre 2009 jusqu’au moment auquel il a présenté une demande de SV le 9 avril 2014?

[11] J’estime que le demandeur n’a pas établi sa demeure et qu’il n’a pas vécu ordinairement au Canada depuis décembre 2009 jusqu’au moment auquel il a présenté une demande de SV le 9 avril 2014, malgré sa présence intermittente au Canada pendant cette période.

[12] Le demandeur a confirmé les dates de ses entrées et sorties du Canada depuis décembre 2009 telles que compilées dans le tableau composé par le ministreNote de bas de page 4 et a apporté des explications quant à ses déplacements à l’étranger.

[13] Le demandeur a indiqué que lors de son entrée au Canada en décembre 2009, lui et son épouse étaient venus pour célébrer l’anniversaire de leur fille à Montréal et qu’ils prévoyaient y demeurer approximativement 3 semaines. Le 10 janvier 2010 survint le tremblement de terre de Port-au-Prince. Le couple ayant appris la destruction de leur propriété à Port-au-Prince, il a décidé de quitter définitivement Haïti et de revenir résider en permanence au Canada. Ils sont néanmoins retournés constater l’étendue des dégâts directement sur place et sont retournés en Haïti le 21 février 2010.Note de bas de page 5 Ils y sont restés jusqu’au 21 décembre 2010 avant d’aller aux États-Unis d’Amérique. Ils ne sont revenus au Canada que le 26 décembre 2010 et ce, pour une période d’à peu près 3 semaines, Le demandeur retournant en Haïti avec son épouse le 16 janvier 2011.Note de bas de page 6

[14] Le demandeur et son épouse sont donc en Haïti du 16 janvier au 21 avril 2011. Ils reviendront au Canada quelques jours en passant par les États-Unis, mais retourneront immédiatement en Haïti où le demandeur et son épouse resteront du 10 mai au 12 décembre 2011.

[15] Le demandeur et son épouse passent par les États-Unis et arrivent au Canada le 26 décembre 2011. Ils retourneront en Haïti le 15 janvier 2012 et y resteront jusqu’au 5 avril 2012. Ils arrivent au Canada le 9 avril 2012 pour une période de 20 jours et retournent en Haïti le 29 avril 2012. Ils y resteront le reste de l’année.

[16] Le demandeur et son épouse passent par les États-Unis et arrivent au Canada le 28 décembre 2012. Le 26 janvier 2013, après avoir été moins d’un mois au Canada, ils sont déjà de retour en Haïti.Note de bas de page 7

[17] Le demandeur et son épouse sortent d’Haïti le 28 mars 2013, passent par le États-Unis,Note de bas de page 8 et arrivent au Canada le 5 avril 2013.

[18] Quelques jours après son arrivée, le demandeur apprend le décès de sa belle-sœur en Haïti. En se rendant à New York pour aller chercher sa belle-mère avec son épouse afin de se rendre en Haïti pour les funérailles, Le demandeur est impliqué dans un accident de la route. Celui-ci et son épouse resteront aux États-Unis pour des soins et de la physiothérapie jusqu’au 27 décembre 2013.Note de bas de page 9 Le demandeur, bien que remis plus rapidement de l’accident, restera aux côtés de son épouse durant sa convalescence.

[19] Suite à cette brève chronologie d’évènements, j’examinerai maintenant quelques facteurs tels qu’établi dans l’arrêt Ding afin de conclure si la résidence est manifeste ou pas.

1. Liens prenant la forme de biens mobiliers

Je n’estime pas que ce facteur appuie une conclusion de résidence canadienne. Le demandeur a présenté une lettre générale de la Banque royaleNote de bas de page 10 n’indiquant que le solde. Il ne possédait aucun bien au Canada (maison, voiture, meubles) hormis ses vêtements selon son propre témoignage. Bien qu’ils essaient de le vendre, le demandeur et son épouse n’ont pour seule possession qu’un terrain en Haïti.

2. Liens sociaux au Canada

Je n’estime pas que ce facteur appuie d’une façon concluante, une résidence au Canada. Le demandeur vivait chez sa fille lorsqu’il était à Montréal de la même façon qu’il vivait chez sa belle-mère à New York ou son frère au New Jersey. Le demandeur et son épouse ont quelques amis.

3. Autres liens au Canada

J’estime que ce facteur est relativement neutre en ce qui concerne une conclusion de résidence canadienne. Le demandeur a une couverture avec la RAMQ qui a été rétablie en 2010 suite à son entrée au Canada en décembre 2009. Cependant ce service n’est utilisé que très peu lors de retour de séjours à l’extérieur du Canada.Note de bas de page 11

4. Liens dans un autre pays

J’estime que ce facteur n’est pas favorable à la résidence canadienne. Bien qu’il soit propriétaire avec son épouse d’un terrain en Haïti, celui-ci est à vendre et ne semble pas avoir beaucoup de valeur. Cependant, de sa propre admission, après le tremblement de terre du 10 janvier 2010, Le demandeur y est retourné pour évaluer les dégâts. Bien que celui-ci ait parlé de la destruction majeure du pays, il y est resté à peu près 10 mois plutôt que de revenir rapidement au Canada. Ceci m’indique des liens plus forts avec Haïti. Le demandeur y est même retourné régulièrement et pour de longues périodes jusqu’en 2013.

5. Régularité et durée des séjours au Canada

Je n’estime pas que ce facteur appuie la conclusion d’une résidence canadienne. Bien que le demandeur revienne à l’occasion au Canada, comme pour l’anniversaire de sa fille par exemple, ce facteur tend à démontrer un plus profond attachement à Haïti, voire même aux États-Unis par lesquels il passe régulièrement pour visiter de la famille, qu’avec le Canada. Le demandeur et son épouse allaient pour de longues durées à Haïti et visitaient régulièrement les États-Unis de la même façon qu’il visitait le Canada.

6. Mode de vie du demandeur

Je n’estime pas que ce facteur appuie la conclusion d’une résidence canadienne. Le demandeur considère personnellement qu’il réside au Canada depuis le moment où il a décidé de ne plus retourner vivre en Haïti. Cependant, ses voyages à l’extérieur du Canada pour de longues périodes, principalement en Haïti et, dans une moindre mesure, aux États-Unis, ne donnent pas l’impression de vouloir sérieusement et concrètement établir des racines au Canada. Ceci est durant la période en question, à savoir de décembre 2009 jusqu’à la date à laquelle le demandeur a soumis sa demande de SV reçue le 9 avril 2014. Cependant, selon son témoignage et selon la preuve depuis, je suis convaincu que les choses ont changé et que celui-ci et son épouse ont rétabli leurs liens avec le Canada. Malheureusement, en date du 9 avril 2014, je ne crois pas que le demandeur était résident du Canada.

Résumé des facteurs de décembre 2009 au 9 avril 2014

[20] Par conséquent, j’estime que les facteurs établis dans l’arrêt Ding n’appuient pas une conclusion de résidence au Canada de décembre 2009 jusqu’au moment auquel le demandeur a présenté sa demande de la pension partielle de la SV le 9 avril 2014.

Selon les périodes cumulatives de résidence, le demandeur était-il admissible à une pension de la SV au moment auquel il a présenté une demande le 9 avril 2014?

[21] Étant donné la conclusion à laquelle je suis arrivé à la première question, donc que le demandeur n’était pas résident du Canada au moment de la demande du 9 avril 2014, il résidait donc hors du pays et requiert un minimum de 20 ans de résidence au Canada pour se qualifier à la SV. Il n’était donc pas admissible à la SV en date du 9 avril 2014.

Conclusion

[22] Le demandeur se présente comme une personne affable et honnête et je n’ai aucune raison de douter de la véracité de son témoignage en ce qui concerne ses entrées et sorties de Haïti, des États-Unis et du Canada et des raisons de ses déplacements. Je suis également sensible aux arguments présentés relativement à la précarité financière du demandeur et de son épouse.

[23] Cependant, je dois rendre ma décision en fonction de la preuve reçue et des témoignages entendus lors de l’appel. En date du 9 avril 2014, date à laquelle le ministre a reçu la demande de pension partielle de la SV du demandeur, je ne crois pas, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur répondait à la définition de résidence au Canada.

[24] L’appel est rejeté.

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