Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision

[1] J’estime que la requérante satisfait au critère relatif à l’incapacité. Par conséquent, elle est admissible à une prestation de survivant au titre de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, avec prise d’effet en mai 2013.

Aperçu

[2] La requérante a atteint l’âge de soixante ans en avril 2013. Elle est atteinte de sclérose en plaques (SP) grave en phase terminale. En octobre 2004, son époux est décédé. Elle ne s’est pas remariée et n’a pas vécu en union de fait depuis c temps. Elle reçoit des prestations combinées de survivant et d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) depuis novembre 2004. Elle a donné une procuration à sa fille (mandataire) en février 2006. En décembre 2015, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a envoyé à la requérante une lettre concernant la prestation de survivant au titre de la Sécurité de la vieillesse (SV), laquelle était accompagnée d’un formulaire de demande. La mandataire de la requérante a lu la lettre de l’ARC et a immédiatement rempli la demande au nom de sa mère.

[3] Le ministre a reçu la demande de la requérante pour l’obtention de prestation de survivant au titre de la SV le 29 janvier 2016 et l’a approuvée, avec prise d’effet en février 2015, soit la rétroactivité maximale. La mandataire a demandé au ministre de réviser la date de la prestation de survivant au titre de la SV, car sa mère n’avait pas la capacité de présenter une demande plus tôt. Après révision, le ministre a refusé la demande de prestation de survivant au titre de la SV pour la période allant de mai 2013 à janvier 2015, inclusivement. La requérante a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

[4] Le dossier de la requérante a été mis en suspens durant quatre mois pour permettre au ministre de procéder à une révision relativement à l’existence possible d’un avis erroné ou d’une erreur administrative. Il a été conclu que le ministre n’a formulé aucun avis erroné et n’a commis aucune erreur administrative. Le Tribunal a levé la suspension du dossier le 19 février 2019 et a convoqué une audience.

Une question doit être tranchée en l’espèce

[5] Lorsqu’une personne présente une demande de prestation de survivant au titre de la SV après la date initiale d’admissibilité à la prestation, et si les exigences relatives à l’âge et à la résidence sont satisfaites, le paiement rétroactif maximal autorisé est limité à onze mois avant le mois où la demande est estampillée par le ministreNote de bas de page 1.

[6] La Loi sur la SV ne prévoit qu’une seule exception à la règle selon laquelle le paiement de la prestation ne peut pas commencer plus de 11 mois avant la présentation d’une demande. L’exception vise les cas où le requérant n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande plus tôtNote de bas de page 2.

[7] La Cour d’appel fédérale s’est penchée sur le sens des mots dans la définition d’« incapacité ». Elle a déterminé que la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation n’est pas différente de la capacité de former ou d’exprimer une intention relativement aux autres possibilités qui s’offrent au demandeur de prestationsNote de bas de page 3.

[8] Je dois déterminer si la requérante était incapable de façon continue de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation à compter de la date à laquelle elle est devenue admissible à recevoir la prestation jusqu’à c que la mandataire ait présenté la demande en son nom. Il incombe à la requérante de prouver que selon toute vraisemblance elle était incapable de présenter une demande.

[9] Pour évaluer si les symptômes des problèmes de santé de la requérante, tant physiques que cognitifs, ont un effet cumulatif si grave que la requérante n’est pas capable de former ou d’exprimer une intention de demander des prestations, je dois examiner les faits concernant c qu’elle est capable de faire de façon indépendante. Je dois tenir compte de la preuve médicale et des activités de la requérante entre la date prétendue de l’invalidité et la date de la demande afin de faire la lumière sur la capacité de la requérante de former ou d’exprimer l’intentionNote de bas de page 4. Si la requérante ne peut rien faire de manière autonome, je dois prendre en considération la date de début de son incapacité et déterminer si son incapacité était continue.

Les problèmes de santé de la requérante la rendent-ils incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations?

[10] Comme la requérante n’a pas la capacité de participer à l’appel, la mandataire a assisté à l’audience à sa place et a témoigné de vive voix. Son témoignage était franc, sincère et conforme à la preuve documentaire et objective. Selon moi, le témoignage de la mandataire est une preuve convaincante du niveau d’incapacité de la requérante et du fait qu’elle dépendait des autres dans tous les aspects de sa vie.  

[11] La mandataire a décrit la diminution lente et régulière des capacités physiques et mentales de sa mère durant une trentaine d’années. La requérante est atteinte de SP grave en phase terminaleNote de bas de page 5. Avant de signer la déclaration d’incapacité, le médecin a rencontré la mandataire et la fournisseuse de soins pour discuter de la date à laquelle l’incapacité de la requérante a commencé. Étant donné que la capacité de la requérante a diminué lentement au fil du temps, il était difficile de déterminer une date précise. Ils ont décidé de choisir le 10 octobre 2009, soit la date à laquelle la fournisseuse de soins a rencontré la requérante pour la première fois et a commencé à prendre soin d’elle. La fournisseuse de soins a été en mesure de confirmer avec certitude que la requérante dépendait à 100 % d’elle pour tous les aspects de la vie à partir du moment où ils se sont rencontrés pour la première fois. Comme il s’agissait de la seule date connue avec une certitude absolue, la mandataire a dit qu’elle l’avait utilisée comme date de début de l’incapacité, bien que l’incapacité avait commencé plus tôt.

[12] La requérante est quadriplégique. La fournisseuse de soins lui a fourni depuis octobre 2009 tous les aspects de soins semblables à ceux dont un nouveau-né aurait besoin comme l’alimentation, le bain, la toilette et le changement de position. La requérante n’a pas la capacité physique de se déplacer sans aide. Elle a également de graves limitations cognitives. Elle ne peut pas lire ou écrire. Elle n’a pas suffisamment de mémoire pour se souvenir d’une conversation, même une heure plus tard. L’après-midi, elle ne se souvient pas d’avoir parlé à sa fille le matin. Sa mémoire à court terme ne lui permettrait pas de former ou d’exprimer une intention, car même si une idée lui venait à l’esprit, elle ne s’en souviendrait pas assez longtemps pour demander l’aide dont elle aurait besoin. Si elle était capable de « former » une intention, elle ne pourrait pas l’« exprimer ». Son niveau de faiblesse physique est tel qu’elle a de la difficulté à parler et souvent elle ne peut pas parler assez fort pour se faire entendre. Elle n’a pas la capacité de retenir une idée assez longtemps pour tenter de communiquer une demande d’aide qu’elle doit exécuter. En plus du témoignage de vive voix de la mandataire, le dossier englobe des rapports médicaux objectifs qui décrivent en détail les problèmes de santé de la requérante et ses limitations.

[13] Le libellé de l’article 28.1 de la Loi sur la SV, tout comme l’article 60 du RPC, est clair et précis. Il n’exige pas de prendre en considération la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestations d’invalidité, mais seulement la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. Les activités d’une partie requérante durant la période pertinente permettent de faire la lumière sur son incapacité continue de former ou d’exprimer l’intention requiseNote de bas de page 6.

[14] Dans de nombreuses affaires où l’invalidité est alléguée, les incapacités physiques d’une personne n’entraînent pas l’incapacité de former ou d’exprimer une intention au sens de la Loi sur la SV. Cependant, en l’espèce, l’effet cumulatif des limitations physiques et cognitives de la requérante la rend complètement dépendante des autres pour se maintenir en vie. Sa faiblesse physique est si profonde qu’elle a de la difficulté à parler. Elle n’a aucune capacité physique, quelle qu’elle soit. Elle n’a pas la force de pousser ses lunettes sur son visage si elles glissent. Elle est complètement dépendante des autres. Lorsque je tiens compte de l’incapacité physique de la requérante combinée à ses graves limites cognitives, je conclus qu’elle répond à la définition d’incapacité au sens de la Loi sur la SV.

[15] La mandataire a présenté un témoignage très convaincant sur les limitations de sa mère. Le médecin traitant principal de la requérante a signé une déclaration d’incapacitéNote de bas de page 7. Dans son témoignage, la mandataire a affirmé que le médecin a consacré beaucoup de temps et d’efforts pour déterminer une date précise à laquelle il pouvait déclarer de façon fiable que la requérante était atteinte d’incapacité. Selon moi, le médecin comprenait pleinement la nature de l’incapacité attestée lorsqu’il a signé la déclaration et je considère que la déclaration est une preuve convaincante.

[16] La preuve décrit en détail la gravité des limitations de la requérante. Exception faite d’une personne dans le coma ou ayant subi une blessure grave au cerveau, il est difficile de s’imaginer quelqu’un ayant un niveau d’incapacité aussi grand que celui de la requérante. Si l’intention de l’article 28.1 de la Loi sur la SV est de n’offrir un filet de sécurité que si une personne est dans le coma ou a subi une blessure grave au cerveau, ces situations seraient expressément mentionnées. Or, c n’est pas le cas. Je suis d’avis que, selon la loi, il existe un niveau d’incapacité, autre que l’incapacité liée au coma ou à une blessure grave au cerveau, où une personne peut être consciente sans avoir la capacité de former ou d’exprimer une intention. J’estime que la requérante s’est acquittée du fardeau de la preuve en démontrant que, même si elle est alerte, elle est incapable de former ou d’exprimer une intention de faire une demande de prestations. Je conclus également que l’incapacité de la requérante remonte au moins à octobre 2009.

Conclusion

[17] Comme la requérante a établi qu’elle était incapable de façon continue de former ou d’exprimer une intention de faire une demande de prestations avant la date à laquelle la mandataire a présenté une demande en son nom, la demande peut être considérée avoir été reçue le mois avant celui où la prestation aurait commencé. La requérante est devenue admissible à recevoir une prestation de survivant au titre de la SV le mois avant celui où elle a atteint soixante ans, le 22 avril 2013. Par conséquent, la requérante est admissible à recevoir une pension de survivant au titre de la SV, avec prise d’effet en mai 2013.

[18] L’appel est accueilli.

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