Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision et motifs

Décision

[1] La permission d’appeler de la décision interlocutoire rendue le 15 janvier 2019 par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada est refusée.

Aperçu

[2] Le demandeur prétend avoir droit à une pension de la Sécurité de la vieillesse (pension de la SV). Le défendeur, le ministre de l’Emploi et du Développement social, soutient qu’il était obligé de suspendre la pension de la SV du demandeur compte tenu de son incarcération.

[3] Le demandeur a soulevé une question constitutionnelle auprès de la division générale. La division générale a demandé au demandeur de remplir les conditions énoncées à l’article 20(1)(a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS). En réponse, le demandeur a déposé des observations. La division générale a déterminé que l’avis de question constitutionnelle du demandeur ne remplissait pas toutes les conditions et l’a avisé, par décision interlocutoire, que l’appel serait instruit comme un appel ordinaire.

[4] Le demandeur a interjeté appel de la décision de la division générale. Il soutient dans sa demande de permission d’en appeler, entre autres, que la procédure énoncée dans le Règlement sur le TSS impose des conditions au demandeur, mais pas au ministre.

[5] L’appel n’a pas de chance raisonnable de succès, car la division d’appel ne devrait pas se prononcer sur une décision interlocutoire à défaut de circonstances exceptionnelles.

Question en litige

[6] Est-ce que la division d’appel devrait se prononcer sur une décision interlocutoire?

Analyse

[7] Un demandeur doit demander la permission d’interjeter appel d’une décision rendue par la division générale. La division d’appel doit accorder ou refuser la permission d’en appeler, et un appel ne peut être interjeté que si la permission est accordéeNote de bas de page 1.

[8] Avant de pouvoir accorder la permission d’en appeler, je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succès. En d’autres termes, y a-t-il un motif d’appel selon lequel le demandeur pourrait avoir gain de cause en appelNote de bas de page 2?

[9] La permission d’en appeler est refusée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3 fondée sur une erreur susceptible de révision. Les seules erreurs susceptibles de révision sont les suivantesNote de bas de page 4 : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Est-ce que la division d’appel devrait se prononcer sur une décision interlocutoire?

[10] La division d’appel ne devrait pas se prononcer sur une décision interlocutoire à défaut de circonstances exceptionnelles. Il n’y a pas de circonstances exceptionnelles permettant d’intervenir dans le présent cas.

[11] La division d’appel du Tribunal a tranché sur la question de savoir si elle devait accepter un appel d’une décision interlocutoire de la division générale. Les deux lignes de pensée suivantes doivent être considérées : 

  1. Il ne doit pas y avoir d’appel immédiat d’une décision interlocutoire, excepté dans des circonstances exceptionnellesNote de bas de page 5.
  2. La jurisprudence n’a pas déterminé qu’une décision interlocutoire au Tribunal ne peut pas faire l’objet d’un appel à la division généraleNote de bas de page 6.

[12] La Cour d’appel fédérale a noté ce qui suit dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Bri‑Chem Supply Ltd.Note de bas de page 7 : « s’il est vrai qu’une formation du tribunal n’est pas liée par les décisions de formations antérieures, il est également vrai que cette formation ne devrait pas s’écarter sans raison des décisions antérieures. »

[13] La présente décision s’écarte inévitablement d’une des décisions antérieures de la division d’appel et d’une des lignes de pensée (notées au paragraphe 11 ci-dessus).

[14] J’adopte la première ligne de pensée pour les raisons suivantes.

[15] L’arrêt Noel c Canada (Procureur général)Note de bas de page 8 traitait d’une requête déposée en vue d’obtenir comme réparation qu’une ordonnance du protonotaire de la Cour d’appel fédérale soit déclarée nulle. L’ordonnance du protonotaire (une ordonnance de sursis) était une décision interlocutoire. Cette décision relative à une demande de révision judiciaire portait sur un dossier du Tribunal.

[16] La Cour fédérale, dans l’arrêt Noel, a cité le passage suivant de la décision Canada (Agence des services frontaliers) c CB Powell LimitedNote de bas de page 9 :

La doctrine et la jurisprudence en droit administratif […] ont établi qu’à défaut de circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent s’adresser aux tribunaux tant que le processus administratif suit son cours. Il s’ensuit qu’à défaut de circonstances exceptionnelles, ceux qui sont insatisfaits de quelque aspect du déroulement de la procédure administrative doivent exercer tous les recours efficaces qui leur sont ouverts dans le cadre de cette procédure. Ce n’est que lorsque le processus administratif a atteint son terme ou que le processus administratif n’ouvre aucun recours efficace qu’il est possible de soumettre l’affaire aux tribunaux. En d’autres termes, à défaut de circonstances exceptionnelles, les tribunaux ne peuvent intervenir dans un processus administratif tant que celui-ci n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces qui sont ouverts ne sont pas épuisés.

[17] Selon cette jurisprudence, à défaut de circonstances exceptionnelles, la division d’appel ne devrait pas intervenir dans une cause portant sur une ordonnance interlocutoire de la division générale tant que le dossier à la division générale n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces qui sont ouverts aux parties ne sont pas épuisés. Le raisonnement de la Cour fédérale dans l’arrêt Noel est applicable; ce n’est que lorsque le processus (d’appel à la division générale) aura été mené à terme ou que le processus n’offrira plus aucun recours efficace que l’affaire devra être soumise à la division d’appel.

[18] Les occasions de circonstances exceptionnelles justifiant de considérer une demande de décision interlocutoire sont raresNote de bas de page 10. La division d’appel a conclus dans le cadre duquel la division générale a ordonné qu’il y ait un appel relativement à une question constitutionnelle, malgré la réticence du requérant, qu’il y avait de circonstances exceptionnelles permettant d’intervenirNote de bas de page 11. Ce n’est pas le cas dans le présent dossier.

[19] Pour les raisons énoncées ci-dessus, je conclus que la division d’appel ne devrait pas intervenir sur une ordonnance interlocutoire de la division générale tant que le dossier à la division générale n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces qui sont ouverts aux parties ne sont pas épuisés, excepté dans des circonstances exceptionnelles.

[20] Dans le dossier qui se trouve devant la division générale, il y a de recours ouverts au demandeur : le demandeur peut tenter de déposer un autre avis de question constitutionnelle conformément à l’article 20(1)(a) du Règlement sur le TSS. De plus, la division générale n’a pas encore rendu sa décision sur le fond du dossier. Par conséquent, le dossier à la division générale n’a pas été mené à terme et tous les recours efficaces ouverts aux parties à la division générale ne sont pas épuisés.

[21] Je suis d’avis qu’il n’y a pas de circonstances exceptionnelles permettant d’intervenir dans le présent cas. Il n’y a peut-être pas d’interdiction imposée par les cours supérieures pour empêcher que la division d’appel se prononce sur une décision interlocutoire de la division générale, mais il n’y a pas de circonstances exceptionnelles, en l’espèce, permettant d’intervenir.

[22] Je note que le demandeur a déposé des documents devant la division d’appelNote de bas de page 12. Il a aussi déposé plusieurs documents devant la division générale. Ces documents sont un peu déroutants et difficiles à comprendre. Le demandeur semble faire valoir, entre autres, qu’il ne devrait pas être obligé de respecter les articles 20(1)(a) ou 20(1)(b) (selon lequel le procureur général du Canada et ceux des provinces doivent recevoir un avis énonçant la question constitutionnelle) du Règlement sur le TSS. Il insiste sur le fait que le ministre n’a pas prouvé que les lois sont conformes à la Charte. Il soutient aussi que le Tribunal devrait suspendre toutes les lois et toute la jurisprudence relative à la suspension de sa pension de la SV.

[23] La Cour fédérale, dans un dossier provenant du Tribunal, a récemment souligné ce qui suit : « Le Tribunal n’a pas à “prouver” au demandeur que [les dispositions législatives] sont conformes à la Constitution du Canada. Il faut ici présumer de la constitutionnalité des dispositions législatives et règlementaires en cause. »Note de bas de page 13

[24] Ceci est applicable au présent dossier. Il faut présumer de la constitutionnalité des dispositions de la LSV et du Règlement sur le TSS. Si le demandeur veut contester la constitutionnalité des dispositions, il doit respecter la procédure énoncée.

[25] Le demandeur a soulevé la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, d’une disposition de la LSV : il conteste les mesures qui prévoit la suspension de sa pension de la SV durant son incarcération et il fait référence à la Charte.Note de bas de page 14 Il doit remplir les exigences des articles 20(1)(a) et 20(1)(b) du Règlement sur le TSS pour présenter toute question constitutionnelle à la division générale.

[26] La division générale n’est pas tenue de fournir une aide juridique au demandeurNote de bas de page 15 en ce qui concerne son avis de question constitutionnelle. Cependant, elle n’a pas spécifié quelle condition de l’article 20(1)(a) du Règlement sur le TSS n’a pas été remplie. L’article 20(1) du Règlement sur le TSS n’impose pas un fardeau indûment lourd aux requérants qui désirent contester la constitutionnalité de certains aspects de lois conférant des bénéficesNote de bas de page 16. Il serait peut-être utile pour la division générale de spécifier la condition non remplie et de donner une opportunité au demandeur de rectifier son avis de question constitutionnelle. Je note aussi que le ministre a suggéré que la division générale « tienne une conférence préparatoire pour permettre de discuter des étapes d’une contestation constitutionnelle et convenir du déroulement [du dossier] »Note de bas de page 17 à la division générale. La division générale doit mener à terme son processus d’appel de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettentNote de bas de page 18.

[27] Lorsque le processus d’appel à la division générale aura été mené à terme et les recours efficaces à la division générale seront épuisés, le demandeur peut s’adresser à la division d’appel, s’il le juge nécessaire.

Conclusion

[28] La permission d’en appeler est refusée.

Représentant :

L. R., non représenté

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