Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Le défunt a fait une demande de Supplément de revenu garanti (SRG) en vertu de la Loi sur la sécurité de vieillesse (LSV). La prestation de SRG est payée au défunt à titre de personne vivant seule depuis mai 2010, soit le mois suivant le décès de son épouse.Note de bas de page 1

[2] La partie mise en cause a fait une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse (SV)Note de bas de page 2 et a déclaré sur celle-ci qu’elle était la conjointe de fait du défunt. L’intimé a alors procédé à une enquête plus approfondie de l’état civil du défunt et de la partie mise en cause. Dans le cadre de cette enquête, le défunt et la partie mise en cause ont également signé une déclaration solennelle d’union de fait assermentée devant un commissaire aux sermentsNote de bas de page 3 indiquant le début de leur cohabitation en date du 15 novembre 2011.

[3] Un trop-payé pour le SRG de 2,678.43$ a été réclamé à la succession du défunt dans la lettre de décision de l’intiméNote de bas de page 4 pour la période allant de juillet 2013 jusqu’au mois du décès du défunt en janvier 2017.  Ce montant a été rajusté par la suite à 3,855.01$ en raison des revenus de la partie mise en cause déclarés à l’Agence du Revenu du Canada (ARC).Note de bas de page 5

[4] Le 7 juin 2017 l’appelant a demandé le réexamen de cette décisionNote de bas de page 6 et le 27 février 2018 l’intimé a maintenu sa décision finale.Note de bas de page 7 L’appelant a logé un appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

Question préliminaire

[5] Les représentants de la succession étaient la fille du défunt (la représentante) et le fils du défunt (le représentant).

[6] Les représentants de la succession parlant français et la partie mise en cause parlant anglais, l’audience a procédé en français avec les services d’une interprète du français vers l’anglais et de l’anglais vers le français.

[7] Afin de clarifier la date exacte du début de la cohabitation entre le défunt et la partie mise en cause, le Tribunal a donné à la partie mise en cause trois semaines, soit jusqu’au 23 juillet 2019, afin de soumette une photocopie de son permis de conduire québécois ainsi que tout document qu’elle juge approprié afin de supporter sa relation conjugale avec le défunt. Par but d’équité, étant donné que les représentants de la succession ont indiqué durant l’audience qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait soumettre des documents additionnels au Tribunal, le Tribunal a aussi permis à la succession de faire de même. Cependant, en date du 26 juillet 2019, le Tribunal n’avait toujours pas reçu de documents, ni de l’appelant, ni de la partie mise en cause.

Question en litige

[8] Est-ce que le défunt et la partie mise en cause étaient conjoints de fait au sens de la LSV durant la période de décembre 2012 jusqu’à la date de décès du défunt le 27 janvier 2017?

Loi et règlement

[9] Le SRG fournit un supplément à la pension de base de la SV et est versé aux aînées à faible revenu. Le SRG dépend donc du revenu et est calculé sur le revenu de l’année précédente (année de référence). Le SRG est rajusté au moment de la déclaration de revenus si le revenu déclaré ou l’état civil a changé.

[10] L’article 2 de la LSV définit « conjoint de fait » comme étant « la personne qui, au moment considéré, vit avec la personne en cause dans une relation conjugale depuis au moins un an. Il est entendu que, dans le cas du décès de la personne en cause, moment considéré s’entend du moment du décès. »

[11] L’article 11 de la LSV prévoit le paiement du SRG aux pensionnés admissibles en fonction des dispositions prévues à la Loi et à ses règlements. Le SRG n’est versé que sur demande du pensionné.  Le pensionné doit présenter une demande annuellement pour se qualifier.

[12] Les revenus des pensionnés sont basés sur les revenus durant l’année de référence selon les articles 12 et 13 de la LSV. Dans le cas de partenaires conjugaux, les revenus des deux conjoints sont utilisés pour le calcul du SRG à être payé à chacun.

[13] L’article 15(1) stipule que le demandeur doit déclarer s’il a un époux ou un conjoint de fait conformément à la LSV et à ses règlements.

[14] L’article 18 de la LSV prévoit la procédure à suivre lorsque le revenu réel est différent du revenu déclaré. Si le revenu réel dépasse le revenu déclaré, le trop-payé fait l’objet, selon les modalités réglementaires, d’une retenue opérée sur les paiements ultérieurs du SRG ou de pension.

Analyse

Est-ce que le défunt et la partie mise en cause étaient conjoints de fait au sens de la LSV durant la période de décembre 2012 jusqu’à la date de décès du défunt le 27 janvier 2017 ?

[15] La partie mise en cause a indiqué qu’elle a connu le défunt en ligne vers 2009, n’étant pas certaine cependant de la date exacte, et qu’ils se fréquentaient par internet le matin lorsqu’elle revenait de son travail. Le défunt l’a invitée à le visiter à X mais elle ne pouvait pas y aller car elle travaillait. Le défunt est donc allé la visiter chez elle en Alberta vers janvier 2010. Elle est par la suite allée le visiter à X avant que celle-ci ne déménage avec lui.

[16] Lors de son témoignage, le représentant de la succession a clarifié que ceci s’est passé après le décès de sa mère en avril 2010, avec qui le défunt était en couple à cette époque, soit une rencontre en ligne fin 2010 et le voyage en Alberta vers janvier 2011.

[17] Suite au décès du défunt en janvier 2017, la partie mise en cause a confirmé être retournée vivre à X en mars ou avril 2017, après un bref séjour à X en raison des relations tendues avec la famille du défunt. Ceci a été confirmé par les représentants de la succession.

[18] Lors de son témoignage, la représentante de la succession a indiqué que la partie mise en cause n’était pas conjointe de fait de son père. Le défunt n’a demandé à la partie mise en cause que de faire le ménage, les commissions, l’aider avec ses déplacements et s’occuper de son bien-être. La partie mise en cause était payée comptant, et ceux-ci ne partageaient pas la même chambre, la partie mise en cause ayant sa propre chambre.

[19] La représentante de la succession considère la partie mise en cause comme n’étant qu’une profiteuse en prenant pour exemple que le jour de la mort du défunt, celle-ci est allée à la banque afin de retirer des fonds du compte du défunt et également que des bijoux ayant appartenu à sa mère et à son père avaient disparu.

[20] Pour ce qui est de la déclaration solennelle d’union de fait assermentée devant un commissaire aux serments,Note de bas de page 8 ce document a été signé le 19 janvier 2017, et la représentante de la succession soutient que le défunt n’était pas dans une condition afin de signer ce document. La représentante de la succession remet également en cause la signature du défunt sur ce document en la comparant avec la signature du défunt sur son permis de conduire et sa carte bancaire.Note de bas de page 9

[21] Le Tribunal apprécie cette information, cependant, aucun rapport médical attestant de la condition mentale et physique du défunt n’a été fourni par la succession.

[22] De plus, la représentante de la succession mentionne qu’elle est en possession d’une photographie prise en date du 29 juin 2013 à 09:01 montrant le défunt en compagnie d’une dame du nom de C. B. qui était l’amie de cœur du défunt.

[23] Le Tribunal apprécie cette information, cependant, une photographie ponctuelle montrant le défunt avec une autre personne sans des témoignages à l’appui par des témoins crédibles ne peut constituer une preuve que le défunt n’était pas le conjoint de fait de la partie mise en cause à la date de cette photographie.

[24] Le représentant de la succession maintient également que l’information sur la déclaration solennelle d’union de fait est incorrecte car en novembre 2011 le défunt habitait avec C. B., plus tard clarifiée comme étant madame D. Le représentant de la succession dit également que 3 témoins peuvent confirmer l’information soutenant la version de la succession.

[25] Le Tribunal apprécie l’information partagée par le représentant de la succession, cependant, le Tribunal constate que la succession a choisi de ne pas corroborer cette information avec des déclarations de ces témoins qui auraient pu confirmer cette information relativement à la relation sentimentale de madame D. et/ou de la partie mise en cause avec le défunt. Le Tribunal a donné trois semaines après l’audience à celle-ci afin d’envoyer ces témoignages au Tribunal. Cependant, la succession ne l’a pas fait.

[26] Lors de son témoignage, la partie mise en cause a indiqué être déménagée à X en novembre ou décembre 2012. Elle se rappelle de l’évènement car c’était peu avant Noël, mais n’est pas certaine de la date exacte. Le Tribunal a demandé à trois reprises à la partie mise en cause de confirmer que c’était bel et bien en novembre ou décembre 2012, ce qu’elle a confirmé. Ceci diffère de l’information indiquée sur la déclaration solennelle indiquant que l’union de fait a débuté le 15 novembre 2011.

[27] La succession maintient également qu’un rapport de police existe confirmant une altercation entre la partie mise en cause et madame D. Cependant, le représentant n’indique pas pourquoi ce document est important afin de supporter leur position autre que de confirmer cette altercation. Lors de l’audience, la succession n’a pas pu indiquer la date approximative de cette altercation. De plus, la succession a choisi de ne pas soumettre cette documentation au Tribunal quand le temps pour le faire lui avait été accordé.

[28] Lors de son témoignage, la partie mise en cause a indiqué qu’une plainte avait bel et bien été déposée contre une dame C. D. suite à une attaque subie par la partie mise en cause peu après son arrivée définitive à X, lui causant beaucoup de stress. Cette attaque a eu lieu après le déménagement de la partie mise en cause à X. Le défunt a assuré la partie mise en cause que ceci ne se reproduirait plus. La partie mise en cause a indiqué que le défunt l’aurait informé que lui et C. D. auraient eu une affaire, mais qu’ils n’étaient que des amis, ce qui expliquait la raison de l’altercation. La partie mise en cause a dit avoir retrouvé un document indiquant que cette altercation aurait eu lieu le vendredi, 15 juillet 2012. Cette information contredit les affirmations de la partie mise en cause durant toute cette audience durant laquelle la partie mise en cause a confirmé à plusieurs reprises qu’elle était déménagée à X en novembre ou décembre 2012. À défaut d’avoir plus de preuves à l’appui sur cet évènement, date, circonstance et autre, et malgré le fait d’avoir donné à l’appelant et à la partie mise en cause trois semaines après l’audience afin de fournir des documents additionnels, le Tribunal préfère ignorer celui-ci.

[29] La succession maintient également avoir fourni de la documentation indiquant que le défunt était seul responsable de payer les factures relatives au maintien de la maison. Il s’agit de la facture de mars 2017 de Telus, la facture de mars 2017 d’Hydro Québec, du relevé de compte Desjardins d’avril 2017, et du compte de chauffage d’Ultramar de mars 2017Note de bas de page 10, toutes au nom exclusif du défunt. La succession maintient que la partie mise en cause ne participait pas à ces dépenses.

[30] La partie mise en cause a indiqué être allée passer à peu près un mois à Edmonton s’occuper d’affaires personnelles, et en Jamaïque pendant près de six mois, un voyage qui lui aurait été payé par le défunt selon la succession.  Cette information partagée par la succession à l’effet que le défunt aurait payé le voyage en Jamaïque à la partie mise en cause semble soutenir que ceux-ci étaient dans une relation conjugale, étant donné qu’il est peu probable qu’un employeur paie un tel voyage à une simple dame de compagnie.

[31] La partie mise en cause a indiqué qu’après qu’elle fut déménagée à X le défunt l’a emmené à X afin d’obtenir un permis de conduire québécois pour qu’elle puisse conduire le défunt à ses rendez-vous. Cependant, elle ne se souvient plus de la date exacte. La partie mise en cause a dit durant l’audience qu’elle avait retrouvé dernièrement dans ses boîtes ce permis de conduire. Le Tribunal a donné trois semaines à celle-ci afin d’en envoyer une copie au Tribunal. Cependant, celle-ci ne l’a pas fait.

[32] La partie mise en cause a indiqué que la relation sentimentale entre elle et le défunt a commencé lorsqu’elle vivait encore en Alberta et qu’ils se fréquentaient par appels vidéo. La partie mise en cause a indiqué recevoir une retraite de son employeur qu’elle recevait au moment où elle vivait à X. Elle avait son propre compte de banque. Le défunt ne la payait pas. C’était plutôt elle qui aidait avec les factures tels le compte de téléphone et l’épicerie.

[33] Le représentant de la succession a confirmé que c’est la maison funéraire qui a rédigé l’avis de décès du défunt.Note de bas de page 11 Le représentant de la succession a indiqué que la maison funéraire a demandé si la partie mise en cause était la conjointe de fait du défunt, ce à quoi les enfants du défunt ont répondu dans la négative. C’est le salon qui a alors suggéré d’écrire « amie de cœur » plutôt que conjoint de fait dans l’avis funéraire.

[34] Le Tribunal accorde beaucoup de poids à l’avis de décès qualifiant la relation entre le défunt et la partie mise en cause comme en étant une « d’amis de cœur », alors que ceux-ci vivaient ensemble sous le même toit. D’autres termes auraient pu être utilisés afin de définir la relation entre le défunt et la partie mise en cause si cette relation n’était pas une relation amoureuse.

[35] De plus, le Tribunal trouve étrange que le défunt, résidant à X, fasse vernir une dame de compagnie de l’Alberta plutôt que d’engager une personne localement si les seules exigences de l’emploi étaient d’aider à faire le ménage, les commissions, aider le défunt dans ses déplacements et s’occuper de son bien-être. Le Tribunal considère que cette situation soutient une relation particulière et privilégiée entre les deux personnes.

[36] Le défunt et la partie mise en cause ont de plus signé une déclaration solennelle d’union de fait assermentée devant un commissaire aux sermentsNote de bas de page 12 indiquant le début de leur vie commune en date du 15 novembre 2011. Le Tribunal donne beaucoup de poids à cette déclaration dans son analyse étant donné que le défunt et la partie mise en cause se sont présentés à un bureau de Service Canada et ont signé ce document devant un Commissaire à l’assermentation. De plus, lors de son témoignage, la succession a indiqué que le défunt était décédé suite à une crise cardiaque, ce qui ne remet pas en doute les capacités cognitives ou de bon jugement du défunt, bien que celui-ci soit allé à l’hôpital autour de cette date pour des problèmes pulmonaires.

[37] Lors de l’audience d’appel, la partie mise en cause a indiqué à plusieurs reprises qu’elle est déménagée à X en novembre ou décembre 2012, mais assurément avant Noël 2012. Elle a aussi affirmé être allée à X avant d’y déménager en permanence. Elle a aussi indiqué que ses meubles sont arrivés à X vers novembre 2012. Le Tribunal comprend également que des erreurs de mémoire peuvent subvenir et compte-tenu de l’ensemble des témoignages entendus, celui de la partie mise en cause et la séquence des événements partagée par la succession, la période de cohabitation entre le défunt et la partie mise en cause aurait plutôt commencé le 15 novembre 2012, contrairement à ce qui est indiqué sur la déclaration. Le Tribunal préfère donc la date de début de cohabitation telle que mentionnée lors des témoignages, soit le 15 novembre 2012.

[38] L’intimé a également fourni un historique des adresses rapportées à Service Canada par la partie mise en cause.Note de bas de page 13 Selon ce rapport, l’adresse effective de domicile à X de la partie mise en cause pour l’Agence du Revenu du Canada (ARC) commence seulement le 30 avril 2015, et elle se termine le 22 mai 2015 quand son adresse devient celle de la compagnie X en Alberta. Pour ce qui est de la SV, l’information est non fiable car certaines dates de fin de validité de l’information précèdent la date de début de validité pour ce qui est de l’adresse de la partie mise en cause à X. Pour ce qui est du Régime de pension du Canada (RPC), la date effective à X débute le 10 mars 2015 pour se terminer le 24 février 2017. Lors de l’audience, la partie mise en cause a indiqué que certain de son courrier avait disparu ou ne s’était pas rendu à son domicile de X et c’est pour cette raison qu’elle avait donné l’adresse de sa sœur en Alberta. De plus, l’adresse de domicile en 2014 en Alberta, au moment où elle habitait à X, était celle d’un syndic en faillite relativement à une faillite passée.  Le Tribunal trouve ces explications raisonnables des raisons, et ne peut alors se fier sur les dates inscrites dans cet historique des adresses.

[39] L’article 2 de la LSV définit « conjoint de fait » comme étant « la personne qui, au moment considéré, vit avec la personne en cause dans une relation conjugale depuis au moins un an. » Donc ce n’est pas au moment auquel la relation a commencé ou quand les personnes ont déménagé ensemble pour vivre sous le même toit, mais bien un an après le moment quand les deux personnes ont commencé à vivre ensemble dans une relation conjugale qui fait la différence selon la Loi. Le Tribunal conclut donc que le défunt et la partie mise en cause ont cohabité ensemble à X de la mi-novembre 2012 jusqu’au mois du décès du défunt en janvier 2017.  Donc, le défunt et la partie mise en cause étaient conjoints de fait au sens de la Loi de la SV de décembre 2013 jusqu’au mois du décès du défunt en janvier 2017.

Conclusion

[40] Le Tribunal a bien entendu les renseignements qui ont été partagés par les représentants de la succession et par la partie mise en cause, aussi bien par écrit et que lors de l’audience. Le Tribunal doit toutefois considérer la déclaration solennelle d’union de fait que le défunt a signé de son vivant devant un commissaire aux serments et dans laquelle il se déclare en union de fait avec la partie mise en cause. Cependant, le Tribunal choisi d’accepter le témoignage de la partie mise en cause concernant la date de début de la période de cohabitation de celle-ci avec le défunt, bien qu’elle soit différente de celle inscrite sur la déclaration solennelle d’union de fait.

[41] Le Tribunal conclut que le défunt et la partie mise en cause étaient bel et bien dans une relation de conjoints de fait selon la Loi de la SV, mais que celle-ci a plutôt commencé en décembre 2013 et ce, jusqu’au décès du défunt, tel que déclaré par la partie mise en cause lors de son témoignage.

[42] L’appel est accordé en partie étant donné que la date de cohabitation du défunt et de la partie mise en cause a été modifiée comme ayant commencé le 15 novembre 2012 plutôt que le 15 novembre 2011 tel qu’inscrit sur la déclaration solennelle d’union de fait.

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