Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Résumé :

SV – Le prestataire a soutenu qu’il a droit à une pension de la sécurité de la vieillesse (SV) du Canada. La division générale (DG) n’est pas de cet avis. Elle a donc rejeté l’appel. Le prestataire soutient que l’accord entre le Canada et les États Unis en matière de sécurité sociale lui permet de combiner sa couverture précédente, obtenue aux États-Unis, avec celle dont bénéficiait son épouse décédée. Selon lui, une personne qui habite au Canada pendant au moins un an peut combiner ses prestations de sécurité sociale des États-Unis dans le calcul de la règle des 20 années de résidence au Canada. La DG a estimé que l’accord ne permet pas au prestataire de combiner les couvertures des époux. Elle a fondé sa décision sur la jurisprudence de la Cour fédérale. Pour la pension de la SV, le terme « couverture » ne s’applique qu’aux gains individuels (ou personnels) provenant de l’emploi. La jurisprudence précise aussi que la couverture obtenue aux États-Unis ne doit s’appliquer qu’à la personne qui demande la pension de la SV. Il est impossible de combiner les couvertures, peu importe leur durée. La DG a conclu que le prestataire n’avait pas droit à une pension de la SV.

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Décision

[1] Le requérant n’est pas admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV).

Aperçu

[2] Le requérant est un homme de 68 ans qui vit aux États-Unis. Il y a vécu presque toute sa vie.

[3] En décembre 2014, le requérant a présenté une demande de pension de la SV. Dans sa demande, il a précisé qu’il avait commencé à vivre au Canada le 6 février 2014. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. Le requérant a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

[4] La plupart des appels ne portent pas sur des documents présentés après l’audience. Toutefois, comme c’est le cas en l’espèce, j’expliquerai ce qui s’est passé.

[5] Lors de l’audience, j’ai dit au requérant que, à la lumière de l’un de ses arguments, j’examinerais la décision StielFootnote 1, rendue par la Cour fédérale. Naturellement, le requérant n’était pas au fait de la décision. Je l’ai donc aidé à la trouver sur le Web, puis je lui ai accordé une période de 20 jours après l’audience pour qu’il puisse présenter des observations écrites sur le caractère pertinent et applicable de la décision.

[6] Le 21 août 2019, le requérant a écrit au Tribunal pour lui demander une copie écrite certifiée de l’audience par téléconférence, ainsi qu’une prorogation du délai pour présenter ses commentaires écrits sur la décision StielFootnote 2. Le 23 août 2019, j’ai écrit aux parties pour leur expliquer qu’étant donné que le Tribunal n’offre que des enregistrements audio des audiences (plutôt que des transcriptions), j’annexais un CD de l’enregistrement audio de l’audience. J’ai également précisé que je prolongerais la date limite du requérant jusqu’au 25 septembre 2019Footnote 3. Enfin, j’ai ajouté que si l’intimé (qui n’était pas représenté lors de l’audience) souhaitait émettre des commentaires sur la décision Stiel, il pouvait le faire, à condition qu’il dépose ses observations d’ici le 25 septembre 2019.

[7] Le requérant a déposé des observations après l’audience le 9 septembre 2019Footnote 4, le 12 septembre 2019Footnote 5 et le 25 septembre 2019Footnote 6. L’intimé n’a déposé aucune observation après l’audience.

Question en litige

[8] Je dois déterminer si le requérant est admissible à une pension de la SV.

Analyse

Critères d’admissibilité à une pension de la SV

[9] Pour recevoir une pension de la SV, toute personne doitFootnote 7 :

  • être âgée d’au moins 65 ans;
  • avoir le statut de résident légal du Canada;
  • avoir résidé au Canada après l’âge de 18 ans.

[10] Une pleine pension de la SV est payable à toute personne ayant résidé au Canada pendant au moins 40 ans après l’âge de 18 ansFootnote 8. Si la personne n’a pas résidé au Canada pendant au moins 40 ans, la loi offre la possibilité de verser une pension partielle. Afin d’être admissible à une pension partielle, la personne doit avoir résidé au Canada pendant au moins 10 ansFootnote 9. Donc, par exemple, si une personne a résidé au Canada pendant 10 ans après l’âge de 18 ans (et qu’elle remplit également les autres critères d’admissibilité), elle sera alors admissible à 10/40e d’une pleine pension de la SV (ou un quart d’une pleine pension de la SV).

[11] Si une personne ne réside plus au Canada et souhaite recevoir une pension de la SV alors qu’elle vit dans un autre pays (comme c’est le cas pour le requérant), elle doit alors avoir résidé au Canada pendant au moins 20 ans après l’âge de 18 ansFootnote 10.

[12] Si une personne ne compte pas suffisamment d’années de résidence au Canada pour être admissible à une pension de la SV, mais qu’elle a établi des liens dans un pays avec lequel le Canada a conclu un accord en matière de sécurité sociale, cet accord peut alors permettre à la personne de devenir admissible à une pension de la SV.

[13] À l’heure actuelle, il existe un accord en matière de sécurité sociale entre le Canada et les États-UnisFootnote 11. À partir de maintenant, sauf avis contraire, je ferai simplement référence à l’accord en matière de sécurité sociale entre le Canada et les États-Unis comme étant l’Accord.

Pourquoi le requérant cherche-t-il à s’appuyer sur l’Accord?

[14] Le requérant reconnaît qu’en se fondant uniquement sur ses années de résidence [traduction] « réelles » au Canada, il n’est pas admissible à une pension de la SV. Il a déclaré avoir résidé au Canada du 6 février 2014 au 1er mai 2016 ou au 1er mai 2017 (il ne se souvenait pas de l’année où il avait quitté le Canada).

[15] Même si le requérant n’a pas quitté le Canada avant mai 2017, il est évident qu’il n’est pas admissible à une pension de la SV en se fondant uniquement sur ses périodes de résidence réelles. Il compte tout au plus trois ans de résidence au Canada.

[16] Le requérant doit donc se fier à l’Accord pour voir s’il peut lui être utile.

Critères d’admissibilité à une pension de la SV selon l’Accord

[17] Selon l’Accord, si une personne n’est pas admissible à une pension de la SV parce qu’elle n’a pas accumulé suffisamment de périodes de résidence au Canada, son admissibilité à la pension doit alors être déterminée par la totalisation de ses périodes de résidence au Canada et de ses trimestres de couverture crédités au titre des lois des États-Unis, à condition que les périodes ne se chevauchent pasFootnote 12.

[18] L’Accord prévoit également qu’un trimestre de couverture crédité au titre des lois des États‑Unis doit être compté comme trois mois de résidence au CanadaFootnote 13.

[19] Finalement, l’Accord précise que ce ne sont pas tous les trimestres de couverture qui doivent être inclus dans la totalisation. Le trimestre de couverture crédité au titre des lois des États‑Unis ne sera inclus que si la couverture était en vigueur le 1er janvier 1952 ou après cette date et après l’âge auquel les périodes de résidence au Canada sont créditéesFootnote 14. Les périodes de résidence au Canada sont créditées après l’âge de 18 ansFootnote 15.

Le requérant ne compte pas suffisamment de trimestres de couverture pour répondre à l’exigence de 20 ans de résidence

[20] J’ai expliqué précédemment que pour recevoir une pension de la SV à l’étranger, une personne doit avoir résidé au Canada pendant au moins 20 ans. Le requérant ne compte pas 20 ans de résidence [traduction] « réels » au Canada. De plus, le requérant ne compte pas suffisamment de trimestres de couverture au titre des lois des États-Unis pour lui permettre de répondre à l’exigence de 20 ans de résidence selon les dispositions relatives à la totalisation de l’Accord.

[21] La Social Security Administration [administration de la sécurité sociale] des États‑Unis a fourni un dossier de la couverture du requérant dans le cadre de ce programme, et ce dossier révèle que le requérant compte un total de neuf trimestres de couverture, comme le montre le tableau suivantFootnote 16 :

Année Trimestres de couverture (représentés par la lettre « C ») Total des trimestres pour l’année
1966 NNCN 1
1967 CCCN 3
1968 NNNC 1
1969 NNCC 2
2009 CCNN 2

[22] Bien que le requérant compte neuf trimestres de couverture, il m’est impossible de tous les reconnaître. En effet, l’Accord m’autorise seulement à reconnaître un trimestre de couverture s’il est après la date à laquelle le requérant a atteint l’âge de 18 ans.

[23] Le requérant est né en novembre 1950; il a donc eu 18 ans en novembre 1968. Cela signifie que je ne peux pas reconnaître les quatre trimestres de couverture du requérant entre 1966 et 1967. L’intimé a également rejeté le trimestre de couverture de 1968. Il pourrait être défendable que le trimestre de couverture de 1968 du requérant doive être inclus dans le calcul de sa totalisation puisqu’il correspond à la période pendant laquelle le requérant a atteint l’âge de 18 ans. Toutefois, que le trimestre de couverture de 1968 soit inclus ou non dans la totalisation ne change rien, car le requérant compte au plus cinq trimestres de couverture pouvant être reconnus en vertu de l’Accord, ce qui n’est pas suffisant pour lui permettre de répondre à l’exigence de 20 ans de résidence. Cinq trimestres de couverture représentent 15 mois de résidence.

Pourquoi le requérant compte-t-il si peu de trimestres de couverture?

[24] Le requérant ne compte pas plus de trimestres de couverture au titre du programme de sécurité sociale des États-Unis, car pendant de nombreuses années, il a travaillé pour une société ferroviaire américaine, et cette société a son propre programme de pension.

[25] Lorsque le requérant a entamé le processus d’appel, il a soutenu que l’Accord lui permettait d’inclure, aux fins de la totalisation, ses périodes de couverture dans le cadre du programme de retraite de la société ferroviaire. Il a affirmé que selon son dossier au sein de la société, il avait accumulé 370 mois de couverture ouvrant droit à un crédit, et il a déclaré que cela correspondait à environ 120 trimestres de couverture au titre du programme de sécurité sociale des États-Unis.

[26] L’intimé a rejeté l’argument du requérant et lui a dit que les cotisations au programme de retraite de la société ferroviaire n’étaient pas comprises dans l’AccordFootnote 17. L’intimé a expliqué qu’il pouvait seulement reconnaître les périodes de couverture si celles-ci étaient confirmées par la Social Security Administration des États-Unis, et les cotisations du requérant au programme de retraite de la société ferroviaire ne figuraient pas au dossier de couverture fourni par la Social Security Administration.

[27] Lors de l’audience, le requérant a présenté un nouvel argument (que j’aborderai sous peu), et je lui ai demandé s’il soutenait toujours que l’Accord lui permettait d’inclure ses périodes de couverture dans le cadre du programme de retraite de la société ferroviaire. Le requérant a déclaré qu’il n’invoquait plus cet argument et qu’il admettait que l’Accord ne reconnaissait pas, aux fins de la totalisation, les périodes de couverture dans le cadre du programme de retraite de la société ferroviaire. Je me pencherai donc sur le nouvel argument du requérant.

Le requérant souhaite combiner ses trimestres de couverture et les trimestres de couverture crédités dans le compte de sa défunte épouse

[28] Le nouvel argument du requérant est que l’Accord lui permet de combiner ses trimestres de couverture au titre du programme de sécurité sociale aux trimestres de couverture de sa défunte épouse. Pour prouver que sa défunte épouse comptait des trimestres de couverture au titre du programme de sécurité sociale des États-Unis, le requérant a fourni des lettres de la Social Security Administration, datées du 28 février 2019Footnote 18 et du 12 mars 2019Footnote 19, selon lesquelles elle lui avait accordé des prestations mensuelles de veuf payables à compter de février 2018.

[29] Dans son avis d’appel, le requérant a précisé que grâce à la lettre du 28 février 2019, il [traduction] « respectait toutes les exigences du traité sur la sécurité sociale entre le Canada et les États-UnisFootnote 20 ». Dans sa lettre du 4 juin 2019, il a affirmé que les lettres d’approbation de la Social Security Administration montraient qu’elle [traduction] « avait changé de façon claire et incontestable les antécédents de couverture de l’appelant SimpsonFootnote 21 ». Lors de l’audience, le requérant a déclaré que l’Accord prévoit que si une personne a vécu au Canada pendant au moins un an, cette personne peut alors se fier à ses prestations de sécurité sociale comme couverture aux fins de l’exigence de résidence. Il a également affirmé que la disposition relative à la totalisation de l’Accord ne lui interdit pas de combiner ses trimestres de couverture à ceux de sa défunte épouse. Le requérant a réitéré son dernier point dans ses observations écrites du 9 septembre 2019 comme suit : [traduction] « le traité ne précise nulle part, “implicitement ou explicitement”, qu’une partie demanderesse d’une pension de la SV ne peut pas combiner ses propres cotisations à celles de sa défunte épouse ou de son défunt époux afin de répondre à l’exigence énoncée dans le traité [...]Footnote 22 ».

[30] Je n’ai aucune preuve documentaire du nombre de trimestres de couverture que comptait la défunte épouse du requérant. Par conséquent, d’un point de vue purement pratique, je ne suis pas en mesure de déterminer si la défunte épouse du requérant comptait suffisamment de trimestres de couverture pour permettre au requérant de répondre à l’exigence de 20 ans de résidence, et ce, même en combinant ces trimestres à ceux du requérant.

[31] Cela dit, même si j’étais convaincue que la défunte épouse du requérant comptait suffisamment de trimestres de couverture pour permettre au requérant de répondre à l’exigence de 20 ans de résidence, je ne vois aucun fondement législatif permettant au requérant de combiner ses trimestres de couverture à ceux de sa défunte épouse. Autrement dit, je ne peux faire que ce que la loi me permet de faire, et la loi ne m’autorise pas à combiner les trimestres de couverture d’une personne à ceux de sa défunte épouse ou de son défunt époux.

[32] La décision Stiel de la Cour fédérale appuie ma conclusion selon laquelle l’Accord ne permet pas au requérant de combiner ses trimestres de couverture à ceux de sa défunte épouse.

[33] La décision Stiel concerne une requérante (Mme Stiel) qui demandait une pension partielle de la SV en se fondant sur l’Accord. Mme Stiel avait vécu au Canada pendant 14 ans (de mai 1959 à juin 1973) avant de déménager aux États-Unis. Elle a reconnu que, en se fondant uniquement sur ses années de résidence au Canada, elle n’était pas admissible à une pension. Mme Stiel a aussi admis ne jamais avoir cotisé au programme de sécurité sociale des États-Unis. Toutefois, elle a soutenu que l’Accord lui avait tout de même été utile, car son époux avait cotisé au programme de sécurité sociale des États-Unis pendant 22 ans (de 1973 à 1994), et elle estimait que ses cotisations lui offraient la « couverture » appropriée, d’autant plus qu’elle recevait des prestations de conjoint en raison des cotisations de son époux. À l’appui de son argument, Mme Stiel a fait référence à la définition de « période de couverture » énoncée à l’article I(6) de l’Accord. Cette disposition prévoit ce qui suit :

« Période de couverture » désigne,

une période de paiement de cotisations ou une période de gains provenant d’un emploi ou d’un travail autonome, telle que définie ou reconnue par les lois en vertu desquelles la période en question a été accomplie, ou toute autre période analogue dans la mesure où elle est reconnue aux termes de ces lois comme équivalant à une période de couverture; une période de résidence n’est pas reconnue comme période de couverture […].

[34] La Cour a établi que Mme Stiel n’était pas autorisée, aux fins de la totalisation, à utiliser les cotisations que son époux avait versées au programme de sécurité sociale des États‑Unis. La Cour a expliqué que, même si le terme « période de couverture » est énoncé à l’article VIII de l’Accord, ce terme est utilisé exclusivement aux fins de calculs du Régime de pensions du Canada (RPC) (et non aux fins d’admissibilité à une pension de la SV). La Cour a également expliqué que l’article VIII(2)(a) est la disposition pertinente aux fins d’admissibilité à une pension de la SV et que cette disposition fait référence au terme « trimestres de couverture » et non au terme « périodes de couverture ». La Cour a établi que le terme « trimestre de couverture [crédité] en vertu des lois des États-Unis » est très précis et provient de la législation américaine, et que l’utilisation d’un terme aussi précis et clairement défini dans la législation américaine est un bon indicateur de l’intention du législateur. La Cour a examiné la signification du terme « trimestre de couverture » selon les lois des États-Unis et a déterminé qu’il s’agissait d’une couverture obtenue par le revenu d’un emploi individuel (personnel). Autrement dit, aux fins de la totalisation, un trimestre de couverture doit avoir été obtenu par la personne qui demande la pension de la SV.

[35] Je sais que le requérant croit qu’il est autorisé à combiner ses trimestres de couverture à ceux de sa défunte épouse, car l’Accord ne prévoit pas le contraire. Il est vrai que l’Accord n’interdit pas expressément au requérant de faire ce qu’il propose. Toutefois, la Cour fédérale a déterminé que, lorsqu’il est correctement interprété, l’Accord ne permet pas à deux parties de combiner leurs trimestres de couverture.

[36] J’ai l’obligation de suivre l’interprétation de l’Accord de la Cour fédérale, car celle-ci est une cour supérieure au présent tribunal administratif.

[37] Le requérant soutient que la situation factuelle dans Stiel est [traduction] « aux antipodes » de sa situation. Tout d’abord, le requérant souligne que dans Stiel, la requérante n’avait accumulé aucun trimestre de couverture d’elle-même, alors qu’en l’espèce, il en compte quelques-uns. Il ajoute que l’Accord ne prévoit pas qu’une personne doit avoir [traduction] « versé la cotisation minimale » requise selon les lois des États-Unis, et que dans sa situation, toute cotisation permettrait de combiner des trimestres de couverture.

[38] Je reconnais que dans Stiel, la requérante demandait de compter uniquement sur les cotisations de son époux, alors qu’en l’espèce, le requérant cherche à combiner ses trimestres de couverture à ceux de sa défunte épouse. Toutefois, j’estime que cet argument n’est pas convaincant pour faire la distinction entre la décision Stiel et le cas présent. Selon mon interprétation de Stiel, cela ne change rien si une partie requérante ne compte aucun trimestre de couverture ou si une partie requérante n’a pas suffisamment de trimestres de couverture. La loi est la même dans les deux situations. Le terme « couverture » aux fins d’admissibilité à une pension de la SV signifie « trimestre de couverture » (et non une période de couverture), et le terme « trimestre de couverture » signifie une couverture obtenue individuellement (ou personnellement) par le revenu d’emploi d’une personne. Comme la décision Stiel précise que les trimestres de couverture doivent appartenir à la personne qui demande la pension de la SV, il n’est pas utile que j’examine l’argument du requérant selon lequel « toute » cotisation est suffisante pour permettre de combiner les trimestres. Il n’est pas possible de combiner des trimestres de couverture, quel que soit le nombre de trimestres dont dispose le requérant.

[39] Ensuite, le requérant soutient qu’il faut distinguer la décision Stiel de l’affaire qui nous occupe, car contrairement à lui, Mme Stiel n’est pas une citoyenne canadienne. La Cour n’a pas précisé la citoyenneté de Mme Stiel dans sa décision. Par conséquent, je ne sais pas si Mme Stiel est (ou était) une citoyenne canadienne. Cependant, je ne vois pas en quoi sa citoyenneté est pertinente, étant donné que la citoyenneté n’est pas un élément de la disposition relative à la totalisation de l’Accord.

[40] Enfin, le requérant soutient que Mme Stiel n’a jamais cotisé au [traduction] « programme de sécurité sociale du Canada » (ni au programme des États-Unis), alors qu’il a versé des cotisations aux deux. Je présume que le requérant entend par [traduction] « programme de sécurité sociale du Canada » le RPC (étant donné que le programme de la SV n’est pas un programme contributif). Toutefois, la Cour n’a pas non plus précisé si Mme Stiel avait cotisé au RPC. Je ne sais donc pas si les affirmations du requérant sont vraies. Quoi qu’il en soit, il n’est pas pertinent de savoir si Mme Stiel a cotisé au RPC, car à moins qu’une personne y verse des cotisations alors qu’elle travaille aux États-Unis, les cotisations au RPC ne constituent pas une condition d’admissibilité à une pension de la SV.

[41] Le requérant fait également valoir que la décision Stiel est [traduction] « manifestement erronée », car la Cour a omis de prendre en compte ou a choisi d’ignorer l’article VI(1) de l’Accord, lequel prévoit ce qui suit :

1. Sauf disposition contraire du présent article, lorsqu’une personne mentionnée à l’article V(2) est assujettie aux lois du Canada ou au régime général de pensions d’une province pendant une période quelconque de résidence sur le territoire des États-Unis, ladite période de résidence sera considérée — relativement à cette personne, à son conjoint et aux personnes à sa charge qui demeurent avec elle et qui ne sont ni salariés ni travailleurs autonomes au cours de cette période — comme une période de résidence au Canada aux fins de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

[42] Je ne vois pas en quoi l’article VI(1) est utile au requérant. Cette disposition concerne précisément les personnes visées à l’article V(2). L’article V(2) concerne toute personne dont l’employeur l’envoie travailler pour le même employeur sur le territoire de l’autre État contractant. Je n’ai aucun élément de preuve démontrant que le requérant a été envoyé aux États‑Unis pour y travailler par un employeur canadien.

[43] Tout au long de l’audience (ainsi que dans ses observations soumises après l’audience), le requérant s’est opposé à ce que je tienne compte de la décision Stiel. Il a comparé la décision Stiel à la preuve et m’a dit que je suis légalement tenue d’examiner uniquement les éléments de preuve dont je dispose et que je ne peux pas produire mes propres éléments de preuve. Il affirme que j’ai plaidé en faveur de l’intimé et que j’ai perdu ma neutralité.

[44] Je ne constate pas de fondement relativement à l’argument du requérant. Comme je l’ai expliqué pendant l’audience, une décision rendue par la Cour fédérale n’est pas une preuve. C’est la loi, et je suis tenue de l’examiner et de l’appliquer lorsque cela est pertinent. Il en va ainsi même si une partie ne porte pas la décision à mon attention.

[45] Le requérant a également soutenu que la décision Stiel n’est pas valide parce que la Cour était [traduction] « à côté de la plaque » lorsqu’elle a interprété l’Accord sans la participation de l’autre signataire de l’Accord (le gouvernement des États-Unis). À l’appui de cet argument, le requérant a fait référence à l’article 40 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, et plus précisément au paragraphe 2Footnote 23 :

2. Toute proposition tendant à amender un traité multilatéral dans les relations entre toutes les parties doit être notifiée à tous les États contractants, et chacun d’eux est en droit de prendre part :

a) à la décision sur la suite à donner à cette proposition;

b) à la négociation et à la conclusion de tout accord ayant pour objet d’amender le traité.

[46] Je n’ai pas la compétence de me prononcer sur la validité d’une décision de la Cour fédérale. Même si je le pouvais, je ne pourrais pas accepter l’argument du requérant.

[47] Premièrement, l’article 40 (ci-dessus) porte sur les amendements aux traités multilatéraux. La décision Stiel est une interprétation (et non un amendement) de l’Accord. De plus, l’Accord est bilatéral (et non multilatéral).

[48] Deuxièmement, l’Accord fait partie intégrante du droit canadien. Sa loi habilitante est la Loi sur la sécurité de la vieillesseFootnote 24. L’interprétation de cette loi relève de la compétence du TribunalFootnote 25. En 2006 (l’année à laquelle la décision Stiel a été rendue), les décisions du Tribunal sur des questions relatives à la SV faisaient l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour fédéraleFootnote 26.

[49] Troisièmement, l’Accord ne nécessite pas la participation des deux gouvernements dans le cadre d’un appel. L’article XVII de l’Accord prévoit ce qui suit :

1. Un appel écrit d’une décision prise par l’organisme d’un État contractant, peut être validement présenté à un organisme de l’un ou de l’autre État contractant. Il sera donné suite audit appel conformément à la procédure d’appel prévue par les lois de l’État contractant dont la décision est contestée [mis en évidence par la soussignée].

[50] L’appel Stiel a été traité conformément à la procédure d’appel prévue par les lois du Canada, qui est conforme à l’article XVII.

Conclusion

[51] Le requérant n’est pas admissible à une pension de la SV. L’appel est rejeté.

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