Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision

[1] La date de naissance du requérant, aux fins de la Sécurité de la vieillesse (SV), est le X 1953.

Aperçu

[2] Le requérant est né en Éthiopie, mais a quitté ce pays en 1987 en raison de l’agitation politique. Son épouse et lui se sont mariés en Grèce en septembre 1987, et il est arrivé au Canada comme immigrant reçu en mars 1988. Le ministre a reçu la première demande de pension de la SV du requérant en décembre 2016. Dans cette demande, le requérant a inscrit comme date de naissance le X 1952. Cependant, le ministre a rejeté la demande après avoir établi que la date de naissance du requérant était le X 1953. Le ministre a conclu que la demande du requérant avait été présentée trop tôt. Le ministre a maintenu cette décision après révision. Le requérant a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Le requérant a présenté une deuxième demande de pension de la SV en octobre 2018. Dans cette demande, il a inscrit comme date de naissance le X 1953. Le ministre a accueilli sa demande, et sa pension de la SV au taux de 30/40e a commencé en octobre 2018. Cependant, il poursuit ce processus d’appel concernant sa première demande afin d’établir la date de naissance du X 1952 aux fins de la pension de la SV. S’il a gain de cause, il obtiendra une pension de la SV selon un taux de 29/40e en date d’octobre 2017.

Question en litige

[4] Quelle est la date de naissance du requérant aux fins de la SV?

Analyse

[5] Il existe des éléments de preuve appuyant autant le X 1952 que le X 1953 comme date de naissance du requérant. Je dois déterminer laquelle de ces dates s’applique aux fins de la SV.

Quelle est la date de naissance du requérant aux fins de la SV?

[6] Pour les raisons exposées ci-après, la date de naissance du requérant aux fins de la SV est le X 1953.

[7] L’article 18 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) énonce trois façons de déterminer l’âge de la partie demanderesse d’une pension de la SV : 1) sur le fondement des renseignements que la Commission de l’assurance-emploi du Canada lui a fournis; 2) sur le fondement d’un acte de naissance ou d’une copie certifiée conforme d’un tel acte; ou 3) si un acte de naissance ne peut être obtenu, sur le fondement de toute autre preuve ou tout autre renseignement relatifs à l’âge et à l’identité de celle-ciNote de bas de page 1. Une quatrième méthode peut avoir préséance sur les méthodes précitées : utiliser l’âge déterminé au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Cela n’est toutefois pas obligatoireNote de bas de page 2.

[8] Les deux premières méthodes ne s’appliquent pas en l’espèce. Je ne constate aucune information fournie par la Commission, et le requérant n’a pas déposé d’acte de naissance original (ni de copie certifiée conforme). Cela signifie que je pourrais fonder son âge sur « toute autre preuve » ou sur l’âge déterminé au titre du RPC. Avant d’examiner une « autre preuve », j’examinerai son âge au titre du RPC.

L’âge du requérant au titre du RPC

[9] En janvier 2017, le ministre a dit au requérant qu’il recevrait bientôt sa pension de retraite du RPC. Bien que le requérant ait utilisé une date de naissance en 1952 dans sa demande de pension du RPC, il a également joint à sa demande une carte de citoyenneté canadienne sur laquelle figurait une date de naissance de 1953. Le ministre a affirmé qu’il s’appuierait sur la date de naissance de 1953 puisqu’il s’agissait de la date qui figurait sur la carte de citoyennetéNote de bas de page 3.

[10] Bien que le requérant désirait utiliser une date de naissance de 1952 pour sa pension du RPC, il n’a pas eu gain de cause à cet égardNote de bas de page 4. Sa date de naissance aux fins du RPC est donc le X 1953. Le ministre aurait pu aussi se fonder sur cette date aux fins de la SV. Cependant, je vais plutôt fonder ma décision sur l’« autre preuve » permise par le Règlement sur la SV. Cela me permet d’examiner tous les éléments de preuve du requérant, et plus particulièrement les circonstances particulières qui ont mené à cet appel.

Sommaire de l’« autre preuve »

[11] Trois documents non certifiés appuient la date de naissance du X 1952 : une copie de l’acte de naissance éthiopien du requérant, une copie de son permis de conduire de l’Ontario et le sommaire de sa déclaration de revenus de 2015 de l’Agence du revenu du Canada (ARC)Note de bas de page 5.

[12] Cinq documents appuient la date de naissance du X 1953 : une copie de la fiche relative au droit d’établissement au CanadaNote de bas de page 6 du requérant datée de 1988, sa carte de citoyenneté canadienneNote de bas de page 7, son passeport canadienNote de bas de page 8, son certificat de mariage (et la traduction)Note de bas de page 9, et une copie de sa carte d’assurance‑maladie de l’OntarioNote de bas de page 10. Le ministre a affirmé que le certificat de citoyenneté canadienne et le certificat de mariage (et la traduction) du requérant étaient des copies certifiées conformes, tandis que les trois autres documents n’étaient pas certifiésNote de bas de page 11. Cependant, je n’ai pas vu de copie certifiée conforme de la carte de citoyenneté canadienne du requérant dans le dossier du Tribunal. Les seules copies de ce document n’étaient pas certifiées.

[13] Le requérant a fourni différentes versions concernant l’origine de cette erreur. En novembre 2017, il a affirmé que la date de naissance de 1953 dans sa fiche relative au droit d’établissement de 1988 était la [traduction] « première erreur humaine qui avait été faite »Note de bas de page 12. Cependant, cette affirmation ne concorde pas avec son certificat de mariage de 1987, sur lequel figure également une date de naissance de 1953Note de bas de page 13.

[14] À l’audience, le requérant a donné une explication différente. Il a dit qu’il avait été emprisonné en Éthiopie pendant les troubles politiques des années 1980. Il a dit que ses amis l’ont libéré, mais l’ont fortement encouragé à quitter le pays. Un passeport éthiopien a été obtenu rapidement. En raison de l’urgence de quitter le pays, il a dit qu’il n’avait pas examiné le passeport attentivement. Il était seulement content d’être libre et en mesure de quitter le pays. En Grèce, il a demandé le statut de réfugié de l’ONU et il s’est marié avec son épouse. Cependant, il a dit qu’il n’avait pas remarqué que les autorités grecques avaient utilisé une date de naissance de 1953 sur son certificat de mariage. Il a dit que les autorités grecques avaient utilisé son passeport éthiopien pour remplir les documents du mariage. Une fois de plus, il a dit qu’il voulait simplement la liberté en Amérique du Nord et qu’il était heureux de partir. Il a dit qu’il avait finalement remarqué l’erreur lorsqu’il était arrivé au Canada.

[15] Le requérant n’a jamais fait référence à un passeport éthiopien incorrect avant l’audience. Cependant, il a fait plusieurs fois référence à la perte de ses bagages à son arrivée à l’aéroport de Toronto en 1988. Il a dit que les bagages contenaient son acte de naissance original, son album de mariage et ses vêtementsNote de bas de page 14. À l’audience, il a dit qu’il avait seulement une copie de l’acte de naissance original parce qu’il avait fait une copie en Grèce et la transportait dans sa bible [traduction] « juste au cas où ».

[16] Le requérant n’a jamais dit ce qui était arrivé avec son passeport éthiopien original. Même s’il se fondait sur une erreur contenue dans ce passeport, le requérant n’en a pas fait une copie. Il semble qu’il avait ce passeport lorsqu’il est arrivé au Canada en 1988Note de bas de page 15. Étant donné que le requérant affirme qu’il n’a jamais porté attention aux dates incorrectes figurant sur le certificat de mariage, sur son passeport éthiopien ou sur d’autres documents importants lorsqu’ils ont été produits, je ne peux pas trop me fonder sur cette version des événements. Ceci est particulièrement problématique sans avoir vu le passeport éthiopien en question, et compte tenu du fait que le requérant n’a pas mentionné du tout ce passeport avant l’audience.

[17] Le requérant a aussi présenté (ou n’a pas fait appel à cet égard) une date de naissance en 1953 dans d’autres demandes au ministre. Il n’a pas fait appel relativement à la date réputée de 1953 pour sa demande de pension de retraite du RPC et il a présenté une deuxième demande de pension de la SV en octobre 2018 dans laquelle il a aussi utilisé une date de naissance de 1953. Cependant, puisqu’il semble avoir été motivé par un besoin financier (de commencer le versement de sa pension de la SV pendant que cet appel était encore en cours), je ne me fonde pas trop sur cela.

[18] Cela peut être frustrant pour le requérant d’avoir différentes dates sur ses documents importants. Il peut être pris dans un cercle vicieux dans lequel il ne peut pas résoudre un problème avant d’avoir réglé l’autre problème (et vice versa). À l’audience, il a dit qu’il ne réalisait pas qu’il existait des dates de naissance concurrentes jusqu’à ce qu’il présente une demande de pension de la SV. Cependant, en avril 2014, il avait dit au ministre qu’il [traduction] « avait remarqué que cela était incorrect de nombreuses années auparavant, mais qu’il n’avait rien fait à cet égard »Note de bas de page 16. Cela contredit sa preuve orale, puisqu’il n’a pas présenté sa demande de pension de la SV avant décembre 2016Note de bas de page 17.

Conclusions sur la date de naissance du requérant aux fins de la SV

[19] Le fait que le requérant laisse entendre que son passeport éthiopien portait une date de naissance incorrecte remet indirectement en question la fiabilité du certificat de naissance éthiopien. Son passeport semble également appuyer une date de naissance en 1953, bien qu’il ne l’ait jamais produit. Comme mentionné ci-dessus, d’autres documents semblent appuyer une date de naissance en 1953, et le seul document certifié conforme appuie une date de naissance en 1953 également. Bien que 1953 semble être plus vraisemblable que 1952 selon la documentation, je dois tenir compte de tous les éléments de preuve. Cela inclut la preuve orale du requérant.

[20] Je ne peux pas déterminer l’année de naissance du requérant avec une certitude absolue. Il existe des éléments de preuve à l’appui de sa naissance en 1952 ou en 1953. Cependant, je n’ai pas besoin d’être absolument convaincu de l’année exacte. Le fardeau de la preuve revient au requérant, car il est celui qui fait appel de la décision découlant de la révision. Cela signifie qu’il doit prouver « selon la prépondérance des probabilités » qu’il est né en 1952. Autrement dit, il doit montrer qu’une naissance en 1952 est plus probable qu’une naissance en 1953.

[21] En fin de compte, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le requérant est né en 1952. Je ne peux pas me fier suffisamment à sa preuve orale pour lui accorder la préséance sur les documents qui donnaient à penser que la date de naissance est 1953. Il a évoqué une preuve concernant son passeport éthiopien pour la première fois à l’audience, malgré de nombreuses occasions de la présenter par le passé, mais il n’a pas produit ce passeport comme preuve. Sa preuve orale a aussi contredit ses affirmations antérieures, comme celle qu’il a faite en 2014 selon laquelle il était au courant du problème [traduction] « depuis de nombreuses années ». Il existe aussi d’autres incohérences : en novembre 2017, il a affirmé que la première [traduction] « erreur humaine » avait été commise dans sa fiche relative au droit d’établissement de 1988. Cela contredit le certificat de mariage grec de septembre 1987 qui fait état d’une date de naissance de 1953. Cependant, à l’audience, il a dit que la première erreur avait été commise dans le passeport éthiopien délivré avant qu’il arrive en Grèce.

[22] Étant donné que le requérant ne m’a pas convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, il est né le X 1952, sa date de naissance aux fins de la SV doit continuer à être le X 1953. Bien que cela signifie que certains documents ne concordent pas avec sa date de naissance de la SV, j’ai seulement le pouvoir de déterminer sa date de naissance aux fins de la SV.

Autres considérations

[23] Le requérant a demandé une approche compatissante pour cet appel. Il a souligné la situation politique en Éthiopie, qui l’a obligé à quitter rapidement son pays sans porter attention aux détails dans ses documents officiels. Il a également vécu des difficultés financières récemment au Canada, ce qui l’a obligé à demeurer dans un motel et dans un refuge pour sans‑abri. Il a décrit ses conditions de logement actuelles comme instables, car il pourrait devoir partir à la fin de janvier 2020.

[24] Le requérant a aussi expliqué que l’ambassade de l’Éthiopie au Canada n’avait pas pu lui fournir un acte de naissance original (ni une copie certifiée conforme). Il doit apparemment retourner en Éthiopie pour cette raison. Cependant, il n’y est pas allé depuis 23 ans et il a encore peur d’y retourner. Il a dit qu’il chercherait à obtenir l’acte de naissance original s’il retournait en Éthiopie.

[25] Je prends acte du fait que l’Éthiopie a souffert de la guerre civile, de la sécheresse et de la famine pendant les années 1980. J’admets que le départ du requérant de l’Éthiopie n’a peut-être pas été fait de façon ordonnée. Cependant, le Tribunal est créé par une loi. Il a seulement les pouvoirs qui lui sont conférés par sa loi habilitante. En tant que membre du Tribunal, je dois interpréter et appliquer les dispositions comme elles figurent dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) et son Règlement. Je ne peux pas les annuler ou les modifier, même si elles semblent injustes dans une situation en particulier. Je ne peux pas non plus interpréter de façon déraisonnable le libellé de la Loi sur la SV et de son RèglementNote de bas de page 18. La Loi sur la SV et son Règlement ne permettent pas de rendre des décisions pour des motifs de compassion. Bien que j’aie une grande sympathie pour ce qui est arrivé au requérant, son appel ne peut pas être accueilli sur le plan juridique.

Conclusion

[26] L’appel est rejeté.

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