Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : La succession de G. S. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2019 TSS 1502

Numéro de dossier du Tribunal: GP-18-2485

ENTRE :

La succession de G. S.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Pierre Vanderhout
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 9 décembre 2019
Date de la décision : Le 31 décembre 2019

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Décision

[1] La requérante est la succession de G. S. La succession a demandé le Supplément de revenu garanti (SRG) du début de juillet 2013 à la fin d’avril 2015 en raison de l’incapacité de G. S.

[2] La requérante n’a pas droit au SRG du début de juillet 2013 à la fin d’avril 2015. La requérante ne peut se fonder sur les dispositions relatives à l’incapacité de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. La production de la déclaration de revenus de 2012 de G. S. en mars 2016 ne crée pas non plus un droit au SRG, pas plus que la présentation de la demande de renouvellement du SRG en mars 2016. Cette décision écrite explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] G. S. est née en janvier 1920. Elle a reçu une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) jusqu’à son décès le 1er avril 2016. Elle a également reçu le SRG pendant de nombreuses années, mais ces paiements ont cessé à la fin de juin 2013. Les paiements du SRG semblent avoir cessé parce que G. S. a cessé de produire des déclarations de revenus régulières après sa déclaration de 2011. G. S. a reçu un diagnostic de démence en 2009, et le Dr Marinosyan (médecin de famille) a décrit sa démence comme étant « grave » lorsqu’il assurait les soins de G. S. en mars 2015Note de bas page 1.

[4] Le fils de G. S., E. S., a produit la déclaration de revenus de 2012 de cette dernière en mars 2016. E. S. venait de réaliser que G. S. ne recevait plus le SRG et qu’elle n’avait pas produit de déclaration de revenus depuis avril 2012Note de bas page 2. Il a attribué cela à sa démence. Après le décès de G. S. le 1er avril 2016, E. S. a commencé à produire ses déclarations de revenus après 2012. Le 5 avril 2016, le ministre a reçu une demande d’E. S. visant à renouveler les paiements du SRG de G. S. Le ministre a accordé des paiements rétroactifs du SRG de mai 2015 à avril 2016, mais pas de juillet 2013 à avril 2015, invoquant une limite de 11 mois pour les demandes présentées à titre posthume. Le ministre a confirmé cette décision découlant de la révision. La requérante a interjeté appel de la décision découlant de la révision au Tribunal de la sécurité sociale.

[5] La Cour supérieure de justice de l’Ontario a nommé E. S. fiduciaire de la succession de G. S. le 25 octobre 2016. Je l’appellerai « E. S. » pour la période qui a précédé cette nomination et pour le témoignage qu’il a livré à l’extérieur de ce rôle. E. S. a participé à l’audience et a témoigné de vive voix, en plus de présenter des observations écrites.

Questions en litige

[6] La requérante a-t-elle droit à une date antérieure de demande ou de renouvellement du SRG en raison de l’incapacité de G. S.?

[7] La production de la déclaration de revenus de 2012 de G. S. en mars 2016, ou la présentation de la demande de renouvellement du SRG en mars 2016, crée-t-elle un droit à un SRG additionnel?

Analyse

[8] La pension de la SV est versée aux personnes qui ont au moins 65 ans et qui satisfont à certaines exigences minimales énoncées dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse (la « Loi sur la SV »). Les parties conviennent que G. S. satisfait à ces exigences.

[9] Le SRG est une prestation supplémentaire qui n’est payable qu’aux bénéficiaires de la SV à faible revenu. Toutefois, la Loi sur la SV énonce que le SRG n’est payable que si le bénéficiaire de la SV a présenté une demande pour cette année de paiementNote de bas page 3. Les années de paiement vont de juillet à juin de l’année suivante. Il y a une exception à cette règle. Le ministre peut accorder une dispense de l’obligation de présenter une demande annuelle de SRG si une demande a été présentée pour une période de paiement précédenteNote de bas page 4. Le ministre semble appliquer cette exception si le bénéficiaire produit une déclaration de revenus annuelle à l’Agence du revenu du Canada (« ARC »). Le ministre y fait référence en tant que disposition du [traduction] « SRG à vie »Note de bas page 5.

[10] Comme G. S. a produit en temps opportun des déclarations de revenus à l’ARC jusqu’à sa déclaration de revenus de 2011, elle n’a pas eu à présenter une demande annuelle de SRG. En produisant sa déclaration de revenus de 2011, elle a reçu le SRG pour la période de paiement allant de juillet 2012 à juin 2013. Toutefois, comme sa déclaration de revenus de 2012 n’a été produite qu’en mars 2016, elle a cessé de recevoir le SRG en juillet 2013. Le ministre n’a reçu la demande de renouvellement de son SRG que le 5 avril 2016. C’était quatre jours après son décèsNote de bas page 6. E. S. a plus tard déposé auprès du ministre des états du revenu pour le SRG pour les années 2012 à 2015. Il a également produit les déclarations de revenus de 2013 à 2016 de G. S. auprès de l’ARCNote de bas page 7.

[11] Compte tenu de la demande de renouvellement du SRG, des États du revenu pour le SRG et des déclarations de revenus, le ministre a convenu que la requérante avait droit au SRG de mai 2015 à avril 2016. Le ministre a déclaré que la date de prise d’effet du paiement était mai 2015, parce qu’il avait reçu la demande de renouvellement du SRG en avril 2016 et que le paiement rétroactif maximal du SRG est de 11 mois pour les bénéficiaires de la SV décédés.

[12] La requérante ne semble pas contester la rétroactivité maximale de 11 mois. Toutefois, la requérante affirme qu’il est injuste que l’incapacité de G. S. ne puisse être prise en considération après son décès. La requérante affirme que G. S. a cessé de produire ses déclarations de revenus en raison d’une démence grave et que si son état n’avait pas été grave, elle aurait continué de produire ses déclarations de revenus et elle aurait continué de recevoir le SRG jusqu’en avril 2016.

[13] La requérante affirme également que le ministre n’a pas tenu compte du fait que G. S. a produit sa déclaration de revenus de 2012 avant son décès. La requérante affirme que le ministre a déclaré à tort que la déclaration de revenus de 2012 a été produite après son décèsNote de bas page 8. Par conséquent, la requérante affirme que le SRG de G. S. devrait être versé pour l’année de paiement allant de juillet 2013 à juillet 2014.

[14] Je vais maintenant examiner chacun de ces arguments.

La requérante a-t-elle droit à une date antérieure de demande ou de renouvellement du SRG en raison de l’incapacité de G. S.?

[15] Pour les raisons qui suivent, la requérante n’a pas droit à une date antérieure de demande ou de renouvellement du SRG.

[16] Je conviens que le SRG ne peut être versé plus de 11 mois avant que le ministre ne reçoive la demande. La Loi sur la sécurité de la vieillesse l’énonce clairementNote de bas page 9. Le ministre n’a reçu la demande de renouvellement du SRG que le 5 avril 2016. Cela signifie que le SRG ne peut être versé pour une période avant mai 2015.

[17] Toutefois, compte tenu de la démence de G. S., la requérante souhaite invoquer les dispositions relatives à l’incapacité prévues à l’article 28.1 de la Loi sur la SV. Ces dispositions peuvent parfois établir une date de demande antérieure à la date de réception de la demande. Le ministre affirme que les dispositions relatives à l’incapacité de la Loi sur la SV ne peuvent être invoquées après le décès du bénéficiaire. Le ministre cite la décision rendue en 2001 par la Commission d’appel des pensions (la « Commission ») dans l’affaire KirbyNote de bas page 10.

[18] L’article 28.1 de la Loi sur la SV s’applique lorsqu’une demande de prestations est faite « au nom d’une personne [qui n’avait pas la capacité] de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande à la date à laquelle la demande a réellement été faite ». Il s’agit du même libellé pris en compte dans Kirby, pour une disposition analogue dans le Régime de pensions du Canada (« RPC »)Note de bas page 11. Dans la décision Kirby, la Commission a déclaré que les dispositions relatives à l’incapacité sont rédigées d’une façon qui prévoit que la personne inapte est vivante au moment de la demandeNote de bas page 12. Je suis d’accord en ce qui concerne cette interprétation. Comme G. S. n’était pas vivante lorsque la demande a été déposée, la requérante ne peut pas invoquer l’article 28.1 de la Loi sur la SV.

[19] Dans la décision Kirby, la Commission a également comparé les dispositions relatives à l’incapacité à une demande faite au nom d’une personne décédéeNote de bas page 13. L’article 29 de la Loi sur la SV traite de ces demandes. Pour l’application de la SV, les demandes au nom d’une personne décédée sont réputées faites à la date de son décès, si elles sont faites dans l’année suivant son décèsNote de bas page 14. Cela signifie que la requérante a présenté une demande de renouvellement de la prestation du SRG le 1er avril 2016.

[20] Dans la décision Kirby, la Commission a conclu que les dispositions relatives à l’incapacité et celles relatives au demandeur décédé étaient mutuellement exclusives. Elles s’appliquaient à des catégories distinctes de demandeurs. L’une traitait des cotisants vivants, mais devenus incapables, tandis que l’autre traitait des représentants de successionNote de bas page 15.

[21] Enfin, j’estime que cette interprétation est conforme au contexte des dispositions pertinentes de la Loi sur la SV et à l’objectif général de la loi. Comme dans le cas du RPC, l’intention première de la Loi sur la SV est d’accorder des prestations aux personnes admissibles au cours de leur vie. Ce n’est pas un véhicule pour l’accumulation d’actifs ou l’amélioration des successionsNote de bas page 16. Cela est particulièrement le cas du SRG, qui est censé être versé aux prestataires de la SV qui ont peu ou pas d’autres revenusNote de bas page 17.

[22] Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que je détermine si (ou quand) G. S. était visée par des dispositions sur l’incapacité de la Loi sur la SV. Je vais maintenant examiner deux questions connexes dans le présent appel, qui découlent des mesures prises par E. S. et G. S. peu de temps avant le décès de G. S.

La production de la déclaration de revenus de 2012 de G. S. en mars 2016, ou la présentation de la demande de renouvellement du SRG en mars 2016, crée-t-elle un droit à un SRG additionnel?

[23] Pour les raisons qui suivent, aucun de ces événements ne crée un droit à un SRG additionnel.

[24] Je conviens que le ministre a eu tort de déclarer que la déclaration de revenus de 2012 de G. S. a été produite après son décèsNote de bas page 18. Il est évident que l’ARC a reçu sa déclaration de revenus de 2012 le 9 mars 2016Note de bas page 19. Cela s’est passé avant le décès de G. S. Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement que la requérante peut maintenant invoquer les dispositions relatives à la capacité de la Loi sur la SV ou qu’elle a droit à des prestations supplémentaires du SRG.

[25] Comme il a été mentionné précédemment, la requérante ne peut se fonder sur des dispositions relatives à l’incapacité de la Loi sur la SV que si la demande est présentée lorsque la personne incapable est encore en vie. La déclaration de revenus de 2012 a été produite alors que G. S. était encore en vie, mais produire une déclaration de revenus n’est pas la même chose que faire une demande de SRG.

[26] Selon la Loi sur la SV, une personne doit présenter une demande pour recevoir le SRG. Cela s’applique à G. S. parce que toute dispense de demande de SRG a cessé de s’appliquer lorsqu’elle a cessé de produire ses déclarations de revenus après l’année d’imposition 2011Note de bas page 20.

[27] La Loi sur la sécurité de la vieillesse mentionne précisément la nécessité de présenter « une demande de supplément »Note de bas page 21. Je ne peux pas qualifier une déclaration de revenus de 2012 de « demande de supplément ». La production de la déclaration de revenus de 2012 n’est pas la même chose que la demande de SRG, car une demande doit être présentée au ministre; en effet, la déclaration de revenus a été produite auprès de l’ARC plutôt qu’auprès du ministre. Peu après avoir produit la déclaration de revenus de 2012, G. S. et E. S. ont rempli un formulaire appelé « Demande de renouvellement du SRG »Note de bas page 22. Il s’agit là d’un exemple de ce que signifie la Loi sur la SV lorsqu’elle fait mention d’une « demande de supplément ».

[28] Cela signifie que la requérante doit se fonder sur le formulaire de demande de renouvellement du SRG. Cette demande semble avoir été préparée avant le décès de G. S. La signature de G. S. apparaît sur la demande, et E. S. a signé et daté la demande le 14 mars 2016. Toutefois, la date inscrite sur la demande n’est pas nécessairement la même que la date à laquelle la demande est présentée. Le Règlement sur la sécurité de la vieillesse (le « Règlement sur la SV ») précise quand une demande est réputée présentée.

[29] Une demande n’est présentée que lorsqu’un formulaire de demande remplie par le demandeur ou en son nom est reçu par le ministreNote de bas page 23. En l’espèce, le ministre l’a reçue le 5 avril 2016. Cela signifie que la demande de renouvellement du SRG de G. S. n’a été présentée qu’après le décès de G. S. Le ministre a versé le SRG à la requérante de façon rétroactive pour les 11 mois précédant la date de la demande. Il s’agit du montant maximal payable en vertu de la loi.

Autres commentaires

[30] Les circonstances entourant le présent appel sont très tristes. G. S. a vécu une vie de façon autonome et active pendant de nombreuses années. Toutefois, la démence a eu des conséquences de plus en plus graves sur elles. Vers la fin de sa vie, elle sortait rarement de son appartement. Si elle partait, il était possible qu’elle ne puisse pas retrouver le chemin du retour. Elle devait porter un bracelet spécial « MedicAlert ». En 2015, elle avait aussi d’autres problèmes de santé. En plus de souffrir de démence à un stade avancé, elle avait des problèmes cardiaques et de la difficulté à manger. Elle faisait de l’hypotension et tombait fréquemment. Elle souffrait d’infections urinaires et d’incontinenceNote de bas page 24. Elle subissait des effets secondaires provoqués par ses médicaments.

[31] G. S. a été admise à plusieurs reprises à l’hôpital au cours de la dernière année de sa vie. En décembre 2015, par exemple, elle était à l’hôpital en raison de la confusion qui s’aggravait, d’un manque d’appétit et d’une somnolence accrue. À ce moment-là, elle était en fauteuil roulant et souffrait d’un dysfonctionnement moteur buccal. Elle avait aussi des problèmes thyroïdiens. Comme elle avait de la difficulté à avaler, elle ne pouvait pas prendre certains de ses médicaments. Elle souffrait d’un trouble de délire aiguNote de bas page 25.

[32] E. S. vivait avec G. S. et prodiguait à sa mère des soins exceptionnels. J’ai le plus grand respect pour les efforts et les sacrifices qu’il a faits pendant cette période difficile. Toutefois, je ne peux pas rendre l’ordonnance demandée. Je suis limité par la loi susmentionnée.

[33] Le Tribunal est créé par la loi. Il n’a que les pouvoirs qui lui sont conférés par sa loi habilitante. En tant que membre du Tribunal, je dois interpréter et appliquer les dispositions telles qu’elles figurent dans la Loi sur la SV et le Règlement sur la SV. Je ne peux pas les annuler ou les modifier, même si elles peuvent sembler injustes dans une situation particulière. Je ne peux non plus interpréter le libellé de la Loi sur la SV ou du Règlement sur la SV de façon déraisonnableNote de bas page 26. Bien que j’éprouve beaucoup de sympathie pour E. S., l’appel ne peut être accueilli.

Conclusion

[34] L’appel est rejeté.

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