Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Le requérant est né en 1932 et a émigré de l’Allemagne pour s’installer au Canada en 1952. Il a travaillé comme missionnaire pendant de nombreuses années et il a vécu à l’étranger pendant des périodes prolongées.

[3] En novembre 1998, il a demandé une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV). Dans sa demande, il a déclaré qu’il avait travaillé en Europe pour X pendant 32 ans. Il a aussi déclaré qu’il était revenu au Canada pour prendre sa retraite en novembre 1997, tout en laissant ouverte la possibilité de se lancer dans [traduction] « de futurs séjours de travail missionnaire à l’étranger dont la durée dépasserait six mois »Note de bas page 1.

[4] Le ministre a approuvé la demande de pension de la SV du requérant, lui accordant le plein montant à compter de janvier 1998. Par la suite, le ministre lui a accordé le Supplément de revenu garanti (SRG), une prestation supplémentaire versée aux bénéficiaires de la pension de la SV qui ont un faible revenu et qui résident au Canada.

[5] En février 2013, le ministre a ouvert une enquête sur l’admissibilité continue du requérant aux deux prestations. En avril 2015, le ministre a confirmé l’admissibilité du requérant à la pension de la SV, mais il a suspendu les versements du SRG après avoir conclu qu’il n’avait pas résidé au Canada depuis 1997. Le ministre a évalué que le trop-perçu s’élevait à environ 121 000 $.

[6] Le requérant a appelé de cette décision au Tribunal. La division générale du Tribunal a tenu une audience orale à la suite de laquelle elle a rejeté l’appel, car elle était du même avis que le ministre, soit que le requérant n’avait pas été résident du Canada depuis 1997.

[7] Ensuite, le requérant a demandé la permission d’appeler de la décision à la division d’appel du Tribunal, alléguant que la division générale avait commis différentes erreurs en rendant sa décision. En mai 2019, la division d’appel lui a accordé la permission d’en appeler, car elle a jugé qu’au moins un de ses arguments conférait à l’appel une chance raisonnable de succès.

[8] Puisqu’aucune des parties n’a insisté sur la tenue d’une audience orale, j’ai tenu l’audience en menant un examen documentaire. À présent, après avoir examiné le dossier et pris en considération les observations écrites des parties, je conclus qu’aucun des motifs d’appel du requérant ne justifie l’annulation de la décision de la division générale.

Questions en litige

[9] Aux termes de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il y a seulement trois moyens d’appel à la division d’appel. Un requérant ou une requérante doit démontrer que la division générale :

  1. i) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. ii) a commis une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. iii) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Dans le présent appel, je dois trancher les questions suivantes :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de compétence en omettant d’examiner le pouvoir conféré au ministre de modifier sa décision initiale concernant l’admissibilité au SRG?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, à savoir que les liens du requérant au Canada étaient faibles?

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de compétence en omettant d’examiner le pouvoir conféré au ministre de modifier sa décision initiale concernant l’admissibilité au SRG?

I. La division générale a examiné le pouvoir conféré au ministre d’annuler le versement du SRG au requérant

[11] À la lecture des observations que le requérant a soumises avec sa demande de permission d’en appeler, il est clair qu’il remet en question la capacité du ministre à infirmer sa décision de lui accorder le SRG. Il prétend qu’après le début des versements du SRG en octobre 1998, il avisait chaque année le ministre qu’il serait à l’étranger pendant une partie de l’année pour travailler comme missionnaire. Il soutient que le ministre ne devrait pas pouvoir modifier sa décision après des années.

[12] Quand la division d’appel a accordé la permission d’en appeler en mai dernier, elle croyait qu’il était possible de soutenir que la division générale avait seulement examiné la résidence du requérant au Canada, sans regarder si le ministre avait d’abord le pouvoir d’arrêter le versement de ses prestations. Maintenant que j’ai eu la chance d’examiner de plus près la thèse du requérant, je la trouve très peu convaincante.

[13] Dans sa décision, la division générale a exposé les questions en litige qu’elle croyait pertinentesNote de bas page 2, mais aucune d’elles ne portait expressément sur le pouvoir conféré au ministre de réviser sa décision concernant l’admissibilité d’un requérant ou d’une requérante aux prestations de la SV. Néanmoins, je suis convaincu que la division générale a bel et bien abordé ce point à la section intitulée « Quelle est l’incidence de la conclusion relative à cette question sur le trop-perçu dont le ministre exige le remboursement? ».

[14] En trois paragraphes, la division générale explique que, comme elle a jugé que le requérant n’avait pas droit au SRG depuis octobre 1998, il devait répondre des sommes versées en trop que le ministre réclamait. Pour soutenir cette proposition, la division générale cite les articles 37(1) et (2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, qui prévoient que les bénéficiaires de la pension de la SV doivent rembourser toutes les prestations versées par erreur.

[15] La division générale a aussi examiné la prétention du requérant selon laquelle, comme le ministre n’avait pas vraiment examiné sa résidence depuis plus de 15 ans, il ne devrait pas pouvoir changer d’avis sur son admissibilité au SRG. En écartant cet argument, la division générale a fait référence à l’article 23 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse, qui autorise le ministre à enquêter pour réévaluer l’admissibilité d’une personne aux prestations de la SV.

[16] Ce que la division générale n’a pas mentionné, c’est l’article 11(7) de la Loi sur la SV, qui interdit le versement du SRG à un pensionné ou une pensionnée qui quitte le Canada ou cesse d’y résider. Malgré cette omission, il est clair que l’analyse de la division générale suppose à juste titre que résider à l’étranger rendrait le requérant inadmissible au SRG.

II. La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que le ministre avait le pouvoir d’annuler le versement du SRG au requérant et d’évaluer le montant du trop-perçu

[17] L’article 11(2) de la Loi sur la SV autorise le versement du SRG, en fonction des besoins financiers, à un pensionné ou une pensionnée qui présente une demande annuellement. Au titre des articles 11(7)(c) et (d), le SRG n’est pas versé aux personnes qui s’absentent du Canada ou cessent d’y résider pendant six mois consécutifs. L’article 37 de la Loi sur la SV et l’article 23 du Règlement sur la SV confèrent au ministre ce qui semble être des pouvoirs étendus lui permettant d’exiger, à n’importe quel moment, que les bénéficiaires de la pension de la SV lui fournissent des éléments de preuve démontrant leur admissibilité à la pension. Quand le ministre établit qu’une personne a reçu des prestations sans y avoir droit, ce trop-perçu devient une créance recouvrable de Sa Majesté.

[18] La division générale a évalué la preuve portée à sa connaissance avant de conclure que le requérant n’est pas un résident du Canada depuis novembre 1997. Elle a implicitement fondé sa conclusion selon laquelle le requérant n’avait pas droit aux versements du SRG qu’il a reçus de novembre 1998 à avril 2015 sur l’article 11(7)(d) de la Loi sur la SV. Elle a reconnu le pouvoir que l’article 23(1) du Règlement sur la SV confère au ministre d’enquêter sur les liens du requérant au Canada, et elle a approuvé la demande que le ministre a formulée pour exiger le remboursement des prestations, dont le montant s’élève à 121 000 $. Je ne vois pas comment la division générale a commis une erreur de droit en aboutissant à ces conclusions.

III. La décision B. R. c Canada portait sur des faits différents

[19] Malgré le fait que ni la division générale ni les parties ne l’ont mentionnée, il serait négligent de ma part de ne pas parler de la décision B. R. c CanadaNote de bas page 3, une décision récente que la division d’appel a rendue dans une affaire où le requérant, après s’être d’abord vu accorder des prestations de la SV, se les est fait « reprendre » lorsque le ministre a changé d’avis et décidé que la résidence au Canada n’avait pas été établie. Après s’être prêté à un exercice minutieux d’interprétation des lois, mon collègue de la division d’appel a conclu qu’une fois que le ministre a approuvé une demande, l’étendue du pouvoir lui permettant de revoir l’admissibilité aux prestations de la SV est limitée. Les décisions rendues par les membres de la division d’appel ne sont pas contraignantes pour leurs collègues, mais nous cherchons tous et toutes à rendre des décisions cohérentes les unes avec les autres, même s’il s’agit d’un idéal parfois inatteignable.

[20] Cela dit, je remarque des divergences importantes entre les faits de la présente affaire et ceux décrits dans la décision B. R c Canada. Dans le cas présent, l’admissibilité du requérant à la pension de la SV a été établie et n’est pas remise en question. Le ministre convient qu’à titre de missionnaire travaillant à l’étranger, le requérant était un résident canadien quand il a eu 65 ansNote de bas page 4.

[21] En revanche, dans l’affaire B. R., le litige portait sur l’admissibilité du requérant à la pension de la SV et au SRG. La division d’appel a mis l’accent sur la pension — plus particulièrement sur la prétention du ministre voulant qu’il ait le pouvoir de révoquer la pension de la SV de façon rétroactive en se fondant essentiellement sur les mêmes renseignements dont il disposait lorsqu’il a approuvé la demande initiale. Toutefois, sans doute parce que la pension de la SV est un prérequis pour le SRG, la division d’appel n’a pas abordé précisément la question du pouvoir conféré au ministre de réviser ses décisions portant sur le SRG.

[22] Il s’agit d’un point important, car la pension de la SV et le SRG sont des prestations différentes. La première est une prestation à vie qui est accordée à la suite d’une demande unique et qui dépend principalement de la résidence antérieure du requérant ou de la requérante. La deuxième est une prestation temporaire qui est renouvelable par la présentation d’une demande chaque année et qui dépend principalement de la résidence actuelle du requérant ou de la requérante.

[23] La décision B. R. c Canada cherche à empêcher le ministre de modifier une décision sur l’admissibilité par l’ouverture d’une enquête plusieurs années après avoir accordé la pension de la SV pour questionner le requérant ou la requérante sur son lieu de résidence alors qu’il aurait très bien pu poser ces questions au moment où la demande a été présentée. Bien sûr, la décision B. R. c Canada envisage certaines circonstances où le ministre serait autorisé à réévaluer l’admissibilité continue des pensionnés et pensionnées aux prestations — par exemple quand les gens ont intentionnellement fait de fausses déclarations dans leur demande ou quand la résidence au Canada a été interrompue le lendemain de la décision initialeNote de bas page 5. Selon moi, dans le cas présent, le requérant se classe dans la deuxième catégorie.

[24] La division générale a jugé que le requérant ne s’était pas réinstallé au Canada après avoir pris sa retraite et avoir cessé de travailler comme missionnaire en 1997. En effet, les éléments de preuve à la disposition de la division générale semblent indiquer, selon l’examen qu’elle en a mené, que le requérant a brièvement mis les pieds au Canada en novembre 1997, puis est retourné définitivement en Europe. Rien de tout cela n’a nui à son admissibilité à la pension de la SV. Par contre, il s’ensuit qu’il n’a jamais été admissible au SRG.

[25] Lors de l’approbation de la demande initiale, le ministre a essentiellement cru le requérant sur parole; le ministre a cru qu’il était récemment revenu au Canada et était en train de rétablir ses liens au pays dans le but d’y rester pour longtemps. Nul doute que le ministre a été influencé par les déclarations du requérant selon lesquelles il avait un domicile à X et avait l’intention de prendre sa retraite au CanadaNote de bas page 6. Pendant 17 ans, au moment de renouveler le SRG chaque année, le ministre a continué de se fier à ces renseignements ainsi qu’aux formulaires de demande du SRG que le requérant a présentés ultérieurement. Même si le dossier ne comportait aucun de ces formulaires subséquents, il semble probable qu’une adresse canadienne y figurait, tout comme la demande initiale de pension de la SV. Il est également possible que, contrairement à ce qu’exigeaient les formulaires, le requérant ait omis de déclarer ses absences prolongées du Canada. Si tel est le cas, alors le requérant a possiblement induit le ministre en erreur quant à son lieu de résidence. On pourrait critiquer le ministre pour avoir supposé que le requérant résidait toujours au Canada, mais il est déraisonnable de s’attendre à ce qu’une organisation, même une qui possède les ressources du ministre, fasse annuellement une enquête approfondie pour déterminer le lieu de résidence de chaque bénéficiaire du SRG. En revanche, la demande de pension de la SV exige que le ministre évalue une seule fois si le requérant était un résident du Canada pendant une période de 10 à 40 ans.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, à savoir que les liens du requérant au Canada étaient faibles?

I. La division générale n’a commis aucune erreur en examinant la preuve

[26] Une grande partie des observations du requérant semble indiquer qu’il cherche essentiellement à faire de nouveau entendre l’essentiel de ses prétentions selon lesquelles il est résident du Canada depuis 1997. Je ne peux pas accueillir sa requête en raison des contraintes que m’impose l’article 58(1) de la LMEDS, qui autorise la division d’appel à examiner une seule chose, soit si la division générale a commis une erreur qui appartient à l’une ou l’autre de trois catégories bien définies. Ces contraintes empêchent effectivement la division d’appel de se pencher sur le bien-fondé de la preuve que la division générale a déjà examinée. Bref, un appel à la division d’appel ne sert pas à recommencer l’audience de la division générale.

[27] La division générale a rejeté l’appel du requérant parce qu’elle n’a trouvé que peu d’éléments de preuve montrant qu’il avait résidé au Canada après avoir pris sa retraite. Elle a conclu qu’après novembre 1997, le requérant avait seulement été présent au Canada à deux occasions de courte durée. La preuve démontre que le requérant a fait peu de choses pour se réinstaller au Canada, sauf ouvrir un compte de banque et produire annuellement ses déclarations de revenus par l’entremise de son commis comptable. La division générale a évalué ces éléments de preuve à la lumière des facteurs décrits dans l’affaire Ding Note de bas page 7pour conclure que le requérant habitait à l’extérieur du Canada depuis 20 ans. Dans son rôle de juge des faits, la division générale dispose d’une certaine marge de manœuvre dans sa façon d’apprécier la preuve, et je ne vois aucune raison d’intervenir dans la présente affaire pour en modifier la conclusion.

II. La division d’appel ne peut pas tenir compte de nouveaux éléments de preuve

[28] Dans la demande de permission d’appeler de la décision de la division générale, le requérant a inclus de nouveaux renseignements qu’il a préparés après la décision. Je ne peux pas tenir compte de ces documents, dont des passeports et des permis de conduire échus, puisque, comme je le mentionne plus haut, la LMEDS n’autorise pas la division d’appel à juger des arguments qui portent sur le bien-fondé de l’incapacité [sic]. Après la tenue d’une audience, très peu de raisons justifient la présentation de nouvelles informations ou de renseignements supplémentaires, bien que le requérant ait l’option de présenter à la division générale une demande d’annulation ou de modification de sa décisionNote de bas page 8.

Conclusion

[29] Compte tenu des motifs exposés précédemment, le requérant ne m’a pas démontré, tout compte fait, que la division générale a commis une erreur correspondant aux moyens d’appel énumérés à l’article 58(1) de la LMEDS.

[30] L’appel est donc rejeté.

Mode d’instruction :

Audience sur le fondement de la preuve documentaire

Comparutions :

M. R., appelant, non représenté
Tiffany Glover, représentante de l’intimé

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