Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Résumé :

SV – Le requérant a demandé le Supplément de revenu garanti (SRG) en septembre 2014. En mars 2015, le ministre a approuvé le versement des prestations à compter du mois d’octobre 2013. Sauf que par la suite, le ministre a changé d’avis et a décidé que le requérant n’était pas admissible au SRG de juillet 2014 à juin 2016 parce qu’il ne vivait pas au Canada durant cette période. Le ministre a maintenu sa décision après révision que le requérant a porté en appel à la division générale (DG).

De plus en plus de décisions du Tribunal ont déterminé que le ministre n’a pas le pouvoir de changer sa décision initiale de cette manière quand il accorde une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV). Le SRG est une prestation qui relève des mêmes loi et règlement que la pension de la SV. Ainsi, la DG a décidé que le ministre n’avait pas le pouvoir d’infirmer sa décision initiale sur le SRG. Dans la présente affaire, la décision initiale du ministre d’accorder le SRG en mars 2015 marque la date limite jusqu’à laquelle le ministre peut remonter pour effectuer une révision. Par conséquent, le ministre ne peut réexaminer l’admissibilité du requérant qu’après cette date, soit d’avril 2015 à juin 2016. Le ministre a aussi le droit de se faire rembourser les prestations de SRG versées en trop au requérant pendant cette période. Pour ce qui est des conclusions concernant les dates plus récentes, la DG a décidé que le requérant était résident du Canada depuis janvier 2018, et ce, sans interruption. La DG a donc conclu que le requérant avait droit au SRG depuis ce temps.

Contenu de la décision



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Décision

[1] Même si le requérant a cessé de résider au Canada en janvier 2000, il est admissible aux prestations du Supplément de revenu garanti (SRG) d’octobre 2013 à mars 2015, car le ministre n’a pas le pouvoir de réévaluer sa décision initiale de mars 2015 dans laquelle il accueillait la demande de SRG du requérant.

[2] Toutefois, le ministre a le pouvoir de réévaluer l’admissibilité du requérant au SRG pour la période allant de mars 2015 à juin 2016. Le ministre a le droit de recouvrer le trop-payé du SRG du requérant pour cette période.

[3] Le requérant a également le droit de recevoir le SRG à partir de janvier 2018.

Question préliminaire

[4] La question dont je suis saisie est celle de l’admissibilité du requérant au SRG.

[5] Le requérant a soulevé une autre question auprès du ministre. Elle portait sur une réévaluation du montant de ses versements de Sécurité de la vieillesse (SV). Le requérant se trouvait au Canada avec des permis de travail et d’études dans les années 1972 à 1977. En février 2014, le ministre a initialement déterminé que ces années comptaient dans le calcul de ses années de résidence au Canada aux fins de son admissibilité à la SVNote de bas de page 1. En janvier 2016, le ministre a modifié sa position et a informé le requérant que les années 1972 à 1977 ne comptaient pas comme période de résidence. En conséquence, il avait un trop-payé pour la période de septembre 2011 à juin 2014Note de bas de page 2.

[6] En mars 2018, le requérant a soulevé la question de sa pension de la SV auprès du ministre. Il a déclaré qu’il y avait eu une erreur dans le calcul de sa pension de la SVNote de bas de page 3. En avril 2018, le requérant a de nouveau soulevé la question, demandant que sa [traduction] « pétition reçoive une réponse plus favorable de Service Canada cette fois-ciNote de bas de page 4 ». Cette correspondance ayant dépassé le délai de 90 jours prescrit pour demander une révisionNote de bas de page 5, il est surprenant que le ministre n’ait pas considéré qu’il s’agissait d’une demande de révision tardive et n’ait pas décidé d’accorder ou non au requérant une prolongation du délai pour interjeter appel de la décision du ministre de janvier 2016.

[7] Plutôt, en janvier 2019, le ministre a envoyé au requérant une lettre de décision découlant de la révision qui ne faisait aucune mention de la question de la SVNote de bas de page 6.

[8] Je ne peux pas examiner un appel à moins qu’une décision découlant de la révision n’ait été priseNote de bas de page 7. C’est une décision découlant de la révision qui fait l’objet d’un appel. En vertu de la loi, je n’ai pas le pouvoir de rendre une décision sur la question de la SV du requérant, car il n’y a pas eu de décision découlant de la révision sur cette question.

[9] En ce qui concerne cette question, le requérant doit communiquer avec le ministre pour discuter de la meilleure marche à suivre pour aller de l’avant.

Aperçu

[10] Le requérant est né au Ghana en mars 1946 et est arrivé au Canada en septembre 1972. Il a obtenu son baccalauréat, sa maîtrise et son doctorat au pays. Il a ensuite travaillé pour diverses universités et divers organismes au CanadaNote de bas de page 8. Il est demeuré au Canada jusqu’en janvier 2000Note de bas de page 9, date à laquelle il est retourné au Ghana pour y travailler. Lors de l’audience, il a déclaré qu’il avait recommencé à résider au Canada en janvier 2018.

[11] Le requérant a présenté une demande de SRG en septembre 2014Note de bas de page 10. En mars 2015, le ministre a approuvé le versement du SRG au requérant à partir d’octobre 2013Note de bas de page 11.

[12] En mars 2018, le ministre a changé de position et a informé le requérant du fait qu’il n’était pas admissible au SRG de juillet 2014 à juin 2016 parce qu’il ne vivait pas au Canada pendant cette périodeNote de bas de page 12.

[13] Dans la lettre de révision de janvier 2019, le ministre a déclaré que le requérant n’avait pas droit au SRG pour la période allant de juillet 2014 à juin 2016 parce qu’il n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour permettre au ministre de déterminer ses années exactes de résidence. Il devait rembourser le trop-payé du SRG de 24 255,09 $ pour cette période. En outre, il n’a pas fourni suffisamment de renseignements pour étayer la conclusion selon laquelle il était retourné vivre de façon permanente au Canada en janvier 2018Note de bas de page 13.

[14] Le requérant a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[15] Le ministre avait-il le pouvoir de réévaluer l’admissibilité du requérant au SRG pour la période allant de juillet 2014 à juin 2016?

[16] Si oui, à partir de quelle date le ministre pourrait-il recouvrer les versements?

[17] Le requérant était-il un résident du Canada en janvier 2018, et donc admissible au SRG à partir de janvier 2018?

Analyse

Le ministre n’est pas autorisé à recouvrer les versements du SRG du requérant d’octobre 2013 à mars 2015, mais il est autorisé à recouvrer les versements d’avril 2015 à juin 2016

[18] L’admissibilité du requérant au SRG avant juin 2016 dépendait du fait qu’il recevait la pension de la SV, ce qui était le cas du requérant à tous les moments pertinents. Le requérant devait également satisfaire au critère relatif au revenu et avoir été résident du CanadaNote de bas de page 14.

[19] Lorsque le requérant a présenté une demande de SRG en août 2014 (pour les périodes de juillet 2012 à juin 2013, et de juillet 2013 à juillet 2014), il a donné comme adresse une résidence à BramptonNote de bas de page 15. En février 2015, il a présenté une demande de SRG pour la période allant de juillet 2014 à juin 2015, en indiquant la même adresse à BramptonNote de bas de page 16. En mars 2015, le ministre a approuvé le versement du SRG à partir d’octobre 2013Note de bas de page 17.

[20] En novembre 2017, le ministre a demandé au requérant de mettre à jour son dossier en remplissant un questionnaireNote de bas de page 18. En février 2018, le questionnaire rempli par le requérant indiquait qu’il avait vécu au Ghana de janvier 2000 à juillet 2012, et de décembre 2012 au 16 janvier 2018. Il a déclaré qu’il avait vécu principalement au Ghana depuis janvier 2000, mais qu’il ne pouvait pas se souvenir de dates précises, car il n’avait pas accès à ses passeports expirés. Il a déclaré qu’il se trouvait actuellement au Canada pour y rester, du moins c’est ce qu’il espéraitNote de bas de page 19. En mars 2018, il a confirmé cette information lors d’un appel téléphonique avec un représentant de Service Canada. Le ministre a mis sa demande de SRG [traduction] « en attente Note de bas de page 20».

[21] En mars 2018, le ministre a avisé le requérant du fait qu’il n’était pas admissible au SRG de juillet 2014 à juin 2016 parce qu’il ne résidait pas au Canada pendant cette périodeNote de bas de page 21. Cependant, le ministre a déterminé que le requérant avait droit au SRG à partir de janvier 2018. Le ministre a déclaré un trop-payé de 24 225,99 $ pour la période de juillet 2014 à juin 2016. Les retenues sur ses paiements mensuels commenceraient en avril 2018Note de bas de page 22.

[22] En octobre 2018, le ministre a demandé des renseignements supplémentaires, notamment les dossiers de voyage de l’Agence des services frontaliers du Canada depuis janvier 2013, tous les passeports de 2000 à aujourd’hui, les éléments de preuve concernant les départs du Canada, les renseignements financiers actuels et les renseignements actuels sur des questions telles que sa couverture médicale actuelle et son permis de conduireNote de bas de page 23.

[23] En octobre 2018, le requérant a présenté des entrées de passeport montrant qu’il avait quitté le Ghana le 16 janvier 2018 et qu’il était arrivé au Canada le jour suivant. Il n’y avait pas d’autres entrées montrant qu’il avait quitté le Canada depuis. Le requérant a également fourni des éléments de preuve concernant des rendez-vous médicaux au Canada au cours de la période de janvier à octobre 2018Note de bas de page 24.

[24] Dans la lettre de révision de janvier 2019, le ministre a déclaré que le requérant n’avait pas droit au SRG parce qu’il n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour permettre au ministre de déterminer ses années exactes de résidence. Le requérant serait tenu de rembourser le trop-payé de 24 255,09 $ du SRG pour la période allant de juillet 2014 à juin 2016. De plus, il n’a pas fourni suffisamment de renseignements pour appuyer la conclusion selon laquelle il est retourné vivre de façon permanente au Canada en janvier 2018Note de bas de page 25.

[25] Dans des observations datées d’octobre 2019, le ministre a déclaré que le requérant n’était pas admissible au SRG à compter d’octobre 2013Note de bas de page 26.

[26] Dans son avis d’appel d’avril 2019, le requérant a déclaré qu’il n’avait pas été en mesure de fournir tous les renseignements demandés parce qu’il était allé à l’extérieur du Canada d’octobre 2018 à janvier 2019Note de bas de page 27. Il a fourni des renseignements supplémentaires pour étayer sa déclaration selon laquelle il réside au Canada depuis janvier 2018.

[27] Lors de l’audience, le requérant a reconnu qu’il n’avait pas vécu au Canada de janvier 2000 à janvier 2018. Toutefois, là ne s’arrête pas l’affaire.

[28] Un corpus de jurisprudence du Tribunal en cours de développement prévoit que le ministre n’a pas le pouvoir de réévaluer une décision initiale dans laquelle une demande de pension de la SV a été accueillie. La prestation du SRG est régie par la même loi et le même règlement que la pension de la SV.

[29] Une décision récente de la division d’appel (DA), BR c MEDS (décision BRNote de bas de page 28), portait sur un requérant dont la demande de la SV avait initialement été accueillie. Le ministre est alors revenu sur sa position et a déclaré que le requérant n’avait pas droit aux deux années de prestations auxquelles il avait été jugé admissible dans la décision initiale d’admissibilité. Le ministre a exigé le remboursement des deux années de prestations.

[30] En examinant l’affaire, le membre de la DA a procédé à un examen minutieux de la loiNote de bas de page 29. Il a conclu que la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) ne conférait pas au ministre le pouvoir de réviser l’admissibilité initiale d’une partie requérante une fois qu’une demande de la SV avait été accueillie :

  • En tant que loi d’aide sociale, le régime de la SV doit être interprété de manière libéraleNote de bas de page 30.
  • « La loi favorise le caractère définitif des décisions rendues, et les pensionnés s’attendent légitimement à pouvoir se fier aux décisions du ministre quant à leur admissibilité. »  Si le ministre avait le pouvoir de réviser la décision initiale en matière d’admissibilité, il était raisonnable de s’attendre à ce que la loi soit clairement formulée à cet effet. Ce langage réglementaire clair, que l’on retrouve dans d’autres législations relatives aux prestations, est absent des dispositions de la Loi sur la SV et du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV)Note de bas de page 31.
  • Par exemple, la Loi sur la SV ne donne pas au ministre le pouvoir d’annuler ou de modifier une décision initiale en matière d’admissibilité en se fondant sur des « faits nouveaux » (faits qui n’auraient pas pu être découverts au moment où le ministre a pris sa décision initiale en matière d’admissibilité)Note de bas de page 32.
  • De plus, la Loi sur la SV ne donne pas au gouverneur en conseil le pouvoir de créer des règlements qui permettraient au ministre de modifier ses décisions antérieures en matière d’admissibilitéNote de bas de page 33.
  • En cas de fraude, la réparation du ministre consiste à émettre une punition par procédure sommaire ou à imposer une sanction pécuniaireNote de bas de page 34.
  • La Loi sur la SV révèle la possibilité que l’admissibilité d’un pensionné à des prestations de la SV ou du SRG, ou le montant, peuvent changer au fil du tempsNote de bas de page 35.

[31] La décision BR fait référence à « l’injustice profonde et [au] stress immense » que subissent les pensionnés en raison des réévaluations ministérielles de leur admissibilité en vertu de la Loi sur la SV et du Règlement sur la SV. Les demandes de remboursement ministérielles, qui surviennent parfois des années après la décision initiale, peuvent entraîner l’obligation pour les pensionnés de rembourser des trop-payés de 100 000 $ ou plusNote de bas de page 36. Lors de l’audience, le requérant a longuement commenté l’injustice du fait que le ministre ait changé d’avis sur son admissibilité aux prestations de la SV et du SRG.

[32] Je ne suis pas liée par la décision BR, mais je la trouve convaincante. La Loi sur la SV et le Règlement sur la SV s’appliquent au SRG ainsi qu’à la pension de la SV. Je n’arrive pas à trouver dans l’un ou l’autre document l’autorisation permettant au ministre d’annuler une décision initiale concernant l’admissibilité d’un pensionné au SRG.

[33] Le ministre n’a formulé aucune allégation de fraude à l’encontre du requérant. En outre, les renseignements figurant au dossier n’indiquent pas que le requérant a intentionnellement fait une fausse déclaration sur sa situation de vie dans ses communications avec le ministre. Dans le cadre de sa demande de prestations de la SV, il a informé le ministre à deux reprises en 2013‑2014 que son adresse était au GhanaNote de bas de page 37. De plus, les dossiers du ministre contiennent une note sur la correspondance adressée au requérant en février 2014, indiquant que le requérant vivait au Ghana depuis janvier 2000Note de bas de page 38.

[34] De plus, dans un questionnaire daté de janvier 2013, le requérant a déclaré qu’il avait résidé au Ghana de janvier 2000 à janvier 2013. Pendant cette période, a-t-il poursuivi, il passait généralement deux mois environ à Noël avec sa famille au Canada. Il allait retourner vivre au Ghana. Il avait prévu de revenir vivre au Canada éventuellement, [traduction] « mais les conditions [n’étaient] pas encore rempliesNote de bas de page 39 ». Si le ministre avait des questions sur le lieu de résidence du requérant lorsqu’il a présenté une demande de SRG en septembre 2014, en donnant l’adresse de Brampton, le ministre aurait pu se renseigner davantage. Le ministre ne l’a pas fait.

[35] La fois suivante où le ministre a demandé au requérant de remplir un questionnaire de résidence – cette fois pour la SV et le SRG – n’a eu lieu qu’en novembre 2017, soit près de cinq ans plus tardNote de bas de page 40. Lorsqu’il a rempli le deuxième questionnaire en février 2018, il a déclaré qu’il avait résidé au Ghana de janvier 2000 à janvier 2018 pendant tous les mois sauf pendant sept mois en 2012, lorsqu’il était au CanadaNote de bas de page 41. Lors de l’audience, le requérant a nié avec véhémence avoir tenté de tromper le ministre. Je le crois.

[36] En l’espèce, le requérant était en droit de recevoir les prestations après que le ministre les a approuvéesNote de bas de page 42, même si, en rétrospective, l’approbation initiale du ministre était erronée. Cependant, le ministre pouvait mettre fin à ses prestations après l’approbation si les circonstances du requérant le justifiaient.

[37] Bien que le ministre n’avait pas le pouvoir de réévaluer l’admissibilité initiale du requérant aux prestations du SRG, il avait le pouvoir de déterminer s’il n’était plus admissible aux prestations jusqu’en juin 2016, à partir de n’importe quel moment après mars 2015Note de bas de page 43.

[38] Même si le requérant a cessé de résider au Canada en janvier 2000, il peut bénéficier des prestations du SRG d’octobre 2013 à mars 2015. En effet, le ministre n’a pas le pouvoir de réévaluer ses décisions initiales de mars 2015 dans lesquelles il a approuvé la demande de SRG du requérant. Toutefois, le ministre a le pouvoir de réévaluer l’admissibilité du requérant au SRG pour la période allant d’avril 2015 à juin 2016. Le ministre a le droit de recouvrer le trop-payé de SRG du requérant pour cette période.

Le requérant était un résident du Canada en janvier 2018

[39] Comme il a été mentionné ci-dessus, pour être admissible au SRG, le requérant doit avoir résidé au Canada au cours de la période pertinente. Il y a une différence entre la notion de résidence et de présence. En vertu de la loi, une personne est considérée comme étant une résidente si elle établit sa demeure et vit ordinairement au Canada. Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du paysNote de bas de page 44.

[40] La résidence est une question de fait qui nécessite un examen de l’ensemble des circonstances du requérant. Les facteurs pertinents comprennent, sans s’y limiter, les liens sociaux au Canada, d’autres liens au Canada tels que l’assurance médicale et les dossiers d’impôt sur le revenu, ainsi que les liens sous forme de biens personnelsNote de bas de page 45.

[41] Une absence de moins d’un an et de nature temporaire n’interrompt pas la résidence d’une personneNote de bas de page 46.

[42] Il incombe au requérant de prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était un résident du Canada en janvier 2018Note de bas de page 47.

[43] Dans la lettre de révision de janvier 2019, le ministre a déclaré que le requérant n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’il était retourné vivre de façon permanente au Canada en janvier 2018Note de bas de page 48.

[44] Le requérant a fourni des billets d’avion indiquant qu’il est arrivé à Toronto en janvier 2018, qu’il est rentré au Ghana en octobre 2018 et qu’il est revenu au Canada en janvier 2019Note de bas de page 49. De plus, le requérant a informé le Tribunal qu’il était au Ghana de septembre 2019 à février 2020Note de bas de page 50. Il a confirmé toutes ces dates lors de l’audience.

[45] Lors de l’audience, le requérant a déclaré qu’il avait tenté de trouver un emploi d’enseignant à son retour au Canada en janvier 2018, mais sans succès. Très occasionnellement, il avait des réunions d’affaires ici. Lorsqu’on lui a demandé comment il passait ses journées, il a répondu qu’au Canada, il vivait la vie d’un retraité, se rendant périodiquement au Ghana pour changer de décor.

[46] Le requérant a déclaré qu’il avait les liens suivants avec le Canada en janvier 2018 :

  • Famille : sa conjointe, ses trois enfants et deux de ses frères et sœurs. Dans son questionnaire de février 2018, il a déclaré qu’il était rentré au Canada le mois précédent parce qu’il avait pris sa retraite et amélioré ses relations avec sa familleNote de bas de page 51.
  • Propriété :
    • Il a cédé la moitié des parts qu’il détenait dans la maison familiale à sa conjointe en 2003. Il vivait au Ghana la plupart du temps. En tant que propriétaire unique de la maison familiale, sa conjointe n’aurait pas besoin de sa signature lors de la renégociation du prêt hypothécaireNote de bas de page 52;
    • Sa conjointe paie toutes les factures liées à la maison;
    • Lorsqu’il est au Canada, il demeure toujours au domicile familial;
    • Son adresse postale au Canada est la même depuis 2000;
    • Lorsqu’il a quitté le Canada en 2000, il n’a pris que deux valises, laissant derrière lui ses meubles et ses autres biens personnelsNote de bas de page 53.
  • Autres liens :
    • Une carte d’assurance maladie : mars 2016 à mars 2022Note de bas de page 54;
    • Une preuve de rendez-vous médicaux en avril et en juillet 2018Note de bas de page 55;
    • Il a un médecin de famille et un dentisteNote de bas de page 56;
    • Il est citoyen canadien;
    • Il est titulaire d’un passeport canadien valide de décembre 2017 à décembre 2027Note de bas de page 57;
    • Il a rempli des déclarations de revenus au Canada, les plus récentes portant sur les années d’imposition 2016, 2017 et 2018Note de bas de page 58. Il prévoit de faire une déclaration de revenus au Canada pour l’année d’imposition 2019;
    • Il a fermé ses comptes d’épargne canadiens en janvier et en février 2018. Il a ouvert des comptes bancaires de base, un en janvier 2018 et un en septembre 2018, en faisant des demandes de crédit aux mêmes datesNote de bas de page 59. Au cours de l’audience, il a expliqué que lorsqu’il a décidé de retourner au Canada en 2018, le personnel de la banque lui a suggéré de transférer ses comptes vers des comptes à frais réduits adaptés aux personnes retraitées. Il disposait également d’un fonds de revenu viager autogéré dans une banque canadienneNote de bas de page 60;
    • Il n’a pas de voiture ou de permis de conduire au Canada (il n’a pas conduit au pays depuis 2000);
    • De petits versements aléatoires (environ 250 $ par mois) provenant de ses enfants adultes constituent son seul revenu en raison des retenues prélevées sur ses prestations. Il a déclaré qu’il utilisait ces revenus pour rembourser les impôts sur le revenu dus au gouvernement canadien.

[47] Le requérant a expliqué ses intérêts de propriété au Ghana. Avant janvier 2018, il louait un appartement de deux pièces dans ce pays. Vers janvier 2018, alors qu’il savait qu’il allait passer un long moment au Canada, il a vendu ses meubles et d’autres articles. Il n’a conservé que les objets dont il pensait avoir besoin à son retour au Ghana. Ces objets étaient entreposés chez sa sœur. Il a loué un appartement d’une pièce, où son neveu a vécu pendant son séjour au Canada. Lorsqu’il est retourné au Ghana en septembre 2019, il a quitté l’appartement et est resté chez sa sœur. De plus, en 2019, il a vendu sa voiture au Ghana. Il a un compte bancaire là-bas, mais pas de pension – il y a commencé sa carrière tardivement et a dû prendre sa retraite à 60 ans.

[48] Dans son questionnaire d’avril 2019, le requérant a indiqué qu’il possédait deux parcelles de terre au GhanaNote de bas de page 61. Lors de l’audience, il a expliqué que les parcelles consistaient en des terrains vacants, chacun d’environ 100 pieds sur 70 pieds. Depuis avril 2019, il n’a plus d’intérêt dans ces propriétés, car il n’a pas payé les frais afférents. Quelqu’un d’autre avait empiété sur les terres. Lorsqu’il s’est renseigné à ce sujet, il a appris que la rectification de la situation serait à un coût prohibitif.

[49] Dans son questionnaire d’avril 2019, le requérant a déclaré avoir travaillé au Ghana en tant qu’enseignant à temps partiel et en tant que consultant indépendant [traduction] « de 2006 à aujourd’hui ». Toutefois, il a également déclaré qu’il avait pris sa retraite en janvier 2018Note de bas de page 62. Lors de l’audience, il a déclaré qu’il n’a plus fait beaucoup d’affaires au Ghana après janvier 2018. Il n’a eu que des rencontres très occasionnelles. Lorsqu’il était au Ghana après cette date, il a passé un certain temps à arbitrer des désaccords familiaux sur la liquidation de la succession de son père.

[50] Le requérant a déclaré qu’il avait les liens supplémentaires suivants avec le Ghana :

  • Famille : 14 frères et sœurs et une belle-mère. Ses parents sont décédés. La famille est relativement unie, mais ses frères et sœurs ont tous leur propre famille.
  • Autres liens :
    • Il est un citoyen du Ghana ainsi que du Canada et avait un passeport de ce pays qui était valide de septembre 2017 à septembre 2022Note de bas de page 63;
    • Une carte de santé du Ghana : février 2017 à janvier 2022Note de bas de page 64;
    • Un permis de conduire du Ghana (aujourd’hui expiré parce qu’il ne l’a pas renouvelé, selon son témoignage)Note de bas de page 65;
    • Il n’a pas rempli de déclarations de revenus au Ghana en raison de difficultés bureaucratiquesNote de bas de page 66.

[51] J’estime qu’il est plus probable qu’improbable que le requérant ait résidé au Canada après janvier 2018. Il ne s’est pas absenté du Canada pendant plus de six mois après cette date. Il avait des liens familiaux dans les deux pays, mais sa conjointe et ses enfants sont tous au Canada, alors que ses liens familiaux au Ghana sont plus éloignés. Bien que ses liens familiaux au Canada n’aient pas été suffisants pour le retenir au pays pendant de nombreuses années, il a déclaré qu’en janvier 2018, ses relations avec sa famille au Canada étaient devenues plus étroitesNote de bas de page 67.

[52] Pendant un certain temps après janvier 2018, les liens de propriété du requérant étaient plus forts avec le Ghana qu’avec le Canada. Je ne trouve pas cela déterminant. Il est vrai qu’il n’avait aucun droit de propriété sur la maison à Brampton, alors qu’au Ghana, il avait un appartement en location et deux parcelles de terrain inoccupées. Cependant, son neveu vivait dans son appartement d’une pièce au Ghana lorsque le requérant était au Canada, de sorte qu’il n’était pas réservé à son usage exclusif. Il a déclaré qu’il s’était débarrassé de la plupart de ses meubles et de ses effets personnels au Ghana avant de déménager au Canada en janvier 2018. De plus, il a affirmé qu’il n’avait pas les moyens financiers nécessaires pour construire quoi que ce soit sur les parcelles de terre au Ghana ou pour en conserver le titre de propriété. En conséquence, j’estime que ses liens de propriété avec le Ghana étaient faibles.

[53] Les autres liens du requérant, tels que sa citoyenneté, ses passeports, son assurance maladie et ses comptes bancaires, sont à peu près égaux dans les deux pays. Depuis janvier 2018, il n’a fait qu’un minimum d’affaires dans les deux pays.

[54] Compte tenu de l’ensemble des circonstances, j’ai accordé plus de poids à ses liens familiaux plus forts au Canada et au fait que de janvier 2018 à février 2020, il a passé environ 17 mois au Canada, et seulement 8 mois au Ghana.

[55] Le requérant est admissible au SRG à compter de janvier 2018, sous réserve de la vérification de ses revenus et de ceux de sa conjointe, le cas échéant, et sous réserve de toute déduction découlant d’un trop-payé.

Conclusion

[56] Le ministre n’est pas autorisé à réévaluer les versements du SRG du requérant d’octobre 2013 à mars 2015, mais il est autorisé à réévaluer les versements d’avril 2015 à juin 2016.

[57] Le requérant est admissible au SRG à partir de janvier 2018.

[58] L’appel est accueilli en partie.

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