Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

Informations sur la décision

Résumé :

SV – À partir de 2011, le requérant a reçu une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) et le Supplément de revenu garanti. Son épouse, l’autre requérante, a commencé à recevoir l’allocation quelques années plus tard. Au cours d’une enquête menée par le ministre en 2015, le requérant a révélé qu’il était à l’étranger au moment de présenter sa demande de prestations. Il avait demandé à son fils de remplir sa demande. Le fils a signé le nom de son père sur la demande initiale de novembre 2010. Sur la base de ces renseignements, le ministre a déterminé que le formulaire n’était pas valide et que les requérants n’étaient pas admissibles aux prestations reçues avant juillet 2016. Cela a donné lieu à un important trop-payé. Les requérants ont fait appel de cette décision à la division générale (DG). La DG a rejeté leurs appels et a conclu que la demande de novembre 2010 n’était pas valide parce que le fils n’avait pas l’authorité formelle de signer au nom de son père. Le requérant a fait appel à la division d’appel (DA).

Selon la DG et le ministre, les seules personnes pouvant présenter une demande au nom d’une autre sont celles qui ont une quelconque autorisation écrite formelle pour le faire. La DA a déterminé que la DG avait commis une erreur de droit en n’interprétant pas les termes « qu’elle présente ou qui est présentée en son nom » dans la législation régissant la SV. La DA a estimé que le ministre avait le pouvoir d’établir le formulaire requis pour présenter une demande. Elle a également reconnu que la partie relative à la signature avait été mal remplie. Toutefois, la Loi et le Règlement sur la SV n’exigent pas des requérants qu’ils remplissent parfaitement leurs formulaires. Le requérant n’a pas fourni à son fils une autorisation écrite formelle puisque ses instructions étaient verbales. Mais cela ne devrait pas être fatal selon la loi. Les formulaires ministériels et les politiques internes ne font pas partie de la loi et ne peuvent pas imposer des obligations additionnelles qui n’existent pas de par la loi. La DA a accueilli l’appel et conclu que la demande de novembre 2010 était valide en se fondant sur sa propre interprétation de la loi. La DA a renvoyé l’affaire à la DG avec directives sur la façon de traiter le résultat de sa décision validant la demande.

Contenu de la décision



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Décision et motifs

Décision

[1] J’accueille les appels. Je renvoie également les dossiers à la division générale pour qu’elle tranche les questions en suspens exposées ci-dessous.

Aperçu

[2] S. C. et S. P. sont les requérants en l’espèce. Ils sont également mari et femme. Le ministre de l’Emploi et du Développement social leur a versé des prestations de sécurité de la vieillesse (SV) pendant de nombreuses années. S. C. touche la pension de la SV et le SRG depuis 2011. S. P. a commencé à recevoir l’Allocation quelques années plus tard.

[3] Le ministre a commencé à faire enquête sur les dossiers des requérants en 2015. Dans le cadre de ce processus, S. C. a déclaré à un enquêteur qu’il était à l’étranger lorsque le ministre l’a invité à présenter une demande de prestations de la SV. Il a donc demandé à son fils de remplir la demande en utilisant les renseignements qu’il a fournis. Le fils a signé le nom de son père sur la demande et l’a présentée en novembre 2010.

[4] Lorsque le ministre a découvert que le fils de S. C. avait signé son formulaire de demande, il a décidé que le formulaire était invalide. Cette décision a eu des conséquences très graves pour S. C. et S. P., même si les documents de S. P. ne posaient pas de problèmes.

[5] Les requérants ont rapidement présenté de nouvelles demandes de prestations de la SV en juin 2017 après avoir appris que le ministre considérait que la demande de S. C. de novembre 2010 était invalide. Le ministre a approuvé ces demandes, mais il a également décidé que les requérants n’étaient pas admissibles aux prestations qu’ils avaient reçues avant juillet 2016. Cela a donné lieu à un trop-payé de près de 100 000 $ dans leurs comptes.

[6] Les requérants ont interjeté appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal, mais celle‑ci a rejeté leurs appels. En résumé, la division générale a conclu que la demande de novembre 2010 était invalide parce que le fils de S. C. n’avait pas l’autorisation officielle de la signer au nom de son père.

[7] Les requérants interjettent maintenant appel de la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal. En toute déférence, je suis d’accord que la division générale a mal appliqué le droit aux faits de l’espèce. En conséquence, je rends la décision que la division générale aurait dû rendre : la demande de S. C. de novembre 2010 est valide et répond aux exigences légales.

[8] Toutefois, je renvoie ces dossiers à la division générale pour qu’elle se prononce sur des questions précises que j’ai énumérées ci-dessous.

Les appels sont joints

[9] Je joins les appels des requérants pour les raisons suivantesNote de bas de page 1 :

  1. ils dépendent tous deux de la validité de la demande de S. C. de novembre 2010;
  2. la jonction des appels ne risque pas de causer d’injustice aux parties;
  3. après avoir soulevé la question dans ma décision relative à la demande de permission d’en appeler, aucune des parties ne s’est opposée à la jonction des appelsNote de bas de page 2.

[10] Les documents auxquels je fais référence ci-dessous sont tirés du dossier de S. C.

Questions en litige

[11] Je me suis penché sur les questions suivantes pour rendre la présente décision :

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’interpréter les mots « qu’elle présente ou qui est présentée en son nom » qui figurent dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) et les mots « remplie par le demandeur ou en son nom » qui figurent dans le Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV)?
  2. la demande de S. C. de novembre 2010 répondait-telle aux exigences de la Loi sur la SV et du Règlement sur la SV?
  3. Qui devrait trancher les questions en suspens dans ces appels?

Analyse

[12] Je dois respecter la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) et les procédures qui y sont décrites. Par conséquent, je ne peux intervenir en l’espèce que si la division générale a commis une erreur pertinenteNote de bas de page 3.

[13] Dans les paragraphes ci-dessous, je me suis concentré sur la question de savoir si la décision de la division générale renferme une erreur de droitNote de bas de page 4. Selon le libellé de la Loi sur le MEDS, toute erreur de ce type pourrait me permettrait d’intervenir en l’espèceNote de bas de page 5.

La division générale a commis une erreur de droit en omettant d’interpréter les mots « qu’elle présente ou qui est présentée en son nom » et les mots « remplie par le demandeur ou en son nom ».

[14] Il y a plusieurs exigences que S. C. devait respecter pour toucher une pension de la SV. Ces exigences sont énoncées dans la Loi sur la SV et le Règlement sur la SV. Par exemple :

  1. a) l’article 5(1) de la Loi sur la SV prévoit que pour toucher une pension, une personne doit faire agréer la demande « qu’elle présente ou qui est présentée en son nom »;
  2. b) l’article 3(2) du Règlement sur la SV prévoit qu’une demande n’est réputée présentée que si une formule de demande « remplie par le demandeur ou en son nom » est reçue par le ministre.

[15] Le ministre peut aussi exiger que les personnes qui présentent une demande utilisent un formulaire précisNote de bas de page 6.

[16] S. C. a transmis sa demande au ministre à l’aide du formulaire approprié, mais c’est son fils qui a rempli et signé le formulaire.

[17] La dernière page du formulaire de demande comportait un endroit pour la signature de S. CNote de bas de page 7. Si une autre personne signait la demande au nom de S. C., le formulaire demandait à cette personne de fournir une preuve que S. C. l’avait autorisée à le faire. Le formulaire demandait également à cette personne de communiquer avec Service Canada pour connaître les documents qui seraient acceptés comme preuve d’autorisation.

[18] Cependant, le fils de S. C. n’a pas signé son propre nom sur le formulaire de demande. Il n’a pas non plus fourni de preuve que son père l’avait autorisé à présenter le formulaire en son nom. Au lieu de cela, il a signé le nom de son père sur le formulaire.

[19] S. C. fait néanmoins valoir que son fils a présenté la demande suite à son autorisation verbale expresse. Par conséquent, il a satisfait aux exigences de la Loi sur la SV et du Règlement sur la SV, car son fils a rempli et présenté le formulaire de demande en son nom.

[20] La division générale n’était pas d’accord. Elle a conclu que le formulaire de demande de novembre 2010 n’avait pas été présenté par S. C. ou en son nom. Le formulaire avait plutôt été présenté par une personne qui, à la demande de S. C., avait signé comme si elle était S. C. En particulier, la division générale a souligné que S. C. n’avait pas donné à son fils une procuration ou une autre autorisation officielle quelconque pour signer en son nomNote de bas de page 8.

[21] Le ministre affirme que la division générale a rendu la bonne décision. Cependant, il semble être parvenu à cette conclusion d’une manière très différente. En effet, le ministre fonde ses arguments sur divers articles de la Loi sur la SV et du Règlement sur la SV, le Code civil du Québec et certaines politiques ministérielles. Toutefois, peu de ces autorités sont mentionnées, et encore moins analysées, dans la décision de la division générale.

[22] En toute déférence, je conclus que la division générale a commis une erreur de droit en l’espèce. L’interprétation correcte des mots « qu’elle présente ou qui est présentée en son nom » et « remplie par le demandeur ou en son nom » est déterminante pour l’issue de la présente affaire.

[23] La division générale a effectivement interprété étroitement les mots « qu’elle présente ou qui est présentée en son nom » et « remplie par le demandeur ou en son nom ». Selon son interprétation, les seules personnes qui peuvent remplir et présenter une demande au nom d’une autre personne sont celles qui ont une quelconque autorisation écrite officielle pour le faire. À mon avis, la division générale devait interpréter les articles pertinents de la Loi sur la SV et du Règlement sur la SV avant de tirer cette conclusion.

[24] En omettant de le faire, la division générale a commis une erreur de droit telle que définie à l’article 58(1)(b) de la Loi sur le MEDS.

La demande de novembre 2010 satisfait aux exigences de la Loi sur la SV et du Règlement sur la SV.

[25] Compte tenu de l’erreur de la division générale, j’ai décidé de donner ma propre interprétation des exigences juridiques en question et de rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 9. Je vais donc évaluer si le fils de S. C. a présenté la demande de novembre 2010 au nom de son père.

[26] J’ai décidé que c’était le meilleur moyen de corriger l’erreur de la division générale, car les questions que j’examinerai sont essentiellement de nature juridique. En outre, les parties s’accordent sur les faits pertinents relatifs à ces questions.

[27] Le ministre fait valoir que S. C. ne pouvait pas autoriser verbalement son fils à présenter une demande de prestations de la SV en son nom simplement parce que c’était plus commode. Le ministre soutient que les autorisations de tierces parties ne peuvent être utilisées que lorsqu’il les considère nécessaires et en bonne et due forme.

[28] En ce qui concerne la nécessité d’une autorisation d’une tierce partie, le ministre met l’accent sur les personnes qui sont incapables de gérer leurs propres affaires et de présenter une demande de prestations de la SV elles-mêmes. À l’appui de cet argument, le ministre invoque son pouvoir de prendre des règlements prévu à l’article 34(o) de la Loi sur la SV :

34 Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements d’application de la présente loi et, notamment :

[…]

o) prévoir la façon d’établir l’incapacité d’une personne, par suite d’infirmité, de maladie, d’aliénation mentale ou d’autre cause, de gérer ses propres affaires et les éléments de preuve correspondants, préciser la personne ou l’organisme autorisés à représenter l’incapable dans le cadre des demandes, déclarations ou autres actes prévus par la présente loi et à qui les prestations doivent être versées pour le compte de cet incapable, et fixer les modalités de gestion et de dépense des prestations ainsi que la façon d’en rendre compte;

[29] Ce pouvoir est énoncé à l’article 4(1) du Règlement sur la SV, qui prévoit ce qui suit :

4 (1) Lorsque le ministre juge qu’une personne est incapable, pour une raison suffisante, de présenter une demande de révision ou d’interjeter appel, ou de présenter une demande, une déclaration ou un avis, une personne ou un organisme compétent peut le faire au nom de cette personne.

[30] Le ministre s’appuie également sur sa politique intitulée « Administration par une tierce partie », bien que cette politique ne semble pas être accessible au publicNote de bas de page 10. Selon cette politique, le ministre doit évaluer les modalités et la validité d’une autorisation d’une tierce partie. Il s’ensuit donc que ces autorisations doivent être données par écrit.

[31] Le ministre soutient également que les autorisations de tierces parties doivent être conformes aux lois provinciales : en l’occurrence, à l’article 2130 du Code civil du Québec.

[32] En résumé, le ministre soutient qu’une personne ne peut présenter une demande de pension de la SV au nom d’une autre personne que dans des circonstances précises.

[33] Je rejette respectueusement les arguments du ministre. À mon avis, le fils de S. C. a présenté la demande de novembre 2010 au nom de son père. Par conséquent, elle répondait aux exigences de la Loi sur la SV et du Règlement sur la SV.

[34] Pour tirer cette conclusion, j’ai examiné les mots « qu’elle présente ou qui est présentée en son nom » qui figurent à l’article 5(1) de la Loi sur la SV et les mots « remplie par le demandeur ou en son nom » qui figurent à l’article 3(2) du Règlement sur la SV ainsi que leur contexte et l’intention derrière ceux-ciNote de bas de page 11.

  1. a) Le libellé de ces dispositions est clair et ne prévoit pas de restrictions. Une personne peut présenter sa propre demande ou autoriser un représentant à présenter la demande en son nom. Ces dispositions ne donnent pas au ministre le pouvoir d’évaluer les raisons pour lesquelles la personne qui présente une demande a fait appel à une représentante ou un représentant pour présenter sa demande. Une personne qui présente une demande demeure cependant responsable des renseignements que sa représentante ou son représentant fournit au ministre.
  2. b) Les dispositions légales que le ministre a invoquées ne fournissent pas le contexte approprié pour interpréter l’article 5(1) de la Loi sur la SV et l’article 3(2) du Règlement sur la SV. Les dispositions soulignées par le ministre – en particulier l’article 34(o) de la Loi sur la SV et l’article 4(1) du Règlement sur la SV – concernent un sous-groupe particulier de personnes qui présentent une demande : celles qui ne sont pas en mesure de gérer leurs propres affaires. Ces dernières comptent parmi les personnes qui présentent une demande les plus vulnérables. La Loi sur la SV et le Règlement sur la SV comportent des dispositions spéciales pour que ces personnes puissent toucher leurs prestations, même si elles sont incapables de présenter leurs propres demandes ou de nommer leurs propres représentantes ou représentants. Les mêmes considérations ne s’appliquent pas aux personnes qui sont capables de présenter leurs propres demandes et de nommer leurs propres représentantes ou représentants.
  3. c) Une interprétation large des dispositions pertinentes est également conforme à l’objectif du régime de la SV. En effet, les tribunaux ont discuté de l’objectif altruiste du régime de la SV et ont décidé que la Loi sur la SV devait être interprétée de façon large, afin que les gens ne soient pas privés inconsidérément de leur droit aux prestations de la SVNote de bas de page 12. En fait, on tend à faciliter de plus en plus la demande des prestations de la SV. Certaines personnes sont automatiquement inscrites au programme de la SV, et les autres peuvent présenter leur demande en ligne.

[35] Je reconnais que le ministre avait le droit d’établir le formulaire que S. C. devait utiliser pour présenter sa demande et que la partie de la signature de la demande de S. C. de novembre 2010 a été mal remplie.

[36] Toutefois, la Loi sur la SV et le Règlement de la SV n’exigent pas que les personnes qui présentent une demande remplissent leur formulaire parfaitement. Dans ma décision relative à la demande de permission d’en appeler, par exemple, j’ai demandé des précisions sur les situations dans lesquelles une demande est déclarée invalide, par opposition à une irrégularité plus bénigne. Toutefois, le ministre ne m’a pas indiqué de politiques ou de procédures qui l’amèneraient à déclarer un formulaire de demande invalide, même si un renseignement essentiel était manquant ou mal inscrit.

[37] En d’autres termes, si le ministre avait découvert le problème dans le formulaire de demande de novembre 2010 à peu près au moment où il a été présenté, aurait-il immédiatement déclaré la demande invalide ou aurait-il donné à S. C. la possibilité de corriger le problème?

[38] À l’audience qui s’est déroulée devant moi, le représentant du ministre a également fait valoir qu’en présentant une demande mal remplie, S. C. avait amené le ministre à rendre la mauvaise décision et qu’en raison de cette mauvaise décision, les requérants avaient touché des prestations de la SV auxquelles ils n’étaient pas admissibles.

[39] Je ne peux retenir cet argument. Rien ne prouve que le ministre aurait évalué différemment la demande de S. C. s’il s’était rendu compte qu’elle avait été signée par le fils de S. C. Le ministre a plutôt évalué la demande de novembre 2010 de la façon qu’il jugeait appropriée et a conclu que S. C. était admissible aux prestations de la SV.

[40] Je reconnais également que S. C. n’a donné à son fils aucune autorisation écrite officielle. Toutefois, le représentant du ministre n’a pas pu me signaler d’article de la Loi sur la SV, du Règlement sur la SV ou du Code civil du Québec qui exige que les autorisations soient données par écrit.

[41] Le représentant du ministre a plutôt mis l’accent sur le texte du formulaire de demande de pension de la SV et les exigences d’une politique ministérielle. Cependant, les formulaires et les politiques internes ne font pas partie de la loi et ne peuvent pas créer d’obligations additionnelles qui n’existent pas dans la loi.

[42] En l’espèce, il n’est pas contesté que S. C. a dit à son fils quoi inscrire dans son formulaire de demande et qu’il lui a demandé de le présenter au ministre. En conséquence, je conclus que le fils de S. C. a présenté la demande de novembre 2010 au nom de son père et qu’il a satisfait aux exigences de la Loi sur la SV et du Règlement sur la SV.

La division générale devrait trancher les questions en suspens dans ces appels.

[43] Même si la demande de novembre 2010 est valide, comme je l’ai conclu ci-dessus, le ministre soutient qu’il a quand même versé à S. C. un trop-payé de prestations de la SV d’environ 37 000 $Note de bas de page 13. Toutefois, cette conclusion réduit le trop-payé de S. P. à zéro.

[44] Le trop-payé restant est lié à une autre condition d’admissibilité. Pour obtenir des prestations de la SV, une partie requérante doit également résider au Canada pendant un certain nombre d’années. Au moment d’examiner les demandes des requérants de juin 2017, le ministre a également réévalué leur période de résidence au Canada.

[45] Dans le cadre de cette réévaluation, le ministre a conclu que S. C. n’avait pas résidé au Canada du 19 décembre 1994 au 13 avril 2010, ce qui a retardé son admissibilité aux prestations de la SV. Le ministre soutient que la nouvelle évaluation de la résidence de S. C. s’applique, peu importe si la demande de novembre 2010 est valide.

[46] L’évaluation de la période de résidence au Canada d’une personne est une tâche que le Tribunal accomplit régulièrement. Elle consiste en une évaluation détaillée de la solidité des liens d’une personne avec le Canada au fil du temps et en l’espèce, la période pertinente remonte à plusieurs années.

[47] Cependant, tout le monde au niveau de la division générale s’est concentré sur la validité du formulaire de demande de novembre 2010. En effet, l’audience devant la division générale a duré moins de 13 minutes.

[48] Toutefois, comme j’ai estimé que la demande de novembre 2010 était valide, une question importante se pose concernant les limites des pouvoirs du ministre. Par exemple, j’ai conclu dans des affaires précédentes que le ministre n’avait pas le pouvoir de modifier une décision initiale sur l’admissibilité (décision d’agrément)Note de bas de page 14. J’ai fondé ces décisions sur une interprétation de l’article 23 du Règlement sur la SV.

[49] Les requérants ont soulevé cette question lorsqu’ils ont demandé comment le ministre avait pu attendre sept ans avant de réévaluer leurs dossiersNote de bas de page 15 et la justice exige que le Tribunal examine maintenant cette possible limitation des pouvoirs du ministreNote de bas de page 16.

[50] Selon la réponse à cette question, les requérants pourraient également être en mesure de prouver qu’ils comptent plus d’années de résidence au Canada que ce que le ministre a déjà reconnu. Toutefois, par souci d’équité envers les parties, la division générale devrait examiner ces questions en premier lieu, car elle est la seule à pouvoir accepter toute nouvelle preuve que les parties pourraient vouloir présenter.

[51] Par conséquent, je renvoie ces dossiers à la division générale avec les directives exposées ci-dessous afin qu’elle tranche les questions suivantes :

  1. En l’espèce, le ministre avait-il le pouvoir de modifier sa décision initiale d’agrément d’août 2011Note de bas de page 17?
  2. Si le ministre avait le pouvoir de modifier sa décision initiale d’agrément, quelle est la période de résidence au Canada de S. C. et de S. P.?
  3. La division générale tiendra une conférence préparatoire au cours de laquelle les parties pourront discuter des conséquences de cette décision et préciser ou même abandonner certaines des questions ci-dessus. Au besoin, la division générale accordera également aux parties un délai raisonnable pour déposer de nouveaux éléments de preuve et de nouvelles observations.

[52] De plus, les parties pourraient essayer de négocier une solution appropriée aux questions en suspens dans ces appels.

Conclusion

[53] J’accueille les appels. J’ai conclu que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’interpréter les mots « qu’elle présente ou qui est présentée en son nom » qui figurent dans la Loi sur la SV et les mots « remplie par le demandeur ou en son nom » qui figurent dans le Règlement sur la SV. J’ai donné ma propre interprétation de ces mots et j’ai conclu que le fils de S. C. avait dûment présenté la demande de novembre 2010 au nom de son père. Toutefois, j’ai également cerné certaines questions en suspens, que je demande à la division générale de trancher.

 

Date de l’audience :

Le 29 avril 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

S. P. et S. C., appelants

Suzette Bernard et Marcus Dirnberger (observateur), représentants de l’intimé

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