Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision

[1] La requérante a commencé à résider au Canada le 23 février 1992. Elle est donc admissible à une pension partielle de la Sécurité de la vieillesse (SV) plus élevée que celle accordée par le ministre.

Aperçu

[2] La requérante est une femme de 67 ans, née en Angleterre. Elle est arrivée au Canada en février 1992 et elle est devenue résidente permanente en juillet 1995.

[3] La requérante a présenté une demande de pension de la SV en novembre 2017. Le ministre a approuvé la demande et lui a accordé une pension partielle de 23/40e de la pension complète à compter d’avril 2018 (le mois suivant son 65e anniversaire). La requérante a demandé au ministre de réviser le montant de sa pension partielle, car elle pensait avoir droit à une pension partielle de 26/40e (au lieu de 23/40e). Le ministre a revu sa décision, mais a décidé de maintenir le montant initial de 23/40e. La requérante a fait appel de la décision issue de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Question(s) en litige

[4] Je dois décider si la requérante résidait au Canada du 23 février 1992 au 6 août 1994.

Exigences d’admissibilité

[5] Pour recevoir une pension de la SV, toute personne doitFootnote 1 :

  • être âgée d’au moins 65 ans;
  • avoir le statut de résident légal du Canada;
  • avoir résidé au Canada après l’âge de 18 ans.

[6] Une pleine pension de la SV est payable à toute personne ayant résidé au Canada pendant au moins 40 ans après l’âge de 18 ansFootnote 2. Si la personne n’a pas résidé au Canada pendant au moins 40 ans, la loi prévoit la possibilité de verser une pension partielle. Une pension partielle est versée à toute personne qui a résidé au Canada pendant au moins 10 ansFootnote 3. Par exemple, si une personne a résidé au Canada pendant 10 ans après l’âge de 18 ans (et remplit également les autres conditions d’admissibilité), elle aura droit à une pension partielle de la SV de 10/40e (ou un quart d’une pension complète de la SV).

[7] La législation de la SV établit une distinction entre la résidence au Canada et la présence au Canada. Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du CanadaFootnote 4. Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaFootnote 5.

[8] Il y a plusieurs facteurs qui sont pertinents pour décider si une personne a établi sa demeure et a vécu ordinairement au Canada. Ces facteurs comprennent, sans s’y limiterFootnote 6 :

  • les liens sous la forme de biens personnels (c.-à-d. une maison, une entreprise, du mobilier, une automobile, un compte bancaire, une carte de crédit);
  • les liens sociaux au Canada (c.-à-d. une adhésion à des organisations ou associations ou des affiliations professionnelles);
  • d’autres liens au Canada (c.-à-d. une assurance-hospitalisation et médicale, un permis de conduire, une location, un bail, un contrat de prêt ou hypothécaire, des relevés d’impôts fonciers, une liste électorale, des polices d’assurance-vie, des contrats, des registres publics, des dossiers d’immigration et des passeports, des registres de services sociaux provinciaux, des relevés de régime de pension publics et privés, des relevés d’impôt sur le revenu fédéraux et provinciaux);
  • les liens dans un autre pays;
  • la régularité et la durée des séjours au Canada ainsi que la fréquence et la durée des absences du Canada;
  • le mode de vie de la personne (c.‑à‑d. si la personne vivant au Canada y est suffisamment enracinée et établie).

Analyse

Une seule période est en litige.

[9] Le ministre reconnaît que la requérante a résidé au Canada de façon continue du 6 août 1994 à mars 2018 (son 65e anniversaire). Le ministre a expliqué qu’il avait choisi le 6 août 1994 comme date de début de la résidence au Canada de la requérante parce que celle-ci avait déclaré avoir décidé de vivre de façon permanente au Canada au cours de l’été 1994. Le ministre a également expliqué que lorsqu’une partie demanderesse fait une déclaration générale sur un événement qui se produit pendant l’« été », la politique du ministre est d’utiliser la date du « 6 août »Footnote 7.

[10] La requérante fait valoir qu’elle a commencé à résider au Canada avant le 6 août 1994. Plus précisément, elle affirme que le début de sa résidence au Canada remonte au 23 février 1992 (date de son arrivée au Canada).

[11] Je ne vois aucune raison de remettre en cause la conclusion du ministre concernant la période de résidence du 6 août 1994 au 31 mars 2018. Mon analyse portera donc sur la question de la résidence au Canada à partir du 23 février 1992 jusqu’au 6 août 1994.

La requérante a probablement commencé à résider au Canada en février 1992.

[12] Le ministre reconnaît que la requérante était présente au Canada du 23 février 1992 au 6 août 1994. Toutefois, le ministre fait valoir qu’elle ne résidait pas au Canada entre le 23 février 1992 et le 6 août 1994 parce que, durant cette période, elle n’avait pas l’intention de rester au Canada de façon permanente. À l’appui de sa position, le ministre fait référence à un questionnaire que la requérante a rempli en mars 2018. Dans ce questionnaire, elle a indiqué que, lorsqu’elle est arrivée au Canada pour la première fois, elle n’avait pas l’intention d’y vivre de façon permanente. Elle a également indiqué qu’elle avait décidé de vivre au Canada de façon permanente au cours de l’été 1994Footnote 8.

[13] Je peux comprendre pourquoi les informations que la requérante a communiquées dans le questionnaire ont interpellé le ministre. Toutefois, après avoir entendu la requérante et pris connaissance de sa situation pendant la période en litige, je conclus qu’elle a probablement commencé à résider au Canada le 23 février 1992.

[14] La requérante a expliqué qu’elle avait fait une erreur en remplissant le questionnaire. Elle a déclaré que les deux questions en cause (questions (iii) et (iv)) utilisaient le terme « de façon permanenteFootnote 9 », et qu’elle avait concentré son attention sur ces mots. Elle a également expliqué qu’elle avait écrit dans le questionnaire qu’elle avait décidé de vivre de façon permanente au Canada au cours de l’été 1994 parce que c’est à ce moment-là qu’elle avait présenté une demande de résidence permanente et qu’elle pensait devoir prouver son intention au moyen de sa demande de résidence permanente.

[15] L’explication de la requérante me paraît logique, en particulier dans le contexte de sa situation. La requérante est venue au Canada parce que son mari (qui est ingénieur) s’est vu offrir un contrat d’un an pour travailler au Canada. Elle a expliqué que lorsqu’elle est arrivée au Canada en février 1992, elle et son mari savaient qu’ils voulaient vivre ici, mais qu’à cette époque, ils ne pouvaient pas dire qu’ils vivraient au Canada de façon permanente parce qu’ils ne savaient pas si le contrat de travail du mari de la requérante serait renouvelé au bout d’un an. Elle a dit qu’ils avaient toujours espéré que les choses se passeraient bien afin de pouvoir s’installer au Canada. Étant donné que la requérante a expliqué pourquoi elle a rempli le questionnaire comme elle l’a fait, je suis réticente à utiliser ce questionnaire comme preuve que la requérante n’avait pas l’intention de vivre au Canada à son arrivée en 1992. Je peux comprendre que l’utilisation du terme « de façon permanente » dans le questionnaire ait été source de confusion pour la requérante, d’autant plus que la législation de la SV ne rend pas la résidence au Canada conditionnelle au fait de s’y établir de façon permanente.

[16] Il existe d’autres éléments de preuve qui permettent de conclure que la résidence de la requérante au Canada a commencé en février 1992.

[17] Premièrement, pendant toute la période en litige (de février 1992 à août 1994), la requérante n’est jamais retournée en Angleterre. La requérante a témoigné que son premier voyage de retour en Angleterre a eu lieu en décembre 1994. À l’exception de courts voyages aux États-Unis pour les vacances, la requérante est restée au Canada.

[18] Deuxièmement, lorsque la requérante est arrivée au Canada en février 1992, elle est venue avec ses deux jeunes enfants (nés en 1984 et 1987) et, fait significatif, elle a inscrit son aîné à l’école au Canada. (Le cadet n’était pas encore en âge de commencer l’école lorsque la requérante est arrivée au Canada.)

[19] Troisièmement, pendant la période en litige, la requérante et son mari ont loué un appartement à Montréal pour y vivre avec leurs enfants. La requérante a témoigné que son mari était arrivé au Canada environ 6 à 8 semaines avant qu’elle n’arrive avec leurs enfants, et que son mari avait trouvé l’appartement pour la famille. La requérante a témoigné qu’elle (et sa famille immédiate) a vécu dans cet appartement pendant environ un an et a ensuite déménagé dans un appartement plus grand dans le même immeuble. Ils ont vécu dans l’appartement plus grand pendant environ 18 mois.

[20] Je n’ai pas de preuve documentaire corroborant le témoignage de la requérante, mais je n’ai aucune raison de mettre en doute sa crédibilité. Elle a fourni ses éléments de preuve de manière franche et a reconnu des faits (comme la possession d’une résidence à Londres, en Angleterre) même si ces faits pouvaient ne pas être considérés comme favorables à sa cause.

[21] Dans l’ensemble, je considère le logement locatif comme un élément appuyant la conclusion de résidence au Canada, d’autant plus que la requérante a également témoigné que les contrats de location des appartements de Montréal étaient d’une durée d’au moins un an. Il ne s’agit pas d’un cas où, par exemple, la partie requérante loge simplement chez sa famille ou ses amis ou à l’hôtel pendant son séjour au Canada.

[22] Quant à la possession d’une résidence en Angleterre par la requérante, celle-ci a témoigné que pendant la période en litige, elle et son mari possédaient une maison familiale à Londres et une maison de vacances, toutes deux en Angleterre. Ils ont vendu la maison de vacances en 1995 ou 1996 (la requérante ne se souvenait pas de la date exacte, mais elle a reconnu que c’était après août 1994) et ils ont vendu la maison familiale en 1998. Je reconnais que le fait que la requérante était propriétaire de maisons en Angleterre montre que ses liens prenant la forme de biens personnels étaient plus forts avec l’Angleterre qu’avec le Canada pendant la période en litige. Toutefois, je ne peux pas ignorer le fait que la requérante n’a pas séjourné dans l’une ou l’autre de ces maisons pendant la période en litige. Elle a témoigné qu’elle avait loué sa maison familiale juste avant de venir au Canada en février 1992. Étant donné que la requérante passait tout son temps au Canada et qu’elle vivait dans des logements locatifs à Montréal, je ne peux pas, sur la base de ces faits, accorder une grande importance au facteur des biens personnels.

[23] Quatrièmement, le mari de la requérante (A. K.) a témoigné lors de l’audience et il m’a dit qu’il touchait sa pension de la SV dans une proportion de 27/40e. En d’autres termes, il a dit que le ministre l’avait traité différemment de son épouse en ce sens que le ministre n’a pas remis en question sa résidence au Canada à partir de la date de son arrivée (environ 6 à 8 semaines avant celle de la requérante). Je sais que le mari de la requérante travaillait au Canada (et payait des impôts sur le revenu au Canada) pendant la période en litige, mais cela ne constitue pas en soi (à mon avis) une raison suffisante pour reconnaître la résidence au mari de la requérante et non à cette dernière. Ils vivaient ensemble en tant que famille.

[24] Cinquièmement, la requérante et son mari ont fourni une explication raisonnable de la raison pour laquelle ils n’ont pas présenté de demande de résidence permanente avant l’été 1994. Ils ont déclaré avoir compris que s’ils l’avaient fait alors qu’ils vivaient au Québec, leur demande n’aurait peut-être pas été acceptée parce qu’ils croyaient que le Québec exigeait qu’ils maîtrisent le français. Par conséquent, ils ont attendu d’être à Terre-Neuve pour présenter leur demande de résidence permanente.

Conclusion

[25] L’appel est accueilli. La requérante a résidé au Canada du 23 février 1992 jusqu’au 6 août 1994, sans interruption.

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