Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : FC c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 823

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1118

ENTRE :

F. C.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Pierre Vanderhout
Requérant représenté par : X. Y.
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 12 août 2020
Date de la décision : Le 17 août 2020

Sur cette page

Décision

[1] En date du 10 avril 2019, le requérant avait accumulé 6 ans et 313 jours de résidence canadienne. Cela ne suffit pas pour être admissible à une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV). Toutefois, aucune période de résidence après le 10 avril 2019 n’a été évaluée.

Aperçu

[2] Le requérant est né en Chine en 1934. Il est arrivé au Canada pour la première fois au Canada le 20 septembre 1999. Il voyageait toujours avec sa femme, D. Y. (D.). Leur fille, Y. C., étudiait au Canada et est toujours au Canada en ce moment. Y. C. est mariée à X. Y. (X.). X. Y. était le représentant du requérant dans cette instance. Depuis 1999, le requérant et D. Y. ont passé des périodes de temps prolongées à la fois au Canada et en Chine. Ils sont citoyens chinois, mais ont obtenu leur résidence permanente au Canada le 19 décembre 2003Note de bas de page 1.

[3] Le ministre a reçu la demande de pension de la SV du requérant le 27 juillet 2018. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. Dans sa décision découlant de la révision, le ministre a affirmé que le requérant avait accumulé 6 ans et 313 jours de résidence au Canada. Le requérant a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[4] Pour être admissible à une pension de la SV, le requérant doit répondre aux critères énoncés dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Pour obtenir une pleine pension de la SV, il devrait normalement avoir accumulé 40 années de résidence au Canada, bien qu’il existe certaines exceptions à cette règle qui ne s’appliquent pas au requérantNote de bas de page 2. Pour obtenir une pension partielle de la SV, il doit avoir accumulé au moins dix années de résidence au Canada. Toutefois, s’il a accumulé moins de 20 années de résidence au Canada, il doit également résider au Canada pour être admissibleNote de bas de page 3.

Questions préliminaires

[5] Au début de l’audience, j’ai confirmé que j’allais évaluer la résidence du requérant jusqu’au 10 avril 2019 (date de la décision découlant de la révision). Cette question avait déjà été abordée lors de la conférence préparatoire du 28 juillet 2020. J’ai entendu l’appel du requérant en même temps que celui de D. Y., puisque les circonstances étaient plus ou moins identiques. J’ai rendu une décision distincte pour D. Y.

[6] Bien que X. Y. soit le représentant du requérant, il n’est pas un juriste professionnel. Il aidait le requérant et D. Y. parce qu’il était leur gendre et qu’il parlait bien l’anglais. Ni le requérant ni D. Y. ne parlent anglais. Ils sont par ailleurs présentement en Chine. J’ai donc considéré que X. Y. n’était qu’un représentant « administratif », afin qu’il puisse également présenter des éléments de preuve.

Questions en litige

[7] Pendant quelles périodes le requérant était-il résident au Canada?

[8] Le requérant est-il admissible à une pension de la SV?

Analyse

[9] Depuis 1999, à quelques exceptions près, le requérant a passé tout son temps soit au Canada ou en Chine.

[10] Le tableau suivant (charte de présence) montre quand le requérant était présent au Canada depuis sa première présence au Canda, le 10 septembre 1999.

Date de début Date de fin Durée Pays
20 septembre 1999 3 décembre 2000 440 jours Canada
3 décembre 2000 30 août 2002 636 jours Chine
30 août 2002 5 janvier 2006 1225 jours Canada
5 janvier 2006 10 décembre 2008 1071 jours Chine
10 décembre 2008 4 décembre 2009 360 jours Canada
4 décembre 2009 30 avril 2011 513 jours Chine
30 avril 2011 31 octobre 2011 185 jours Canada
31 octobre 2011 1er mai 2012 184 jours Chine
1er mai 2012 1er novembre 2012 185 jours  Canada
1er novembre 2012 29 avril 2013 180 jours Chine
29 avril 2013 5 novembre 2013 191 jours Canada
5 novembre 2013 27 mars 2014 143 jours Chine
27 mars 2014 26 octobre 2014 214 jours Canada
27 octobre 2014 17 avril 2015 174 jours Chine
17 avril 2015 9 novembre 2015 207 jours Canada
9 novembre 2015 22 avril 2018 896 jours Chine
22 avril 2018 10 avril 2019 354 jours Canada

[11] La charte de présence a été produite principalement à partir des timbres de passeportNote de bas de page 4. Les arrivées en Chine et les départs de Chine figurent dans son passeport. Ses arrivées au Canada figurent également dans son passeport, mais pas ses départs. Cela signifie que dans la charte ci-dessus, on surestime possiblement légèrement sa présence au Canada : une arrivée en Chine implique généralement qu’il a quitté le Canada le jour précédent. Toutefois, je lui ai généralement donné le bénéfice du doute : j’ai considéré qu’il avait quitté le Canada le même jour qu’il est arrivé en Chine. Il y a une exception à cela pour son vol d’octobre 2014 du Canada vers la Chine : son billet confirme qu’il a quitté le Canada le 26 octobre et qu’il est arrivé en Chine le 27 octobreNote de bas de page 5.

Pendant quelles périodes le requérant était-il résident au Canada?

[12] Pour les motifs énoncés ci-dessous, je conclus que le requérant était résident au Canada pendant les mêmes périodes que celles qui sont énoncées dans la décision découlant de la révision. Il s’agit des périodes suivantes : du 30 août 2002 au 5 janvier 2006, du 29 avril 2013 au 9 novembre 2015 et du 22 avril 2018 au 10 avril 2019. Il s’agit d’un total de 6 années et 313 jours. Je vais maintenant expliquer comment j’en suis venu à cette conclusion.

[13] Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaNote de bas de page 6. Être présent au Canada n’équivaut pas à résider au Canada. Bien que la présence au Canada soit importante pour établir la résidence d’une personne, ce n’est pas le seul facteur à considérer. La résidence est une question factuelle qui exigence l’analyse de l’ensemble des circonstances de la personneNote de bas de page 7. Selon la Cour d’appel fédérale, je dois examiner les facteurs suivants (facteurs établis dans l’arrêt Ding)Note de bas de page 8 :

  1. liens du requérant au pays, en particulier sous la forme de biens personnels;
  2. ses liens sociaux au Canada;
  3. ses autres liens au Canada (assurance maladie, permis de conduire, bail de location, relevés d’impôts, etc.);
  4. ses liens dans un autre pays;
  5. la régularité et la durée de ses séjours au Canada, ainsi que la fréquence et la durée de ses absences du Canada;
  6. on mode de vie (la personne vivant au Canada y est suffisamment enracinée et établie).

[14] Dans sa décision découlant de la révision, le ministre a considéré que les périodes inscrites en gras et en italique (dans la charte de présence) étaient des périodes de résidence au Canada. Le ministre a maintenu cette position dans ses observations écrites. Il n’a pas participé à l’audience. Il serait injuste de demander au requérant de prouver qu’il était résident au Canada pendant ces périodes. Ainsi, je reconnais qu’il a résidé au Canada pendant ces périodes.

[15] Cela signifie que le requérant avait accumulé au moins 6 années et 313 jours de résidence canadienne. Il a soulevé deux arguments principaux lors de l’audience. D’abord, il a soutenu qu’il était résident canadien pendant la période du 20 septembre 1999 au 30 août 2002. Ensuite, il a soutenu qu’il était résident canadien du 30 avril 2011 jusqu’au moins le 1er novembre 2012.

(1) La période du 20 septembre 1999 au 30 août 2002.

[16] Le requérant a vécu en Chine pendant près de 65 ans, jusqu’en septembre 1999. Il a ensuite été présent au Canada pendant 440 jours, mais est retourné en Chine par la suite pour les 636 jours suivants, jusqu’au 30 août 2002. Bien qu’une période de 440 jours soit longue, il est resté bien plus longtemps en Chine auparavant et après ce séjour. Toutefois, je dois examiner l’ensemble des circonstances. Les facteurs de l’arrêt Ding pourraient me permettre d’établir qu’il s’agissait d’une période de résidence canadienne.

[17] Malheureusement, le requérant et sa femme n’avaient que peu de liens avec le Canada pendant cette période. Ils étaient citoyens chinois et n’avaient pas encore présenté de demande de résidence permanente au Canada. Ils étaient au Canada pour être avec Y. C. et l’aidaient dans sa vie quotidienne, puisque celle-ci était célibataire à l’époque et qu’elle venait de commencer un programme de MBA à l’Université d’Ottawa. Ils demeuraient dans le logement que Y. C. louait à l’époqueNote de bas de page 9. Cela montre qu’ils étaient loyaux et dévoués envers leur fille.

[18] Toutefois, pendant cette période, plusieurs membres de leur famille résidaient en Chine. Ils ont répété qu’il était important pour eux de les visiter et de prendre soin d’eux. Les deux frères du requérant demeuraient en Chine, jusqu’à ce qu’ils décèdent, en 2011 et en 2014. D. Y. a deux sœurs qui demeurent toujours à Shanghai, bien que sa plus jeune sœur est décédée il y a dix ans, en AustralieNote de bas de page 10. Je ne peux pas [traduction] « déterminer » quel membre de la famille étaient pour eux les plus importants, mais les membres de leur famille qui se trouvaient en Chine étaient manifestement importants pour le requérant et D. Y. 

[19] Le requérant n’avait aucun bien au Canada avant le 30 août 2002. Lui et sa femme louaient un logement meublé à Shanghai à l’époque, et en sont toujours locataires aujourd’hui. Au Canada, ils vivaient avec Y. C. et n’avaient pas de logement à eux. Lorsque Y. C. a terminé ses études, le requérant et sa femme sont rentrés en Chine parce que Y. C. ne pouvait pas les soutenir jusqu’à ce qu’elle se trouve un emploi stable à temps pleinNote de bas de page 11. Bien qu’ils ont pu vouloir rester au Canada plus longtemps, leur intention n’est pas déterminanteNote de bas de page 12. Y. C. a affirmé que sa situation financière instable a expliqué pourquoi elle a tardé à parrainer ses parents. Toutefois, cela montre que les liens de la famille au Canada n’étaient pas très « enracinés »Note de bas de page 13. Je souligne le fait que personne d’autre ne vivait dans le logement du requérant à Shanghai, ce qui montre là aussi un fort lien à cet autre pays. Ils continuaient également de payer les factures d’électricité pour leur logement de ShanghaiNote de bas de page 14.

[20] Bien que le requérant avait un permis de conduire de l’Ontario en novembre 1999Note de bas de page 15, il a admis lors de l’audience qu’il ne l’avait jamais renouvelé. Il n’a jamais possédé ni loué de voiture au Canada. Le requérant a également ouvert un compte de banque au Canada le 29 novembre 2000Note de bas de page 16. Toutefois, il est retourné en Chine seulement quatre jours plus tard et n’est pas revenu au Canada avant le 30 août 2002. Son dépôt initial n’était que de 20 $. Il s’agissait en fait d’un compte de banque en dollars américains. Il n’y a eu aucune transaction au compte, si ce n’est des versements d’intérêts automatiques, jusqu’au 19 août 2002.

[21] Le requérant a dit que le compte en dollars américains ne servait qu’à faciliter les transactions internationales. Par exemple, il était plus facile pour lui de déposer de l’argent américain dans ce compte lorsqu’il était en Chine. Bien que ce soit peut-être le cas, cela ne montre pas de connexion solide avec le Canada avant août 2002. Et bien qu’il ait dit qu’il avait aussi un compte de banque en dollars canadiens, et qu’il l’a toujours, je ne vois aucune preuve objective de cela au dossier du Tribunal. Toutefois, il a aussi affirmé détenir un compte de banque chinois. Il avait besoin de ce compte pour payer les factures liées à son logement de ShanghaiNote de bas de page 17. Finalement, j’accorde peu de poids au fait qu’il ait ouvert un compte de banque au Canada en novembre 2000.

[22] Il n’avait pratiquement aucun autre lien au Canada. Par exemple, le requérant n’avait pas d’assurance vie ni d’assurance maladie pendant cette période. Il n’a pas eu de carte de crédit canadienne avant 2019. Il a affirmé qu’il avait fait des déclarations de revenus au Canada, mais on ne sait pas à partir de quand.

[23] Le requérant n’était membre d’aucun club, d’aucune organisation et d’aucune association au Canada pendant cette période. Il a affirmé qu’il n’a jamais touché de prestations provinciales ou fédérales au Canada. Il ne touche pas de pension du Canada. Toutefois, il touche une pension de son ancien employeur en Chine. Je souligne que le requérant a initialement dit qu’il avait décidé de vivre de façon permanente au Canada qu’en octobre 2002Note de bas de page 18. Bien qu’il ait plus tard modifié sa réponse pour septembre 1999, il ne l’a pas fait avant que sa demande soit initialement rejetéeNote de bas de page 19. Dans les circonstances, j’accorde davantage de poids à la date fournie dans sa réponse initiale, soit octobre 2002. Je constate aussi que son visa canadien de 2002 était un visa de « visiteur »Note de bas de page 20.

[24] Je conclus que le requérant n’était pas résident au Canada avant le 30 août 2002. Il avait des liens familiaux importants avec la Chine et le Canada. Toutefois, sa présence en Chine, plus longue, et les divers autres liens qu’il avait avec la Chine pendant cette période pèsent plus lourd que son permis de conduire de l’Ontario et son compte de banque en dollars américains inactif. Ces liens comprennent son logement, ses factures de services et sa pension de retraite. Il n’avait rien de cela au Canada. Il n’a également pas formé l’intention de résider au Canada de façon permanente avant octobre 2002 et n’avait pas non plus encore présenté de demande de résidence permanente.

(2) La période du 30 avril 2011 jusqu’à au moins le 1er novembre 2012.

[25] Le requérant s’est concentré sur la période s’étirant jusqu’au 1er novembre 2012, mais je vais tenir compte de la totalité de la période située entre le 30 avril 2011 et le 29 avril 2013. Après cela, je vais expliquer pourquoi je n’ai pas examiné de façon distincte la période proposée par le requérant.

[26] Entre avril 2011 et avril 2013, le requérant a passé presque autant de temps au Canada qu’en Chine. Il a passé les six mois les plus chauds au Canada et les six mois les plus froids en Chine. Bien que la charte de présence laisse entendre qu’il a pu passer un peu plus de temps au Canada (un jour de plus en 2011 et cinq jours de plus en 2012), cette petite différence pourrait être encore moindre. Je pourrais raisonnablement présumer qu’il a quitté le Canada le jour avant qu’il n’arrive en Chine. Cela viendrait ôter un jour de résidence au Canada à la fois en 2011 et en 2012. De toute façon, la différence entre le nombre de jours de séjour dans les deux pays est minime. Aussi, il ne s’agit pas du seul facteur à évaluer pour établir la résidence. Je dois considérer les facteurs de l’arrêt Ding et examiner la situation du requérant dans son ensemble.

[27] Certaines choses ont changé entre août 2002 et la date de son retour au Canada, en août 2011. D.Y. et le requérant étaient alors des résidents permanents au Canada, même s’ils détenaient toujours la citoyenneté chinoiseNote de bas de page 21. Ils avaient également une carte de l’Assurance-santé de l’Ontario. Son permis de conduire était expiré.

[28] Toutefois, leur mode de vie au Canada était à plusieurs égards identique à avant 2002. Ils n’étaient ni propriétaires ni locataires du logement où ils résidaient. Ils vivaient à London, avec leur fille, qui avait alors établi sa propre famille. Ils n’étaient membres d’aucun club, d’aucune organisation, et il semble que leurs interactions se limitaient principalement à la famille de Y. C. Ils n’étaient pas aussi heureux à London, en raison de la petite taille de la communauté chinoise et des choix alimentaires restreintsNote de bas de page 22. Le requérant a apparemment participé à deux événements pour aînés à London, mais il ne se rappelle pas des dates. Il n’a pas pu se rappeler quand il avait fait ses déclarations de revenus au Canada. Il n’a jamais travaillé au Canada, et il n’a jamais touché de prestations des programmes sociaux provinciaux ou fédéraux.

[29] Pendant ce temps, D. Y. et le requérant étaient toujours locataires d’un logement à Shanghai. Un des frères du requérant et deux des sœurs de D. Y. étaient toujours en vie en Chine. Y. C. a affirmé que ses parents quittaient parfois le Canada pour pouvoir aller visiter les frères et les amis du requérant en Chine. Le requérant a dit qu’il voulait visiter ses frères et en prendre soin pendant qu’il le pouvait encore. Ils manquaient les aliments de chez eux et voulaient éviter les hivers canadiensNote de bas de page 23. Ils avaient toujours un compte de banque chinois.

[30] Je constate aussi qu’ils ont acheté un billet d’avion aller-retour de Shanghai à Toronto en 2012Note de bas de page 24. Cela laisse entendre que Shanghai était leur milieu de vie principal, et non pas Toronto. Lors de l’audience, X. Y. a confirmé qu’ils achetaient toujours des vols aller-retour depuis leurs premières visites.

[31] Bien que les liens du requérant au Canada soient un peu plus solides après avril 2011 qu’ils ne l’étaient en 2000, cela ne signifie pas qu’il était résident du Canada à ce moment. Il incombe au requérant de prouver qu’il était résident du Canada. Je conclus que ses liens au Canada étaient principalement centrés sur la famille de sa fille, mais qu’il avait des liens personnels et familiaux avec la Chine. Puisqu’il a essentiellement passé la moitié de son temps dans chaque pays, je conclus que ses liens avec la Chine étaient plus forts que ses liens avec le Canada. Cela signifie qu’il n’était pas résident du Canada entre le 11 avril 2011 et soit le 1er novembre 2012, soit le 29 avril 2013.

[32] Je vais maintenant examiner trois arguments importants soulevés par le requérant au sujet de cette conclusion. Son premier argument porte sur la façon dont le ministre a évalué ses périodes de présence successives. Son deuxième argument porte sur la façon dont l’article 21(4) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) s’applique dans cette affaireNote de bas de page 25. Son troisième argument repose sur une comparaison de son cas avec celui des retraités migrateurs (« snowbirds ») canadiens. Le requérant affirme que les retraités migrateurs peuvent bien être des résidents canadiens, même s’ils passent les mois plus froids à l’étranger.

Évaluation des périodes de présence successives

[33] Comme je l’ai indiqué plus haut, la présence du requérant au Canada est presque également séparée entre le Canada et la Chine du 30 avril 2011 au 29 avril 2013. Toutefois, il affirme à raison qu’il peut [traduction] « faire varier » le temps passé dans chaque pays en ajustant la période examinée. Par exemple, il a passé près des deux tiers de son temps au Canada entre le 11 avril 2011 et le 1er novembre 2012. En revanche, il n’a passé qu’environ le tiers de son temps au Canada entre le 31 octobre 2011 et le 29 avril 2013. Il s’agit d’une différence majeure, même si les deux tiers de ces périodes sont les mêmes.

[34] Toutefois, je dois examiner les circonstances « dans leur ensemble ». La longue période menant au 30 avril 2011 est, sans équivoque, une période de résidence en Chine. Je reconnais que la période commençant le 29 avril 2013 est une période de résidence au Canada. Je constate qu’il y a une tendance de déplacement pour les deux années de la période du 30 avril 2011 au 29 avril 2013. Il n’y a eu aucun changement réel à la situation du requérant pendant ces deux années. Il s’agirait d’une distinction artificielle que d’ignorer la période du 1er novembre 2012 au 29 avril 2013 dans l’évaluation de la période après le 30 avril 2011. Je constate également que cette tendance de déplacement a changé après le 29 avril 2013, et que les séjours au Canada se sont alors prolongés.

[35] À mon avis, il est logique d’examiner la période commençant en avril 2011 comme une période de deux ans ou comme deux périodes d’un an. De toute façon, pour les raisons fournies ci-dessus, les facteurs de l’arrêt Ding ne soutiennent pas que le requérant était résident canadien pendant ces périodes. La présence du requérant est à peu près semblable dans les deux pays, mais une analyse des autres facteurs de l’arrêt Ding est légèrement favorable à l’établissement de la résidence du requérant en Chine.

Règlement sur la SV, art 21(4)(a).

[36] Le requérant affirme que cette disposition (la [traduction] « disposition sur les absences temporaires) l’aide à établir sa résidence canadienne pour chaque année de 2011 à 2015Note de bas de page 26. Toutefois, puisqu’il a déjà établi sa résidence canadienne du 29 avril 2013 au 9 novembre 2015, la disposition sur les absences temporaires n’est potentiellement pertinente que pour la période prenant fin le 29 avril 2013Note de bas de page 27.

[37] La disposition sur les absences temporaires prévoit que toute période d’absence du Canada est réputée n’avoir pas interrompu la résidence ou la présence de cette personne au Canada si elle est temporaire et ne dépasse pas un anNote de bas de page 28. Toutefois, il doit être résident canadien.

[38] Je suis d’accord que les absences du Canada du requérant débutant en octobre 2011 et en novembre 2012 étaient chacune d’une durée inférieure à un an. Il ne s’agit toutefois pas du seul critère. Les absences doivent être « temporaires ». Enfin et surtout, la disposition sur les absences temporaires ne s’applique que si une personne est déjà résidente canadienne. Le requérant n’était pas résident du Canada en avril 2011. En fait, il n’avait alors pas été résident du Canada depuis près de cinq ans. Cela signifie qu’il ne peut pas invoquer la disposition sur les absences temporaires pour établir sa résidence canadienne en 2011. Cette disposition a pour but de prolonger une période de résidence canadienne existante, et non de créer une nouvelle période de résidence canadienne après avoir résidé à l’étranger.    

L’argument des « retraités migrateurs ».

[39] Je reconnais que certaines personnes sont toujours considérées comme des résidentes canadiennes même si elles passent une partie de l’année dans un climat plus chaud. Le requérant soutient que sa situation n’est pas différente de la leur, puisqu’il passe lui aussi les mois les plus froids de l’année hors du Canada depuis avril 2011. Toutefois, comme je l’ai mentionné précédemment, les facteurs de l’arrêt Ding indiquent clairement que la présence physique n’est pas le seul facteur à considérer.

[40] Je dois examiner chaque situation de façon distincte. Les « retraités migrateurs » ont peut-être des liens profonds avec le Canada que le requérant n’a pas. Par exemple, ils peuvent être des citoyens canadiens. Ils peuvent exercer leur droit de vote. Ils peuvent être très impliqués dans leur collectivité. Les membres de leur famille se trouvent peut-être tous au Canada. Ils peuvent avoir des investissements, des régimes d’assurance, des cartes de crédit, des biens immobiliers ou des entreprises au Canada. Il se peut qu’ils travaillent encore au Canada. Ils peuvent posséder une maison ou louer un logement. Ils peuvent payer des factures de service ou des taxes municipales au Canada. Il est possible que la situation d’un « retraité migrateur » corresponde à l’un ou plusieurs de ces facteurs. La situation du requérant ne correspond à aucun d’entre eux pour les périodes où il demande d’établir sa résidence.

[41] L’analogie des « retraités migrateurs » n’aide en rien le requérant. En fait, il est possible que certains de ces « retraités migrateurs » ne soient plus des résidents canadiens. Leur lien avec un autre pays est possiblement devenu plus important que leur lien avec le Canada. Je dois examiner les circonstances « dans leur ensemble », et ne pas me contenter de simplement compter des jours.

Le requérant est-il admissible à une pension de la SV?

[42] Puisque le requérant n’a accumulé que 6 années et 313 jours de résidence canadienne en date du 10 avril 2019, il n’est pas admissible à une pension de la SV. Il est possible qu’il ait accumulé plus de journées de résidence canadienne depuis. Il peut également accumuler plus de journées de résidence canadienne dans le futur. Il pourra toujours présenter une nouvelle demande de pension de la SV ultérieurement.

Conclusion

[43] Le requérant n’est pas admissible à une pension de la SV, puisqu’il avait accumulé moins de dix années de résidence canadienne au 10 avril 2019. Il pourra présenter une nouvelle demande dans le futur.

[44] L’appel est rejeté.

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