Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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[TRADUCTION]

Citation : CT c Ministre de l’Emploi et du Développement social et CA, 2020 TSS 1227

Numéro de dossier du Tribunal: GP-18-2514

ENTRE :

C. T.

Appelante

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre

et

C. A.

Mis en cause
GP-18-2515


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : François Guérin
Date de la décision : Le 9 octobre 2020

Sur cette page

Décision

[1] Le Tribunal conclut que l’appelante ne s’est pas acquittée de sa responsabilité de prouver selon la prépondérance des probabilités qu’elle est résidente du Canada depuis qu’elle a obtenu le droit d’établissement au Canada le 16 juin 1990. Par conséquent, l’appelante n’était pas résidente du Canada la veille de l’approbation initiale de sa demande de pension de la Sécurité de la vieillesse (SV).

Aperçu

[2] L’appelante est née au Pérou le X avril 1929. Elle est arrivée au Canada le 16 juin 1990 à titre de résidente permanenteNote de bas de page 1. Elle a eu 65 ans le X avril 1994. Elle a demandé une pension de la SV en janvier 2004Note de bas de page 2. La pension a été approuvée le 25 août 2004. Elle était payable à compter de février 2003, soit 11 mois avant la réception de la demandeNote de bas de page 3. Dans sa demande de pension de la SV, l’appelante a précisé qu’elle voulait demander le Supplément de revenu garanti (SRGNote de bas de page 4). La demande de SRG a également été approuvée.

[3] Après enquête, le ministre a révisé les périodes où l’appelante résidait au Canada et a conclu qu’elle était seulement présente au Canada depuis au moins avril 2003. Par conséquent, le ministre a décidé que l’appelante n’avait pas droit à la pension de la SV ni au SRG. Il a informé l’appelante de sa décision le 11 septembre 2017Note de bas de page 5.

[4] L’appelante a demandé la révision de la décision le 13 décembre 2017Note de bas de page 6. Le ministre a maintenu sa décision le 3 juillet 2018Note de bas de page 7.

[5] L’appelante a porté la décision de révision en appel au Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 8.

Questions préliminaires

[6] Le ministre a demandé l’ajout du mis en cause à titre de partie au présent appel, car ce dernier avait un intérêt direct dans l’issue de l’appel. Le Tribunal a ouvert la cause numéro GP-18-2515 pour le mis en cause puisqu’il a également déposé un appel au Tribunal.

[7] L’appelante a demandé que l’appel soit instruit sous forme de questions et de réponses écritesNote de bas de page 9. Le 4 mars 2020, le Tribunal a envoyé à l’appelante un avis d’audience comprenant 28 questions et quelques sous-questionsNote de bas de page 10. Le Tribunal lui a donné jusqu’au 17 avril 2020 pour répondre à ces questions. Le 4 avril 2020, le Tribunal a reçu un courriel de l’appelanteNote de bas de page 11. Elle avait joint à cette réponse une lettre de deux pages rédigée en anglais et signée par son époux le 4 mars 2020 (sic). La lettre fait référence à l’avis d’audience daté du 3 mars 2020 (sic), à des factures produites en espagnol et à des rapports médicaux rédigés en espagnol. L’appelante a fourni une traduction anglaise non officielle.

[8] Le 1er juin 2020, le Tribunal a envoyé une lettre à l’appelante pour lui rappeler de répondre aux questions que le Tribunal lui avait posées dans l’avis d’audience daté du 4 mars 2020 et lui demander de bien vouloir répondre à chaque question une par une et dans l’ordre où elles étaient posées. Le Tribunal a repoussé le délai de réponse à ses questions au 3 juillet 2020Note de bas de page 12.

[9] N’ayant reçu aucune réponse de l’appelante et compte tenu de la pandémie de COVID‑19 et de la situation dans le monde, le Tribunal a décidé de donner plus de temps à l’appelante pour répondre à ses questions. Le 14 juillet 2020, le Tribunal a envoyé une autre lettre à l’appelante pour lui rappeler une nouvelle fois de répondre aux questions que le Tribunal lui avait posées dans l’avis d’audience daté du 4 mars 2020 et lui demander de bien vouloir s’assurer de répondre à chaque question une par une et dans l’ordre où elles étaient posées. Le Tribunal a repoussé à nouveau l’échéance au 28 août 2020Note de bas de page 13.

[10] Comme l’appelante n’a pas répondu aux questions du Tribunal et que celui-ci lui a donné amplement le temps et la possibilité de répondre, le Tribunal tranchera les questions en litige sur le fondement des observations que les deux parties lui ont fait parvenir au plus tard à la date de la présente décision.

[11] La révision d’une décision initiale est un recours extraordinaire. Voilà la question en litige dans la présente affaire. Dans ses observations, le ministre invoque l’article 23.1 du Règlement sur la sécurité de la vieillesseNote de bas de page 14. Le ministre croit que l’appelante a reçu une prestation à laquelle elle n’avait pas droit. Les vastes pouvoirs accordés au ministre permettent de trouver un équilibre entre les objectifs qui consistent à honorer [sic] les retards injustifiés dans le traitement des demandes et la nécessité de bien tenir les cordons de la bourse de la SV en refusant de verser des prestations aux personnes qui n’y ont pas droit. Je connais la décision de la division d’appelNote de bas de page 15 qui remet en question le pouvoir accordé au ministre à l’article 23.1 du Règlement. Je ne suis pas obligé de suivre le raisonnement de la décision de la division d’appel. Je conclus donc que le pouvoir du ministre de réévaluer l’admissibilité est vaste et s’étend aux situations où il n’y a aucune indication de fraude ou de fausse déclaration.

Questions en litige

[12] L’appelante est-elle résidente du Canada au sens de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) depuis qu’elle a obtenu le droit d’établissement au Canada le 16 juin 1990?

[13] L’appelante était-elle résidente du Canada au moment où elle a présenté sa demande de prestations de la SV?

Droit applicable

Qui a droit à une pension de la SV?

[14] L’article 3(2) de la Loi sur la SV prévoit le versement d’une pension partielle à une personne pensionnée. La personne doit avoir au moins 65 ans et avoir résidé au Canada en tout pendant au moins 10 ans après avoir eu 18 ans. Elle doit aussi résider au Canada le jour précédant la date d’agrément (approbation) de sa demande. Si la personne ne réside pas au Canada la veille de l’approbation de sa pension, il faut qu’elle ait résidé au Canada pendant une période totale d’au moins 20 ans après son 18e anniversaire.

[15] L’article 5 du Règlement détermine la date d’approbation d’une demande de pension. Dans la présente affaire, la demande a été approuvée le 25 août 2004. Par conséquent, l’appelante devait résider au Canada le 24 août 2004.

[16] L’article 23(1) du Règlement donne au ministre le droit de réviser une demande avant ou après l’avoir approuvée.

[17] Pour l’application de la Loi sur la SV et de son règlement, une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Ce concept est différent de la présence au Canada. Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaNote de bas de page 16. Une personne peut donc être présente au Canada sans y résider.

[18] La résidence est une question de fait qui requiert l’examen de la situation globale de la personne. Les intentions subjectives de la personne ne permettent pas de déterminer la résidence. La décision DingNote de bas de page 17 a établi les facteurs dont le Tribunal doit tenir compte pour déterminer la résidence :

  1. les liens prenant la forme de biens mobiliers;
  2. les liens sociaux;
  3. les autres liens au Canada (une assurance maladie, un permis de conduire, un bail, des dossiers fiscaux, etc.);
  4. les liens dans un autre pays;
  5. la régularité et la durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada;
  6. le style ou mode de vie de la personne ou la question de savoir si la personne qui vit au Canada y est bien enracinéeNote de bas de page 18.

[19] L’appelante doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’elle était résidente du Canada pendant la période en questionNote de bas de page 19

[20] Je vais maintenant examiner les facteurs établis dans la décision Ding pour décider quand l’appelante résidait au Canada. Pour en arriver à une conclusion, je me pencherai sur les documents soumis par les deux parties jusqu’à la date de la présente décision.

Analyse

[21] L’appelante soutient qu’en date du 12 octobre 2018, date à laquelle elle a signé l’avis d’appel au TribunalNote de bas de page 20, elle n’a jamais été absente du Canada pendant plus de six mois, sauf une fois, quand elle a quitté le pays de mars 2005 à août 2007Note de bas de page 21

[22] En réponse à une question posée par le ministre, l’appelante a confirmé dans un questionnaire daté du 28 mars 2017 qu’elle était au Pérou du 31 mars 2005 au 10 mai 2007Note de bas de page 22. Dans le même questionnaire, elle a également confirmé qu’elle avait quitté le Canada temporairement le 19 novembre 2016.

[23] Dans une lettre adressée au ministre le 21 novembre 2017, l’appelante a fait valoir qu’elle a vécu à X, en Colombie-Britannique, de 1990 à 2005, et à X, au Québec, de 2007 à octobre 2016Note de bas de page 23. Elle y soutient aussi qu’elle voyageait toujours en respectant la loi.

[24] Le ministre soutient avoir établi, après enquête, que l’ensemble de l’historique que l’appelante a déclaré dans sa demande de SV comme étant une résidence au Canada était plutôt une présence au CanadaNote de bas de page 24. Comme la période de résidence de l’appelante était insuffisante pour qu’elle soit admissible à une pension partielle de la SV, le ministre a refusé ses demandes de pension de la SV et de SRG. Cette décision a engendré un trop-perçu totalisant 138 961,66 $Note de bas de page 25.

[25] L’appelante est née au Pérou le 3 avril 1929. Le ministre affirme qu’elle a demandé une pension de la SV en janvier 2004Note de bas de page 26 et qu’elle a vécu au Canada du 16 juin 1990 à la date qui figure sur la demande. L’appelante a déposé son document de résidence permanente qui montre qu’elle est arrivée au Canada le 16 juin 1990Note de bas de page 27.

[26] Le ministre a souligné que l’appelante avait présenté sa demande en retard. Le ministre a reçu la demande de pension de la SV en janvier 2004 et l’a approuvée le 25 août 2004. La pension était payable en date de février 2003, soit 11 mois avant le mois de la réception de la demande. Au moment de donner son approbation, le ministre a établi que l’appelante résidait au Canada depuis 12 ansNote de bas de page 28.

[27] Après enquête, le ministre a conclu que l’appelante vivait ordinairement au Pérou et que le temps qu’elle a passé au Canada était de brèves visites qu’il fallait considérer seulement comme des présencesNote de bas de page 29.

[28] Le ministre a déclaré que l’appelante et son époux ont téléphoné en février 2017 pour changer leur adresse du Canada au Pérou. Toutefois, lorsqu’on leur a dit qu’une perte de prestations était possible, les deux ont décidé de rester au Canada. Le ministre a laissé entendre que l’appelante et son époux avaient l’intention de déménager au PérouNote de bas de page 30.

[29] Le 29 mars 2017, l’appelante a présenté des copies de quatre passeports (deux délivrés par le gouvernement du Pérou, dont un comprenant une période de prorogation, et deux délivrés par le gouvernement du Canada). Les passeports péruviens couvraient les périodes du 22 avril 2003 au 22 avril 2008 (délivrés à X, au PérouNote de bas de page 31), du 29 avril 2008 au 29 avril 2013Note de bas de page 32 (prorogation délivrée à X, au Pérou, et incluse dans le passeport précédent) et du 24 avril 2013 au 24 avril 2018 (délivrés à X, au PérouNote de bas de page 33). Les passeports canadiens couvraient les périodes du 7 avril 2010 au 7 avril 2015 (délivrés à X, au PérouNote de bas de page 34) et du 25 mars 2015 au 25 mars 2020 (délivrés à X, au PérouNote de bas de page 35). 

[30] Le Tribunal a remarqué que l’appelante a déclaré une adresse de résidence permanente à X dans son passeport canadien de 2010Note de bas de page 36 et aucune adresse de résidence permanente dans son passeport canadien de 2015Note de bas de page 37.

[31] Le ministre a souligné que, selon la déclaration de l’appelante, sa seule absence du Canada ayant duré plus de six mois était de mars 2005 à mai 2007. Cependant, l’examen des timbres de ses passeports, qu’elle a déposés le 29 mars 2017, révèle des absences fréquentes et prolongées du CanadaNote de bas de page 38. Par conséquent, le ministre a conclu que l’appelante était seulement présente au Canada et qu’il n’y avait aucune période de résidence depuis au moins avril 2003Note de bas de page 39

[32] Dans une note interne, le ministre a souligné que l’appelante n’a pas retourné les documents requis et les formulaires de consentement signés, qu’elle ne s’est pas conformée aux demandes visant à établir sa résidence pour la période allant de sa date d’établissement au Canada, soit le 16 juin 1990, à avril 2003 inclusivement. L’appelante n’a pas fourni au ministre les autorisations nécessaires pour qu’il puisse communiquer avec d’autres organismes gouvernementaux ou des organismes privésNote de bas de page 40.

[33] Le Tribunal a posé diverses questions à l’appelante dans le but d’établir ses liens au Canada conformément à la décision DingNote de bas de page 41. Toutefois, comme réponseNote de bas de page 42 à l’avis d’audience que le Tribunal lui a envoyé le 4 mars 2020Note de bas de page 43, l’appelante a seulement présenté un courriel d’une ligne précisant qu’elle joignait une lettreNote de bas de page 44 et certains documents (des notes et rapports médicaux ainsi que des ordonnances rédigées en espagnol). Elle mentionne également que les documents et les renseignements exigés datent d’il y a 30 ans. Le Tribunal a remarqué qu’une traduction anglaise non officielle accompagnait la réponse. Le Tribunal a également noté que la lettre et les documents ne répondent pas aux questions que le Tribunal a posées à l’appelante dans son avis d’audience.

  1. Les liens prenant la forme de biens mobiliers – Le Tribunal a demandé à l’appelante si elle avait des placements immobiliers, des locations, des entreprises ou d’autres biens au Canada, mais il n’a reçu aucune réponse à ses questions. Le Tribunal a également posé des questions sur les adresses inscrites au dossier. Il n’a reçu aucune réponse à ce sujet. Toutefois, il a constaté que l’appelante a déclaré des revenus de location de 2002 à 2004Note de bas de page 45.
  2. Les liens sociaux – Le Tribunal a interrogé l’appelante sur son expérience de travail au Canada depuis qu’elle a obtenu le droit d’établissement et sur ses activités sociales au Canada. Le Tribunal n’a reçu aucune réponse. Toutefois, il a noté que l’appelante a présenté une carte de membre d’un centre récréatif qui a expiré le 31 août 2001 et une carte de la bibliothèque publique de X, en Colombie‑BritanniqueNote de bas de page 46.
  3. Les autres liens au Canada (une assurance maladie, un permis de conduire, un bail, des dossiers fiscaux, etc.) – Le Tribunal a interrogé l’appelante au sujet de sa couverture médicale au Canada, de ses comptes bancaires auprès d’institutions financières canadiennes, de ses cotisations à des régimes de pension canadiens, de ses contrats d’assurance au Canada (de toute sorte), de ses antécédents de conduite au Canada, de son historique de déclarations de revenus au Canada, de ses comptes auprès de sociétés publiques ou privées de services publics. Le Tribunal n’a reçu aucune réponse à ces questions. Toutefois, il a noté que l’appelante et son époux ont un compte bancaire conjoint à la BMO depuis 2010Note de bas de page 47. Le Tribunal a constaté que la succursale se trouve à X, en Colombie-Britannique, et que les adresses résidentielles déclarées sont à X, au Québec. L’adresse à X semble avoir changé vers octobre 2011. Le Tribunal a remarqué que l’Agence du revenu du Canada ne possède aucun renseignement sur les cotisations de 1989 à 2001, de 2005 à 2006 et en 2016Note de bas de page 48.
  4. Les liens dans un autre pays – Le Tribunal a posé les mêmes questions que celles mentionnées plus haut au sujet des liens avec tout autre pays, mais il n’a reçu aucune réponse.
  5. La régularité et la durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada – Le ministre a présenté un tableau où figurent tous les timbres apposés dans les cinq passeports déposés par l’appelanteNote de bas de page 49. Le tableau montre que d’avril 2003 à avril 2017, alors que l’appelante se trouvait encore au Pérou, ses présences au Canada ont été peu nombreuses. L’appelante n’a pas fourni au ministre les autorisations nécessaires pour qu’il obtienne des renseignements auprès d’organismes gouvernementaux et privés sur la période allant de février 1990 à avril 2003. L’appelante n’a pas répondu à la question du Tribunal.
  6. Le style ou le mode de vie de la personne ou la question de savoir si la personne qui vit au Canada y est bien enracinée – Le Tribunal a demandé à l’appelante de quel endroit elle se considérait résidente et pourquoi. Il lui a demandé de fournir une réponse aussi précise et détaillée que possible. Le Tribunal a également demandé à l’appelante pourquoi son attachement et ses racines étaient plus profonds au Canada qu’au Pérou depuis qu’elle a obtenu le droit d’établissement au Canada. Le Tribunal n’a reçu aucune réponse à cette question.

[34] Le ministre a fait parvenir un questionnaire à l’appelante. Il a reçu le questionnaire rempli le 30 mars 2017Note de bas de page 50. L’appelante y confirme qu’elle n’a aucune période de prestations de sécurité sociale donnant droit à un crédit au Pérou. L’appelante a déclaré qu’elle a vécu à X, en Colombie-Britannique, de 1990 à 2005 et qu’elle a été absente du Canada de mars 2005 à mai 2007, puis qu’elle est revenue vivre à X. Elle a confirmé que lorsqu’elle se trouve au Pérou, elle vit dans un appartement avec son époux, sa fille et sa sœur. Elle a confirmé que les membres de sa famille sont au Canada et au Pérou.

[35] Dans le même questionnaire, l’appelante a confirmé que son époux subvient à ses besoins et que, lorsqu’elle est au Canada, elle vit avec son époux et la filleule de celui-ci. Elle a confirmé que de 1990 à 2003, son occupation et ses activités consistaient à faire de l’entretien ménager et à garder des enfants et que son époux subvenait à ses besoins. L’appelante a affirmé avoir produit une déclaration de revenus depuis son arrivée en 1990.

[36] Dans les questionnaires que le ministre a demandés et reçus le 29 mars 2017Note de bas de page 51 et le 4 mai 2017Note de bas de page 52, l’appelante a fourni deux numéros de téléphone de la région de Montréal. Le ministre a tenté de communiquer avec l’appelante le 23 mai 2017. Il a seulement pu parler à la filleule de l’appelante, qui a confirmé qu’il s’agissait de son numéro de téléphoneNote de bas de page 53.

[37] Le Tribunal a noté que le ministre a fait parvenir à l’appelante une demande pour qu’elle signe et retourne des consentements à la divulgation de renseignements personnels pour Passeport Canada, la Régie de l’assurance-maladie du Québec, l’Agence des services frontaliers du Canada et le ministère de la Santé de la Colombie-BritanniqueNote de bas de page 54

[38] Le ministre a déclaré que l’appelante n’avait pas fourni les consentements demandésNote de bas de page 55. Le ministre a mené une enquête et constaté que tous les numéros de téléphone correspondant aux adresses de l’appelante et de son époux appartiennent à leur filsNote de bas de page 56. Le ministre a déclaré que les renseignements tirés des registres de titres fonciers de la Colombie-Britannique ont révélé que leur fils était propriétaire de la maison pour deux des adresses de l’appelante et de son époux et que celle à une troisième adresse appartenait possiblement à une ou un parent, car la personne qui possédait la maison avait le même nom de famille que le nom de jeune fille de l’appelante.

[39] L’appelante n’a pas répondu aux questions que le Tribunal lui a posées dans l’avis d’audience du 4 mars 2020Note de bas de page 57. Le Tribunal juge que les observations de l’appelante ne contiennent pas suffisamment de renseignements et de preuves, qu’elle aurait pu obtenir des autorités gouvernementales par exemple, qui appuieraient le fait qu’elle est résidente du Canada au sens de la Loi sur la SV depuis qu’elle a obtenu le droit de s’y établir le 16 juin 1990.

[40] Le Tribunal juge donc que l’appelante a certains liens au Canada depuis qu’elle a obtenu le droit d’établissement au Canada le 16 juin 1990. Son fils vit au Canada. Cependant, elle a aussi de la famille au Pérou, où vit sa fille. Lorsque l’appelante se trouvait au Canada, elle vivait à l’adresse de son fils en Colombie-Britannique ou à l’adresse de la filleule de son époux au Québec. L’appelante a déposé une carte d’assurance maladie de la Colombie-Britannique et une de la Régie de l’assurance maladie du Québec. Toutefois, en l’absence par exemple d’un résumé décodé des services de santé reçus dans ces deux provinces, il est difficile d’établir les liens de l’appelante au Canada, d’autant plus qu’elle n’a pas répondu aux questions du Tribunal. L’appelante ne semble avoir aucun bien mobilier, ni contrat de services publics avec des entreprises privées ou publiques, ni bail, ni hypothèque, ni lien financier au Canada, à l’exception d’un compte conjoint à la BMO depuis 2010. L’appelante a présenté ses déclarations de revenus de 2002 à 2004 et de 2007 à 2015. L’appelante n’a pas répondu aux questions du Tribunal visant à préciser pourquoi elle n’avait pas produit une déclaration de revenus chaque année.

[41] Compte tenu des quatre passeports et de la prorogation de passeport déposés le 29 mars 2017 pour la période d’avril 2003 à mars 2020 ainsi que de son appel téléphonique informant la ministre qu’elle était au Pérou depuis le 19 novembre 2016, le Tribunal juge que la régularité et la durée des séjours de l’appelante au Canada ne justifient pas une résidence au Canada depuis avril 2003. Comme l’appelante n’a pas collaboré avec le ministre et ne lui a pas fourni les éléments de preuve nécessaires pour démontrer une résidence au Canada de février 1990 à avril 2003, et comme elle n’a pas répondu aux questions que le Tribunal lui a posées dans l’avis d’audience du 4 mars 2020, le Tribunal juge que la régularité et la durée des séjours de l’appelante au Canada depuis le 10 février 1990 ne justifient pas une résidence au Canada.

[42] Le Tribunal conclut que les liens de l’appelante au Pérou sont plus forts. Elle a de la famille au Pérou. Tous les passeports péruviens et canadiens qu’elle a présentés au ministre ont été délivrés au Pérou et démontrent qu’elle se trouve au Pérou la plupart du temps depuis avril 2003.

Conclusion

[43] L’appelante doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’elle est résidente du Canada depuis qu’elle a obtenu le droit d’établissement au Canada le 16 juin 1990Note de bas de page 58

[44] L’appelante n’a pas collaboré à l’enquête du ministre qui visait à établir sa résidence au Canada au sens de la Loi sur la SV pour la période allant de sa date d’établissement au Canada, le 16 juin 1990, jusqu’à avril 2003. En effet, l’appelante n’a pas fourni au ministre les autorisations nécessaires pour qu’il communique avec d’autres organismes gouvernementaux ou des organismes privésNote de bas de page 59. Le Tribunal accorde beaucoup d’importance au facteur relatif à la régularité et à la durée des séjours au Canada par rapport à la fréquence et à la durée des absences du Canada. Le ministre a présenté un tableau montrant tous les timbres tirés des cinq passeports déposés par l’appelanteNote de bas de page 60. Le tableau montre que d’avril 2003 à avril 2017, l’appelante a passé la majorité du temps au Pérou et très peu de temps au Canada. L’appelante n’a pas répondu aux questions que le Tribunal lui a posées dans l’avis d’audience daté du 4 mars 2020Note de bas de page 61

[45] L’appelante doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’elle a résidé au CanadaNote de bas de page 62. Le Tribunal conclut que l’appelante ne s’est pas acquittée de la responsabilité qui lui incombait, soit celle de prouver selon la prépondérance des probabilités qu’elle est résidente du Canada depuis qu’elle a obtenu le droit d’établissement au Canada le 16 juin 1990.

[46] Comme le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas résidé au Canada au sens de la Loi sur la SV depuis sa date d’établissement au Canada, soit le 16 juin 1990, l’appelante ne résidait donc pas au Canada la veille de l’approbation initiale de sa demande de prestations de la SV.

[47] L’appel est rejeté.

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