Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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[TRADUCTION]

Citation : LM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1089

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1036

ENTRE :

L. R.

Appelant (requérant)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Raymond Raphael
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 14 septembre 2020 et le 16 octobre 2020
Date de la décision : Le 10 novembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] Le requérant est admissible à un montant plus élevé pour sa pension partielle de la Sécurité de la vieillesse (SV) équivalente à 34/40e d’une pleine pension, payable à partir de février 2017. Il n’est pas admissible à une pleine pension de la SV.

Aperçu

[2] Le requérant est né en Colombie en janvier 1952. Il avait 24 ans lorsqu’il est arrivé au Canada en janvier 1976. En mars 1986, il est devenu résident permanent. Il est devenu citoyen canadien en 1990. En janvier 2017, il a eu 65 ans. En mai 2017, il a présenté une demande de pension de la SVNote de bas de page 1. Il a indiqué qu’il souhaitait commencer à toucher ses prestations dès qu’il serait admissible, c’est-à-dire le mois après lequel il a eu 65 ansNote de bas de page 2.

[3] Le ministre a approuvé sa demande en septembre 2018Note de bas de page 3. Il lui a accordé une pension partielle de la SV équivalente à 24/40e d’une pleine pension payable à partir de février 2017 (le mois après lequel il a eu 65 ans). Le ministre admet qu’il a été résident du Canada du 30 janvier 1976 au 1er octobre 2000 (24 ans et 247 jours). Il a jugé qu’il avait cessé de résider au Canada le 1er octobre 2000.

[4] Le requérant a demandé une révision de la période de résidence. Selon lui, il avait droit à une pleine pension parce qu’il a continué à résider au Canada après octobre 2000. Le ministre a rejeté la demande de révision. Le requérant a interjeté appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

  1. Le requérant était-il résident du Canada pendant la période contestée du 1er octobre 2000 à janvier 2017 (le mois au cours duquel le requérant a eu 65 ans)?
  2. Si oui, pendant quelles périodes?

Analyse

[5] Le Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) établit une distinction entre la résidence au Canada et la présence au Canada. Une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du CanadaNote de bas de page 4. Une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du CanadaNote de bas de page 5.

[6] Je dois tenir compte de tous les faits en l’espèce et des circonstances du requérant. Le fait que le requérant ait l’intention de résider au Canada ne suffit pas à établir qu’il y réside. Déterminer le lieu de résidence est une question de fait qui nécessite un examen de l’ensemble des circonstances du requérant.

[7] Je dois tenir compte d’un certain nombre de facteurs pour déterminer si une personne établit sa demeure et vit ordinairement au Canada. Ces facteurs comprennent notamment :Note de bas de page 6

  • les liens sous la forme de biens personnels (c.-à-d. une maison, une entreprise, du mobilier, une voiture, un compte bancaire, une carte de crédit);
  • les liens sociaux au Canada (c.-à-d. une adhésion à des organisations ou associations ou des affiliations professionnelles);
  • d’autres liens au Canada (c.-à-d. une assurance-hospitalisation et médicale, un permis de conduire, une location, un bail, un contrat de prêt ou hypothécaire, des relevés d’impôts fonciers, une liste électorale, des polices d’assurance-vie, des contrats, des registres publics, des dossiers d’immigration et des passeports, des registres de services sociaux provinciaux, des relevés de régime de pension publics et privés, des relevés d’impôt sur le revenu fédéraux et provinciaux);
  • les liens dans un autre pays;
  • la régularité et la durée des séjours au Canada ainsi que la fréquence et la durée des absences du Canada, et;
  • le mode de vie de la personne (c.-à-d. si la personne vivant au Canada y est suffisamment enracinée et établie).

[8] L’historique de voyage de l’Agence des services frontaliers du Canada indique que le requérant est entré au CanadaNote de bas de page 7 :

  • Le 5 mai 2001
  • Le 5 avril 2004
  • Le 7 avril 2005
  • Le 1er avril 2006
  • Le 4 avril 2007
  • Le 9 avril 2008
  • Le 3 avril 2009
  • Le 7 avril 2010
  • Le 6 avril 2011
  • Le 10 avril 2012
  • Le 8 avril 2013
  • Le 11 avril 2014
  • Le 13 avril 2015
  • Le 11 avril 2016
  • Le 10 avril 2017

[9] Les dossiers de passeport colombien et canadien du requérant entre 2013 et 2018 indiquent les déplacements suivantsNote de bas de page 8 :

  • Le 22 juillet 2013 : entrée aux États-UnisNote de bas de page 9
  • Le 11 avril 2014 : entrée aux États-Unis
  • Le 12 avril 2015 : départ de la Colombie
  • Le 14 octobre 2015 : entrée en Colombie
  • Le 11 avril 2016 : départ de la Colombie
  • Le 11 avril 2016 : entrée aux États-Unis
  • Le 13 octobre 2016 : entrée en Colombie
  • Le 10 avril 2017 : départ de la Colombie
  • Le 13 octobre 2017 : entrée en Colombie
  • Le 10 avril 2018 : départ de la Colombie

Le requérant a continué de résider au Canada jusqu’en octobre 2003.

[10] Le ministre ne conteste pas le fait que le requérant était résident du Canada de janvier 1976 à octobre 2000. Il conteste le fait qu’il était résident canadien après cette date. Le requérant a déclaré avoir travaillé toute l’année au Canada en 2000, 2002 et 2003Note de bas de page 10. Il a également déclaré avoir passé six mois en Colombie et six mois au Canada en 2001.

[11] Comme il est énoncé ci-dessous, je ne crois pas son témoignage selon lequel il a passé l’année complète au Canada en 2000, 2002, et 2003. Bien qu’il ait passé toute l’année 2002 au Canada, il n’y est pas resté toute l’année en 2000 et 2003.

[12] Les documents de départ du requérant pour ces années ne sont pas disponibles. Selon ses documents d’entrée lorsqu’on les prend dans le contexte de ses éléments de preuve au sujet de ses séjours en alternance au Canada et en Colombie pendant des périodes de six mois, je suis convaincu qu’il est plus probable que le contraire qu’il :

  • a quitté le Canada pour la Colombie vers octobre 2000 et est revenu en mai 2001;
  • a passé toute l’année 2002 au Canada;
  • a quitté le Canada pour la Colombie vers octobre 2003 et est revenu au Canada en avril 2004Note de bas de page 11, et;
  • par la suite, il a passé environ six mois par année en Colombie et au Canada. Il quittait habituellement le Canada pour la Colombie en octobre et rentrait au Canada en avril suivant.

[13] Le requérant n’a été absent du Canada qu’une seule fois au cours de la période de trois ans entre octobre 2000 et octobre 2003. C’était pendant environ six mois, d’octobre 2000 à mai 2001. Il n’a pas abandonné ses liens solides avec le Canada, où il avait résidé de façon continue depuis janvier 1976. Rien n’indique qu’il ait établi des liens solides avec la Colombie pendant son absence.

[14] J’estime que cette absence n’a pas interrompu la résidence de longue date du requérant au Canada. Par conséquent, il a continué de résider au Canada jusqu’au 1er octobre 2003. Cela signifie qu’il a le droit de recevoir un crédit de trois années supplémentaires de résidence au Canada.

Le requérant résidait au Canada et en Colombie après octobre 2003.

[15] Les deux parties conviennent qu’à compter du mois d’octobre 2003, le requérant avait l’habitude d’être absent du Canada pendant environ six mois chaque année. Il quittait habituellement le Canada pour la Colombie en octobre et revenait en avril. Il passait autant de temps au Canada qu’en Colombie, passant six mois par année dans chaque paysNote de bas de page 12.

[16] Il avait également des liens solides dans chaque pays. Le ministre soutient que le requérant avait des liens plus forts en Colombie. Je ne suis pas d’accord. Je crois qu’une évaluation juste des divers facteurs établit qu’il avait des liens relativement égaux avec les deux pays.

[17] Je passe maintenant aux facteurs énoncés au paragraphe 7 ci-dessus.

Mode de vie et liens au Canada et en ColombieNote de bas de page 13.

[18] Le requérant est resté chez ses frères et sœurs lorsqu’il a commencé à passer six mois en Colombie. En 2005, il a rencontré sa copine. En 2006, il a acheté une maison. Depuis, il vit dans la maison avec sa copine lorsqu’il est en Colombie. Il n’a jamais été propriétaire d’une maison au Canada. Après 2003, il louait habituellement une chambre chez des amis. En Alberta, il a loué le sous-sol de la maison d’un ami avec qui il a travaillé dans le domaine de la construction, et en Colombie-Britannique, il a loué une chambre. Parfois, il est resté dans des maisons pendant qu’elles étaient rénovées. Il avait des vêtements de travail, des outils et un camion au Canada. Il les a laissés chez un ami. Il avait une assurance automobile au Canada qu’il résiliait lorsqu’il se rendait en Colombie et qu’il rétablissait à son retour. Il n’avait pas de voiture en Colombie.

[19] Au Canada, il a travaillé dans le domaine de la construction. Bien qu’il pouvait travailler en Colombie, il n’a pas cherché un emploi. Il ne croyait pas pouvoir en trouver en raison de son âge. Il vivait de ses économies quand il se trouvait en Colombie. Sa copine avait une petite épicerie qui la tenait occupée, mais qui ne rapportait pas d’argent. Elle ne voulait pas venir au Canada parce qu’elle avait encore plus de difficulté avec le froid que lui et elle ne parlait pas anglais.

[20] Il avait trois frères et sœurs en Colombie. Il avait de la famille au Canada. Il avait des amis dans les deux pays. Il avait des passeports des deux pays. L’an dernier, il a renouvelé son passeport canadien pendant 10 ans. Il a toujours produit des déclarations de revenus au Canada. Il n’a pas produit de déclarations de revenus en Colombie.

[21] Il avait une carte santé au Canada. Il n’avait pas d’assurance-maladie en Colombie. Il avait des cartes de bibliothèque dans les deux pays. Il avait des comptes bancaires dans les deux pays. Il avait une carte de crédit canadienne. Il n’avait pas de carte de crédit colombienne. Lorsqu’il se rendait en Colombie, il achetait habituellement un billet aller-retour avec une date de retour préciseNote de bas de page 14.

Régularité et durée des séjours au Canada et en Colombie.

[22] À partir de 2003, il passait régulièrement six mois au Canada, de la mi-avril à la mi-octobre. Il passait également six mois en Colombie, de la mi-octobre à la mi-avril.

Mode de vie et racines au Canada et en Colombie.

[23] À l’exception de 2001, le requérant a vécu au Canada à temps plein de 1976 à octobre 2003, devenant résident permanent, puis citoyen. Ses liens profondément enracinés et bien établis au Canada étaient son travail, sa citoyenneté et sa résidence de longue date. Ses liens profondément enracinés et bien établis en Colombie étaient les hivers plus modérés, sa maison et sa copine.

[24] J’estime que les liens du requérant et le temps passé dans chaque pays sont relativement égaux depuis octobre 2003.

[25] Le ministre soutient qu’une personne ne peut résider dans plus d’un pays à la fois. Toutefois, il ne fournit aucun fondement juridique ou aucune jurisprudence pour appuyer cette affirmation. Dans une décision qui ne me lie pas, une membre de la division d’appel (DA) de ce tribunal n’était pas d’accord. Elle a déclaré que ce pourrait être une erreur de droit de conclure qu’une personne peut résider dans un pays seulement aux fins de la SV. La principale considération consiste à soupeser les facteurs énoncés au paragraphe 7 ci-dessusNote de bas de page 15.

[26] Même si je ne suis pas lié par la décision de la DA, je la trouve utile, car après octobre 2003, le requérant a passé autant de temps au Canada qu’en Colombie. De plus, il avait des liens profonds et bien établis avec les deux pays ainsi que des liens égaux avec les deux pays. Il résidait au Canada d’octobre à avril. Il résidait en Colombie d’octobre à avril. Je conclus qu’il est plus probable qu’improbable que la résidence du requérant ait alterné entre le Canada et la Colombie pendant six mois de chaque année.

[27] J’ai examiné l’article 21(4)(a) du Règlement sur la SV. Selon la disposition sur les absences temporaires, toute période d’absence du Canada est réputée n’avoir pas interrompu la résidence d’une personne au Canada si elle est temporaire et ne dépasse pas un an. Je ne considère pas que cette disposition s’applique, car une série d’absences prolongées sur 13 années consécutives n’est pas [traduction] « de nature temporaire ». Une absence temporaire est une absence qui ne doit durer que pendant une période limitée. Bien que les absences du requérant aient été d’une durée limitée chaque année, la tendance des absences était d’une durée indéterminée.

[28] Le requérant a le droit d’être crédité d’une période de résidence supplémentaire pour six mois de chaque année, du 1er octobre 2003 au 1er octobre 2016 – six ans et demi de résidence supplémentaires. Il n’a droit à aucune période de résidence supplémentaire du 1er octobre 2016 au 13 janvier 2017 puisqu’il résidait en Colombie à cette époqueNote de bas de page 16.

Période de résidence recalculée du requérant

[29] À la lumière des conclusions que j’ai tirées aux paragraphes 13 et 27 ci‑dessus, j’ai calculé la période de résidence du requérant au Canada jusqu’à la date d’entrée en vigueur de sa demande de SV, soit février 2017, comme suit :

  • le ministre a calculé qu’il avait 24 ans et 338 jours de résidence au 1er octobre 2000;
  • le requérant a le droit de recevoir un crédit de trois autres années de résidence pour la période du 1er octobre 2000 au 1er octobre 2003;
  • le requérant a également le droit d’être crédité de six années et demie de résidence supplémentaires (6 ans et 182 jours) pour la période du 1er octobre 2003 au 1er octobre 2016.

[30] Le requérant a résidé au Canada pendant 34 ans et 155 jours. Comme les années sont arrondies à l’année inférieure, il a droit à une pension partielle équivalente à 34/40e d’une pleine pension de la SVNote de bas de page 17.

Le requérant n’est pas admissible à une pleine pension de la SV.

[31] Comme le requérant n’a pas 40 ans de résidence au Canada, pour être admissible à une pleine pension de la SV, il doit :

  1. 1. avoir atteint l’âge de 25 ans et résidé au Canada au 1er juillet 1977;
  2. 2. avoir soixante-cinq ans;
  3. 3. avoir résidé au Canada pendant les dix années précédant immédiatement la date d’agrément de sa demande, ou avoir été présent au Canada pendant au moins le triple des périodes d’absence du Canada au cours des dix années précédant l’agrément de sa demande ou avoir résidé au Canada pendant au moins l’année qui précède la date d’agrément de sa demande par le ministreNote de bas de page 18 [mis en évidence par le soussigné].

[32] Le requérant répond aux deux premières conditions, mais, selon mes conclusions, il ne répond pas à la troisième condition. Cela s’explique par le fait qu’il n’a pas résidé au Canada pendant au moins un an immédiatement avant le jour où le ministre a approuvé sa demande – il n’a résidé au Canada que pendant environ six mois de cette année.

[33] Je conclus que le requérant n’est pas admissible à une pleine pension de la SV.

Conclusion

[34] Le requérant a droit à une pension partielle de la SV plus élevée, à 34/40e d’une pleine pension, à compter de février 2017. Il n’a pas droit à la pleine pension de la SV.

[35] L’appel est accueilli en partie.

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